Eleïde Toutélien - Marie Baqué-Juston - E-Book

Eleïde Toutélien E-Book

Marie Baqué-Juston

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Beschreibung

Comment diriger les flux de pensées, d'actions, de relations et d'émotions qui traversent perpétuellement nos vies ?

Tous les évènements que nous traversons sont liés, chaque vie est un flux continu de pensées, d’actions, de relations et d’émotions. La question essentielle que chacun peut essayer de résoudre est « comment diriger ces flux ? », si tant est que nous ayons, par notre simple volonté, une véritable liberté de choix.
Eleïde, jeune personne d’un futur proche, est guidée sur ce chemin par plusieurs paroles de sages issus d'époques et de milieux différents. Leurs pensées se font écho quant aux questions humaines existentielles. A travers ce livre, ils lui prodiguent une approche possible et cohérente de la vie d’adulte.
Son parcours initiatique sera ponctué de réflexions et d’interrogations qui interpelleront le lecteur. Un voyage qui nous conduira jusqu’à la question la plus importante de toutes : comment la pensée, la conscience de « ce qui est » et la vie peuvent-elles s’organiser pour produire en chacun une forme de paix intérieure pérenne, premier pas indispensable à la paix avec son entourage ?

A travers cet ouvrage, découvrez les paroles de plusieurs sages issus d'époques et de milieux différents et enrichissez-vous d'une approche possible et cohérente de la vie d'adulte.

EXTRAIT

Il est temps que le calendrier de l’humanité se rapproche de l’aurore. Que les sursauts de violence et de destruction barbares soient canalisés fermement par les gouvernements de culture laïque afin d’aller vers une pacification de tous les petits peuples que nous sommes et qui en réalité ne demandent que ça. L’homme n’a pas d’autre choix que de se pacifier s’il veut qu’il reste un espoir à la conservation de l’humanité telle que nous la connaissons.
Il ne faut pas sourire cyniquement quand Miss monde dit qu’elle est pour « la paix dans le monde ». Sa parole simple est porteuse de vérité.
Nous devons vivre ensemble comme des frères sinon nous mourrons ensemble comme des imbéciles.
La paix est l’aspiration de l’histoire universelle. Il faut aimer l’homme parce qu’il est homme.

A PROPOS DE L'AUTEUR

Marie Baqué-Juston est médecin de double cursus franco-anglais. Elle est passionnée de psychologie, de médecine intégrative et de recherche scientifique au sujet des états modifiés de conscience. Un diplôme universitaire de méditation pleine conscience (Méditation-Soin-Relation thérapeutique) a été créé à son initiative à la faculté de Médecine de Nice. Elle coordonne depuis 2015 « L’Observatoire des Médecines Complémentaires non Conventionnelles », association siégeant au sein de la faculté, qui s’attache à porter une réflexion profonde autour de la santé et des relations entre l’esprit, le corps et l’environnement.

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Marie Baqué-Juston

Eleïde Toutélien

Ou la connectique terrienne

A Jean-Noël, à Louis

A ma famille, à mes amis

A nos liens indéfectibles

A toi, Eleïde

Prologue

« Tout est dit et l’on vient trop tard depuis plus de 7000 ans qu’il y a des hommes et qu’ils pensent. » 1

Tout a été dit...Tout a été pensé, tout a été réfléchi, tout a été transcrit, et presque tout a été compris. En ce « presque » repose l’infini.

Depuis que l’Homme est Homme il tente de répondre aux énigmes existentielles qui le taraudent. Sur tous les continents les philosophes et les religieux s’interrogent au sujet de notre existentialité: qui sommes-nous ? d’où venons-nous ? quel est le sens de nos vies et pourquoi la mort ? Mais aussi comment vivre bien ?

Ce qui est intéressant, contrairement à ce que l’on croit, n’est pas la quête du bonheur: la vie se déroule pour nous tous sur une ligne ondulée dont le bonheur, parfois, est un point. Par-ci, par-là. Il serait illusoire de penser que le bonheur est accessible en continu, la nature humaine n’est pas dessinée ainsi.

