Improbable, mais vrai - Raphaël Chiron - E-Book

Improbable, mais vrai E-Book

Raphael Chiron

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Beschreibung

Au cœur d’une société où les interrogations les plus utopiques côtoient des réalités austères, Cédric, un jeune autiste, surprend son éducateur avec une question déroutante : « Peut-on mourir avec un pouce ? ». Ce qui pourrait sembler une simple plaisanterie se mue en un échange inattendu, dévoilant un univers où la raison vacille face à l’inconnu et où l’humour devient un précieux allié pour affronter les épreuves.

À PROPOS DE L'AUTEUR 

Auteur de la trilogie "Rafa", publiée au Lys Bleu Éditions, Raphaël Chiron revient avec un nouvel ouvrage. Il nous entraîne cette fois dans les aventures, pleines d’humour, d’un éducateur au sein d’un centre pas comme les autres.

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Raphaël Chiron

Improbable, mais vrai

Journal d’un éducateur

presque spécialisé et presque rémunéré

Nouvelle

© Lys Bleu Éditions – Raphaël Chiron

ISBN : 979-10-422-4558-0

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122- 5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122- 4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335- 2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

L’unique différence entre un fou et moi, c’est que moi je ne suis pas fou.

Salvador Dali

La folie, c’est se comporter de la même manière et s’attendre à un résultat différent.

Albert Einstein

La folie n’est pas quelque chose qu’il est facile de définir.

Ne sommes-nous tous pas un peu fou à notre façon ?

Croire aux promesses d’un politicien, chanter la gloire d’un club de football, se battre au nom d’un drapeau, regarder un film avec des coupures de publicité (…) sont, à mon sens, autant de démarches qui laissent penser que la rationalité n’a finalement que peu de place en ce bas monde.

Et puis, le seul fait pour un individu de se croire normal dans une société malade n’est-il pas en soi un critère suffisant pour qu’on s’accorde d’une certaine façon à le diagnostiquer fou lui aussi ?

« Est-ce qu’on peut mourir avec un pouce ? »

La question posée a le don de me surprendre.

Aussi étrange cela soit-il, apparemment, Cédric a besoin d’une réponse.

Je m’en charge en lui répondant que ce n’est évidemment pas possible, tout en le regardant dans les yeux avec une espèce de curiosité maladroite.

Sur la banquette arrière, assise à ses côtés, ma collègue Aude essaye de son mieux de le mettre à l’aise tandis que lui s’acharne à lui parler de ses pouces.

Dans le même temps, au volant, Arnaud, le chef de secteur de l’association, me confie ses goûts musicaux. Le hasard faisant quand cela l’arrange bien les choses, il se trouve qu’ils ne sont pas loin des miens.

La vie est toujours plus belle en musique, j’allume la radio. Let’s groove, c’est parti pour un peu de reggae.

9 h 12

« On peut mourir avec un pouce ou pas ? »

Cinq minutes de route, deux fois la même question absurde, le voyage s’annonce plus long que prévu.

Non, on ne peut pas mourir avec un pouce, Cédric, lui dis-je, un brin exaspéré.

Secrètement, j’espère le sujet clos. Oui, mais espérer ne suffit pas toujours, c’est bien connu.

« Pourquoi on ne peut pas mourir avec un pouce ? »

La question tient du génie, c’est sûr (de la folie au génie, il n’y a qu’un pas).

Les mots me manquent. Aude se charge de répondre à ma place et dit que c’est comme ça, et puis c’est tout.

9 h 15

Comme à son habitude, Cédric énonce à voix haute ce qu’il pense tout bas.

« Moi, mourir, ça me fait peur ! »

En guise de répartie, je change la station de radio.

Cela fait peur à tout le monde de mourir, Cédric, tu es encore jeune pour penser à ça, tentera finalement de le rassurer Aude.

De ce que j’ai pu en lire sur son dossier, l’homme travaille dans un C.A.T (établissement pour jeunes travailleurs handicapés).

Malgré une hémiplégie lui paralysant une partie du corps, il possède une motricité suffisante pour effectuer des tâches simples.

