Du cœur à l'ouvrage - Dominique Barreau - E-Book

Du cœur à l'ouvrage E-Book

Dominique Barreau

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Beschreibung

Focus sur Led by HER et son programme d'aide aux femmes.

L'association Led by HER a pour vocation d'aider des femmes en difficulté à se reconstruire. Son ambition ? Les soutenir dans la création d'un projet professionnel et personnel grâce auquel elles reprennent pleinement leur vie en main.
Il manquait un livre qui donne la parole à ces femmes qui ont eu le courage et l’audace de rebondir et d’écrire leur propre histoire.
Les profils croisés au fil de ces pages sont très variés : une comédienne, une mécanicienne, une ex-employée de la Fnac ou une ancienne égérie d’Yves Saint-Laurent. Toutes ont connu des épreuves personnelles ou professionnelles. Ces témoignages, d’une grande richesse humaine, prouvent que rien n’est jamais perdu dès lors qu’on est décidé à diriger son propre destin. Le livre met en lumière quelques-unes de ces Cendrillon modernes ainsi que celles et ceux qui les accompagnent au sein de l’association Led By HER.
Led by HER, c’est aussi une communauté fondée sur les valeurs de partage et de solidarité qui favorise la mixité, combat les discriminations et dénonce les violences faites aux femmes. Ces témoignages montrent que l’authenticité et la solidarité mises au service de l’innovation peuvent déboucher sur des réalisations concrètes et porteuses d’avenir.

Une quinzaine de témoignages inspirants sur le programme Led by HER qui vient en aide aux femmes désireuses d'entreprendre.

EXTRAIT

Suzanne, l’une des nouvelles diplômées, donne ses rendez-vous professionnels dans un lieu pour le moins insolite : le magasin Emmaüs de la rue Riquet, à l’ombre des grands tours qui constellent ce coin du 19e arrondissement. C’est dans ce joyeux bric à brac, où vont et viennent quotidiennement des centaines de chineurs, qu’elle fait son marché. Elle passe une main appréciatrice sur une console en acajou et montre à Béatrice, sa mentor, les endroits où une restauration s’impose.
Le lieu choisi n’est pas anodin : si chez Emmaüs les objets ont une seconde vie, il faut se souvenir que les êtres humains ont, eux aussi, droit à une deuxième chance.
« J’ai connu Led By HER grâce à la Maison des Femmes, explique Suzanne, une sympathique quinquagénaire au caractère bien trempé. À l’époque, j’étais au chômage et la conclusion de Pôle emploi était : “Vous n’avez plus aucune compétence transférable.” En clair : vous n’êtes plus bonne à rien. J’ai fait un bilan de compétences différent, avec la liste de tout ce que j’étais capable de faire professionnellement et personnellement. Il en est ressorti que j’avais des compétences d’organisation… et que je savais bricoler ! Et puis Led By HER est venu présenter l’association et son programme. Je me suis dit : c’est peut-être l’occasion de me débarrasser de Pôle emploi. »

À PROPOS DE L'AUTEUR

Dominique Barreau est rédactrice, storyteller et coach en épanouissement personnel et professionnel. Elle anime des ateliers sur le leadership et l’énergie du féminin. Son ambition est d’aider les femmes, les hommes et les entreprises qui croisent sa route à raconter leur plus belle histoire. Elle est l’auteure des 7 énergies pour dépasser ses peurs, paru chez Eyrolles en 2018.

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Dominique Barreau

DU CŒUR À L’OUVRAGE

Comment les femmes deviennent entrepreneures de leur vie ?

Du même auteur

Socrate avait-il un coach ? Regards croisés sur le métier de coach, Éditions Luc Fivet, 2016.

Les 7 ÉNERGIES pour dépasser ses PEURS L’histoire de ma vie, c’est moi qui l’écris, Éditions Eyrolles, octobre 2018.

Ouvrages collectifs :

Pour le réseau Pink Innov’ :

Le côté rose de la force : les femmes au cœur de l’innovation, Éditions Publishroom, 2016.

Pour le Cercle du Leadership :

Dirigeants, le défi de l’engagement, sous la direction de Raphaëlle Laubie et Philippe Wattier, Éditions de l’Archipel, 2017.

Les 7 sens ou l’essence de l’entreprise, sous la direction de Raphaëlle Laubie et Philippe Wattier, Éditions de l’Archipel, 2018.