Mais ce qui paraît essentiel est d’accéder à une forme de paix, de comprendre comment mener une vie qui monte plutôt qu’une vie qui descend, même si notre finitude est incontournable. Comment aller vers le haut au fur et à mesure de l’existence, vers le mieux, vers le beau, en dépit de notre corporalité qui elle se destine par nature à aller assez rapidement vers le moins bien.

Force est de reconnaître que le vide laissé par l’éloignement de la religion dans le monde occidental n’a pas été suffisamment comblé par la réflexion philosophique, accessible seulement à un petit nombre. Empêtré dans ses envies de grandiloquence et peut-être dans une certaine forme de snobisme, le jargon philosophique est en effet en partie responsable du désintéressement populaire à la réflexion laïque sur notre condition humaine, une fois qu’elle abandonne le dogmatisme religieux : regrettable manque d’humilité de la littéraphie et de la philosophure. Mais les choses évoluent par nécessité.

Sans les religions, destinées, entre autres, à apaiser les angoisses existentielles, un vide profond reste à combler. Puisque nous naissons et en plus, nous mourons. Et au passage, souvent, nous souffrons.

De nos jours les psychiatres, les psychologues et les « coachs » en tous genres essaient d’apporter leur pierre à l’édifice du « vivre bien ». Le xxe siècle a connu l’émergence de plusieurs écoles psychanalytiques, neuro-psychiatriques et psychologiques, confortées pour certaines par les immenses progrès réalisés en matière de neuroscience et sciences cognitives. L’ensemble se vulgarise progressivement de façon plus ou moins réussie. Une multitude d’ouvrages sont publiés à ce sujet et les manuels de développement personnel débordent sur les étagères des librairies. Ils regorgent d’astuces et d’exercices pour être plus heureux, pour avancer dans sa propre vie en étant le plus épanoui, le plus libre et le moins blessé possible. L’essor de la méditation pleine conscience, qui vise à apaiser les tempêtes mentales et à habiter la réalité et l’instant en identifiant nos filtres émotionnels, en est une des formes les plus intéressantes. Pour ceux qui ont besoin d’une dimension mystique supplémentaire, le bouddhisme, forme de religion sans Dieu qui se réfère essentiellement à l’ordre cosmique et à notre position en son sein, fédère de plus en plus d’Occidentaux. Et les progrès scientifiques en particulier liés aux avancées de la physique quantique viennent recouper certains questionnements existentiels : même si leur vulgarisation prête le flanc à une profusion de théories mystico-pseudo-scientifiques, la physique des particules sera peut-être au xxie siècle une des sources principales de la compréhension de l’ordre fondamental.

Alors pourquoi ce livre en plus?

Eh bien ce livre parce qu’il est en moi depuis toujours et que même si la pudeur et la décence me conseillent de l’y laisser, lui, au contraire fait tout ce qu’il peut pour en sortir. Cela fait des années que j’essaie de l’écrire, j’abandonne, je recommence, je me dis « c’est pas la peine », « tout le monde s’en fout », « c’est nul » et malgré tout je recommence. Et puis voilà, je le fais une fois de plus.

Que ce qui doit être soit.

Ce livre aussi parce qu’il s’est construit avec ma propre maturité après avoir traversé différentes épreuves et vécu au contact de grands souffrants, propriété inhérente à l’exercice de la médecine. Aidée au long de ce chemin cabossé par quelques lectures salvatrices, je n’ai cessé d’être émerveillée par la modernité de réflexion de certains grands hommes morts il y a déjà plusieurs siècles. Faisant office de coachs pré-historiques, leurs citations restent de véritables lumières pour nos trajectoires humaines écrites en mode 2.0. Il arrive que ces pensées entrent en résonance les unes avec les autres, tissant un lien mental évident entre ces humains issus de continents, de siècles et de cultures différents, et nous.

Toutélien.

Il m’a fallu des années pour collecter ces pensées et mettre de l’ordre dans les miennes.