Par un regard jeté dans le rétroviseur central, j’inspecte l’état psychologique de ma collègue. Elle a l’air calme, sereine. Sa présence est réconfortante. En tout cas, elle l’est pour moi.

9 h 43

Notre passager de marque a trouvé un nouveau moyen de passer le temps puisqu’il se met maintenant à détacher la ceinture de sa voisine sans relâche.

J’ai beau lui expliquer la dangerosité (la stupidité) de la chose, je n’arrive pas à le convaincre d’arrêter. C’est comme si mes mots ne semblaient pas vraiment atteindre son cerveau.

On peut mourir si on détache la ceinture ? demande-t-il finalement.

Problème de formulation ou de compréhension ? dur à dire.

Ma réponse est celle-ci : bien sûr que si, on peut mourir si on détache la ceinture, Cédric.

Moi, je ne veux pas mourir. Mourir, ça me fait peur, rétorque-t-il soudain, le regard perdu à contempler le décor par le carreau.

Au thermomètre du tableau de bord, il est impressionnant de voir les degrés dégringoler à vue d’œil. Nous sommes en décembre, à quelques jours de Noël.

Les fêtes s’annoncent follement, pas de doute !

Le doux climat de Nîmes n’est maintenant plus qu’un lointain souvenir et Cédric s’obstine encore et toujours à vouloir libérer sa voisine de sa ceinture de sécurité.

10 h 47

Arnaud stoppe le véhicule sur le bas-côté de la route. Il se retourne et sermonne Cédric. Il essaye de rester poli, mais l’exercice n’est pas simple.

Et puis, l’espace de quelques instants, le silence retrouve une place de choix. Mais il ne dure pas. Deux virages plus loin, Cédric ressent le besoin de poser une autre question. Et cette question est : C’est quand la retraite ?

Mon inspiration est mise à mal.

Tandis que la radio passe la chanson Diego, libre dans sa tête de Michel Berger (le hasard n’existe pas). Je choisis de faire semblant de ne rien avoir entendu et augmente le volume du poste.

Personne ne daigne lui répondre quoi que ce soit d’ailleurs.

Comment se comporte Cédric en communauté ?

Il me tarde de le savoir. Euh… Non en fait.

Je fais preuve d’optimisme en me disant que cela ne peut de toute façon pas être pire. Espoir, quand tu nous tiens…

11 h 03

Nous arrivons à bon port.

Dehors il fait un froid de canard, le thermomètre de la voiture indique désormais -5 °C.

À part un chien qui erre sur le petit parking, il n’y a pas âme qui vive. Bien que je fusse loin de m’imaginer un accueil avec une fanfare et des majorettes, je ne peux m’empêcher d’être quelque peu déçu.

Cet endroit ressemble à s’y méprendre à un village fantôme. Nous logerons dans une petite maison à étage voisinant l’école maternelle du quartier.

11 h 10

Valises à la main, nous pénétrons dans une petite cour dans laquelle sont garés en vrac tout un lot de tricycles et de trottinettes.

Je pousse la porte d’entrée qui s’ouvre dans un grincement digne de celle d’une vieille maison hantée.

11 h 12

Mon souhait le plus cher est maintenant de prendre mes jambes à mon cou et de fuir cet endroit. Mais il est déjà trop tard pour ça, je ne le sais que trop bien.

La personne qui nous accueille est une éducatrice d’une trentaine d’années qui s’appelle Sofia.

Avant même son bonjour, les premiers sons qui me parviennent aux oreilles sont ceux de cris et de pleurs.

Une envie de crier AU SECOURS me traverse l’esprit tandis qu’un homme portant sur la tête un chapeau haut de forme me passe devant à toute vitesse sans dire un mot. Un peu bêtement, je regrette de ne pas avoir un chronomètre dans la main. Sans le savoir, je viens peut-être de passer à côté d’un record du monde.

D’une voix pleine d’amusement, je demande à Sofia :

— Il va où comme ça, celui-là ?

— Nulle part, me répond-elle du tac au tac, le regard dans le vague.

— Comment ça nulle part ? me permettrais-je d’insister.