Avant-propos

Led By HER mobilise et inspire des centaines de bénévoles autour de la cause des femmes, mais pas n’importe lesquelles : les porteuses de projet accompagnées par l’association ont toutes connu des violences et ont décidé de se reconstruire par l’entrepreneuriat. Depuis 2014, Led By HER leur propose un parcours d’études et de développement pour y parvenir.

Mais bien plus que des connaissances, Led By HER offre une communauté et impulse une transformation. Pour essayer de rendre compte de cette transformation, nous avons demandé à plusieurs bénévoles et participantes des trois premières promotions de témoigner. Ce sont leurs paroles qui ont donné la matière de ce livre.

En septembre 2018, l’association a inauguré sa 5e promotion. Fort de l’engagement continu des anciennes et des nouvelles, ainsi que de l’appui des bénévoles, Led By HER garde le cap vers le #HACKLBH2019, événement printanier qui met tous les projets en lumière et toutes les participations à l’honneur.

Introduction

« We invest in her so one day the world may be Led By HER. »

La devise de l’association Led By HER exprime parfaitement l’intention de sa fondatrice et de tous les bénévoles qui ont créé et font vivre ce programme : redonner confiance à des femmes victimes de violences et leur permettre de rebondir par l’entrepreneuriat.

De nombreuses associations aident les femmes victimes de violences ou en précarité. Il existe aussi beaucoup d’associations et d’entreprises (incubateurs…) qui aident les femmes (et les hommes) à créer leur activité/entreprise, souvent nommée startup. En général, ces entrepreneures ont un solide background en termes d’expérience professionnelle grâce à un passé de cadre et/ou et un certain niveau d’études.

Mais à ma connaissance, il y a peu d’associations qui aident les femmes à créer leur entreprise lorsqu’elles arrivent avec des parcours chaotiques, des vies marquées par les épreuves et un capital social inexistant. Et il n’y a sûrement aucun programme qui propose, en partenariat avec deux grandes écoles de commerce – l’IESEG et l’ESCP – des cours sur l’entrepreneuriat, des ateliers de développement personnel, des intervenants « high level » du monde de l’entreprise et du mentorat individuel, et même un hackathon.

Ce livre donne la parole à ces femmes qui ont décidé de trouver ou de retrouver leur autonomie, de réaliser le projet qu’elles ont gardé au fond d’elles pendant des années, ou tout simplement d’être fières de ce qu’elles sont et créent à leur mesure. Ces « Cendrillons d’aujourd’hui » ont rarement le profil type de la startupeuse ou de l’entrepreneure médiatisée. Ce sont des femmes comme il en existe des millions dans le monde, et qui entreprennent avec curiosité, cœur et courage. Elles ont en commun cette formidable énergie du féminin pour oser et exprimer ce qu’elles sont sans se conformer aux clichés : non, le leadership féminin n’est pas réservé aux cadres dirigeantes ou aux créatrices de « licornes ».

Ce livre donne également la parole aux hommes et aux femmes membres de l’association, mentors, professeurs, professionnels, partenaires, qui cheminent à leur côté et partagent leurs expertises et expériences. Tous expriment leur immense gratitude pour cette aventure profondément humaine et ce qu’elle leur apporte sur le plan personnel et professionnel.

Ces témoignages et ces échanges mettent en lumière l’importance du lien humain et de l’écoute bienveillante, essentiels pour reprendre confiance en soi. On y trouve des « trésors » : des mots tout simples et spontanés qui viennent du cœur, des mots qu’on ne trouve pas toujours dans les livres, des mots qui disent que toute femme, et tout homme, peut devenir ce qu’elle/il est.

Car tout est possible quand chacun met du cœur à l’ouvrage.

Sandra : « J’ai fait en sorte de ne pas vivre comme un frein le fait d’être une femme. »

Un quartier résidentiel au Kremlin-Bicêtre, à deux pas du métro. Des immeubles aux tons pastel. Un vaste complexe de bureaux d’un étage, plutôt anonyme. Sur la grille, un panneau : Creative Valley. La vitrine est constellée de noms d’entreprises : pas d’erreur, nous sommes dans un incubateur de startups. Il faut contourner l’immeuble pour découvrir l’atelier où travaille Sandra. Une grande agitation y règne – c’est un jour un peu particulier, on doit livrer des habitacles de voiture truffés de capteurs à un important constructeur automobile. L’atelier comprend également un bureau d’études.

