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Tom, un homme d’affaires prospère de Californie, voit sa vie bouleversée par un drame tragique. Incapable de surmonter cette épreuve au fil des années, tout bascule lorsqu’il rencontre Carolina, une jeune prostituée au passé trouble, lors d’une nuit sur un parking. Leur destin devient inexorablement lié, et Tom s’engage alors dans une quête pour la sauver d’un piège dont elle pensait ne jamais pouvoir s’échapper.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Né à Remiremont dans les Vosges,
Stéphane Amyot est un passionné de cinéma. À travers son roman captivant Attrape ma main, il offre une retranscription sensible de l’univers des séries et des films américains, enrichi d’une touche française qui dévoile cette histoire avec délicatesse.
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Seitenzahl: 235
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Stéphane Amyot
Attrape ma main
Roman
© Lys Bleu Éditions – Stéphane Amyot
ISBN : 979-10-422-3822-3
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L. 122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L. 122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivante du Code de la propriété intellectuelle.
Los Angeles ou le symbole du rêve américain, de Hollywood aux plages de Malibu, en passant par Beverly Hills et ses quartiers chics, la capitale californienne reste une destination idyllique. Randy Newman le chantait à tue-tête, « I Love LA », la foule enthousiaste lui répondant à chaque fois « We love it ! » Cela résumait plutôt bien l’amour inconditionnel des 4 millions d’Angelins pour leur ville de cœur. La Cité des Anges, de par son territoire gigantesque, sa richesse culturelle et son climat idéal, est un lieu qui ne laisse personne indifférent.
Tom Matthews faisait partie de ces habitants indéracinables, très attachés à leur terre d’origine. Jeune quadragénaire, ce fils unique d’un ancien patron de la firme Chevrolet, la célèbre marque automobile, avait lui aussi fait fortune. C’est dans l’industrie vidéoludique que Tom avait gravi un à un tous les échelons jusqu’à devenir directeur financier du studio DICE Los Angeles (Digital Illusions Creative Entertainment). Une réussite due en grande partie à sa persévérance, car dans son travail l’investissement était total, tout ce qu’il entreprenait, Tom le réalisait sans compter.
L’entreprise était un peu à son image, avec un cadre de travail conçu pour la collaboration. Les équipes étaient composées d’artistes, de concepteurs du son, d’animateurs, d’ingénieurs, de producteurs, et plus encore, car ces disciplines convergeaient pour mettre au point les expériences vidéoludiques les plus immersives qui soient.
La philosophie de Tom était de fournir un environnement ouvert et transparent, permettant une communication parfaite. Ambiance familiale avec la silhouette sur tableau de chacun des employés affichée dans le hall principal, comme pour symboliser l’importance du travail d’équipe.
Grand, sportif et beau garçon, il avait été surnommé « Angel » durant ses études, en raison de sa ressemblance flagrante avec l’acteur David Boreanaz, héros ténébreux de la série éponyme de Joss Whedon se déroulant à Los Angeles. C’est son lycée Torrance High School qui servait de décor à la série originale « Buffy contre les vampires », sous le nom de Sunnydale. Le célèbre soap-opéra « Beverly Hills 90210 », suivi à son apogée par 21,7 millions de spectateurs américains, avait été tourné dans ce même établissement. À l’époque, tout le monde connaissait les aventures des jumeaux Brenda et Brandon Walsh, de la blonde Kelly et du beau Dylan.
Lassé par les comparaisons incessantes avec l’acteur de « Angel », Tom avait été à une époque jusqu’à se teindre les cheveux en blond, sans grande réussite cependant. Dany Werston, son professeur de philosophie, l’avait raisonné une fois : « Tom, voyons, n’en fais pas un drame, c’est pas comme si t’étais le sosie de Danny DeVito ! » Vu sous cet angle, il n’avait effectivement pas tort…
L’anecdote la plus drôle était lorsqu’un de ses amis, Jeff Harris, avait imaginé un stratagème soi-disant infaillible pour approcher son idole, l’actrice Sarah Michelle Gellar. Avec un peu de culot et en s’aidant de la ressemblance de son ami avec Boreanaz, ils s’étaient rendus discrètement sur le tournage d’un épisode de Buffy et avaient réussi à duper plusieurs vigiles pour finir par se faire choper à l’entrée des studios. La honte mais un grand moment de rigolade et surtout une rencontre avec son « sosie » malgré un œil au beurre noir pour Jeff, dont l’arrogance n’avait pas plu à un garde du corps.