— Quand cela lui prend, Philippe traverse la maison en courant, c’est comme ça. Et puis comme il est muet… Dieu seul sait ce qui le motive à faire ça.

— Ah oui, je vois. Et le chapeau qu’il porte, j’imagine que c’est aussi un mystère du coup ?

— Tout juste. Cet homme est une grande énigme, dit Sofia avant d’ajouter dans un soupir à peine masqué, comme tous les autres ici d’ailleurs. Mais rassure-toi Raphaël, les autres résidents sont beaucoup moins dynamiques.

Le sourire qui ponctue cette phrase ne m’aide non seulement pas à la croire, mais renforce en moi l’idée que Philippe n’a ici pas la palme de l’étrangeté.

Je poursuis mon interrogatoire et demande :

— Et, y a-t-il quelque chose d’autre à savoir sur cet homme qui pourrait m’aider à ne pas le comprendre ?

— À part le fait qu’il dorme avec une peluche, qu’il met toujours six sucres dans son café et qu’il aime manger du dentifrice ? Non, je ne vois pas.

Nous échangeons un sourire complice et entrons ensuite dans la pièce principale.

Laquelle me fait dans l’instant l’effet d’être une cour de récréation.

Dans une glissade digne de celle d’un joueur de football ayant marqué un but en finale de coupe du monde, une vacancière arrive jusqu’à moi. À genoux à mes pieds, elle me prend soudain la main et y dépose dessus une petite bise.

La chose est si étrange et singulière qu’elle me fait sourire.

— Je te présente Béatrice, s’exclame Sofia à la manière d’une entremetteuse.

— Enchanté Béatrice, dis-je en retour.

En guise de réponse, la femme se lève et s’éclipse de la pièce à la vitesse de l’éclair.

— Ils ont l’air bien ses médicaments à elle aussi, plaisanterai-je à voix basse auprès de Sofia.

— Pour être sincère avec toi, elle, en plus de ses médocs, je la soupçonne de prendre de l’extasie en cachette, me répond-elle, un grand sourire aux lèvres.

Au milieu de la pièce se trouve un matelas posé à même le sol.

Je me demande la raison de sa présence, mais quelque chose me dit que je le saurai très vite.

11 h 15

La responsable du séjour me salue de loin tout en continuant de faire ses exercices de fitness.

Dans le genre étrange, cette femme n’est pas en reste. D’une certaine façon, elle colle parfaitement au décor. A-t-elle bien pris ses médicaments ? Mystère.

— Salut, vous avez fait bonne route ? finit-elle par dire, une jambe en l’air, la tête à l’envers.

— Oui, ça a été, merci.

— Faites comme chez vous. Je finis mes exercices et je vous fais visiter.

Ouais, c’est ça, vas-y, prends ton temps surtout. La santé avant tout…

Cette femme me paraît encore plus folle que les fous présumés, ce n’est pas bon signe. Non, vraiment pas.

13 h 02

Tandis que quelques personnes aident à mettre le couvert, une grande majorité d’entre elles attend plus ou moins sagement d’être servi.

Je fais place à côté de Laurent.

À la question « ça va ? », il ne répond rien.

Je choisis de ne pas insister, car, après tout, cela ne me regarde pas. En vérité, ce n’est pas que Laurent soit impoli, mais, comme Philippe, il est muet.

13 h 11

On peut mourir avec un pouce ?

Cédric s’est bien intégré au groupe, aucun doute à ce sujet.

13 h 12

Je veux aider Laurent à couper sa viande, mais le garçon n’est pas du genre à se faire assister pour ce genre de chose et me le fait savoir illico presto en me serrant le bras de toutes ses forces.

13 h 13

À la façon d’une prière, je lui demande de me le lâcher.

Mon vœu est exaucé au-delà de mes espérances puisqu’il saisit ma main, la colle à sa joue et lui imprime la mouvance d’une caresse.

Tout est bien qui finit bien… Mais pourtant, une grande envie de crier AU SECOURS me hante une nouvelle fois l’esprit.

13 h 14

Je reprends peu à peu goût à la vie, inexorablement.

13 h 17

ON VA OÙ « MADI » ?

La question m’est adressée.