Apparemment indifférente à ce branle-bas de combat, une jeune femme brune d’une trentaine d’années termine un travail de soudure extrêmement précis. L’œil brillant de malice, Sandra montre une pièce métallique à son mentor, Régis Pichonneau. Il s’agit d’un cylindre de deux centimètres de diamètre à peine.

« C’est le contacteur à clé d’une Karmann Ghia, la version sportive de la Coccinelle. Cette voiture n’est plus fabriquée depuis les années 70. Neuve, cette pièce est hors de prix ! Je tente une réparation sur-mesure, ça coûtera moins cher au client. » Patience, précision et attention au client : tout Sandra est dans cette démarche, celle d’un artisan passionné par sa pratique.

C’est que depuis longtemps, Sandra baigne dans l’univers de la mécanique.

« Après une formation AFPA, j’ai travaillé en alternance dans le cadre d’un bac pro. Je suis dans la mécanique depuis une quinzaine d’années maintenant, mais cela fait un an que je travaille dans cet atelier. Grâce à mon projet né chez Led By HER, j’ai gagné le prix Audace lors d’un hackathon organisé par les Grandes Écoles au féminin. C’est ainsi que j’ai entendu parler de Creative Valley et que j’ai fondé Mechanics-L’Autre garage. »

Au fait, comment l’aventure a-t-elle commencé ?

« C’est une amie inscrite à ce programme qui m’en avait parlé en termes un peu mystérieux, mais avec enthousiasme, et cela a attiré mon attention. J’avais le désir d’entreprendre mais je ne savais pas comment m’y prendre. J’avais envie d’emmener une de mes idées au bout ! » 

Régis Pichonneau sourit. En tant que membre d’un incubateur de startups, il est bien placé pour savoir que les routes qui mènent à Led By HER sont multiples.

« J’ai connu l’association via 50Partners, un réseau d’entrepreneurs expérimentés qui accompagnent des startups prometteuses. C’est dans ce contexte que j’ai rencontré Chiara Condi, la fondatrice de Led By HER. J’ai toujours essayé de transmettre et d’apporter mon expérience, mais c’est souvent assez fléché, avec des personnes qui ont un profil “bonne éducation, des hautes études, de beaux parcours”. J’avais envie d’ouvrir mon accompagnement à d’autres profils d’entrepreneurs ou entrepreneures pour sortir du milieu startupeurs. » 

L’accès au programme n’est pas un long fleuve tranquille pour autant.

« Quand je suis arrivée, se souvient Sandra, j’avais une boulimie d’apprendre, de me saisir de tout ce qui m’était proposé. Est-ce que j’avais des attentes irréalistes ? C’est probable. Tout me paraissait une montagne à franchir dans ma vie. Je pense être en mode RCO, ou rapport cyclique d’ouverture : soit rien n’est possible, soit le monde s’ouvre à moi et je vais le bouffer ! J’étais dans cette période d’envie forte au début du programme, puis j’ai eu des périodes de doute, des périodes de questionnement. Est-ce que c’est dans ce sens que je souhaite aller ? Quelle vie cela va m’amener ? Est-ce que je devrais me poser un peu plus ? Il y a eu des phases douloureuses, mais pleines d’espoir aussi. Et surtout, avec Led By HER, je n’étais pas seule. Ce qui est très gratifiant et réparateur, c’est d’avoir des intervenants “high level”, de sentir qu’on mérite d’être avec des personnalités qui enseignent à l’élite et qui s’intéressent aussi à nous. C’est une forme de soin à des moments où on ne se sait plus trop si on en vaut la peine. »

Elle insiste sur un des atouts du programme.

« Il comprend aussi bien des contenus pragmatiques qu’une démarche tournée sur l’intériorité, et c’est le mix des deux qui fait la richesse du programme. Il m’a permis de rencontrer des personnes dans des univers terriblement différents, envers lesquels j’avais un certain nombre de préjugés. Je me rends compte qu’il y a des gens chouettes partout et c’est une bonne nouvelle ! »

Régis Pichonneau a lui aussi dû s’adapter.

« J’avais l’habitude d’accompagner des projets différents et du coup, cela n’a pas été facile de trouver ses marques. C’est une relation qui se construit et qui peut prendre du temps. J’ai amené un regard extérieur, avec un rythme qu’on n’a pas défini et qui s’est adapté à Sandra. Sandra, c’est une personnalité attachante, une femme atypique dans le milieu de la mécanique. C’est un projet peu courant !