L’idée était de faire communiquer virtuellement ces éclaireurs au sein d’un texte où ils se parleraient à travers les âges, les civilisations et les cultures. Au fond, les sages disent souvent la même chose, ils parlent tous le même langage.

De plus, dans une tentative de conversation entre la perception mentale et la perception sensorielle du lecteur, les mots peuvent ici entrer en conversation avec la musique (le vocabulaire de l’émotion) car ce qui n’est pas compris peut être ressenti.

Une playlist musicale est donc associée à chaque chapitre.

Avec la musique il suffit, parfois, de simplement se laisser emporter.

Rêver entre les mots.

Loin de l’auto-fiction du siècle dernier, si le « je » est parfois employé ici, c’est pour symboliser le « nous » de cette quête humaine universelle plutôt que pour parler de ma propre petite histoire personnelle qui n’a pas le moindre intérêt public.

En médecine on dirait que ce texte est une forme de « revue de la littérature », avec la bibliographie qui va avec, ressource indispensable pour creuser les sujets qui sont à peine abordés dans les différents chapitres. Il existe cependant un biais évident : il n’est pas possible d’être exhaustif avec la recherche au sujet du sens de la vie.

En réalité c’est une compile de petites musiques de mots, pour partager.

Et pardon de heurter la vieille école avec l’inclusion de mots ou d’expressions en anglais. Ce n’est pas pour faire concurrence à Jean Claude Van Damme, mais simplement parce que lorsque la phrase est issue d’un texte anglais, la version originale sera toujours plus proche de l’idée émise que la version française.

À mes parents, à ma famille, à mes frères et sœurs, les biologiques et tous les autres. On s’en fout, on s’aime.

Les poètes le savent, il n’y a que l’amour et l’amitié qui comptent, tout le reste c’est du bruit de fond.

N’en déplaise aux cyniques, les pauvres...

Bibliographie

1.BRUYERE (de la), J., Les Caractères ou les mœurs de ce siècle, 1696.

Chapitre 1 – Voilà la vie

Eleïde, enfant d’homme, je vais te raconter ton histoire.

Tu flottes.

Tu flottes.

Un jour tu nais, et puis, voilà ta vie.

Tu sors du liquide, tu entres en contact avec l’air, tu cries, tu ressens, tu cries, tu dors, tu sens, tu cries, tu manges, tu ressens, tu bouges, tu manges, tu dors, tu ressens, tu commences à te mouvoir, tu sens, tu grandis, tu marches, tu commences à comprendre (un peu), tu dis «je», tu t’amuses, tu t’énerves, tu réfléchis, tu marches, tu cours, on t’éduque, on t’influence, on te guide, la vie te modèle, ça va, ça va pas, t’es fiù*, ça va mieux, tu pleures, tu ris, tu te bats, tu aimes, tu repars, tu pleures encore, tu cours encore, tu déconnes, tu cherches, tu aimes, tu te cherches, tu essaies d’avancer, tu ris, tu t’agites, tu t’adaptes, tu cours, tu oublies de ressentir. Tu t’en aperçois. Ou pas.

Tu fais, tu as, tu fais, tu as, tu parais, tu fais, tu as. Tu oublies d’être léger. Tu cherches. Ou pas. Tu cherches.

Et si tu trouves, tu peux te reposer et pleinement, simplement être.

Soit.

Soit vraiment sincèrement entièrement authentiquement toi.

Rien n’est grave sauf la mort.

Qui n’est peut-être pas si grave.

Même la maladie, il faut lui pisser dessus, l’oublier, faire comme si elle n’était pas là jusqu’à ce la vie concrète, la vie de terrien, si fragile, s’arrête.

On vit en équilibre sur un fil invisible

Au coeur d’un infini imperceptible

Dont le dessein nous échappe.

Il faut le savoir.

Il faut l’oublier.

Il faut s’en souvenir quand même un peu.

Il n’y a pas de temps à perdre pour entièrement, fondamentalement, sans concession être un bon vivant et un vivant bon. C’est la seule responsabilité qui nous incombe.

