Contes et nouvelles en vers - Jean de La Fontaine - E-Book

Contes et nouvelles en vers E-Book

Jean de La Fontaine

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Beschreibung

Moins connus que les fables, ces contes vous enchanteront. Précision importante: Ces contes ne sont pas à destination des enfants. Plutôt licencieux, même si écrits en langage très châtié, le public visé est clairement adulte...

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Veröffentlichungsjahr: 2022

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Contes et nouvelles en vers

Contes et nouvelles en versLIVRE QUATRIÈMELIVRE CINQUIÈMECONTES APOCRYPHESPage de copyright

Contes et nouvelles en vers

Jean de La Fontaine 

LIVRE QUATRIÈME

Comment l’esprit vient aux filles

Il est un jeu divertissant sur tous,

Jeu dont l’ardeur souvent se renouvelle :

Ce qui m’en plaît, c’est que tant de cervelle

N’y fait besoin, et ne sert de deux clous.

Or devinez comment ce jeu s’appelle.

Vous y jouez ; comme aussi faisons-nous :

Il divertit et la laide et la belle :

Soit jour, soit nuit, à toute heure il est doux ;

Car on y voit assez clair sans chandelle.

Or devinez comment ce jeu s’appelle.

Le beau du jeu n’est connu de l’époux ;

C’est chez l’amant que ce plaisir excelle :

De regardants pour y juger des coups,

Il n’en faut point, jamais on n’y querelle.

Or devinez comment ce jeu s’appelle.

Qu’importe-t-il ? sans s’arrêter au nom,

Ni badiner là-dessus davantage,

Je vais encor vous en dire un usage,

Il fait venir l’esprit et la raison.

Nous le voyons en mainte bestiole.

Avant que Lise allât en cette école,

Lise n’était qu’un misérable oison.

Coudre et filer c’était son exercice ;

Non pas le sien, mais celui de ses doigts ;

Car que l’esprit eût part à cet office,

Ne le croyez ; il n’était nuls emplois

Où Lise pût avoir l’âme occupée :

Lise songeait autant que sa poupée.

Cent fois le jour sa mère lui disait :

« Va-t-en chercher de l’esprit malheureuse. »

La pauvre fille aussitôt s’en allait

Chez les voisins, affligée et honteuse,

Leur demandant où se vendait l’esprit.

On en riait ; à la fin l’on lui dit :

« Allez trouver père Bonaventure,

Car il en a bonne provision. »

Incontinent la jeune créature

S’en va le voir, non sans confusion :

Elle craignait que ce ne fût dommage

De détourner ainsi tel personnage.

« Me voudrait-il faire de tels présents,

À moi qui n’ai que quatorze ou quinze ans ?

Vaux-je cela ? » disait en soi la belle.

Son innocence augmentait ses appas :

Amour n’avait à son croc de pucelle

Dont il crut faire un aussi bon repas.

« Mon Révérend, dit-elle au béat homme

Je viens vous voir ; des personnes m’ont dit

Qu’en ce couvent on vendait de l’esprit :

Votre plaisir serait-il qu’à crédit

J’en pusse avoir ? non pas pour grosse somme ;

À gros achat mon trésor ne suffit :

Je reviendrai s’il m’en faut davantage :

Et cependant prenez ceci pour gage. »

À ce discours, je ne sais quel anneau

Qu’elle tirait de son doigt avec peine

Ne venant point, le père dit : « Tout beau

Nous pourvoirons à ce qui vous amène

Sans exiger nul salaire de vous :

Il est marchande et marchande, entre nous ;

À l’une on vend ce qu’à l’autre l’on donne.

Entrez ici ; suivez-moi hardiment ;

Nul ne nous voit, aucun ne nous entend,

Tous sont au chœur ; le portier est personne

Entièrement à ma dévotion ;

Et ces murs ont de la discrétion.

Elle le suit ; ils vont à sa cellule. »

Mon Révérend la jette sur un lit,

Veut la baiser ; la pauvrette recule

Un peu la tête ; et l’innocente dit :

« Quoi c’est ainsi qu’on donne de l’esprit ?