–Je pars dans tous les sens dans mon quotidien, dans mon projet, s’amuse Sandra, et ce n’est pas simple de définir les objectifs. Les moments que je passe avec Régis me permettent de restructurer et aussi de voir ce qui a été fait. J’ai l’impression que je tourne souvent comme une toupie et de faire du sur-place si je n’ai pas un repère, un espace où je peux faire un bilan et fixer les étapes pour avancer. Je ne suis pas “une bonne élève”, c’est Régis qui prend les notes ! »

Le mentor de Sandra met le doigt sur un point capital.

« Être mentor, c’est remettre les choses en perspective face à une avalanche d’idées. Ce n’est pas toujours facile car il ne faut pas non plus être frustrateur dans les idées et casser les rêves qu’on a tous en tant qu’entrepreneur. Il faut faire en sorte que les choses avancent pour obtenir du tangible. À un moment donné, il faut dérouler un fil dans la pelote des idées. Aujourd’hui, Sandra et moi continuons notre collaboration. À mes yeux, le mentoring est une relation à long terme, et avec aucune date de fin ! »

D’ailleurs, Régis Pichonneau a contracté le « virus Led By HER » : aujourd’hui, il est mentor d’une seconde entrepreneure.

Mais le plus important, convient Sandra, c’est que cela débouche sur du concret.

« Je suis devenue un peu plus réaliste, admet-elle. Mon projet est de faire de la réparation mécanique et de la restauration auto et moto, avec une prédilection pour le deux-roues. Mon souhait est d’instaurer un rapport de confiance entre le mécanicien et le client, de revenir à la notion d’équipage. Cela se passe très bien, mes clients viennent souvent par le bouche-à-oreille. Je prends du temps pour expliquer ce qu’il est possible de faire, ce qui ne va pas être possible, j’essaie de communiquer le bon diagnostic et de serrer le budget si je le peux. Certains me demandent de leur montrer des astuces, pour apprendre et être un peu plus autonome. Ce qui est également important, c’est de les accueillir dans un lieu qui soit canon, d’apporter une touche d’esthétisme. J’ai envie qu’il y ait des odeurs d’antan avec des ateliers en bois patinés, de beaux outils, la possibilité de découvrir des objets manufacturés réalisés par des petites mains amoureuses d’artisan. Le lien ? C’est un travail de matières réalisé avec patience et amour. Je pense que ce lien s’est égaré dans la profession. La difficulté c’est de trouver un lieu, c’est pour cela que je fais des motos aujourd’hui. »

Elle bondit soudain de son tabouret pour aider ses collègues d’atelier à charger le prototype dans un camion. L’entraide ? C’est naturel dans ce métier.

« Mon entourage ne doute pas de moi, dit-elle dans un sourire. Je n’ai jamais été mal accueillie, ou je ne m’en souviens pas. J’ai peut-être avancé dans un formidable déni, qu’il n’y avait pas d’a priori. Aujourd’hui j’ai l’expérience et je suis régulièrement appelée. J’ai fait en sorte de ne pas vivre comme un frein le fait d’être une femme. »

Régis Pichonneau ouvre de grands yeux.

« Sandra est trop modeste ! Je pense que les clients vont la voir car elle a un génie de la mécanique. Du coup, elle est très sollicitée ! La difficulté est de trouver l’équilibre : au début, Sandra était toujours par monts et par vaux à faire de la mécanique. On a travaillé son projet pour le recentrer sur sa propre clientèle, son propre nom, son propre lieu plutôt que de faire la mercenaire pour d’autres. »

Sandra rayonne : il suffit de l’entendre parler de ces « belles bêtes », comme elle désigne les machines confiées à ses soins, pour comprendre qu’on a affaire à une authentique spécialiste.

D’un geste elle chasse un mauvais souvenir.

« Un grand quotidien m’avait consacré un article avec photo et interview. Je voulais surtout parler de mon métier mais malgré ma demande pressante, ils ont mis l’accent sur mes difficultés passées. Je ne suis pas que cela, je sors de cela et je n’ai pas envie qu’on m’y remette. »

Il est clair qu’aujourd’hui, Sandra a le regard tourné vers l’avenir. Et si elle devait donner un conseil aux femmes qui désirent elles aussi se lancer dans l’aventure de l’entrepreneuriat ?

