Henri III et sa cour - Dumas Alexandre - E-Book

Henri III et sa cour E-Book

Dumas Alexandre

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Beschreibung

Intrigues, complots, vie et amours à la cour d'Henri III, au moment où le duc de Guise créé la Ligue pour accéder au trône de France. Et renverser Henri III et sa mère.

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Seitenzahl: 133

Veröffentlichungsjahr: 2019

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Henri III et sa cour

Pages de titreDrame en cinq actes, en proseHenri III et sa courPersonnagesActe premierActe IIActe IIIActe IVActe VAnnexeGenèse et représentation d’ Henri III et sa courPage de copyright

Alexandre Dumas

Henri III et sa cour

Drame en cinq actes, en prose

Henri III et sa cour fut représenté pour la première fois à Paris, le 11 février 1829, au Théâtre-Français, à Paris. La pièce connut un succès considérable. Des extraits de Mes Mémoires, où Alexandre Dumas raconte comment il a trouvé le sujet de la pièce, sont présentés ici en annexe.

Henri III et sa cour

Un mot

Peut-être s’attendait-on à voir, en tête de mon drame, une préface dans laquelle j’établirais un système et me déclarerais fondateur d’un genre.

Je n’établirai pas de système, parce que j’ai écrit, non suivant un système, mais suivant ma conscience.

Je ne me déclarerai pas fondateur d’un genre, parce que, effectivement je n’ai rien fondé. MM. Victor Hugo, Mérimée, Vitet, Loève-Veimars, Cavé et Dittmer ont fondé avant moi, et mieux que moi ; je les en remercie ; ils m’ont fait ce que je suis.

J’aurais donc publié mon drame sans préface aucune si deux devoirs ne m’avaient été imposés par son succès : le premier, de le dédier à celui qui m’a ouvert la carrière théâtrale ; à celui qui, en partant pour l’Égypte, me recommandait à son successeur ; qui, de l’Égypte, me recommandait encore ; et qui, à son retour, de protecteur, est devenu pour moi ami, ami que ni chute ni succès ne pourront jamais rendre plus ou moins mon ami.

Mon second devoir est de rendre justice aux comédiens qui m’ont si bien secondé, et qui, à si bon droit, peuvent réclamer leur part du succès.

À mademoiselle Mars d’abord, si admirable, que toute expression manque, non pour la louer, mais pour lui rendre justice ; à mademoiselle Mars, en qui j’avais deviné des qualités tragiques, contestées jusqu’aujourd’hui, et qui n’avaient besoin, pour se développer avec tant d’éclat, que de rencontrer une tragédie moderne ; à mademoiselle Mars, que je ne saurais comment remercier, si elle n’avait la modestie de regarder les cris de terreur et les applaudissements frénétiques adressés, chaque soir, bien plus à l’actrice sublime qu’aux situations fortes de la pièce, comme une récompense, quand ils ne sont positivement qu’un tribut.

À Firmin, mon ami, et que je remercie de son amitié, avant de le remercier de son talent ; à Firmin, d’abord homme loyal et dévoué ; puis ensuite à Firmin, acteur si tragique, si passionné, si vrai ; jeune, gracieux, mélancolique, trouvant dans le rôle qu’on lui confie, non seulement des nuances inaperçues de l’auteur, mais encore de ces mots de l’âme qui vont saisir l’âme ; à Firmin, qui a bien voulu voir, dans cette soirée, la seconde belle soirée de sa vie. La première était celle du Tasse.

M. Joanny est encore un de ceux que le public s’est plu à récompenser ; chargé du rôle le plus difficile de la pièce, il en a sauvé toutes les situations hasardeuses ; il a toujours été vrai et terrible. M. Joanny a étudié son art dans Corneille.

Et, ici, l’occasion se présente de faire une justice. Quelques légers reproches ont été adressés à M. Michelot, sur la manière dont il a composé son rôle. C’est à moi que ces reproches sont dus, et je les réclame. J’avais cru voir, en Valois, un prince faible et puéril, ne sortant de ce caractère que par des traits d’éloquence et des soudainetés de courage ; j’ai en quelque sorte forcé M. Michelot à jouer le rôle d’après des documents que la critique a trouvés faux ; depuis, il lui a donné une autre physionomie, la même qu’il lui avait fait prendre d’abord, et il y a été applaudi ; le procès est jugé : j’avais tort ; il est donc juste que je paye les frais.