– Et vraiment oui, repart Sa Révérence ; »

Puis il lui met la main sur le téton :

« Encore ainsi ? – Vraiment oui ; comment donc ? »

La belle prend le tout en patience :

Il suit sa pointe ; et d’encor en encor

Toujours l’esprit s’insinue et s’avance,

Tant et si bien qu’il arrive à bon port.

Lise riait du succès de la chose.

Bonaventure à six moments de là

Donne d’esprit une seconde dose.

Ce ne fut tout, une autre succéda ;

La charité du beau père était grande.

« Et bien, dit-il, que vous semble du jeu ?

– À nous venir l’esprit tarde bien peu, »

Reprit la belle ; et puis elle demande

« Mais s’il s’en va ? – S’il s’en va ? nous verrons

D’autres secrets se mettent en usage

– N’en cherchez point, dit Lise, davantage ;

De celui-ci nous nous contenterons

– Soit fait, dit-il, nous recommencerons

Au pis aller, tant et tant qu’il suffise. »

Le pis aller sembla le mieux à Lise

Le secret même encor se répéta

Par le Pater ; il aimait cette danse.

Lise lui fait une humble révérence ;

Et s’en retourne en songeant à cela.

Lise songer ! quoi déjà Lise songe !

Elle fait plus, elle cherche un mensonge,

Se doutant bien qu’on lui demanderait,

Sans y manquer, d’où ce retard venait

Deux jours après sa compagne Nanette

S’en vient la voir pendant leur entretien

Lise rêvait : Nanette comprit bien,

Comme elle était clairvoyante et finette,

Que Lise alors ne rêvait pas pour rien.

Elle fait tant, tourne tant son amie,

Que celle-ci lui déclare le tout.

L’autre n’était à l’ouïr endormie.

Sans rien cacher, Lise de bout en bout

De point en point lui conte le mystère,

Dimensions de l’esprit du beau père,

Et les encore, enfin tout le phébé.

« Mais vous, dit-elle, apprenez-nous de grâce

Quand et par qui l’esprit vous fut donné. »

Anne reprit : « Puisqu’il faut que je fasse

Un libre aveu, c’est votre frère Alain

Qui m’a donné de l’esprit un matin.

– Mon frère Alain ! Alain ! s’écria Lise,

Alain mon frère ! ah je suis bien surprise ;

Il n’en a point ; comme en donnerait-il ?

– Sotte, dit l’autre, hélas tu n’en sais guère :

Apprends de moi que pour pareille affaire

Il n’est besoin que l’on soit si subtil.

Ne me crois-tu ? sache-le de ta mère ;

Elle est experte au fait dont il s’agit ;

Si tu ne veux, demande au voisinage ;

Sur ce point-là l’on t’aura bientôt dit :

Vivent les sots pour donner de l’esprit. »

Lise s’en tint à ce seul témoignage,

Et ne crut pas devoir parler de rien.

Vous voyez donc que je disais fort bien

Quand je disais que ce jeu-là rend sage.

L’Abbesse

L’exemple sert, l’exemple nuit aussi :

Lequel des deux doit l’emporter ici,

Ce n’est mon fait ; l’un dira que l’abbesse

En usa bien, l’autre au contraire mal,

Selon les gens : bien ou mal je ne laisse

D’avoir mon compte, et montre en général,

Par ce que fit tout un troupeau de nonnes,

Qu’ouailles sont la plupart des personnes ;

Qu’il en passe une, il en passera cent ;

Tant sur les gens est l’exemple puissant.

Je le répète, et dis, vaille que vaille,

Le monde n’est que franche moutonnaille.

Du premier coup ne croyez que l’on aille

À ses périls le passage sonder ;

On est longtemps à s’entre-regarder ;

Les plus hardis ont-ils tenté l’affaire,

Le reste suit, et fait ce qu’il voit faire.

Qu’un seul mouton se jette en la rivière,

Vous ne verrez nulle âme moutonnière

Rester au bord, tous se noieront à tas.

Maître François en conte un plaisant cas.

Ami lecteur, ne te déplaira pas,

Si sursoyant ma principale histoire

Je te remets cette chose en mémoire.

Panurge allait l’oracle consulter.

Il naviguait, ayant dans la cervelle,

Je ne sais quoi qui vint l’inquiéter.