Si Tom était un garçon attachant, qui avait véritablement tout pour plaire, sa distance avec la gent féminine compliquait les relations sérieuses. À la différence de la plupart de ses amis, les aventures d’un soir n’étaient pas vraiment son truc. Bien sûr, il avait déjà fréquenté quelques filles lors de soirées, mais jamais rien de bien sérieux. Au contact des femmes, Tom n’était plus le même, il devenait plus réservé. Megan, pom pom girl de l’équipe de foot au lycée, pouvait en témoigner. Si elle était une des rares à avoir un temps apprivoisé la bête, elle s’était très vite lassée du tempérament introverti de l’individu. Première rupture pour Tom et premier chagrin d’amour. Début également d’une méfiance maladive envers le sexe opposé qui rendait son rapport avec les femmes compliqué. Tom souffrait de la disparition de sa mère, morte alors qu’il était enfant, et gardait certainement des séquelles de cette absence maternelle.
Il finira par trouver le grand amour en rencontrant Chelsea, lors d’une compétition de golf en 2004. Un coup de foudre conclu par un mariage après seulement quelques mois de vie commune. Tom et Chelsea formaient un couple fusionnel, un simple regard leur suffisait pour se comprendre et la tendresse dont ils faisaient preuve l’un envers l’autre était sincère. Avec cette femme à ses côtés, Tom comblait le seul manque dans sa vie, il se sentait enfin totalement épanoui.
Une lune de miel magique à Dubaï et l’achat d’une luxueuse maison sur Brentwood, leur vie avait de quoi attiser la jalousie des autres. Cerise sur le gâteau, quelques années plus tard, pour Tom, tout juste trentenaire, le 20 décembre 2009, à quelques jours de Noël, il réalisait son rêve de devenir papa ! La petite Déborah était désormais la plus grande fierté de la famille Matthews.
Argent, réussite, amour, bonheur, tous ces mots définissaient bien la vie passionnante du grand Tom durant toutes ces années, une vie parfaite où tout lui réussissait, jusqu’à ce jour sombre et tragique…
C’est un vendredi, le vendredi 25 juillet 2014, que tout a basculé en un instant…
Ce 25 juillet, le cours de sa vie s’est subitement effondré.
Sept longues années s’étaient écoulées depuis ce terrible drame.
Assis seul à la terrasse bondée d’un café en plein Lynwood, Tom observait les gens autour de lui. Pensif, il semblait à l’écart des autres clients, perdu dans son petit monde. Il saisit son verre et prit une bonne gorgée de whisky, évitant d’avaler un des trop nombreux glaçons. Déjà bien éméché, il grimaça brièvement et secoua la tête comme pour faire passer le goût de l’alcool. Lorsque le serveur s’approcha de sa table, Tom l’interpella d’un geste de la main et lui balança d’un ton un peu sec.
Surpris, le jeune serveur acquiesça sans mot dire, en temps normal il aurait sans doute placé un « et le s’il vous plaît ? » mais il avait bien compris que son client était un peu ivre. Le gamin déjà blasé rejoignit le comptoir.
Deux minutes plus tard, il déposait le verre et récupérait l’autre, vide. Tom constata avec satisfaction qu’un seul glaçon flottait maintenant dans son whisky. Il sortit un billet de son portefeuille et le tendit au serveur.
Le jeune avait un billet de 50 dollars dans les mains, il hésita un instant.
Le serveur lâcha un grand sourire et repartit tout joyeux à l’intérieur du bar. Le métier n’était pas toujours facile et financièrement les pourboires étaient les bienvenus pour cet étudiant à la recherche de quelques dollars pour payer ses études.