« La vie, c’est l’ensemble des fonctions qui résistent à la mort. »1

Au début, sur la terre, de chair tu n’étais pas.

Après la fusion de deux cellules (résultat la plupart du temps d’un coït entre tes parents biologiques) et une incubation de quelques mois, tu t’es matérialisé en ton propre tout. À l’image d’une fourmilière constituée des milliers de fourmis, d’une voiture rassemblant des centaines de pièces, ou de l’humanité faite des milliards de petits humains, à l’image de toutes les unités dont la cohérence dépend de l’assemblage de leurs éléments, cet ensemble, cet organisme vivant et organisé, posé quelque part sur terre ici et maintenant, c’est toi.

Tu es un invité électromagnétique de l’univers, scientifiquement reconnu comme issu de la poussière des étoiles, constitué d’éléments minuscules réunis en ton tout petit univers personnel, micro-parcelle vivante, animée, mouvante et pensante de l’univers infini.

Un tout petit sac d’atomes entourés de vide, dont les éléments de base sont le carbone, l’hydrogène, l’azote, l’oxygène, le phosphore et le souffre.

« Tu es un CHNOPS2. »

À l’instar du monde virtuel de « Minecraft » nous pourrions aussi nous comparer à un ensemble de pixels. Des pixels regroupés pour former notre personne, animés de mouvements et interconnectés avec des milliards de milliards d’autres pixels. Seules nos pensées qui animent notre volonté peuvent nous donner l’impression d’une certaine forme de libre arbitre, pour nous distinguer d’un jeu virtuel dont un joueur, notre maître, pourrait décider à l’envi de ce qu’il va bien pouvoir faire de nous.

La vision de ce groupe d’atomes dont la partition finale est toi, et la compréhension de ta propre relativité au milieu d’un flux connecté et permanent d’autres atomes, c’est la base. Cette notion, plutôt que te laisser indifférent, dubitatif ou totalement angoissé pourra t’aider de temps en temps si tu acceptes de l’embrasser : tu pourras prendre une longue-vue, reculer, et relativiser les évènements, blessures et contrariétés passagères que tu vas inévitablement traverser.

Pose-toi cette question : que sera devenue ta colère dans 300 ans3 ?

Il se peut qu’avant d’être toi, tu étais déjà tout et après avoir été toi, tu redeviendras tout. Peut-être. Ce qui se passe avant et après notre vie sur terre n’est pas très clair. Quoi que l’on te dise, aucun des grands penseurs, des religieux influents, des athées purs et durs ou des scientifiques de l’infiniment grand et de l’infiniment petit n’a de réponse vérifiable aujourd’hui. Malgré toutes leurs certitudes. Malgré toutes leurs convictions. Malgré la puissance de leur foi.

L’humilité humaine devrait être la règle dans ce domaine. Nous ne savons rien du « Pourquoi nous sommes là ? » et du « Sommes nous quelque chose lorsque nous ne sommes plus là ? »

Beaucoup pensent avoir LA réponse, ils ont leurs intuitions et leurs convictions à ce sujet. Tu as peut-être ta propre réponse, j’ai ma propre réponse, on a souvent besoin d’une réponse et on peut aussi accepter (sagesse ultime ?) de ne pas avoir de réponse. Mais ces propositions stationnent toutes depuis des millénaires dans le pur domaine de la réflexion, de la croyance ou de la foi personnelles. Elles diffèrent selon notre siècle, notre lieu de naissance ou notre culture familiale : nous sommes tous prisonniers de nos contextes4.

Tout ce qu’on te racontera au sujet des Dieux, des non-Dieux et de la vie avant la vie ou après la mort provient de réflexions d’autres humains, parfois convaincants, motivés, érudits, mais peut-être même pas plus intelligents que toi.

Étaient-ils pour certains des réincarnations humaines de Dieu?

On peut avoir foi en ces affirmations, si l’on est parfaitement conscient de leur appartenance au domaine non vérifiable des croyances. Personne ne pourra te les prouver mais tu apprécieras peut-être l’apaisement qu’elles procurent devant les angoisses existentielles : leur effet anxiolytique est une des clefs de leur succès.

