Enfer vert et belle sirène - Tome 2 - Marco Marc - E-Book

Enfer vert et belle sirène - Tome 2 E-Book

Marco Marc

0,0

Beschreibung

Engagé dans la Légion étrangère, Émmair s’aventure dans un périple lointain, laissant derrière lui l’amour profond qu’il porte à Dalia. Après avoir retrouvé ses compagnons d’armes sur la base aérienne du Bourget, il s’enfonce dans la jungle pour une mission périlleuse. Au cœur de cette nature indomptable, il fait la rencontre d’une envoûtante sirène aux cheveux écarlates, qui éveille en lui un désir brûlant. Malgré cette nouvelle attirance, le souvenir de Dalia continue de hanter son esprit. Déchiré entre la tentation du mystère et la loyauté envers son amour passé, Émmair devra choisir le chemin qui guidera son destin.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Marco Marc est un contemplateur sensible à l’univers de la créativité artistique. Après avoir exploré la peinture et la photographie, il choisit de restituer sa vision du monde à travers les lettres qu’il couche habilement sur le papier. Cet ouvrage s’inscrit parfaitement dans cette démarche.

Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern
Kindle™-E-Readern
(für ausgewählte Pakete)

Seitenzahl: 281

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



Marco Marc

Enfer vert et belle sirène

Tome II

Roman

© Lys Bleu Éditions – Marco Marc

ISBN : 979-10-422-4474-3

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Cette nouvelle histoire est la suite du premier tome intitulé Suivre son chemin.

Émmair, après avoir profité de sa permission avec ses amis de Nice, rejoint ses trois frères d’armes au Bourget. Ils partent pour la Guyane où les attendent des missions éprouvantes, mais également de belles rencontres.

Chapitre 1

Trois jours avant son départ, Émmair est monté au village dire au revoir à ses amis, ranger son scooter et bien sûr prendre un bon apéro avec Fifine et tous les copains du petit hôtel. Tous sont un peu tristes de le voir partir pendant peut-être cinq ans, mais ils se remontent le moral en se disant que ça va vite passer ! Avant de partir, il demande à Lison si elle veut bien garder le double de ses clefs pour aller aérer son appart’ de temps en temps. La jeune fille, qui sait parfaitement où est le petit logement, accepte avec plaisir. Elle lui dit qu’il n’y a pas de problème, qu’elle s’en occupe. Il peut donc partir tranquille. Il a toute confiance en Lison.

En quittant ses amis ce soir-là, la patronne du petit bistrot, une excellente dame d’une grande bonté, qui aime le légionnaire comme son fils, est la plus triste.

« Mon petit, mon petit, prends soin de toi, reviens vite. »

Ce soir-là, Émmair a la tête qui tourne pour rentrer chez lui, heureusement que l’air frais de la nuit lui fait du bien.

Le jour « J » arrive rapidement, Émmair est sur le quai de la gare avec une bonne demi-heure d’avance. Il a laissé son appart’ bien rangé en prenant soin de laisser un minimum de chauffage, pour l’hiver, cela évite l’humidité.

Voilà le train qui arrive destination Paris gare de Lyon, il grimpe dans le Wagon dans lequel se trouvent déjà deux légionnaires. Émmair les salue et les deux autres se présentent. Ils sont soldats « seconde classe » et sont cantonnés à Aubagne qui est le fleuron des régiments de la Légion étrangère. Ils partent, eux aussi, pour le 3ᵉ REI de Kourou. Le voyage se passe bien, à part trois ivrognes qui pensent vouloir jouer aux durs devant les légionnaires en disant qu’ils sont aussi forts qu’eux et que, s’ils voulaient, ils pourraient leur « casser la gueule ». Ils sont mal tombés, Émmair, qui est déjà un peu mal luné par le départ, se lève d’un bond en attrape un par le bras pour lui faire une clé et lui retourne dans le dos, le gars tombe à genoux :

« Si vous voulez venir avec nous, c’est sans problème, je téléphone à Lyon et demain, vous êtes légionnaires », leur explique Émmair. Les deux collègues ont attrapé les deux autres soûlots par le col de la chemise et les ont fait asseoir à côté d’eux sur la banquette, en leur disant de ne pas bouger, eux aussi semblent légèrement remontés… Les trois ivrognes commencent à pleurer après leurs mères, d’autant plus que le chef de train arrive et demande à Émmair s’il veut directement téléphoner au bureau de gendarmerie. C’est tout à fait possible depuis le train.

