Erhalten Sie Zugang zu diesem und mehr als 300000 Büchern ab EUR 5,99 monatlich.
Jacques mène une existence paisible dans un petit paradis des Antilles avec sa femme et sa fille. Tout va pour le mieux quand, soudain, son quotidien est assombri par une affaire singulière. En effet, dans l’obscurité du proxénétisme, des repaires sordides du plaisir et le noir absolu de la prostitution, il est amené à affronter ses pires tourments pour retrouver l’être qu’il aime le plus au monde, sa fille. Seulement, dans cet univers auréolé par la décadence et la tentaculaire vilenie de l’être humain, y parviendra-t-il ?
À PROPOS DE L'AUTEUR
Franck Lopez est professeur des écoles à Saint-Martin dans les Antilles. Ses écrits sont inspirés par son environnement, qu’il façonne à loisir entre réalité et fiction, et par les perceptions qu’il a rassemblées au cours de ses nombreux voyages et de ses expériences. Avec
Je trouverai mon sang dans la fange, il signe une œuvre à l’image de son style percutant et incisif.
Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:
Seitenzahl: 139
Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:
Franck Lopez
Je trouverai mon sang
dans la fange
Roman
© Lys Bleu Éditions – Franck Lopez
ISBN : 979-10-377-8869-6
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Cette histoire est une fiction. Les personnages, les lieux et les situations étant purement fictifs, toute ressemblance avec des personnes et des situations existantes est complètement fortuite.
Condamné par la morale et la vertu, le mal nous fait souffrir, il est un obstacle au bonheur. Selon Socrate, celui qui fait du mal se trompe, il est dans l’erreur et cette faute détruit par méconnaissance. Est-ce par dépendance affective, abandon, jalousie et comportements compulsifs que l’Homme a donc inventé le bien ? Cet Amour qui serait par opposition, l’antichambre de nos peurs, de la solitude peut-être, ou bien pour rester dans une zone de confort, l’envie de partager, ou encore de respecter et de protéger. Au fond, toutes ces raisons font de cette alchimie, chez l’être humain, la chose la plus précieuse qui soit. Le bien combat le mal, il en a toujours été ainsi. Dans l’ordre normal des choses, deux personnes qui se rencontrent, qui s’aiment et qui décident de s’unir pour former ce couple magique, cherchent, in fine, à donner la vie. Ce moment d’un immense bonheur, où, à cette union, viennent s’ajouter l’éternel désir de bien faire et une volonté de donner le meilleur de soi pour élever son enfant avec toute la passion à laquelle il a droit. Mais malgré toutes les injonctions et la bienveillance, le parcours est parfois semé de brèches, d’anicroches et de tentations. Alors, l’homme veille à colmater les failles, il présage de mauvaises rencontres et il essaie de protéger du mieux possible les passions de son cœur. Mais c’est sans compter sur la tentaculaire noirceur de l’âme, le côté obscur de l’humanité qui déchire les affections et recouvre d’immondices tout l’amour d’un père et d’une mère. On assiste alors à une déchéance absolue de ce bipède intelligent, qui régresse vers l’écume noire de la vengeance.
J’exercerai ma vengeance sur Edom par la main de mon peuple d’Israël ; il traitera Edom selon ma colère et ma fureur ; et ils reconnaîtront ma vengeance, dit le Seigneur, l’Éternel.
Ézéchiel, chapitre 25, verset 14
Lundi 3 septembre 2018, Sainte-Lucie, île du vent, seul État au monde à porter un nom de femme. Debout devant le lavabo de sa chambre d’hôtel, Jacques dépose une lame de cutter, il ouvre le robinet et la rince délicatement, l’écrasant entre le pouce et l’index, le sang rouge se dilue dans l’eau avant de s’écouler vers le siphon. Tel un scalpel, elle avait tranché net cette jugulaire, versant un liquide rouge sombre, salé et métallique, sur ses mains en détresse.
Saint Martin, mardi 4 septembre 2018, 4 h 30, Jacques se lève, aujourd’hui c’est la rentrée des classes, comme chaque matin, il allume son ordinateur et prépare son petit-déjeuner. Hier soir, son vol en provenance de Sainte-Lucie a atterri avec retard. La nuit a été courte, il est fatigué, mais une promesse est une promesse.