Qui peut dire ce qui fut premier, de la foi ou de l’angoisse ? Certains pensent que l’angoisse fut à l’origine de la foi5.

Il est possible de remettre en question par la réflexion cartésienne les rituels que les religions familiales nous imposent, mais il faut alors faire face à une peur superstitieuse parfois indépassable du risque de punition divine.

Avec l’évolution des neurosciences, nous pourrons probablement affirmer un jour que l’appartenance et le suivi d’un culte religieux sont le plus puissant exercice d’hypnose et de conditionnement que l’on puisse proposer à la nature humaine. Avec l’enrôlement pour la guerre.

Mais ce n’est pas parce qu’une croyance existe depuis des centaines ou milliers d’années qu’elle est juste, en dépit du fait que nos parents et nos grands-parents en étaient convaincus. Ce constat peut être difficile à faire, à la hauteur de la confiance que l’on accorde à nos aînés et au bien-être que peut nous procurer le sentiment d’appartenance à un « clan » mais la mise en perspective de toutes nos croyances quelles qu’elles soient est une étape nécessaire à la construction d’un soi libéré des dogmes.

Même s’il est parfaitement légitime d’y revenir lorsqu’on le souhaite après une réflexion lucide.

Songez à librementvivre6.

You must unlearn what you have learned7.

Deux cellules, la grâce et l’anti grâce

« Nous sommes bien peu de choses

Et mon amie la rose

Me l’a dit ce matin

À l’aurore je suis née

Baptisée de rosée

Je me suis épanouie

Heureuse et amoureuse

Aux rayons du soleil

Me suis fermée la nuit

Me suis réveillée vieille

Pourtant j’étais très belle

Oui j’étais la plus belle

Des fleurs de ton jardin. »8

Eleïde, si tu as la chance de vivre un cycle de vie complet, tel qu’il est programmé pour notre espèce, l’homme générique9,tu passeras de la naissance à la vieillesse en quelques décennies et selon des phases bien définies.

Quel que soit le sens de ta venue sur terre, c’est de l’accolement de deux cellules et de la fusion de leur codage génétique que résultera ta construction fœtale, réalisation le plus souvent parfaite et parfaitement reproductible d’un processus formaté au sein de l’usine utérine maternelle.

Un extraordinaire phénomène ordinaire.

La procréation c’est un peu comme l’amour. Et « l’amour, c’est l’infini mis à la portée des caniches10 ».

« Il se peut que l’on naisse, que l’on vive, et que l’on meure seul au monde, enfermé dans sa structure biologique qui n’a qu’une seule raison d’être : celle de se conserver5 ».

Ou à l’inverse nous sommes peut-être la pièce précise d’un puzzle géant dont l’ensemble est une unité générée volontairement par un ordre supérieur.

« Suis-je un ? », une unité à gérer prioritairement pour sa survie ?

« Suis-je nous ? », un ensemble cohérent constitué de multiples sous unités ?

« Sommes-nous un ? », toutes les unités vivantes sont-elles liées entre elles et interdépendantes comme les atomes qui s’assemblent pour former les cellules, qui s’assemblent pour former les organes, qui s’assemblent pour former des corps, qui peut-être s’assemblent pour créer une forme finale unifiée appelée « vie sur terre » ?

C’est la première question existentielle à laquelle la dernière religion à la mode, la religion matérialiste occidentale du xxe siècle, a répondu clairement par l’individualisme. « Je » est plus important que « nous ». « Je » est plus important que tout.

Si l’on suit ce credo, il existe un risque non négligeable que « tout » disparaisse, que « tout » foute le camp, puisque l’on considère l’on considère que « je » doit impérativement passer en premier et donc dominer autant que possible tout le reste.

Mais nous ne sommes pas là pour parler politique. Et je ne suis pas de gauche (le communisme, qui a fait passer le collectif bien avant l’individu en écrasant ce dernier n’a pas exactement fait ses preuves). Ni de droite. Ni du centre.