Émmair lui répond d’attendre un peu, qu’il va s’en occuper.

« Si jamais ils continuent à faire les malins, je vous promets que je téléphone et, en plus, ils auront le droit à mes recommandations, explique-t-il au chef de train. On va voir. »

Il s’adresse aux trois poivrots en leur ordonnant de ne plus dire une seule parole jusqu’à Paris…

C’est incroyable de constater comme les trois durs deviennent doux comme des agneaux, jusqu’à proposer des cigarettes et de la bière qu’ils avaient cachées dans leurs sacs ! Émmair refuse les clopes, et interdit aux poivrots de fumer. Par contre, il prend une bière. Au bout de dix minutes, les trois imbéciles commencent à s’excuser, qu’ils voulaient plaisanter et qu’ils respectent les militaires. Émmair leur dit qu’ils feraient mieux de venir avec eux au lieu de jouer les gros bras dans un train. Les trois comiques expliquent qu’ils ont du travail et qu’ils préfèrent la vie civile. L’un d’entre eux est marié et a deux enfants. Émmair lui demande s’il trouve que c’est vraiment une bonne conduite pour un père de famille, l’autre bafouille des « je m’excuse, je m’excuse, c’était pour rigoler ». Émmair aurait bien envie de lui mettre des calottes et lui dit de s’en aller avec ses potes, et surtout qu’il n’entende plus parler d’eux jusqu’à Paris. Les trois promettent en disant : « Merci M’sieur », en saluant comme des bleusailles, ce qui fait, quand même, rire les trois légionnaires.

Finalement, ce petit incident a bien détendu Émmair et ses deux collègues. Ils avaient besoin d’un peu d’exercice pour se relaxer !

À Paris, le bus de la légion les attend sur le parking de la gare, le chef de train est venu les remercier d’avoir calmé les trois individus pendant le trajet.

« Ce serait bien qu’il y ait plus de gars comme vous dans les trains. On serait, tous, plus tranquilles. »

Quand ils arrivent à la base aérienne du Bourget. Ils sont une bonne vingtaine dans le bus, ramassés un peu partout dans les gares et notamment à Montparnasse.

C’est le capitaine de la base qui les accueille. Il leur dit tout simplement que le départ pour Cayenne est à six heures le lendemain matin et que les caporaux ici présents vont les encadrer. Ensuite, il s’en va sans plus de détails. Émmair apprendra plus tard que la base devrait fermer dans les années qui viennent, d’où, peut-être, le manque d’enthousiasme du capitaine. Un des caporaux vient voir Émmair.

« Vous êtes chef de groupe ? C’est moi qui m’occupe de vous, votre équipe est déjà là, ils m’ont demandé de venir vous chercher, chef ! »

Émmair lui répond que s’il veut rester « bon copain », il doit arrêter avec les « vous » et avec les « chefs ». Le cabot lui demande de le suivre. Tout d’abord, il emmène Émmair ranger ses affaires et passer son treillis, ensuite, ils se rendent dans la grande cour où les militaires ont installé un grand chapiteau.

« C’est votre réfectoire ainsi que votre foyer », explique le caporal.

À ce moment-là sortent, de dessous la toile du campement, Jacky, Chinetoque et Piko :

« Émmair ramène ta fraise, gueule Jack, on va te faire visiter ! »

Voilà ces vieilles fripouilles. Comme c’est bon de les retrouver. Ils se tapent sur les épaules et se font de vigoureuses accolades.

« Bordel, dit Émmair, vous m’avez manqué, bande de margoulins ! »

« Pareil pour nous, on était perdu sans notre chef, dit Piko sincèrement, alors qu’est-ce que tu as fait de beau pendant tout ce temps ? »

Émmair annonce que pour lui, ça roule, que le crédit pour son logement suit son cours, qu’il a visité Nice, qu’il a été jusqu’à Vintimille pour manger des spaghettis, et surtout qu’il a passé la plupart de son temps avec ses amis du petit village.

Le Chinois explique qu’il est toujours fiancé avec sa belle Li-na.