Dans son plateau, une tasse, deux biscottes, la motte de beurre et son verre de jus d’orange pressée. Il a l’habitude de se lever tôt, ce moment privilégié où tout est encore calme, où les oiseaux chantent dans les arbres, dans la nuit finissante. Il peut réfléchir tranquillement, relire ses notes, effacer des adresses et en recenser d’autres. Une fausse piste encore. L’appétit n’est pas au rendez-vous, il se force.
Les lueurs de l’aube apparaissent lentement, révélant la colline dense face à lui. La brise légère matinale souffle un air tiède, les moustiques voraces de l’île tournoient autour de ses mollets tandis qu’un lézard anolis sort de sa cachette pour s’attaquer aux insectes volants, assoiffés de sang. Parfois, l’intrépide reptile lui grimpe même sur les chevilles, pour gober ces ridicules moucherons. Jacques le laisse faire, il faut bien que lui aussi trouve sa pitance. Il prend son premier café, intensité 12, en découvrant l’actualité, d’abord internationale, nationale, locale puis les faits divers. Surtout ceux des îles voisines. Il allume ensuite son premier cigarillo de la journée, avale de longues inspirations chargées de tabac marron, qui lui montent à la tête. Il le savoure lentement, jouissant des effets nocifs de cette fausse cigarette roulée dans une feuille de cape. Après s’être débarrassé de son premier mégot, il rallume un second cigarillo en se faisant couler un autre café, moins fort celui-ci.
En un week-end, il vient d’écumer tous les bars et restaurants de la côte ouest de l’île, dénommée « Iouanalao », un nom qui signifierait « le pays des iguanes », et baptisée Santa Lucia, en l’honneur de Lucie de Syracuse, par des marchands espagnols qui la découvrent au début du XVIe siècle. De Castries à Vieux fort tout au Sud, sans oublier, sur la route principale de Rodney Bay, à gauche en direction de Grand Rivière, le Silver Club de renom : « XXotic ». Véritable repaire de tous les rebuts que cette planète a pu créer. Un voyage long et pénible car aucune liaison n’est disponible au départ de Saint-Martin. Il faut d’abord se rendre en Guadeloupe, puis de là, prendre un vol sur la compagnie Winair vers l’aéroport George F. L. Charles, le plus petit des deux aérogares de l’île.
Sur la terrasse, en dessous de la table « mange debout », l’anolis tente de se frayer un chemin entre les morceaux de cendres et les miettes tombés au sol. Vers 6 h 30, Jacques monte se raser, se laver les dents, et se prépare pour rejoindre son école. Avant, il prenait le temps de s’asseoir sur son lit, regardant ses posters et ses dessins affichés aux murs de sa chambre, mais ça, c’était avant, aujourd’hui la chambre est vide. C’est la seconde rentrée sans Hélène et Lou. Il est enseignant, en primaire, face à des enfants dociles, encore naïfs et vierges de toute cette méchanceté absurde, un âge où la parole de l’adulte compte encore un peu. Il a déjà eu des classes plus motivées, des élèves plus incisifs, curieux et matures. Mais depuis maintenant 1 an et 27 jours, plus rien ne le motive, bons, moyens ou médiocres, il exerce son métier sans aucune conviction, et ne se soucie plus des projets de chacun d’entre eux. Il a croisé tant de crasses et de saloperies ces derniers mois que l’innocence est devenue, pour lui, une notion très éloignée de ses préoccupations. Parmi ses collègues, tout le monde sait, tous connaissent son histoire, ils lui parlent de tout et de rien, surtout de rien. Jacques arrive dans son établissement, pose ses photocopies sur le bureau de la secrétaire, salue la directrice et monte vers la bibliothèque. Là, il ouvre chacune des fenêtres en grand, vérifie que la box d’Internet fonctionne correctement, puis se dirige vers sa classe. Il allume les lumières et les ventilateurs au plafond, jette un œil sur la date au tableau, ce temps qui s’écoule et qui n’efface rien, pose son ordinateur sur la table, l’ouvre et s’assure que la connexion, via le prolongateur d’ondes de la BCD, est établie. Avec le même crayon de couleur violet, il raye sur son armoire la date du jour. Un mardi en moins, comme pour aller plus vite dans cette vie qui avance bien trop lentement. Rester connecté est essentiel pour Jacques, il scrute les moindres anecdotes, les règlements de compte en permanence, épie le dernier évènement de l’actualité susceptible de lui révéler des informations. Dans le moteur de recherche, il pianote « The Star », quotidien officiel de Castries à Sainte-Lucie. Entre un ministre de l’économie arrêté pour corruption, un policier assassiné par un gang et le dernier protocole lié à un étrange virus, un petit article intitulé : « Four men found dead with their throats slit in Grand Rivière with a sign : go to hell » (Quatre hommes retrouvés morts égorgés à Grand Rivière portant une pancarte : Allez en enfer !)