Tom, plus très clair, laissa échapper son portefeuille sous sa chaise en voulant le glisser dans sa poche, il se baissa pour le ramasser. L’étui orné d’un aigle gravé dans le cuir semblait précieux à la façon particulière dont il s’en saisit. Il souffla machinalement un coup dessus pour s’assurer qu’il n’était pas abîmé et observa l’espace d’un instant l’unique photo à l’intérieur, protégée d’un pochon plastique. Il referma son portefeuille pour le placer au fond de sa poche de jean et reprit une bonne gorgée de whisky, la mine défaite il grimaça de nouveau. Perdu au milieu de la foule, mais seul, il fixa un point au loin, songeur…
« Au plus beau soleil succèdent souvent les plus sombres nuages. »
Mai 2014
Zoo de Los Angeles
Énervé par la présence d’un public bruyant, le majestueux tigre du Bengale se leva en feulant, écourtant sa sieste pour aller se mettre à l’écart de la foule. Le puissant félin se déplaça avec grâce et disparut d’un bond dans l’épaisse végétation de son enclos. Chelsea, qui pointait le fauve du doigt, expliqua à Déborah que le gros matou en avait assez de voir les gens. Tigrou voulait être tranquille !
De l’autre côté de l’allée, derrière une épaisse baie vitrée, une magnifique panthère noire jouait l’équilibriste sur les branches d’un arbre. Elle se déplaçait avec facilité, ignorant les dizaines de personnes attroupées devant sa clôture.
La nature était une formidable source d’inspiration pour la gamine, entre les chimpanzés et leurs mimiques quasi humaines, les immenses girafes, les ours polaires ou les hippopotames, pas le temps de s’ennuyer durant cette journée au zoo. Déborah avait eu un coup de cœur pour les éléphants d’Afrique et leurs imposantes défenses d’ivoire, un de ces paisibles mastodontes avait eu la bonne idée d’aspirer l’eau du bassin avec sa trompe pour ensuite asperger copieusement la famille Matthews. Quel souvenir pour la petite qui reçut également une peluche en cadeau dans la boutique du parc pour terminer la visite dans la bonne humeur : un éléphanteau tout doux et tout mignon bien sûr.
Une belle journée en famille ponctuée par un repas au fast-food, collation plutôt inhabituelle mais qui faisait tellement plaisir à Déborah. Frites, hamburger et soda, le tiercé gagnant pour la gamine avec en bonus une bonne glace enrobée de caramel, Tom et Chelsea se contentèrent d’une salade caesar et trinquèrent pour le fun avec un Coca-Cola.
Au retour, ils déposèrent Déborah chez la nounou pour aller sur Robertson Boulevard et arrivèrent pile à l’heure chez Baruc Tattoo. Chelsea avait rendez-vous à 21 h, depuis le temps qu’elle en rêvait de son tatouage. La devanture de la boutique ressemblait à l’entrée d’une boîte de nuit, avec des jeux de lumière et une grosse porte ornée d’un hublot. Un videur semblait même filtrer le passage, il s’agissait en fait de Jake, un tatoueur au physique imposant qui fumait sa cigarette, il venait de finir une Harley Davidson sur le torse d’un sexagénaire aux allures de Bruce Willis et prenait une petite pause. Tom, qui n’avait pas le moindre tatouage, ne voulait pour rien au monde de ce genre d’artifice mais respectait le choix de son épouse. Lorsqu’elle prit place sur le fauteuil, il ne put s’empêcher d’avoir un fou rire nerveux. Le tatoueur, très réputé dans le milieu, un dénommé Jason Miller, ne devait pas avoir plus de 20 ans, des piercings éparpillés sur le visage, le crâne rasé avec un tribal derrière la tête, des vêtements en cuir ornés de pointes, Tom n’avait pas d’a priori mais n’était pas fan de ce genre de look peu discret.