« Elle a quitté ses études d’arts plastiques et est entrée dans une école de gestion-comptabilité, elle veut se mettre dans le commerce et commencer à diriger “Le Chinatown”. Vous seriez étonné de voir comme elle a changé. Elle est beaucoup plus sûre d’elle, elle s’occupe de la salle et de l’accueil des clients. Bien sûr, c’est toujours “le cousin” qui s’occupe de la cuisine, c’est lui le responsable des fourneaux. »

Les trois amis sont réellement contents pour leur ami le Chinetoque. Ils lui disent que c’est super qu’il ait trouvé Li-na et surtout que c’est génial qu’ils s’entendent bien tous les deux.

« Et vous les gars, qu’avez-vous fait de beau ? » demande Émmair en se tournant vers Jack et Piko, aussitôt Jacky regarde passer les oiseaux.

« Eh bien, une fois que ce monsieur a fini de vider tous les fûts de bière de son quartier, on a commencé à parler pour après. »

Chinetoque et Émmair se fendent la poire et le chef demande, inquiet.

« Pas de bagarre, j’espère ? »

« Non, non, absolument pas, il m’a épaté, avoue Piko, il a su se tenir et est resté sympa avec tout le monde, même ses anciens potes ne le reconnaissaient pas. Il y en a qu’un qui l’a un peu trop charrié, le gars s’est vite rendu compte que Jacky était toujours le même, en pire ! »

« Bravo Jack », lui disent en chœur Chinetoque et Émmair… grâce à l’armée, il arrivait maintenant à contrôler sa violence.

« À part ça, poursuit Piko, on a pensé qu’après l’armée, on pourrait se monter une boîte de surveillance pour travailler avec des banques où des grosses boîtes, il faudra que l’on s’occupe de ça plus tard. »

« Ce n’est pas une mauvaise idée », dit Émmair.

Pendant ce temps-là, le petit caporal apporte des canettes de bière.

« C’est ma tournée, décide le chef, au fait caporal, pendant qu’on est là, est-ce que je peux envoyer du courrier, d’ici ? »

« Oui, bien sûr, la poste passe tous les matins, tu peux laisser du courrier au bureau si tu veux. »

Émmair sort deux grosses enveloppes kraft de son treillis et lui demande s’il peut aller les poster à sa place. Le petit caporal qui accepte tout de suite prend les lettres et s’en va. Jack regarde Émmair en fronçant les sourcils.

« Salaud Émmair, tu n’es même pas allé la voir, ta Dalia ? »

« Ben non, je vous ai déjà expliqué, elle fait de longues études, elle est avec son papa et sa maman. Ils ont une belle maison pas loin de son université, autant qu’elle soit tranquille, que je ne l’embête pas. Je ne veux pas la perturber, c’est aussi bien comme ça. »

« Quand même, un petit bonjour, dit Jack, cela ne fait de mal à personne… »

« Jacky, je lui écris souvent et je lui envoie des photos et après la Guyane, j’irai lui faire une visite surprise, alors tu vois… »

« C’est vrai ? Tu vas aller la voir ? » demande Jack avec un grand sourire.

« Après la Guyane, oui, je l’avais promis à son père, mais tais-toi, il ne faut pas le dire ! »

Le Chinetoque dit que c’était très dur pour lui aussi de laisser Li-na, et effectivement, ça peut déstabiliser une personne, surtout pour les études :

« Pourtant nous sommes très forts tous les deux, c’est terrible de se quitter. Tu n’as pas tort Émmair. C’est plus tranquille pour ta fiancée. »

Le petit caporal de l’aviation écoute la discussion, complètement captivé.

Des histoires de cœur de légionnaires !

Une fois que chacun a payé sa tournée de bière, Émmair a envie d’aller prendre l’air cinq minutes dans la cour. Le petit capo le suit pour lui dire que demain il prend aussi l’avion avec eux.

« Regarde, chef, c’est le coucou qui est là-bas. »

Il pointe du doigt un énorme Transall, idéal pour toutes sortes de transport et très connu pour atterrir un peu partout, notamment en terrain difficile. Le caporal explique que les mécanos, qui ont déjà fait la révision et le plein, sont en train de monter les sièges pour les passagers.

« Vous voyez, on prend soin de vous », dit-il, tout fier d’être là pour aider les bérets verts.