Sur un petit carnet marron, épais de documents divers collés ci et là, il ouvre une page et note les derniers résultats de ses investigations : Sainte-Lucie, RIEN ; la visite des clubs a été sans succès, aucune trace de son passage. Toujours les mêmes pirates itinérants, étrangers et leurs vieilles coques de noix amarrées aux cocotiers par de longs bouts [boutes] et cordages de fortune, bedonnants, ivres, sales et violents, autour desquels pullulent une trentaine de filles d’origine latino. Essentiellement des Vénézuéliennes et Colombiennes âgées entre 13 et 20 ans. Personne ne semble avoir entendu parler d’elle. Je les hais !
La journée se déroule enfin, inlassablement, comme les autres, rythmée par l’accueil, l’appel, les noms de ceux qui mangent à la cantine, les cahiers à ranger, les ramettes de papier à récolter, les compas, les calculatrices, puis il commence par des leçons simples, une poésie et quelques calculs. Il les évalue pour tenter de mieux s’adapter à leur faible niveau. Mais Jacques est absent, son esprit est ailleurs, concentré intérieurement sur cette douleur, ce mal atroce, qu’il faut rabrouer sans cesse. Les images de ces filles à moitié nues, droguées pour la plupart, se trémoussant devant quelques dollars, offrant leurs corps pour une Piton, la bière locale, le hantent, le perturbent. Il a du mal à vivre avec ça. Au début, il lui était difficile de retenir les flots de larmes qui le submergeaient, cette détresse insoutenable qui animait son esprit, et ce visage saisissant de la chimère, monstre de la prostitution, le hantait et le consumait au plus profond de son âme, puis, avec le temps, les larmes se sont taries, le croque-mitaine s’est assoupi dans un coin, mais la douleur était toujours présente. Et puis, cette question, comme une balançoire sans fin, qui part et revient, dévastant son imaginaire de visions insoutenables. Où est-elle ? Il est certain qu’elle est vivante, une promesse est une promesse.
Jacques avait fait la connaissance d’Hélène en novembre 1999, en Guadeloupe. Elle avait quitté Montpellier, un an plus tôt, suite à une déception amoureuse et une rupture compliquée, pour venir travailler au soleil, loin des soucis. 27 ans, enseignante elle aussi, Hélène ne connaissait pas les îles de la Caraïbe, elle avait demandé sa mutation et laissé derrière elle, ses parents et ses amis. Jacques, lui, plus jeune de 2 ans, avait quitté l’île de la Réunion, laissant là-bas une part de ses racines zoréoles. Après un concours dans l’éducation nationale obtenu haut la main, et une relation amoureuse plus que bancale, il avait décidé de découvrir les Antilles. Entre la Martinique et la Guadeloupe, sa sœur jumelle, l’administration l’avait envoyé sur l’île de la Soufrière. Arrivé en juillet 1999, Jacques avait connu le même parcours qu’Hélène, la même pension de famille dans le quartier du Gosier au nord de la Grande Terre, comme on dit là-bas. Chez Madame Rose Coco, qui préparait de bons petits plats à base de colombo. Puis, Jacques avait trouvé un logement, modeste, dans la résidence d’une Guadeloupéenne mystérieuse, tout comme Hélène qui habitait là, seule, depuis une année. Douze mois séparaient pourtant ces deux parcours communs. Après la rentrée scolaire, vers le mois de novembre, ils firent connaissance par le biais d’amis communs. La rencontre n’avait rien de virtuel, elle était loin de ressembler à celles des jeunes d’aujourd’hui qui apprennent à se connaître à travers des réseaux sociaux où le ridicule de cette approche n’a d’égal que le mensonge et l’ignorance, là où les algorithmes de compatibilité demeurent aléatoires. L’un et l’autre apprirent à se découvrir, à explorer leurs vérités, en ne retenant que les qualités de l’autre et en ignorant ses défauts. Cela commença par des sorties au cinéma, au restaurant, suivies de fêtes entre collègues, entre copains. Bientôt, on n’invitait plus Jacques sans Hélène ni Hélène sans Jacques. Dès le mois de mars 2000, ils s’installèrent ensemble dans une maison spacieuse, sur les collines de Bouillante, petite commune rurale de la Basse Terre. La vie était rythmée de plongées sous-marines en bouteille, autour de l’îlet Pigeon, ancienne réserve naturelle mise en exergue par le Commandant Cousteau lui-même dans les années 50, de soirées, de petits voyages en Martinique ou à Saint-Martin. Huit mois plus tard, ce qui devait advenir finit par arriver, alors que Jacques rentrait de sa séance de sport, Hélène l’attendait sur le seuil de la coursive en bois qui donnait accès à la case. Sous une pâle lumière jaune où une multitude de petits papillons voletaient, elle lui annonça qu’elle était enceinte. C’était le 11 novembre de cette même année. Jacques se rappelle encore l’émotion de cet instant, la chair de poule du bonheur, cette sensation que tout était possible et ce débordement de joie qui envahissait ces deux cœurs. Il avait embrassé longuement Hélène, d’une étreinte passionnée, cherchant à entrer dans ce corps pour y ressentir déjà, les frémissements de la vie et lui faire comprendre qu’il serait là, toujours là pour prendre soin d’eux.