Je souhaite juste comprendre de façon lucide comment fonctionne l’humain et comment chacun s’articule, et peut s’articuler au mieux, avec le reste de l’humanité.

En ce qui te concerne, Eleïde, le disque dur qui forme ton cerveau n’était pas totalement vierge à ta naissance mais défini à la fois par ton ADN (mélange équitable des gènes maternel et paternel) et par les influences portées sur toi lors de ta vie intra-utérine. De multiples facteurs extérieurs ont conditionné ton formatage cérébral, en particulier les composants chimiques qui ont traversé la barrière hémato-placentaire de ta maman : les hormones, les aliments ingérés, les toxiques et les neuromédiateurs liés aux émotions maternelles pendant la grossesse par exemple.

Pour ceux qui croient en l’astrologie, même la position des planètes aurait une influence, et il est troublant de constater que certaines personnes d’un même continent nées dans une fourchette temporelle relativement étroite ont souvent des traits de caractère communs. Est-ce le hasard, la position des astres ou tout simplement l’influence du climat ? Ce dernier influencera sans doute les sensations et le bien-être de la femme enceinte, ou de l’enfant dans ses premières semaines de vie : être engoncé toute sa petite enfance dans plusieurs couches de vêtements parce qu’il fait froid, rester enfermé et confiné à l’intérieur, ou au contraire vivre sans vêtement ou presque, en passant de longs moments dehors parce que le climat y est doux a certainement une influence sur le caractère du futur adulte. Y a-t-il des différences de caractère globales entre l’esquimau Inuit et l’Africain sub-saharien qui pourraient être liées uniquement à l’empreinte du climat présent sous leurs différentes latitudes ?

À l’instant T de ta naissance tu apparaîtras donc déjà avec une mixture d’inné et déjà d’acquis dont il est difficile de savoir de quel pourcentage exact tu seras constitué. Pour encore compliquer l’affaire, certaines cultures en particulier religieuses argumentent du fait qu’un troisième facteur viendrait s’en mêler, qui serait extérieur à ces deux composantes mécanico-physiologiques. Quelque chose que l’on pourrait appeler ton âme ou l’essence transcendante de ton être. L’observation des vrais jumeaux dès leur plus jeune âge révèle qu’ils sont différents de façon très claire dans leur « façon d’être » même s’ils ont exactement le même génome et de nombreux points communs physiques et psychologiques. Toutes les mamans de vrais jumeaux décrivent cette différence « d’aura », de sensibilité peut-être, ou de nature profonde. Est-ce uniquement lié à leurs différences de position au cours de la vie intra-utérine, ou bien l’âme est-elle, comme le suggèrent de nombreuses théories spirituelles, un élément venu d’ailleurs se déposer au sein de nos corps et indépendante de nos gênes et notre environnement ?

Sommes-nous des êtres physiques avec une activité spirituelle, ou des êtres spirituels venant visiter un corps physique ?11

La question reste ouverte, à chacun d’accommoder sa réponse. C’est une deuxième question existentielle. La recherche neuro-scientifique et les sciences cognitives se penchent sur le sujet. L’évolution de l’intelligence artificielle et de la robotique apportera certainement quelques réponses : l’apparition d’une communication entre les bases de données informatiques favorise l’émergence de l’apprentissage des machines. Peut-être que les progrès exponentiels qui en découleront modifieront spontanément le codage de ces machines jusqu’à aboutir pour elles au fameux « point de singularité » : moment attendu par certains experts, au cours duquel la machine prendra conscience de sa propre existence et aura accès à une forme de libre arbitre13.

Pourra-t-elle alors ressentir des émotions, prendre des décisions un peu irrationnelles, intuitives, instinctives ou encore décider de ne plus obéir à l’homme qui l’a fabriquée ? Le codage mathématique d’un « cerveau » informatique, sorte d’ADN de l’IA, sera-t-il modifié par ses influences environnementales et les interactions dynamiques qu’il aura créées avec ses congénères ?

Émergera-t-il de cette intelligence artificielle « une âme », une personnalité, une éthique ?