À dix-neuf heures, direction la cantine, au menu, saucisses aux lentilles avec des tranches de poitrine fumées, un vrai régal, toute la table adore ça ! Ensuite, ils vont traîner dans la cour, Jack propose d’aller écluser une dernière binouze au foyer, mais personne n’a vraiment envie, alors le petit « aviateur » dit à Émmair qu’il passe un film marrant dans une salle à côté du foyer :

« C’est du San Antonio, “Béru et ses dames”, informe-t-il, c’est spécialement pour vous. »

« Allez, on y va, dit Émmair à ses potes, je connais, c’est du bon comique et c’est loin d’être triste ! »

Jean Richard tient le rôle de Béru, et pendant toute la projection ce ne sont que gags et jeux de mots, un bon moment de rigolade qui remonte le moral des troupes. Après cette excellente pause, les quatre, toujours accompagnés de « l’aviateur », décident à l’unanimité d’aller boire la dernière bière avant le départ demain matin pour Kourou, le foyer attendait la fin du film pour fermer, il est vingt-deux heures trente, ce qui est très raisonnable.

Cinq heures du mat’, finalement Émmair a bien roupillé. Il réveille tout le monde et fonce aux lavabos. Trente minutes plus tard, ils sont tous alignés au point de ralliement, leurs sacs posés à côté d’eux, ils sont une bonne centaine à partir. Un adjudant-chef de l’aviation les félicite pour leur discipline et leur dit que leur taxi les attend au bout de la piste. D’ailleurs, ils entendent le bruit des moteurs qui tournent déjà à plein régime. Au pas de course, les hommes embarquent à bord du Transall, par le panneau arrière, il ne faut pas plus de vingt minutes pour que les portes se referment et dix minutes plus tard. Le zinc fait un virage sur l’aile au-dessus de Paname, la tour Eiffel sera la dernière vision du continent pour le chef et ses potes. Émmair tape sur l’épaule du petit caporal.

« Tu diras merci à tout le monde, c’était vraiment sympa cette soirée. »

L’aviateur est vraiment fier, il n’a pas quitté le groupe un seul instant.

« Je croyais avoir affaire à des bandits, en réalité, vous êtes tous des super potes », dit-il étonné.

« Nous les légionnaires, on se fait casser la gueule pour tout le monde, ça nous apprend à être unis », explique Émmair.

Au milieu du zinc, sont installées des grosses caisses remplies de matériel, sur les côtés, les sièges pour les soldats, sur l’avant une petite cantine où chauffe un rondeau de café et où les attend une trentaine de beaux pains bien dorés, l’armée de l’air les a vraiment gâtés. Dans l’avion, le bruit est infernal, heureusement Émmair qui a toujours du coton dans son sac (il est aussi aide-soignant) en sort une grosse boule, et s’en bourre dans les oreilles. Il fait suivre le reste pour les autres, ce n’est pas grand-chose, mais ça fait du bien et ça évitera d’avoir la tête comme une pastèque à l’arrivée. Sept heures de vol jusqu’à Cayenne, Émmair se détend les pattes dans la petite allée le long des caisses de transport, puis retourne s’asseoir pour essayer de somnoler.

« On se fait chier, hein ? » rigole Jack, il connaît bien Émmair, ce dernier a du mal à rester plus de cinq minutes en place, Piko qui voit le manège, sort de son sac un jeu de dames :

« On fait un tournoi, celui qui perd paie sa bière ! » annonce-t-il.

Une douzaine d’autres légionnaires relèvent le défi.

« C’est simple, on joue deux par deux, le gagnant joue jusqu’à tant qu’il perde, dans ce cas il est mis de côté, ensuite les gagnants restants s’affronteront entre eux », explique Piko.

Il gagne ! Il remporte trois manches à suivre, ensuite il remporte la finale. Il a plus d’un tour dans son sac ce filou de Piko, Jacky est content, c’est lui qui écluse les bières gagnées…

Et l’heure approche doucement, huit heures et demie à Cayenne, midi et demi à Paris, annoncent deux grosses pendules accrochées dans le fond, derrière la cantine. À neuf heures pile, le commandant de bord informe de bien s’accrocher. Ça va secouer un peu, tous les soldats sont bien en place sur leur siège, leurs paquetages sur les genoux.