Ils veillèrent l’un sur l’autre durant les neuf mois de la grossesse, surveillant avec toute la bienveillance du monde, l’arrivée de ce bébé, de cette petite fille. Hélène accoucha le 1er août 2001, à la Clinique Bel-Air de Bordeaux, d’une minuscule poupée, toute plissée, aux cheveux déjà noirs, affublée d’une ride qui partait de son œil gauche vers le haut de son front. Jacques s’en souvient encore, ils en avaient beaucoup ri avec Hélène à ce moment-là. Elle répondait au doux prénom de Lou. Les vacances de cet été furent magiques, ce retour en métropole fut un pur bonheur pour la famille, parents et beaux-parents qui accueillirent alors, avec joie et excitation, la nouvelle venue, première petite fille. C’était un bébé souriant, facile, qui passait de bras en bras sans rechigner, et qui faisait la fierté de son père. Deux années s’écoulèrent sur l’île aux belles eaux, Lou découvrait la nature, les baignades en mer de la côte sous le vent et les balades dans le parc national des Mamelles, situé au milieu de la route de la grande traversée.
Septembre 2003, deux rentrées scolaires plus tard, ce fut un nouveau départ : Jacques tenait à faire découvrir à Hélène, l’île intense de sa jeunesse, dans l’océan Indien. Pour ses 2 ans, Lou entra en toute petite section de maternelle à la Réunion, dans la même école que ses parents, excitée de découvrir le monde dans lequel évoluaient papa et maman. Elle était curieuse, attentive, surprenante et très scolaire. Quatre ans passèrent, entre excursions au Piton de la Fournaise et ses coulées de lave, ou bien au Piton des Neiges, escarpé, humide et froid, ou encore en sorties au lagon de la plage de l’Hermitage où Lou adorait s’empiffrer de « pain-bouchon », spécialité chinoise à base de porcs et de légumes, enrobés d’une pâte de riz, cuite à la vapeur, le tout enrobé d’un pain gratiné de fromage.
Mais le climat tropical chaud de la Réunion, trop peu adouci par les alizés, ne convenait pas bien à Hélène et à la rentrée de septembre 2007, toute la petite famille repartit vers des températures plus clémentes, celles des Antilles. Ce nouveau voyage les transporta en Martinique, où Lou allait faire la découverte du CP et de la lecture. Bien qu’elle maîtrisait déjà plus de 3 000 ou 4 000 mots, et sache appréhender certaines phrases simples, elle garda ce secret pour elle jusqu’au mois de décembre. Son niveau ne passa pas inaperçu aux yeux de sa maîtresse, qui demanda l’accord des parents, afin de la faire avancer plus vite vers la classe de CE2. Hélène et Jacques avaient refusé, prétextant un souci de maturité. Six années défilèrent à Madinina, l’île aux fleurs. Jacques avait fait l’acquisition d’un Aquamar, bateau de 20 pieds équipé d’un moteur hors-bord de 110 CV. La vie s’écoulait paisiblement, entre sorties en mer, plages et soirées pyjama. Petite fille singulière, attachante et drôle, Lou s’était constitué un large échantillon de bonnes copines. En y repensant aujourd’hui, il n’y avait jamais eu le moindre souci avec ses camarades. Sa scolarité jusqu’au collège des Trois Îlets se déroula parfaitement. Lou était toujours 1re