Dindenaut passe ; et médaille l’appelle

De vrai cocu. Dindenaut dans sa nef

Menait moutons. « Vendez-m’en un, » dit l’autre.

« Voire, reprit Dindenaut, l’ami notre,

Penseriez-vous qu’on put venir à chef

D’assez priser ni vendre telle aumaille ? »

Panurge dit : « Notre ami, coûte et vaille,

Vendez-m’en un pour or ou pour argent. »

Un fut vendu. Panurge incontinent

Le jette en mer ; et les autres de suivre.

Au diable l’un, à ce que dit le livre,

Qui demeura. Dindenaut au collet

Prend un bélier, et le bélier l’entraîne.

Adieu mon homme : il va boire au godet.

Or revenons : ce prologue me mène

Un peu bien loin. J’ai posé dès l’abord

Que tout exemple est de force très grande :

Et ne me suis écarté par trop fort

En rapportant la moutonnière bande

Car notre histoire est d’ouailles encor.

Une passa, puis une autre, et puis une :

Tant qu’à passer s’entre-pressant chacune

On vit enfin celle qui les gardait

Passer aussi : c’est en gros tout le conte :

Voici comment en détail on le conte.

Certaine abbesse un certain mal avait

Pâles couleurs nommé parmi les filles :

Mal dangereux, et qui des plus gentilles

Détruit l’éclat, fait languir les attraits.

Notre malade avait la face blême

Tout justement comme un saint de carême,

Bonne d’ailleurs, et gente à cela près.

La Faculté sur ce point consultée,

Après avoir la chose examinée,

Dit que bientôt Madame tomberait

En fièvre lente, et puis qu’elle mourrait.

Force sera que cette humeur la mange ;

À moins que de… l’à moins est bien étrange

À moins enfin qu’elle n’ait à souhait

Compagnie d’homme. Hippocrate ne fait

Choix de ses mots, et tant tourner ne sait.

« Jésus, reprit toute scandalisée

Madame abbesse : hé que dites-vous là ?

Fi. – Nous disons, repartit à cela

La Faculté, que pour chose assurée

Vous en mourrez, à moins d’un bon galant

Bon le faut-il, c’est un point important :

Autre que bon n’est ici suffisant

Et si bon n’est deux en prendrez Madame. »

Ce fut bien pis ; non pas que dans son âme

Ce bon ne fût par elle souhaité

Mais le moyen que sa communauté

Lui vît sans peine approuver telle chose ?

Honte souvent est de dommage cause.

Sœur Agnès dit : « Madame croyez-les.

Un tel remède est chose bien mauvaise,

S’il a le goût méchant à beaucoup près

Comme la mort. Vous faites cent secrets

Faut-il qu’un seul vous choque et vous déplaise ?

– Vous en parlez, Agnès, bien à votre aise,

Reprit l’abbesse : or, ca, par votre Dieu,

Le feriez-vous ? mettez-vous en mon lieu.

– Oui da, Madame ; et dis bien davantage :

Votre santé m’est chère jusque-là

Que s’il fallait pour vous souffrir cela,

Je ne voudrais que dans ce témoignage

D’affection pas une de céans

Me devançât. Mille remerciements

À Sœur Agnès donnés par son abbesse

La Faculté dit adieu là-dessus

Et protesta de ne revenir plus.

Tout le couvent se trouvait en tristesse,

Quand sœur Agnès qui n’était de ce lieu

La moins sensée, au reste bonne lame,

Dit a ses sœurs : « Tout ce qui tient Madame

Est seulement belle honte de Dieu.

Par charité n’en est-il point quelqu’une

Pour lui montrer l’exemple et le chemin ?

Cet avis fut approuvé de chacune :

On l’applaudit, il court de main en main.

Pas une n’est qui montre en ce dessein

De la froideur, soit nonne, soit nonnette,

Mère prieure, ancienne, ou discrète,

Le billet trotte : on fait venir des gens

De toute guise, et des noirs, et des blancs,

Et des tannés L’escadron, dit l’histoire,

Ne fut petit, ni comme l’on peut croire

Lent à montrer de sa part le chemin.