Après trois virages bien serrés sur l’aile, le transall a le nez face à la piste. Le pilote ne fait pas dans la dentelle, par contre l’atterrissage se fait tout en douceur. Dix minutes plus tard, les voilà garés sur le tarmac, l’arrière de l’avion s’ouvre et un cyclone de chaleur suffocante envahit tout l’intérieur.

« On est sur l’équateur, les copains ! » hurle Émmair dans le fracas des moteurs, à neuf du matin déjà quarante degrés, il avait beau le savoir, ça surprend quand même.

Un gradé les attend un peu plus loin, après le garde-à-vous réglementaire, il annonce leur mission.

« Avant tous les tirs de fusée, environ une tous les deux mois, il faut s’assurer qu’il n’y ait personne sur toute la zone de tir, et ce, sur un rayon de cinquante kilomètres autour de la rampe de lancement. On appelle ça le ratissage et c’est votre travail ici. Le bus va vous emmener jusqu’à la base de Kourou, où vous attendent vos anciens qui vont vous expliquer tout ça. Ils vous attendent avec impatience. Messieurs, je vous souhaite bonne chance, rompez ! »

La base de Kourou est à une soixantaine de kilomètres de la piste d’atterrissage, effectivement la relève est attendue, les anciens les accueillent avec un grand sourire. Ils sont heureux de retourner sur le continent, le climat tempéré de la France leur manque. Certains sont là depuis cinq ans et ils sont contents de quitter ce pays, « l’enfer vert » comme ils l’appellent ici.

« La Guyane est recouverte à quatre-vingts pour cent de jungles, pour ceux qui aiment les balades en forêt, c’est l’idéal », plaisante le sergent-chef qui les accueille et qui leur fait l’instruction, une fois qu’il a fait son discours de bienvenue et présenté les caporaux qui vont les encadrer, il demande à la ronde.

« D’autre part, il doit y avoir parmi vous un photographe ? Qu’il se présente ! »

« Présent, chef ! » dit Émmair en faisant un pas en avant.

« Bien, toi et ton groupe, vous me suivez. »

Le sergent-chef les emmène jusqu’à leur nouveau baraquement.

« Pour le moment, vous allez faire du ratissage comme les autres, il faut absolument que vous vous habituiez à la jungle et à son climat, c’est nécessaire, il faut vous habituer à circuler dans la forêt, à reconnaître tous les bruits et à détecter ce qui n’est pas habituel. Je vous dis tout de suite qu’il va déjà vous falloir au moins un an avant que vous soyez apte à circuler dans l’enfer vert, et en travaillant bien. J’ignore ce que vous allez faire, mais les supérieurs m’ont bien dit de vous préparer au top niveau. Alors je ne vous lâche pas, mais ne vous tracassez pas trop, c’est surtout une question d’habitude, d’ailleurs en parlant d’habitude, Émmair, tu prends tout de suite ton matériel pour, justement, t’habituer à l’avoir sur le dos, c’est un Fuji, tu connais ? »

« Oui, chef ! j’avais le même en stage. »

« Bon, une dernière chose, je vous emmène tout de suite à l’infirmerie pour passer une visite médicale et ils vont, en plus, vous donnez des petites pilules blanches. »

Émmair le regarde, style je ne comprends pas !

« Ce sont des pilules de Nivaquine, pour ne pas attraper de Palu. Je vous conseille de ne pas oublier de les prendre si vous ne voulez pas avoir des crises tous les quatre matins, des crises qui peuvent durer toute votre vie. Ce sont de fortes fièvres qui vous collent au lit pendant trois jours, alors si ça vous arrive en pleine jungle, je ne vous dis pas le bordel. »

À l’infirmerie, on leur donne bien une boîte de pilule chacun, en leur précisant encore de surtout ne pas oublier d’en prendre, en plus, ils ont le droit à une piqûre contre les maladies tropicales et ils sont déclarés aptes aux balades en forêt, comme dit le sergent-chef ! Ensuite, ils regagnent leur baraquement.