Sera-t-elle capable de méta-cognition, cette fonction d’introspection et de réflexion sur soi-même nécessaire à la conscience12 ?

Les réponses à ces questions ne devraient pas tarder à nous parvenir et nous pourrons faire des parallélismes avec la nature humaine : si la modélisation mathématique de la pensée humaine sur laquelle travaillent les experts12 résultait en la création de machines pensantes, apprenantes, créantes et aimantes, cela pourrait signer la fin des croyances en une dimension transcendante de la vie humaine ou animale. Il n’y aurait plus de sacré puisque tout serait traduisible dans un langage mathématico-informatico-rationnel : codages, fonction, efficacité, algorithmes et relations de causes à effets immuables et reproductibles, ré-applicables à l’infini.

Dieu serait les maths.

Et notre personnalité composée de notre inné et de notre acquis serait la traduction de simples séquences génético-physiologico-biologiques relatives aux évènements traversés.

Moi : 0111000100100101010111000000

Et le sentiment d’amour : 1111010100100101010111000001

Et l’émotion devant l’art :0111000100101101010111000001

Et la frustration devant un événement indésirable : 1011000100100101010111000000

Et l’émerveillement devant la grâce de l’enfance : 0000100000001100000000

Ah ?

OK.

Nous verrons bien

(mais au secours !)

La grâce

Que tu sois un composé d’éléments mécanico-physiologiques influencés par l’inné et l’acquis, et/ou associé à une âme d’une autre origine céleste ou divine pour laquelle il existe une ambition universelle, le fait est que tu apparaîtras à cet endroit du monde, dans cette famille, ce jour-là. Cela sera un fait matériel qui n’aura rien à voir avec ta valeur intrinsèque. Il ne faudra donc ni en tirer gloire, ni en avoir honte.

Chance/hasard/destinée/choix/fatalité/logique/intention divine... choisis ton mot, et te voilà dans ta famille à cet endroit du monde, en cet instant T.

La suffisance et le snobisme sont donc, au passage, des preuves absolues d’un manque de recul, car si peu de la place que nous occupons dans le monde et dans notre vie est dû à soi-même.

De même qu’il ne faudrait jamais souffrir ou avoir honte de sa famille et de ses origines.

Car si peu de la place que nous occupons dans le monde et dans notre vie est dû à soi-même.

Cette place et la famille qui va avec à cet endroit du monde seront les tiennes et tu n’y seras pour rien. Tu pourras juste tenter d’apprendre à les reconnaître, à les comprendre et autant que possible à les aimer.

Après l’épreuve probablement sous-estimée du passage officiel sur terre, tu prendras donc une grande inspiration, pousseras un cri strident et tout ton corps entrera en contact avec l’atmosphère terrienne. Rapidement tu développeras tes poumons, ta vision, tes perceptions et tu répondras à ces stimulations avec la grâce absolue de la petite enfance. Cette dernière est commune à toutes les formes de vie sur terre, les proportions des nouveaux-nés (une grosse tête sur un petit corps) étant destinées à émouvoir les adultes mammifères pour les inciter à prendre soin d’eux.

Oui tu seras gracieux pendant ce moment d’innocence brève, mais réelle, liée à ta propre vérité de petit d’homme, juste avant que l’environnement et les différents événements de la vie ne fabriquent ton masque social.

La qualité première des petits-enfants, ces énigmes lumineuses14, est qu’ils sont authentiques et évoluent sans filtre, en toute candeur, entièrement dévolus à l’instant qu’ils sont en train de vivre, uniquement guidés par leur rapport physique au monde. Leur labilité émotionnelle est un modèle exemplaire de sincérité : ils expriment tout ce qu’ils traversent, joie, colère, tristesse, surprise, amour, émerveillement... parfois dans un intervalle de temps très court, au moment même où ils ressentent ces émotions, sans jamais chercher à ne rien cacher ni contrôler.

La lumière de cet enfant-toi se tamisera plus ou moins vite selon ton environnement pour atteindre cette difficile transition qu’est l’adolescence.

