Une affaire vous concernant - Sébastien Martin - E-Book

Une affaire vous concernant E-Book

Sébastien Martin

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Beschreibung

Elena est une brillante directrice d'agence de notation. Paul-Loup, son mari, est un politicien à l'air bonhomme et aux pratiques douteuses. Tony, lui, est flic. Ou écrivain, c'est selon. Mais sait-on ce qui se cache derrière les apparences ? Une enquête policière, sur fond de dérèglement climatique, vient faire valser les identités et révéler la façon dont chacun se positionne face au désastre. Entre déni, oubli, accablement et perte de sens, voilà bien une affaire qui nous concerne tous. Une affaire vous concernant, c'est une comédie policière, une pièce à jouer ou à lire. Pour rire et réagir. Et si le rire pouvait nous réveiller ?

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PERSONNAGES

Elena

Directrice d’une agence de notation, la trentaine. S’aide d’une canne pour marcher.

Paul-Loup

Homme politique à l’air bonhomme. 55 ans.

Tony

Flic ou écrivain. 40 ans.

Le coach sportif

La grand-mère

La petite fille

Le bonneteur et ses compères

Sommaire

PERSONNAGES

Acte I, Scène 1

Acte I, scène 2

Acte I, Scène 3

Acte I, Scène 4

Acte I, Scène 5

Acte I, Scène 6

Acte I, Scène 7

Acte I, Scène 8

Acte II, Scène 1

Acte II, Scène 2

Acte II, Scène 3

Acte I, Scène 1

Paris 2019. Le salon d’un appartement confortable, moderne. Fin d’après-midi d’été. Il fait déjà sombre, l’orage menace.

Elena essaie de lire mais elle semble nerveuse. Paul-Loup est confortablement assis dans un fauteuil. Paisible bien qu’affairé, il zappe sur son smartphone, feuillette un journal et diverses revues. On entend le 3ème mouvement de la 3ème symphonie de Philip Glass.

Elena se lève pour baisser la musique. Elle marche en s’aidant d’une canne. Ayant regagné le canapé, elle peine toujours à rester concentrée sur sa lecture.

Elena, agacée

On n’y voit rien ! Dix-huit heures ! La nuit n’est pas encore là qu’elle se fait déjà sentir ! C’est pas vrai !

Paul-Loup se lève nonchalamment et allume une lampe avant de se rasseoir.

Elena

C’est mieux !

Toujours nerveuse, Elena se remet à lire. Paul-Loup augmente le volume avec sa télécommande.

Elena

Ah et puis éteins-moi cette musique !

Paul-Loup obtempère, sans y prêter attention, absorbé par ses journaux. Elena poursuit sa lecture, maintenant plus concentrée.

Elena

La vache, écoute-ça ! "Je suis dans l'œil du cyclone. Il n'y a plus de ciel. Tout est amalgame d'éléments. Il y a des montagnes d'eau autour de moi." (Pensive, elle répète plus lentement) "Je suis dans l'œil du cyclone. Il n'y a plus de ciel. Tout est amalgame d'éléments. Il y a des... »

Un éclair immédiatement suivi du tonnerre déchire le ciel.

Elena, sursautant

Ah !

Paul-Loup reste imperturbable. Elena se lève, se dirige vers la commode, où elle se verse un verre de vin. Elle observe le spectacle de l’orage à travers la baie vitrée. Dehors, il pleut à verse.

Elena, pensive

C’est le déluge !

Le téléphone sonne, elle répond, sèchement mais avec assurance.