Ils ne cédaient à pas une nonnain

Dans le désir de faire que Madame

Ne fut honteuse, ou bien n’eut dans son âme

Tel récipe possible à contrecœur

De ses brebis à peine la première

A fait le saut, qu’il suit une autre sœur.

Une troisième entre dans la carrière.

Nulle ne veut demeurer en arrière.

Presse se met pour n’être la dernière

Qui ferait voir son zèle et sa ferveur

À mère abbesse. Il n’est aucune ouaille

Qui ne s’y jette ; ainsi que les moutons

De Dindenaut dont tantôt nous parlions

S’allaient jeter chez la gent porte-écaille.

Que dirai plus ? enfin l’impression

Qu’avait l’abbesse encontre ce remède,

Sage rendue à tant d’exemples cède.

Un jouvenceau fait l’opération

Sur la malade. Elle redevient rose,

Œillet, aurore, et si quelque autre chose

De plus riant se peut imaginer.

Ô doux remède, ô remède à donner,

Remède ami de mainte créature,

Ami des gens, ami de la nature,

Ami de tout, point d’honneur excepté.

Point d’honneur est une autre maladie :

Dans ses écrits Madame Faculté

N’en parle point. Que de maux en la vie !

Les Troqueurs

Le changement de mets réjouit l’homme :

Quand je dis l’homme, entendez qu’en ceci

La femme doit être comprise aussi :

Et ne sais pas comme il ne vient de Rome

Permission de troquer en hymen ;

Non si souvent qu’on en aurait envie,

Mais tout au moins une fois en sa vie :

Peut-être un jour nous l’obtiendrons. Amen,

Ainsi soit-il ; semblable indult en France

Viendrait fort bien, j’en réponds, car nos gens

Sont grands troqueurs, Dieu nous créa changeants.

Près de Rouen, pays de sapience,

Deux villageois avaient chacun chez soi

Forte femelle, et d’assez bon aloi,

Pour telles gens qui n’y raffinent guère ;

Chacun sait bien qu’il n’est pas nécessaire

Qu’amour les traite ainsi que des prélats.

Avint pourtant que tous deux étant las

De leurs moitiés, leur voisin le notaire

Un jour de fête avec eux chopinait.

Un des manants lui dit : « Sire Oudinet,

J’ai dans l’esprit une plaisante affaire.

Vous avez fait sans doute en votre temps

Plusieurs contrats de diverse nature,

Ne peut-on point en faire un ou les gens

Troquent de femme ainsi que de monture ?

Notre pasteur a bien changé de cure :

La femme est-elle un cas si différent ?

Et pargué non ; car messire Grégoire

Disait toujours, si j’ai bonne mémoire :

« Mes brebis sont ma femme » : cependant

Il a changé : changeons aussi compère.

– Très volontiers, reprit l’autre manant ;

Mais tu sais bien que notre ménagère

Est la plus belle : or ça, Sire Oudinet,

Sera-ce trop s’il donne son mulet

Pour le retour ? – Mon mulet ? et parguenne

Dit le premier des villageois susdits,

Chacune vaut en ce monde son prix ;

La mienne ira but à but pour la tienne ;

On ne regarde aux femmes de si près :

Point de retour, vois-tu, compère Étienne,

Mon mulet, c’est… c’est le roi des mulets.

Tu ne devrais me demander mon âne

Tant seulement : troc pour troc, touche là. »

Sire Oudinet raisonnant sur cela

Dit : « Il est vrai que Tiennette a sur Jeanne

De l’avantage, à ce qu’il semble aux gens ;

Mais le meilleur de la bête à mon sens

N’est ce qu’on voit ; femmes ont maintes choses

Que je préfère, et qui sont lettres closes ;

Femmes aussi trompent assez souvent

Jà ne les faut éplucher trop avant.