L’éclosion

Tu te transformeras alors le plus souvent en un animal social au milieu de tes pairs. Tu te reconnaîtras plus dans l’horizontale de tes frères que dans la verticale de tes parents ou de la société dans laquelle tu évolueras. Il te faudra découvrir où est ta place dans cette société en dehors de ta famille et tu pourras alors tenter de « créer ton réel »15 pour pouvoir y éclore, t’y épanouir et devenir ce que tu es16. En cours de route, bien souvent, l’enfant que tu étais risquera d’être décapité.

L’adolescent irrite, perd en innocence, en vérité et en grâce physique, pour gagner en indépendance et devenir quelqu’un.

Tu chercheras alors probablement à bousculer les codes de ton époque et il a été attribué grand Socrate, pourtant si sage, cette diatribe qu’il aurait prononcé 400 ans avant J.-C au sujet des jeunes grecs. Cette rengaine est totalement reproductible de nos jours, capable de mettre en perspective les remontrances toujours ânonnées par les vieux cons qui ont tout oublié de leurs jeunes années passées.

Cela peut venir très vite, il y a des jeunes vieux-cons.

« (…) Les jeunes d’aujourd’hui Aiment le luxe, Ils sont mal élevés,Méprisent l’autorité,N’ont aucun respect pour leurs aînés Et bavardent au lieu de travailler Ils ne se lèvent plus lorsqu’un adulte pénètre dans la pièce où ils se trouvent Ils contredisent leurs parents
Plastronnent en société,Se hâtent à table d’engloutir Les desserts,Croisent les jambes Et tyrannisent leurs maîtres (…) »

Et oui, les jeunes d’aujourd’hui, comme les jeunes d’hier et ceux de demain sont des mutants qui se distinguent de nous, les adultes (qui étions si parfaits à leur âge). Nous les avons pourtant élevés en croyant bien faire pour en arriver là. La jeunesse d’une société reflète donc surtout la population adulte de cette même société, l’exemple qu’elle leur a montré, ainsi que les outils destructeurs qu’elle a parfois créés et mis entre leurs mains sans en anticiper les conséquences. Et les êtres hybrides que sont les « jeunes », mi-enfants/mi-adultes, se débrouillent avec cette base pour fabriquer la trame des sociétés de demain.

Une grande partie de leur jeune énergie est bien sûr consacrée, hormones aidant, à la recherche de partenaires de vie, tâche difficile s’il en est, dans notre culture essentiellement monogame.

Compte tenu de l’augmentation de l’espérance de vie et de l’âge peu expérimenté auquel ce choix est nécessaire pour les besoins de la procréation, le risque est grand de se tromper de partenaire.

Sache Eleïde que chaque partenaire de vie posera profondément son empreinte sur l’évolution de ta personnalité, sur ta santé et sur ton propre destin.

Chaque personne que nous côtoyons engramme en nous une trace de son passage et se traduit des modifications biologiques et hormonales.

« L’empreinte d’un homme sur un autre est éternelle, aucun destin n’a traversé notre vie impunément17 ».

Il faudra faire attention aux fausses intuitions amoureuses ou amicales, les pièges sont nombreux. Et malgré tout, il faudra essayer d’avoir confiance dans les relations humaines, d’être tranquille, de ne pas avoir d’a priori, de tenter d’aimer.

C’est cela, ton premier challenge de jeune personne, Eleïde.

Le chemin

Après cette jeunesse complexe, tu seras là, adulte, au milieu du monde, avec une personnalité devenant tienne façonnée déjà par de multiples coups de biseaux.

Selon la puissance de ton carcan social, tu ne seras pas devenu forcément celui que tu es16.

Il faudra parfois des années pour retrouver le cœur de ton toi. Certains d’entre nous n’y parviendront jamais, au risque d’en tirer une perpétuelle aigreur.

Sans doute un des outils pour trouver ta propre vérité sera d’être capable de te souvenir, de reconnaître ou de ne jamais oublier cet être entier que tu étais dans ta petite enfance, défini simplement par son ressenti corporel, sa curiosité et son inventivité.