Elena

Oui ? Non, je suis chez moi. (…) Directement, j’en ai profité. Dis-moi, qu’est-ce qu’il y a ? (…) OK (…) OK (…) C’est bon, j’ai compris. Hé bien tu lui dis non. (…) Non, je ne veux pas, c’est tout ! (…) Non, on ne change pas les plans ! Jamais ! (…) Je m’en fous, ce n’est pas une raison. (…) Elle ne touche à rien, on ne change rien, compris ? Quoi ? (…) Peur ? Elle a peur ? Non mais on est où, là ? (…) Oui, mais ça, je m’en fiche, ça ne me regarde pas. Ce sont ses problèmes, à elle. Tu entends ? à elle ! Alors, on la stoppe, on coupe, on cloisonne. Tant pis pour elle, il fallait y penser avant. C’est tout. (…) C’est tout, j’ai dit ! Au fait, c’est bien neuf heures la réunion ? (…) Très bien, je passerai à Wagram avant. (…) OK. (…) OK (…) Oui, je sais. (S’énervant) Mais je te l’ai dit comment ça allait se passer ! Tu veux que je te le répète ou quoi ? (…) Sûre ? Sinon, tu ouvres tes mails, tu retrouves celui que je t’ai envoyé hier à 17h43, oui 43, bien sûr, et tu verras tout y est dit. Tout. Et demain ça va se passer exactement comme il est écrit dans ce mail. Exactement. D’autres choses ? (…) C’est bon, y a pas de quoi. Oui ? (…) Oui ici aussi, c’est le déluge. (…) Ouais, ben écoute c’est comme ça, on va pas en faire un plat, si ? (…) Allez, c’est ça. A demain. Et... Prends soin de toi, hein !

Elena se laisse lourdement tomber sur le canapé.

Elena

Oufff, je ne suis pas aidée, moi ! Qu’est-ce t’en penses ? Et je sens la fatigue, là... Dis, c’est pas normal que je fatigue comme ça... J’ai toujours eu de l’énergie à revendre, dix mille trucs à l’heure, et là, lundi 18h, et y a plus personne...

Paul-Loup, distraitement

T’inquiète !

Elena reprend son livre.

Elena

T’as entendu ce que je lisais tout à l’heure ? "Je suis dans l'œil du cyclone. Il n'y a plus de ciel ; tout est amalgame d'éléments, il y a des montagnes d'eau autour de moi". Tu sais ce que c’est ? Les derniers mots d’un marin, tu connais peut-être toi, Alain Colas. Après, plus rien, disparu !

Paul-Loup, chantonnant la chanson d’Alain Chamfort Où es-tu Manu Manureva ?

Elena

Tu chantonnes ? Tu t’en fiches de ce que je dis, toi, hein ? Je te parle d’un gars qui va se noyer, et toi tu chantonnes ? Tu t’en fiches comme tu te fiches de tout de toute façon ! (Se levant soudainement, et marchant avec sa canne. Elle change de ton et s’emporte.) Hé bien moi je ne m’en fiche pas, figure-toi. Je ne m’en fiche pas, ça me touche. Ça m’atteint. Ça m’agace que ça m’atteigne mais ça m’atteint ! Je ne sais pas pourquoi ! Et j’aime pas ça ! Tu m’entends, j’aime pas ça ! Mais je n’y peux rien, j’ai le flair ! C’est ça ma force, même. Et là je le sens ! Je ne sais pas quoi, mais je le sens. Moi je te le dis, il y a quelque chose qui vibre, là, dans l’ombre, quelque chose qui se trame et c’est pas bon... J’aime pas ça, oooh que j’aime pas ça ! (Tentant soudainement de se calmer) Mais ! Je veux pas d’angoisse, pas d’angoisse ! C’est fini le temps de l’angoisse, c’est fini, ça ! OK ? C’est fini, fini, fini... (Elle se ressert un verre) Alors, non, tout va bien. Je le sais pourtant que tout va bien. Faut que je me calme... (Elle respire longuement) Y a de l’orage, mais tout va bien. Les murs, la maison... toi assis dans ton fauteuil… Touououut va bien... (Puis s’emportant subitement, là où on pouvait croire à une accalmie) Mais non, tout ne va pas bien ! Superwoman a des états d’âme ! Le monde entier la prend pour une femme forte ! Un roc ! La nana qui assure. Partout. En toute circonstance. Jamais prise à défaut. Toujours du répondant, toujours une solution. Ils en oublient ma canne et ils me prennent pour un chat... Un chat qui retombe toujours sur ses pattes. Et qui n’a peur de rien. Qui ne risque rien. Un chat qui aurait sept vies.

Paul-Loup

Ça !