Affalé sur un rocking-chair recouvert d’une pseudo peau de panthère, Tom patienta environ une heure, bercé par le bruit du pistolet et les gémissements de sa femme. Pas une partie de plaisir ! pensa-t-il, en souriant. N’ayant plus de batterie sur son portable, il feuilleta à défaut l’une des revues posées sur la petite table, attiré par une couverture avec la photo d’un homme recouvert d’un tatouage du Terminator sur le dos. Comment peut-on se faire dessiner des trucs comme ça sur le corps ? s’interrogea Tom. Et ce n’était rien comparé aux pages suivantes, une femme avec un Homer Simpson sur le bas-ventre, une autre avec un diable rouge sur la fesse et le plus choquant, qui lui fit définitivement refermer le magazine, un homme assez obèse avec sur son gros ventre le dessin d’une horde de zombies sanguinolents. Quelle horreur ! Jamais je ne me ferai un tatouage, c’est une certitude ! jura-t-il.
Interrompu dans ses pensées, il se leva un peu vite et marqua un temps d’arrêt, la vision obscurcie par un voile noir et quelques petites étoiles. Il s’approcha en essayant de se cacher les yeux avec ses mains. Elle tendit fièrement son poignet, la peau un peu gonflée et rougie par les incessantes piqûres des aiguilles du dermographe, le tatouage était parfaitement réussi et représentait un arbre de vie. Symbole de l’immortalité, de la force de la vie et de ses origines, c’était pour Chelsea une manière d’afficher son désir d’amour éternel auprès de Tom.
Le gamin, amusé par leur conversation, lui appliqua de nouveau un peu de gel sur la peau qu’il recouvrit d’un film plastique. Il conseilla à Chelsea d’éviter une exposition prolongée au soleil les prochaines semaines. Tom fouilla dans sa veste et paya la note en liquide, laissant un bon pourboire à l’artiste. Ils sortirent de la boutique main dans la main, contents de respirer un air frais, la journée avait été éprouvante avec cette sortie au zoo et ce passage chez le tatoueur, mais les amoureux n’en avaient pas encore assez.
Tom s’esclaffa bruyamment.
Les chamailleries terminées, ils se mirent d’accord pour aller voir le dernier blockbuster de Christopher Nolan.
Errants dans la douceur d’une nuit de mai, noyés dans la fourmilière de Los Angeles, la ville aux multiples facettes, Chelsea et Tom se sentaient pourtant seuls, comme deux amoureux au premier jour. Ils ne cessaient d’échanger des regards complices. Après plus de 10 ans passés ensemble, ils ressentaient toujours la même passion l’un pour l’autre.
Une amie de Chelsea avait un jour demandé à Tom quel était son secret pour entretenir aussi intensément la flamme, il avait répondu avec philosophie : « On se parle comme de meilleurs amis, on joue comme des enfants, on se dispute comme mari et femme et on se protège comme frère et sœur ! »
Mai 2014
Rio – Brésil
Le Kalabria Club à Copacabana est la référence des boîtes de nuit. C’est l’endroit idéal pour passer une nuit inoubliable et un immense lieu de débauche plutôt réservé aux adultes. Laynara n’avait que 16 ans, mais des rêves plein la tête, et une envie folle de s’amuser. Véritable joyau issu des quartiers pauvres de Rio, elle était d’une beauté fascinante, son visage d’ange et son regard ensorcelant avaient la faculté d’envoûter n’importe quel homme. Laynara prenait seulement conscience de cette emprise sur la gent masculine. Elle apprenait désormais à s’en servir, mais avec prudence.
Ce soir-là, elle était avec sa meilleure copine Paloma. Les deux amies inséparables avaient été invitées par Gilberto, un homme d’une quarantaine d’années, rencontré dans un bar de Rio quelques heures plus tôt. C’est la première fois, grâce à lui, qu’elles avaient l’occasion de rentrer dans cette boîte très réputée au Brésil. La naïveté de la jeunesse pouvait coûter cher, comme l’innocence de ces deux gamines propulsées dans le monde dangereux de la nuit…
Affalé sur une banquette du bar, le cigare coincé entre les lèvres, Gilberto proposa aux filles un premier verre de champagne en soufflant une épaisse fumée, il reluqua avec fierté ses conquêtes d’un soir, content d’avoir réussi à les amadouer jusque-là. Il sortait facilement les billets de son portefeuille, imaginant sans doute aboutir de la sorte à des fins moins morales.