C’est un grand dortoir d’une quarantaine de lits, avec de grandes fenêtres toujours ouvertes, équipées de moustiquaires. Entre chaque lit, une espèce de drap blanc qui sert de rideau, chacun dispose d’une petite armoire et d’une table de chevet. Émmair et ses potes s’installent dans les premiers lits, à côté de la porte, ce n’est pas la meilleure place à cause du va-et-vient, mais Émmair est sûre qu’il n’y aura pas de désordre longtemps. Effectivement, à part le premier soir où tout le monde s’installe, tous se groupent par quatre ou cinq en s’isolant avec les draps rideaux, ensuite il n’y a plus de bruit, les soldats évitent de parler fort. Il faut dire que dès le deuxième jour, ils ont le droit au réveil à cinq heures du matin et toute la journée, il faut crapahuter dans la boue, sauter des obstacles et faire des exercices, tout ça, pendant une douzaine d’heures, alors quand arrive le soir, plus personne n’a envie de faire la fête, tous s’isolent entre eux, boivent quelques bières et se reposent.

En trois semaines, avec l’entraînement que les soldats ont derrière eux, ça va déjà mieux, ils sont dégauchis ! Les anciens peuvent laisser leurs places et retourner sur le continent, d’ailleurs le transall les attend. Avant de partir, le petit caporal de l’armée de l’air vient voir le groupe Émmair pour les saluer, il est resté à Cayenne un petit mois, le temps de vider et de recharger le taxi, il en a aussi profité pour visiter la ville.

« Je vais faire l’aller-retour pendant cinq ans, vous étiez mes premiers clients, j’espère que je serai là pour votre retour, alors à bientôt. »

Émmair lui serre la main en lui répétant de dire merci à la BA 104 pour leur accueil.

Quelque temps après, ils ont vu le gros zinc virer sur l’aile et mettre le cap sur Paris.

Les jours suivants, ils attaquent le « ratissage » proprement dit.

« Maintenant que vous êtes pratiquement tous au point, on va attaquer les choses sérieuses, la vraie jungle… plaisante le sergent-chef instructeur, c’est très simple, nous prenons comme repère le bureau de lancement, on le définit comme notre centre, nous devons nous assurer que sur un rayon de cinquante kilomètres autour, tout est sécurisé. Pour les premières journées de ratissage, on ne s’infiltre pas trop loin dans la forêt, pas plus d’une douzaine d’heures de marche et progressivement. Nous irons de plus en plus profond dans la jungle, jusqu’à dix jours de ce piège vert et de plus en plus chargé, alors n’oubliez rien, la cuisine ne vous suivra pas et pensez toujours à vos pilules blanches. »

Émmair et ses potes apprennent eux aussi, ils commencent à s’habituer à se déplacer dans ce fouillis de la nature, il faut prendre garde à tout, déblayer le chemin à grands coups de machette, regarder où l’on met les pieds, il y a des bestioles partout des serpents corail (certains mortels).

Des araignées mygales grosses comme des tourteaux et en même temps regarder dans les arbres, sur les branches, qui sont le domaine des singes hurleurs, ces bestioles n’aiment pas être dérangées chez elles, surtout quand les petits sont là. Toutes ces bestioles forment un son, le son de la jungle aussi bruyant que l’océan en pleine tempête, le plus effrayant quand on ne connaît pas, est le singe hurleur, il crie comme une personne qui aurait vu un mort-vivant. Doucement, Émmair et son groupe s’habituent à tout ça, ils arrivent à identifier les cris, les bruits, et à les enregistrer dans leurs mémoires, et, comme leur a conseillé le sergent-chef, tout de suite repéré une anomalie dans ce brouhaha.

L’instructeur qui est toujours aux côtés du groupe Émmair remarque le changement.

« Alors caporal-chef, tu commences à t’y reconnaître, tu entends mieux ? »

« Ça vient chef, ça vient ! »

« On va faire une expérience, pour voir ça ! Passe-moi ton appareil photo, je vais m’éloigner et prendre quelques clichés, tu me diras si tu as entendu et combien de déclics, ça marche aussi pour le reste du groupe, d’accord Émmair ? »

Les quatre restent sur place pendant facilement dix minutes, Karlo, le sergent-chef, ne prend pas les photos à suivre, il ne leur facilite pas la tâche, le groupe tend l’oreille au maximum, les trois autres font signe qu’ils n’entendent rien, Émmair a le doigt sur la bouche « chut » et Karlo revient.

« Alors combien de déclics », demande-t-il à la ronde, c’est Émmair qui répond.