Puis, après la justice, la reconnaissance. Pour concourir au succès de la pièce, et par amitié pour l’auteur, mademoiselle Leverd, qui venait de créer avec un si beau talent le rôle d’Olga, a bien voulu se charger d’un rôle secondaire, peu brillant ; c’est du dévouement aux intérêts de la Comédie ; c’est un sacrifice d’amour-propre : grâces lui soient donc rendues deux fois !

Parmi les rôles secondaires vient se placer celui de Joyeuse, accepté aussi par dévouement et par amitié. Samson y a fait applaudir jusqu’aux plus faibles mots ; il y a été constamment acteur comique et spirituel ; c’est ce qu’il est aussi comme auteur. Tout Paris a applaudi la charmante comédie de la Belle-Mère et le Gendre, et y a ri franchement, comme à du Molière retrouvé.

Et que mon joli petit page ne croie pas que je l’oublie ; d’ailleurs, le public m’en ferait souvenir. Il est impossible d’être plus naïve et plus gracieuse, de jeter une teinte plus douce, au milieu des teintes rembrunies des trois derniers actes, que ne l’a fait mademoiselle Despréaux dans la création du personnage d’Arthur : elle a deviné les anges de Milton et de Thomas Moore.

Mademoiselle Virginie Bourbier voudra-t-elle recevoir aussi mes excuses et mes remerciements ? Elle a bien voulu accepter quelques lignes dans mon drame, au moment où la retraite de mademoiselle Bourgoin et le congé de mademoiselle Duchesnois ouvrent à son talent, si bien apprécié à son début, une large carrière dramatique. Elle avait droit à mieux que cela. Je suis son débiteur ; elle me permettra, je l’espère, de m’acquitter à mon prochain ouvrage.

Enfin, pour être juste et vrai, il faudrait donner à chacun des autres acteurs des éloges particuliers, et l’espace me manque. Tous ont concouru, par des études savantes, au succès de mon drame. Ils ont étudié les moeurs, et jusqu’aux attitudes des personnages qu’ils étaient appelés à représenter ; secondés par l’habile mise en scène de M. Albertin, et la profonde érudition de M. Duponchel, ils ont ressuscité des hommes et ont rebâti un siècle.

À mon honorable ami, le baron Taylor

Membre de la Légion d’honneur.

Mon cher Taylor,

C’est à vous que je dédie mon drame historique de Henri III et sa Cour ; si je ne le faisais par amitié, je le ferais par reconnaissance.

Alex. Dumas.

Personnages

Henri III, roi de France.

Catherine de Médicis, reine mère.

Henri de Lorraine, duc de Guise.

Catherine de Clèves, duchesse de Guise.

Paul Estuert, comte de Saint-Mégrin, favori du roi.

Nogaret de la Valette, baron d’Épernon, favori du roi.

Anne d’Arques, vicomte de Joyeuse.

Saint-Luc.

Bussy d’Amboise, favori du duc d’Anjou.

Balzac d’Entragues, plus souvent appelé Antraguet.

Côme Ruggieri, astrologue.

Saint-Paul, aide de camp du duc de Guise.

Arthur, page de madame la duchesse de Guise.

Brigard, boutiquier, ligueur.

Bussy-Leclerc, procureur, ligueur.

La Chapelle-Marteau, maître des comptes, ligueur.

Crucé et Du Halde, ligueurs.

Georges, domestique de Saint-Mégrin.

Madame de Cossé et Marie, femmes de madame la duchesse de Guise.

Un page d’Antraguet.

L’action se déroule les dimanche

et lundi 20 et 21 juillet 1578.

Acte premier

Un grand cabinet de travail chez Côme Ruggieri ; quelques instruments de physique et de chimie ; une fenêtre entrouverte au fond de l’appartement, avec un téléscope.