Elena

Tu te rends compte, il y en a encore un qui m’a dit que j’avais un don pour dire l’avenir. Un ministre, tout à l’heure ! Il buvait mes paroles. Les types, ils ont tellement besoin de se raccrocher à quelque chose. Tu leur présentes un truc avec l’assurance de l’oracle, ils adhèrent. Ils veulent croire à une logique. Ça suffit pour les rassurer, ça les déculpabilise. Peu importe quelle logique, n’importe laquelle fait office de vérité. Alors moi je fais le job. Pas de problème, je suis très forte là-dessus. Et quand je fais le job, je n’ai aucun souci, moi aussi ça me rassure. Tout tient, même moi, il n’y a aucun problème... Mais sauf que là, moi je sens qu’il y a un problème, je le sens. Je ne sais pas encore lequel, mais il y a quelque chose... Tu restes bien silencieux, tu ne dis rien ?

Paul-Loup

Disons que... je laisse passer l’orage.

Elena

Quel orage ? Je ne suis pas en colère, je suis…

Paul-Loup

Angoissée. J’ai bien compris. Et je ne t’ai jamais vue comme ça, à vrai dire. Enfin, pas depuis… offf... Et je n’aime pas ça. Parce que moi c’est ton angoisse qui m’angoisse. Je n’ai pas besoin de ça. J’ai besoin de toi forte, tu le sais ma chérie, et sans état d’âme.

Elena

Tu ne sens pas toi qu’il y a quelque chose qui va se passer ?

Paul-Loup

Non, je ne sens rien. A part ce soir, là, un petit coup de vent, léger, très léger. Sinon, non je ne vois rien, je ne sens rien, je t’assure.

Elena

Rien ? Y a pas un truc qui menace ? T’entends pas comme un bruit d’éboulis au loin ? Les prémisses d’une avalanche ? Y a une digue qui va céder, et toi tu restes de marbre ! De marbre, tu entends ? Ça te fait penser à quoi le marbre ?

Paul-Loup

Ouhhh tu es bien agressive ! C’est la convocation qui te stresse comme ça ?

Elena

Non ! Enfin oui, bien sûr. Mais pas que, quoi ! C’est… Enfin, c’est quand même pas rien, cette convocation !

Paul-Loup

Tu as quelque chose à te reprocher ?

Elena

Tu rigoles ? « Une affaire vous concernant »…. Tu en connais beaucoup des affaires me concernant ?

Paul-Loup

Oh tu dois en avoir une palanquée, non ?

Elena, le fixant avec incrédulité

Tu… tu me laisses sans voix.

Paul-Loup

Je t’ai dit de ne pas t’en faire. Je m’en suis occupé, j’ai vu ça avec mon avocat. Il en a vu d’autres tu sais. Tu as bien fait de ne pas t’y rendre. C’est un commissariat de quartier. Moi j’ai passé deux trois coups de fil, c’est réglé, ils ne vont pas te reconvoquer.

Elena

Un commissariat de quartier ? Ah, c’est la meilleure !

Quel aplomb ! Tu es tellement sûr de toi ! Mais on ne sait même pas de quoi il est question…

Paul-Loup

Ha ben tu vois ! Tu dis tout et son contraire ! C’est toi qui te fais des films, qui penses tout de suite à tes trucs, là, tes affaires…

Elena

Mais…

Paul-Loup

Alors bien sûr qu’à ton poste, tu es forcément une cible, y a des tensions, des enjeux qui te dépassent, tu n’y peux rien. Mais rassure-toi, ça n’a certainement rien à voir avec ton boulot, ça peut très bien être juste un truc de voisinage, une dispute au septième, et ils recherchent un témoin…

Elena

Qu’est-ce que tu racontes ? Mais je ne te parle pas de mon boulot, pas plus que d’une dispute au septième, voyons !

Une affaire vous concernant, tu entends ? Hé oh, y a quelqu’un, là ? Tu fais semblant de pas comprendre ? T’as pas envie de voir, pas envie d’entendre, mais moi je te le dis, il va se passer quelque chose.

Paul-Loup

Mais non, voyons… Aie confiance un peu. Je me suis occupé de tout.

Elena

Mon cul !

Paul-Loup

Oh, tu m’agaces ! Pense à autre chose !