« J’en ai entendu quatre, chef ! »

« Super, c’est ça. »

Les trois copains sont désolés, ils n’ont rien entendu, Karlo félicite Émmair, en lui disant qu’il a une super oreille et que dans la jungle, c’est très utile, bravo. Émmair récupère tout de suite son Fuji qu’il remet à sa place, en bandoulière, autour de son cou, il en a pris l’habitude et quand il ne l’a plus ça lui manque, il en profite pour faire des photos de ses potes et de leur instructeur en pleine jungle.

Mai 1976 arrive assez rapidement, déjà plus d’un an passé dans cet enfer vert, le commando Émmair commence à être beaucoup plus à l’aise dans la forêt, il repère vite les dangers, surtout les bestioles, mais il faut rester vigilant.

« Ne vous relâchez surtout pas à cause de l’habitude, restez toujours à l’écoute, comme au premier jour où l’on se méfie de tout. »

Karlo en est à sa huitième année de jungle, il circule là-dedans comme chez lui, cependant, il ne faut pas croire à sa nonchalance, il est toujours aux aguets, il repère les dangers de loin, il voit tout.

Pendant leurs jours de repos, les quatre amis en ont profité pour visiter Cayenne, magnifique avec sa grande place remplie de palmiers et de fleurs, Émmair trouve que ça sent la vanille. Il y a aussi le grand marché avec ses immenses bancs débordant de légumes et de fruits, les jolies vendeuses créoles qui vantent la qualité de leurs produits, habillées de leurs magnifiques saris de toutes les couleurs et de leurs turbans dans les cheveux, ça sent bon les épices !

Ils ont aussi visité l’île du salut et son célèbre bagne, Émmair a vu et lu l’histoire de Papillon (Henry Charrière) qui s’est évadé une première fois, mais qui s’est fait reprendre aussitôt, qui a réussi à sa deuxième tentative il faut dire que le bagne allait fermer deux jours après ! Par contre, entre ces deux évasions, il y a eu celle de Belbenoît qui, lui, a réussi du premier coup, Émmair pense que le vrai papillon, c’est lui.

D’ailleurs, pendant sa cavale, il attrape des papillons pour les revendre aux touristes ! Par la suite, il s’est marié avec une Indienne et a vécu un an dans sa tribu, loin de s’arrêter là, il réussit à regagner Panama et ensuite New York, où il se remarie et obtient la nationalité américaine. Malgré ses nombreuses démarches, il n’a jamais été gracié par la France, il a écrit un livre dont il a vendu les droits d’auteurs et a ouvert une quincaillerie pour les cow-boys dans un coin désertique de Californie appelé Lucerne Valley. Émmair a toujours pensé que c’était bien lui le vrai « papillon » et non Henri Charrière qui n’était qu’un beau parleur et un escroc, il a été gracié par la France (personne ne sait pourquoi) et qui faisait toujours le beau dans le Paris des maquereaux !

Pendant ce temps, le groupe Émmair s’est aguerri, ils se sont habitués à la chaleur, à l’humidité et aux bestioles. La pommade antimoustiques de Nice ne doit être efficace que sur la Côte d’Azur, Émmair n’oubliera pas d’en informer la belle pharmacienne. Ses potes se sont légèrement foutus de sa gueule quand il a voulu leur en faire profiter, alors il a voulu gentiment en faire cadeau à une vendeuse créole sur le marché, en lui disant que cela venait d’un grand magasin de Paris, celle-ci l’a regardé avec des yeux ronds comme des soucoupes et en lui disant :

« Qu’est-ce que tu veux que je foute avec des saloperies pareilles, tu veux me rendre malade ? »

Du coup, Émmair a tout balancé à la poubelle sous le regard hilare de ses potes, il est sûr, maintenant, que c’est le stress qui lui a fait acheter ces trucs-là…

Chapitre 2

Ce n’est que trois ans après leur arrivée à Kourou, un matin de mars 1978, alors qu’eux-mêmes n’y croyaient pratiquement plus, que la mission arrive, c’est Karlo qui les prévient :

« Allez les gars, c’est à vous de jouer, les hélicos vous attendent, vous partez pour Saint-Georges-de-l’Oyapock, je n’en sais pas plus, alors bonne chance et faites gaffe à vous. »

Deux heures plus tard, l’hélico se pose dans un grand champ tout près du fleuve Oyapock, ils ont l’habitude de venir dans ce coin faire des manœuvres. Une pirogue les attend, après une petite heure de navigation, le fleuve se resserre et devient assez étroit, d’un côté la France, de l’autre le Brésil, les quatre amis ne sont jamais descendus aussi bas, où plutôt remonter aussi haut, car ils se dirigent bien vers la source du cours d’eau, en tout cas, ils entrent dans la jungle profonde. À un détour du fleuve, amarré à la rive et bien camouflé par la végétation, les attend un grand bateau, c’est un des postes avancés de la gendarmerie.