Scène première

Ruggieri, puis Catherine de Médicis.

Ruggieri, appuyé sur son coude, un livre d’astrologie ouvert devant lui ; il y mesure des figures avec un compas ; une lampe posée sur une table, à droite, éclaire la scène.

Ruggieri. – Oui !... cette conjuration me paraît plus puissante et plus sûre. (Regardant un sablier.) Neuf heures bientôt... Qu’il me tarde d’être à minuit pour en faire l’épreuve ! Réussirai-je enfin ? parviendrai-je à évoquer un de ces génies que l’homme, dit-on, peut contraindre à lui obéir, quoiqu’ils soient plus puissants que lui ?... Mais, si la chaîne des êtres créés se brisait à l’homme !... (Catherine de Médicis entre par une porte secrète ; elle ôte son demi-masque noir, tandis que Ruggieri ouvre un autre volume, paraît comparer, et s’écrie :) Le doute partout !...

Catherine. – Mon père... (Le touchant.) Mon père !...

Ruggieri. – Qui ?... Ah ! Votre Majesté !... Comment, si tard, à neuf heures du soir, vous hasarder dans cette rue de Grenelle, si déserte et si dangereuse !

Catherine. – Je ne viens point du Louvre, mon père ; je viens de l’hôtel de Soissons, qui communique avec votre retraite par ce passage secret.

Ruggieri. – J’étais loin de m’attendre à l’honneur...

Catherine. – Pardon, Ruggieri, si j’interromps vos doctes travaux ; en toute autre circonstance, je vous demanderais la permission d’y prendre part... Mais ce soir...

Ruggieri. – Quelque malheur ?

Catherine. – Non ; tous les malheurs sont encore dans l’avenir. Vous-même avez tiré l’horoscope de ce mois de juillet, et le résultat de vos calculs a été qu’aucun malheur réel ne menaçait notre personne, ni celle de notre auguste fils, pendant sa durée... Nous sommes aujourd’hui au 20, et rien n’a démenti votre prédiction. Avec l’aide de Dieu, elle s’accomplira tout entière.

Ruggieri. – C’est donc un nouvel horoscope que vous désirez, ma fille ? Si vous voulez monter avec moi à la tour, vos connaissances en astronomie sont assez grandes pour que vous puissiez suivre mes opérations et les comprendre. Les constellations sont brillantes.

Catherine. – Non, Ruggieri ; c’est sur la terre que mes yeux sont fixés maintenant. Autour du soleil de la royauté se meuvent aussi des astres brillants et funestes ; ce sont ceux-là qu’avec votre aide, mon père, je compte parvenir à conjurer.

Ruggieri. – Commandez, ma fille ; je suis prêt à vous obéir.

Catherine. – Oui,... vous m’êtes tout dévoué... Mais aussi ma protection, quoique ignorée de tous, ne vous est pas inutile... Votre réputation vous a fait bien des ennemis, mon père...

Ruggieri. – Je le sais.

Catherine. – La Mole, en expirant, a avoué que les figures de cire à la ressemblance du roi, que l’on a trouvées sur l’autel, percées d’un poignard à la place du coeur, avaient été fournies par vous ; et peut-être les mêmes juges qui l’ont condamné trouveraient-ils, sous les cendres chaudes encore de son bûcher, assez de feu pour allumer celui de Côme Ruggieri.

Ruggieri, avec crainte. –Je le sais,... je le sais.

Catherine. – Ne l’oubliez pas... Restez moi fidèle... et, tant que le ciel laissera à Catherine de Médicis existence et pouvoir, ne craignez rien. Aidez-la donc à conserver l’un et l’autre.

Ruggieri. – Que puis-je faire pour Votre Majesté ?

Catherine. – D’abord, mon père, avez-vous signé la Ligue, comme je vous avais écrit de le faire ?

Ruggieri. – Oui, ma fille ; la première réunion des ligueurs doit même avoir lieu ici ; car nul d’entre eux ne soupçonne la haute protection dont m’honore Votre Majesté... Vous voyez que je vous ai comprise et que j’ai été au delà de vos ordres.