« Ne vous posez pas de questions, pas trop en tout cas. Pour ma part, j’ai décidé de prendre mon atelier en cours d’année. Ça m’a fait du bien. »

Régis se félicite de cette décision en soulignant l’importance pour l’entrepreneure de concrétiser son projet.

« Je pense que l’entrepreneuriat féminin est sous-représenté, relève le mentor de Sandra. Je le vois à travers d’autres structures d’accompagnement. Je trouve cela dommage et c’est aussi pourquoi j’ai été attiré par Led By HER. Peut-être que les femmes ne sont pas mises sur cette voie-là à cause de modèles un peu limitatifs ? Peut-être que c’est une question de confiance en soi ? Peut-être que les hommes osent plus ? Pourtant, il vaut mieux prêter aux femmes, notamment sur les micro-crédits ! Il y a de vrais paradoxes. »

Il est néanmoins optimiste sur le futur de l’association.

« C’est un vrai challenge pour que cela continue, pour que le modèle soit pérenne. Au fur et mesure des promotions, le réseau s’agrandit avec de plus en plus de projets. Il s’agit de faire en sorte que les projets se cumulent sans que le modèle explose, et sans laisser non plus les premières entrepreneures sans accompagnement. Mais on peut faire confiance à Chiara. Elle a mis tellement d’énergie dans ce projet… »

Le visage de Sandra s’illumine à la mention de Chiara Condi et de ses partenaires, Claire Mays et Janice Byrne.

« Ces drôles de dames sont incroyables ! »

Une drôle de dame : Sandra correspond en tous points à cette définition.

Chiara Condi : « La meilleure façon de guérir du passé, c’est de construire un avenir. » 

Quartier de la Défense, à Paris. La Grande Arche se dresse de toute sa hauteur, intimidante. On la contourne par la gauche et on s’engage dans un dédale d’escaliers et de couloirs. Une porte vitrée frappée du sigle IESEG. Nous voici dans une des meilleures écoles de management françaises.

En cette fin d’après-midi, une grande animation règne dans le hall d’entrée de l’école. Une hôtesse d’accueil pointe des noms d’invités sur une liste et indique le chemin d’une salle de réception bondée. Une majorité de femmes dans l’assistance, quelques hommes aussi, dont Jean-Philippe Ammeux, directeur de l’IESEG et partenaire de Led By HER dans cette aventure. Dans la foule on s’interpelle, on prend des nouvelles les unes des autres, on se félicite, on s’encourage. Janice Byrne, directrice du programme académique de l’association et professeure de l’école, a une attention pour chacune des participantes. Une grande bienveillance se dégage de ces échanges, une immense fierté aussi. Pour certaines d’entre elles, c’est le grand jour : au terme d’une année de travail acharné, elles vont se voir remettre leur diplôme de la main même de la fondatrice de l’association, Chiara Condi.

Il est frappant de lire dans les yeux des lauréates la reconnaissance, pour ne pas dire l’admiration, que suscite ce petit bout de femme au visage joyeux. D’une grande humilité, elle dégage aussi une détermination sans faille. À vrai dire, l’expression « déplacer des montagnes » semble avoir été conçue pour elle.

La cérémonie de remise des diplômes terminée, tout le monde se bouscule pour la remercier et comme sa disponibilité est totale, il faut patienter un peu avant de pouvoir faire sa connaissance. Elle s’autorise enfin une pause devant un verre de jus d’orange.

« Quand j’étais à l’université de Harvard, aux États-Unis, j’avais créé un programme de réinsertion avec le cercle des étudiants. J’en avais regroupé quelques-uns et je les avais mis en contact avec des associations proposant des services aux SDF pour que les étudiants puissent organiser des permanences directement dans les centres d’hébergement. Ces services me semblaient offrir un vrai plus : ce n’est pas toujours facile d’aller mieux quand on est au fond du trou, on est rarement motivé pour sortir de chez soi et aller chercher de l’aide. En simplifiant le geste, j’ai réduit la motivation nécessaire. Cela a été un succès : même sans argent, j’ai réussi à rassembler beaucoup de monde. L’effet positif que le bénévolat peut avoir sur une personne est très important, et l’effet que les bénévoles peuvent avoir ensemble est encore plus puissant ! Le bénévolat, c’est une forme d’échange entre deux parties qui ont beaucoup de choses à s’apporter mutuellement. »

Et comment cette Franco-Américaine s’est-elle retrouvée en Europe ?