Laynara observait autour d’elle, savourant chaque instant, l’ambiance était tellement prenante. Son pied droit bougeait tout seul au rythme de la musique. Les jeux de lumière scintillaient dans ses yeux bleus et le son du disc-jockey faisait tout simplement vibrer la totalité de son corps. Ce soir, elle se réjouissait d’être éloignée des favelas et de son petit poste radio qui grésille sans cesse. Elle était loin des soucis quotidiens des quartiers pauvres de Rio de Janeiro.
Sa copine Paloma se leva en premier pour rejoindre le dancefloor, Laynara avala une gorgée de la coupe de Roederer comme pour se donner du courage puis lui emboîta le pas. La jolie Brésilienne, quelque peu imbibée d’alcool, n’avait plus froid aux yeux. Au milieu de la foule, les deux gazelles se déhanchaient avec élégance aux sons de la DJ Anna qui enflammait la salle avec ses mix endiablés.
Un grand gaillard en costume sombre, plutôt élégant, chapeau vissé sur la tête, s’approcha de Gilberto en lui murmurant quelques mots à l’oreille. Il s’assit à ses côtés tout en consultant brièvement son portable, puis les deux hommes échangèrent un long moment. Gilberto fit ensuite signe aux deux gamines de les rejoindre.
Il retira son chapeau et poursuivit la conversation.
Ce « Sergio » continua à complimenter les demoiselles, montrant sur son téléphone des photos de ses mannequins, de son entreprise et de ses futurs objectifs… Un petit manège bien rôdé mais un peu trop gros pour une fille intelligente comme Laynara qui se contentait de hocher machinalement la tête sans y prêter grand intérêt.
Les paroles étaient belles, le discours rondement mené mais Laynara savait qu’il fallait se méfier, le trajet jusqu’au Kalabria avait déjà été une sacrée prise de risque qu’elle n’aurait jamais tenté si Paloma n’avait pas été à ses côtés. Alors, quitter sa famille et son pays pour partir à l’inconnu, même pas en rêve !
Sa mère Gabriela lui disait toujours de ne faire confiance à personne, une fille aussi jolie attirait bien les convoitises…
Paloma la première, sentant le traquenard, remballa le beau parleur et incita sa copine à la suivre sur la piste de danse.
Elles profitèrent tout le reste de la soirée du dancefloor sous le regard rancunier de Gilberto, fâché de s’être fait rembarrer de la sorte par deux gamines. Paloma et Laynara dansèrent non-stop, les bras levés au milieu de la foule, dans la chaleur étouffante d’une salle comble, savourant chaque instant de cette nuit de folie. Les canons à fumée crachaient un épais voile blanchâtre dans lequel les lasers semblaient se figer, la musique résonnait à même le sol, les corps rebondissant dessus à l’unisson, DJ Anna mettait l’ambiance comme jamais au Kalabria.
À quatre heures du matin, les filles quittaient enfin le club, épuisées mais soucieuses de trouver un moyen de locomotion pour rentrer. Paloma, après réflexion commune, avait préféré appeler un taxi, pas question de rentrer avec un inconnu à cette heure de la nuit, quitte à payer quelques réaux. Elles avancèrent un peu dans la rue, contentes de se rafraîchir un peu en prenant l’air de l’extérieur.
Appuyées sur un muret, elles observaient au loin l’entrée du Kalabria. Une Mercedes noire aux vitres teintées ralentit à la hauteur des jeunes filles, marquant un temps d’arrêt, avant de repartir étrangement en trombe.
Paloma avait ce don de prendre toujours tout à la légère, ce qui agaçait souvent sa meilleure amie.
Un jeune homme torse nu, totalement éméché, venait de se faire sortir manu militari par l’imposant videur. Il déambula péniblement sur le trottoir avant de s’agripper à un lampadaire, la tête inclinée vers le bitume, il se mit à vomir sous l’œil écœuré des filles.