Catherine. – Et vous avez compris aussi que l’écho de leurs paroles devait retentir dans mon cabinet, et non dans celui du roi ?

Ruggieri. – Oui, oui...

Catherine. – Et maintenant, mon père, écoutez... Votre profonde retraite, vos travaux scientifiques, vous laissent peu de temps pour suivre les intrigues de la cour... Et, d’ailleurs, vos yeux, habitués à lire dans un ciel pur, perceraient mal l’atmosphère épaisse et trompeuse qui l’environne.

Ruggieri. – Pardon, ma fille !... les bruits du monde arrivent parfois jusqu’ici : je sais que le roi de Navarre et le duc d’Anjou ont fui la cour et se sont retirés, l’un dans son royaume, l’autre dans son gouvernement.

Catherine. – Qu’ils y restent ; ils m’inquiètent moins en province qu’à Paris... Le caractère franc du Béarnais, le caractère irrésolu du duc d’Anjou, ne nous menacent point de grands dangers ; c’est plus près de nous que sont nos ennemis... Vous avez entendu parler du duel sanglant qui a eu lieu, le 27 avril dernier, près la porte Saint-Antoine, entre six jeunes gens de la cour ; parmi les quatre qui ont été tués, trois étaient les favoris du roi.

Ruggieri. – J’ai su sa douleur ; j’ai vu les magnifiques tombeaux qu’il a fait élever à Quélus, Schomberg et Maugiron ; car il leur portait une grande amitié... Il avait promis, assure-t-on, cent mille livres aux chirurgiens, en cas que Quélus vînt en convalescence... Mais que pouvait la science de la terre contre les dix-neuf coups d’épée qu’il avait reçus ?... Antraguet, son meurtrier, a du moins été puni par l’exil...

Catherine. – Oui, mon père... Mais cette douleur s’apaise d’autant plus vite, qu’elle a été exagérée. Quélus, Schomberg et Maugiron ont été remplacés par d’Épernon, Joyeuse et Saint-Mégrin. Antraguet reparaîtra demain à la cour ; le duc de Guise l’exige, et Henri n’a rien à refuser à son cousin de Guise. Saint-Mégrin et lui sont mes ennemis. Ce jeune gentilhomme bordelais m’inquiète. Plus instruit, moins frivole surtout que Joyeuse et d’Épernon, il a pris sur l’esprit de Henri un ascendant qui m’effraye... Mon père, il en ferait un roi.

Ruggieri. – Et le duc de Guise ?

Catherine. – En ferait un moine, lui... Je ne veux ni l’un ni l’autre... Il me faut un peu plus qu’un enfant, un peu moins qu’un homme... Aurais-je donc abâtardi son coeur à force de voluptés, éteint sa raison par des pratiques superstitieuses, pour qu’un autre que moi s’emparât de son esprit et le dirigeât à son gré ?... Non ; je lui ai donné un caractère factice, pour que ce caractère m’appartînt... Tous les calculs de ma politique, toutes les ressources de mon imagination ont tendu là... Il fallait rester régente de la France, quoique la France eût un roi ; il fallait qu’on pût dire un jour : « Henri III a régné sous Catherine de Médicis... » J’y ai réussi jusqu’à présent... Mais ces deux hommes !...

Ruggieri. – Eh bien, René, votre valet de chambre, ne peut-il préparer pour eux des pommes de senteur, pareilles à celles que vous envoyâtes à Jeanne d’Albret, deux heures avant sa mort ?...

Catherine. – Non... Ils me sont nécessaires : ils entretiennent dans l’âme du roi cette irrésolution qui fait ma force. Je n’ai besoin que de jeter d’autres passions au travers de leurs projets politiques, pour les en distraire un instant ; alors je me fais jour entre eux ; j’arrive au roi, que j’aurai isolé avec sa faiblesse, et je ressaisis ma puissance... J’ai trouvé un moyen. Le jeune Saint-Mégrin est amoureux de la duchesse de Guise.

Ruggieri. – Et celle-ci ?...