Or sus voisins, faisons les choses nettes

Vous ne voulez chat en poche donner

Ni l’un ni l’autre, allons donc confronter

Vos deux moitiés comme Dieu les a faites. »

L’expédient ne fut goûté de tous :

Trop bien voilà messieurs les deux époux

Qui sur ce point triomphent de s’étendre

« Tiennette n’a ni suros ni malandre, »

Dit le second. « Jeanne, dit le premier,

A le corps net comme un petit denier ;

Ma foi c’est basme. – Et Tiennette est ambroise,

Dit son époux ; telle je la maintien. »

L’autre reprit : « Compère tiens-toi bien ;

Tu ne connais Jeanne ma villageoise ;

Je t’avertis qu’à ce jeu… m’entends-tu ? »

L’autre manant jura : « Par la vertu,

Tiennette et moi nous n’avons qu’une noise,

C’est qui des deux y sait de meilleurs tours ;

Tu m’en diras quelques mots dans deux jours :

À toi Compère. » Et de prendre la tasse,

Et de trinquer ; « Allons, Sire Oudinet,

À Jeanne ; top ; puis à Tiennette ; masse. »

Somme qu’enfin la soulte du mulet

Fut accordée, et voilà marché fait.

Notre notaire assura l’un et l’autre

Que tels traités allaient leur grand chemins :

Sire Oudinet était un bon apôtre

Qui se fit bien payer son parchemin.

Par qui, payer ? par Jeanne et par Tiennette.

II ne voulut rien prendre des maris.

Les villageois furent tous deux d’avis

Que pour un temps la chose fut sécrète ;

Mais il en vint au curé quelque vent.

Il prit aussi son droit ; je n’en assure,

Et n’y étais ; mais la vérité pure

Est que curés y manquent peu souvent.

Le clerc non plus ne fit du sien remise ;

Rien ne se perd entre les gens d’Église.

Les permuteurs ne pouvaient bonnement

Exécuter un pareil changement

Dans ce village, à moins que de scandale :

Ainsi bientôt l’un et l’autre détale,

Et va planter le piquet en un lieu

Où tout fut bien d’abord moyennant Dieu.

C’était plaisir que de les voir ensemble.

Les femmes même, a l’envi des maris

S’entre-disaient en leurs menus devis :

« Bon fait troquer, Commère, à ton avis ?

Si nous troquions de valet ? que t’en semble ? »

Ce dernier troc, s’il se fit, fut secret.

L’autre d’abord eut un très bon effet.

Le premier mois très bien ils s’en trouvèrent ;

Mais à la fin nos gens se dégoûtèrent.

Compère Étienne, ainsi qu’on peut penser,

Fut le premier des deux à se lasser,

Pleurant Tiennette, il y perdait sans doute

Compère Gille eut regret à sa soulte.

Il ne voulut retroquer toutefois.

Qu’en advint-il ? un jour parmi les bois

Étienne vit toute fine seulette

Près d’un ruisseau sa défunte Tiennette,

Qui par hasard dormait sous la coudrette.

Il s’approcha l’éveillant en sursaut.

Elle du troc ne se souvint pour l’heure ;

Donc le galant sans plus longue demeure

En vint au point. Bref ils firent le saut.

Le conte dit qu’il la trouva meilleure

Qu’au premier jour : pourquoi cela ? pourquoi ?

Belle demande ; en l’amoureuse loi

Pain qu’on dérobe et qu’on mange en cachette

Vaut mieux que pain qu’on cuit ou qu’on achète.

Je m’en rapporte aux plus savants que moi.

Il faut pourtant que la chose soit vraie

Et qu’après tout Hyménée et l’Amour

Ne soient pas gens à cuire en même four ;

Témoin l’ébat qu’on prit sous la coudraie.

On y fit chère ; il ne s’y servit plat

Où maître Amour cuisinier délicat

Et plus friand que n’est maître Hyménée

N’eût mis la main. Tiennette retournée,

Compère Étienne homme neuf en ce fait

Dit à part soi : Gille a quelque secret,

J’ai retrouvé Tiennette plus jolie

Qu’elle ne fut onc en jour de sa vie.

Reprenons-la, faisons tour de Normand ;

Dédisons-nous, usons du privilège.

Voilà l’exploit qui trotte incontinent,

Aux fins de voir le troc et changement

Déclaré nul, et cassé nettement.

Gille assigné de son mieux se défend.

Un promoteur intervient pour le siège

Épiscopal, et vendique le cas.

Grand bruit partout ainsi que d’ordinaire :

Le parlement évoque à soi l’affaire.