À cet instant, distraites par le mec complètement bourré, elles n’entendirent pas une vieille fourgonnette blanche approcher juste derrière. En l’espace de quelques secondes, les portières s’ouvrirent et trois hommes cagoulés foncèrent tête baissée vers les gamines. Laynara, surprise et terrifiée, fut saisie de force par deux d’entre eux. Le souffle coupé, paralysée par la peur, elle tenta bien de se débattre en criant mais se retrouva en un rien de temps propulsée au fond du van. Paloma hurla en frappant l’homme qui essayait de la traîner par les cheveux à l’arrière du véhicule, elle parvint à mordre la main de son agresseur et réussit à s’en défaire sous l’œil médusé du gars beurré qui criait à l’aide. Le kidnappeur abandonna, pressé par ses acolytes, et s’empressa de sauter dans la camionnette qui démarra sur les chapeaux de roue, emportant Laynara.
Paloma, allongée sur le sol, toute tremblotante et en larmes, ne réalisait pas encore ce qui venait de se produire. Elle ne prenait pas conscience qu’elle avait échappé au pire, à la différence de son amie. Quelques personnes, averties par les cris, s’étaient précipitées sur les lieux mais il était trop tard. La scène n’avait pas duré une minute. La police, aussitôt alertée, vint procéder aux constatations d’usage, mais sans description des agresseurs ni plaque d’immatriculation, la tâche allait être compliquée. La zone était très vite ratissée à la recherche d’une fourgonnette blanche, mais cette fouille s’avéra infructueuse. La caméra de surveillance du club ne permettra pas d’en savoir plus, l’angle n’étant pas suffisamment ouvert pour distinguer le lieu concerné.
Prise en charge par un médecin et transportée aux urgences pour des examens de contrôle, Paloma fut rejointe par la famille de Laynara. Sa mère Gabriela, totalement effondrée, chercha bien des explications mais il fallait se rendre à l’évidence, les chances de retrouver sa fille s’amenuisaient à chaque instant.
Recroquevillée dans le coin de la fourgonnette, Laynara sanglotait, fuyant du regard les trois hommes accroupis à ses côtés. Ils avaient retiré leur cagoule et leurs consignes avaient été on ne peut plus claires :
Laynara s’était contentée d’acquiescer d’un mouvement de tête. Paniquée et encore sous le choc, elle sentait son cœur palpiter, comme si sa vie ne tenait plus qu’à un fil.
Le véhicule qui n’avait pas cessé de rouler devait déjà être bien loin, réfléchit-elle en baissant les yeux après avoir croisé le regard de celui qui semblait donner les ordres. Qu’allaient-ils faire d’elle ? La tuer, la violer ? Elle n’osait pas y penser et essayait de garder son sang-froid. Ils seraient bien obligés de s’arrêter à un moment ou un autre.
L’un d’eux sortit un vieux téléphone à clapet et sembla rédiger maladroitement un message, gêné par les secousses. La fourgonnette, qui avait ralenti, venait de s’engager sur un chemin de pierre. Elle ne tarda pas à s’arrêter. Laynara retint son souffle lorsqu’il pointa un deuxième téléphone plus récent dans sa direction pour la photographier.
Cigarette au bec, il prit quelques clichés supplémentaires après lui avoir au préalable passé un coup de serviette sur le visage et arrangé quelque peu sa longue crinière.
Les trois gars sortirent du véhicule, claquant les portes battantes. Seule au fond du van, blottie contre la paroi froide, elle n’osa rien tenter d’irréfléchi, pétrifiée par une peur jusque-là inconnue.
Août 2021
Los Angeles
Une terrible averse s’abattait sur l’immense toiture du Del Amo Fashion Center, le bruit incessant de la pluie résonnait dans l’enceinte du grand établissement. Des trombes d’eau ruisselaient à l’entrée de la galerie, les gens trempés rentraient précipitamment pour s’abriter, secouant leur parapluie.
Tom, songeur, observait depuis la baie vitrée de son bureau le va-et-vient incessant des clients qui affluaient pour profiter des nombreuses boutiques du cinquième plus grand centre commercial des États-Unis. Il en était désormais le directeur financier, un poste obtenu depuis peu grâce à son meilleur ami Peter Harvey à qui il devait beaucoup. C’est avec son aide qu’il avait réussi à remonter la pente, après être passé tout près du pire. Sans Peter, il ne serait sans doute plus là et il le savait bien.