Catherine. – L’aime aussi, mais sans se l’avouer encore à elle-même, peut-être... Elle est esclave de sa réputation de vertu... Ils en sont à ce point où il ne faut qu’une occasion, une rencontre, un tête-à-tête, pour que l’intrigue se noue ; elle-même craint sa faiblesse, car elle le fuit... Mon père, ils se verront aujourd’hui ; ils se verront seuls.

Ruggieri. – Où se verront-ils ?

Catherine. – Ici... Hier, au cercle, j’ai entendu Joyeuse et d’Épernon lier, avec Saint-Mégrin, la partie de venir faire tirer leur horoscope par vous... Dites aux deux premiers ce que bon vous semblera sur leur fortune future, que le roi veut porter à son comble, puisqu’il compte en faire ses beaux-frères... Mais trouvez le moyen d’éloigner ces jeunes fous... Restez seul avec Saint-Mégrin ; arrachez-lui l’aveu de son amour ; exaltez sa passion ; dites-lui qu’il est aimé, que grâce à votre art, vous pouvez le servir ; offrez-lui un tête-à-tête. (Montrant une alcôve cachée dans la boiserie.) La duchesse de Guise est déjà là, dans ce cabinet si bien caché dans la boiserie, que vous avez fait faire pour que je puisse voir et entendre au besoin, sans être vue. Par Notre-Dame ! il nous a déjà été utile, à moi pour mes expériences politiques, et à vous pour vos magiques opérations.

Ruggieri. – Et comment l’avez-vous déterminée à venir ?...

Catherine,ouvrant la porte du passage secret. –Pensez-vous que j’aie consulté sa volonté ?

Ruggieri. – Vous l’avez donc fait entrer par la porte qui donne dans le passage secret ?

Catherine. – Sans doute...

Ruggieri. – Et vous avez songé aux périls auxquels vous exposiez Catherine de Clèves, votre filleule !... L’amour de Saint-Mégrin, la jalousie du duc de Guise...

Catherine. – Et c’est justement de cet amour et de cette jalousie que j’ai besoin... M. de Guise irait trop loin, si nous ne l’arrêtions pas. Donnons-lui de l’occupation... D’ailleurs, vous connaissez ma maxime :

Il faut tout tenter et faire,

Pour son ennemi défaire.

Ruggieri. – Ainsi, ma fille, vous avez consenti à lui découvrir le secret de cette alcôve.

Catherine. – Elle dort. Je l’ai invitée à prendre avec moi une tasse de cette liqueur que l’on tire de fèves arabes que vous avez rapportées de vos voyages, et j’y ai mêlé quelques gouttes du narcotique que je vous avais demandé pour cet usage.

Ruggieri. – Son sommeil a dû être profond ; car la vertu de cette liqueur est souveraine.

Catherine. – Oui... Et vous pourrez la tirer de ce sommeil à votre volonté ?

Ruggieri. – A l’instant, si vous le voulez.

Catherine. – Gardez-vous-en bien !

Ruggieri. – Je crois vous avoir dit aussi qu’à son réveil toutes ses idées seraient quelque temps confuses, et que sa mémoire ne reviendrait qu’à mesure que les objets frapperaient les yeux.

Catherine. – Oui... tant mieux ! elle sera moins à même de se rendre compte de votre magie... Quant à Saint-Mégrin, il est, commes tous ces jeunes gens, superstitieux et crédule : il aime, il croira... D’ailleurs, vous ne lui laisserez pas le temps de se reconnaître. Vous devez avoir un moyen d’ouvrir cette alcôve, sans quitter cette chambre ?

Ruggieri. – Il ne faut qu’appuyer sur un ressort caché dans les ornements de ce miroir magique.

(Il appuie sur le ressort, et la porte de l’alcôve se lève à moitié.)

Catherine. – Votre adresse fera le reste, mon père, et je m’en rapporte à vous... Quelle heure comptez-vous ?...

Ruggieri. – Je ne puis vous le dire... La présence de Votre Majesté m’a fait oublier de retourner ce sablier, et il faudrait appeler quelqu’un.

Catherine. –