« Mes études terminées, j’ai travaillé pour la BERD, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement. Là, j’ai voulu me concentrer sur l’aspect social des investissements et j’ai eu l’expérience de projets sous un angle “femme”. Le problème, c’est que les projets ne touchent pas les hommes et les femmes de la même façon. À la BERD, on envisageait les choses sous un angle “macro”, en intégrant la problématique des femmes à l’intérieur d’autres thèmes comme la finance, l’agriculture… Je voulais agir avec plus de proximité, dans un cadre local, en ayant un impact réel sur la vie des femmes. Si on ne créait pas un dispositif spécifiquement pour elles, on n’atteindrait jamais l’égalité, pas avant des centaines d’années en tout cas ! Je n’avais jamais senti ce sentiment de discrimination dans ma vie. Même si je n’avais pas souffert dans ma propre peau, cette expérience m’a permis de voir la réalité en face. »

S’est ensuivie une période très douloureuse. Chiara est tombée malade et est restée plusieurs années sans travailler. C’est à Paris qu’a germé l’idée de Led By HER. D’où est venu le déclic ?

« J’avais envie de créer quelque chose qui ferait une vraie différence, qui impacterait la vie des personnes, en particulier des femmes. L’idée m’est venue quand j’étais bénévole et qu’on me disait que ce n’était pas possible de les aider car je n’étais pas assistante sociale. Je voulais offrir quelque chose qui soit tourné vers l’avenir de la personne, et non vers le passé. Et je pense que la meilleure façon de guérir du passé, c’est de construire un avenir. Je me rendais compte que l’État ne pouvait pas le faire avec des assistantes sociales totalement débordées, et que nombre de ces femmes avaient envie de réaliser des projets mais n’avaient pas les outils, les réseaux, les moyens… »

Comme toutes les grandes réussites, le projet de Chiara s’est fondé sur un constat simple.

« Si je prends toutes les personnes que je connais et que je leur demande trois heures sur une année, on peut changer la vie de ces femmes. Je suis allée présenter mon idée à des écoles de commerce, l’IESEG et ESCP : il s’agissait de montrer à ces femmes qu’on croyait en elles pour leur donner envie d’entreprendre. Cela a démarré assez vite avec un premier parcours pédagogique. La première année, on a construit le programme au fur et à mesure. Puis on a ajouté des intervenants, des mentors, on a augmenté le nombre de participants, créé des événements, mis en place des partenariats… Petit à petit, on a construit notre communauté en gardant nos deux écoles. En fait, j’ai créé le programme dont j’aurais eu besoin à un moment de ma vie ! »

On tient là ce qui fait la spécificité de Led By HER : ce réseau de collaborations qui unit les participantes, les mentors, les professeurs, les coachs et les divers intervenants au programme. C’est à cette abondance de talents qu’on mesure mieux l’énergie phénoménale que Chiara a dû déployer pour faire aboutir son projet. Elle n’en tire pourtant aucune fierté : pour elle, la chose semble aller de soi. Elle prend le temps de saluer Rebecca, Stefania et Laila, qui quittent le « cocon » pour voler de leurs propres ailes, et évoque ces femmes qu’elle a décidé d’aider.

« Elles nous sont présentées par des associations partenaires comme L’Amicale du nid ou Stop aux violences sexuelles, laquelle organise des ateliers thérapeutiques pour les victimes de violences dans le club d’escrime du 8e arrondissement de Paris. J’insiste sur le fait que les violences ne sont pas seulement physiques. Elles peuvent aussi être psychologiques, comme un licenciement par exemple, ou du harcèlement moral. Nous ne cherchons pas à connaître la nature de ces problèmes, nous laissons libres nos participantes d’en parler ou non. Les promotions sont assez diversifiées, tous les milieux socio-économiques sont représentés, et tous les âges aussi – elles ont entre 20 et 60 ans. »

Bien sûr, il y a plus de demandes que d’offres et Chiara, secondée de son équipe rapprochée de bénévoles, doit effectuer des choix.

« Nous rencontrons ces femmes individuellement. Nous nous assurons qu’elles sont au bon endroit, c’est-à-dire que l’association est la mieux placée pour les aider, parce que les ressources sont limitées et qu’il est important que la personne ait une réelle motivation pour créer un projet et l’amener jusqu’au bout. Ce programme est assez intense : si la personne n’est pas sincèrement intéressée, il sera difficile pour elle de garder le rythme et de s’engager dans la durée. »

Bien sûr, il y a toujours une part d’incertitude, ce dont Chiara est consciente.