« Groupe Émmair, 3ᵉ REI », se présente le chef en saluant le lieutenant des douanes.

« Bienvenue les gars », répond le gradé.

Deux militaires commencent à charger la pirogue taxi, avec des vivres et du matériel de camping, comme dit Piko, trois indigènes sautent aussi dans la pirogue.

« Ce sont des indigènes palikur, ils sont nés dans la jungle et parlent quelques mots de français, ils vont vous accompagner un bon bout de chemin, maintenant, assoyez-vous et buvez une bière le temps que je vous explique. »

Le lieutenant propose des clopes que tout le monde refuse, même Jacky qui a décidé de ne pas fumer en mission.

« Ça fait une saloperie de moins à transporter », a-t-il dit avec un sourire pas très convaincu.

Le lieut’ reprend, il montre sur la carte.

« Déjà, la pirogue va vous emmener plus bas que Camopi, ce village qui est ici, il y a à peu près trois heures de navigation, vous allez mettre pied à terre pratiquement à la source du fleuve, ensuite les trois guides vont vous faire infiltrer dans la jungle, jusqu’à ce point, là. »

Le supérieur désigne un point rouge marqué sur la carte, Émmair regarde, le point ne se trouve pas tellement loin d’une colline dont le sommet culmine à plus de mille cinq cents mètres.

« À partir de ce point, vous ne serez plus que vous quatre, les Palikurs vous laissent à cet endroit, ils viendront vous chercher après la mission, je vous explique maintenant de quoi il s’agit :

Nous avons acquis la certitude que des trafiquants d’or opèrent dans cette région, plus exactement sur le flanc de cette montagne. Ils sont en train de dévaster la forêt avec tout le mercure qu’ils répandent, c’est d’ailleurs un peu grâce à ça que nous les avons repérés, de plus, ils creusent des galeries dans la montagne et détruisent tout, sans compter évidemment tout l’or qu’ils nous volent et croyez-moi il y en a pour un bon paquet de dollars. Vous comprendrez aisément que l’on ne peut pas les arrêter en flagrant délit, sur le terrain, déjà, nous ne les avons pas cernés précisément, il nous faudrait donc beaucoup d’effectifs, ils seraient vite alertés par le bruit et n’oublions pas qu’ils sont extrêmement dangereux. Nous avons donc pensé, qu’un petit commando comme vous quatre, qui prendrait de belles photos de ces individus, bien prises sur le site, nous permettrait de les cueillir tranquillement chez eux, avec des preuves en main. »

Émmair sourit en tapotant l’étui de son Fuji.

« Nous les situons avec certitude dans cette portion de terrain qui représente un carré de huit kilomètres de côté, nous ne pouvons pas être plus précis, au risque d’éveiller leur soupçon. Voilà, je vous ai tout expliqué, je vous confie un GPS avec le bip pour vous localiser, activez-le dès que vous aurez mis la main sur ces bandits. Trouvez-les avant qu’ils ne transforment la montagne en gruyère ! »

Émmair et ses potes, au garde-à-vous, saluent l’officier.

« À vos ordres, mon lieutenant ! »

« Allez-y et s’il vous plaît, trouvez-moi ces salopards ! »

Sans perdre de temps, le commando saute dans la pirogue qui repart aussitôt, les quatre se regardent.

« Sympa les gendarmes, retrouvez l’entrée d’une mine d’un kilomètre carré environ, sur une superficie au moins soixante fois plus grande, en plus, en pleine jungle, sur le papier ça paraît facile : regardez, ce n’est pas compliqué, c’est là ! »

Émmair montre sur la carte, l’endroit, à ses potes.

Le commando rigole et Piko ajoute.