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Au cœur du Michigan, la ville de Saginaw devient le centre d'un fait divers qui retient l'attention de toute l'Amérique. Laura Peterson, une jeune fille de quinze ans, disparaît dans des conditions mystérieuses. Dix ans plus tard, sa mère disparaît également dans des circonstances tout aussi étranges. Une enquête est alors ouverte, embarquant trois agents du FBI dans une aventure palpitante. Quelles vérités seront dévoilées au cours de cette enquête ? Les agents parviendront-ils à résoudre le mystère des disparitions ? Comment ces événements ont-ils marqué la ville d'Old Saginaw ?
À PROPOS DE L'AUTEUR
Après avoir publié Rocambolesque en 2019 et Candi en 2020,
Amos Okou Yao Yao revient avec L’intrigue du Michigan. Ce nouvel ouvrage propose une réflexion sur la criminalité croissante aux États-Unis, ainsi que dans d’autres régions du monde.
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Seitenzahl: 410
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Amos Okou Yao Yao
L’intrigue du Michigan
Roman
© Lys Bleu Éditions – Amos Okou Yao Yao
ISBN : 979-10-422-4336-4
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
La nuit était désormais tombée sur Saginaw. Old Saginaw, alors réputé pour sa tranquillité, se plongeait à nouveau dans la pudeur qui la caractérisait. Comme pour illustration, le voisinage le plus proche était constitué de couples de vieux retraités qui se lassaient sans cesse de leur journée ennuyante et monotone. C’était en l’occurrence le cas du couple Jason. Un couple de cinquantenaires, originaire de la Nouvelle-Angleterre qui ne sortaient pratiquement pas de leur demeure et préféraient à la limite profiter de la quiétude de leur minuscule jardin. À présent, les étoiles scintillaient glorieusement, illuminant l’allée qui donnait sur la devanture de notre appartement. À l’intérieur de cette bâtisse une animation particulière s’effectuait au détriment de l’atmosphère presque moribonde que l’on pouvait ressentir à l’extérieur.
Tandis que nous étions assis autour de la table à manger, la vapeur encensée du plat, que ma mère a pris le soin de concocter envahissait la pièce. L’heure du partage et de la communion familiale se faisait effective.
D’une démarche affranchie, elle se hâta de servir le souper. On pouvait percevoir sur sa face, le sérieux avec lequel elle exécutait toutes les tâches qui étaient de sa responsabilité. Elle estimait qu’elle faisait partie de la vieille école, celle de l’Amérique profonde, l’Amérique dans laquelle la femme se devait de prendre soin de son foyer, l’Amérique dans laquelle la femme se devait de prendre soin des siens.
Mon père quant à lui, restait planté gaillardement à attendre que les couverts soient servis afin de se remettre à ce qu’il savait faire de mieux, c’est-à-dire lever le coude. D’un rot dégoûtant, il tenait à signifier qu’il n’en pouvait plus et qu’il devait se mettre quelque chose sous la dent, avant que cette once d’appétit qu’il ressentait ne s’évapore définitivement.
— Alors ça vient ou pas ? s’écriait-il, de façon désagréable.
Tandis que le dîner était à présent servi, je me devais de bénir le repas.
— Ma puce, tu devras nous dire le bénédicité ce soir ! ordonna mon père.
Après avoir laissé échapper de mes lèvres une prière en fin de compte brève et mal articulée, ma mère me tendit une soupe au poisson, fait maison.
— Tiens ça, c’est ta récompense après une journée bien méritée, disait-elle le sourire aux lèvres.
Elle me récompensa ainsi pour toute l’aide que j’ai pu lui apporter dans le courant de la journée. Il nous suffisait de quelques instants, pour voir nos plats se vider sous des éclats de rire. Aussitôt, je voulus que cet instant ne s’estompe guère. Et cela pour rien au monde. Car ce moment fut le seul au cours duquel je pouvais voir mes parents s’échanger des sourires. Et même si j’avais la ferme conviction que ce n’était pas de gaieté de cœur qu’ils le faisaient, je tenais tout de même à m’accrocher à la lueur d’espoir que cette prétendue entente engendrait. Dans la foulée, mon père m’expliqua le moyen par lequel il avait pu obtenir sa propriété, tout en me précisant qu’il était important de se battre sans cesse pour ses rêves. Les instants qui suivront seront d’une convivialité sans pareil. Pourtant, il semblait avoir du mouvement à l’extérieur de la bâtisse. Duster, le clébard que nous avions adopté se mettait ainsi à présenter des signes d’angoisses.
Tous firent silence puis, mon père tenait à nous rassurer sur le fait que ce n’était probablement rien de sérieux. Cependant, le chien errant se mettait davantage à hurler de toutes ses forces.
Percevant la portée de s’enquérir de la situation, il se retira de la table du dîner puis, d’une démarche étourdie, se hâta de toutes ses forces vers la fenêtre de la pièce. Il apercevait dès lors, les phares d’un véhicule illuminés la cour. Visiblement, quelque chose ne tournait pas rond. Des inconnus venaient de faire intrusion dans notre intimité.
**
Mon père finissait par s’enquérir de la situation. Un immense bolide était à présent stationné dans la cour. D’une main hésitante, il pressa la clenche de la porte principale puis se confronta au calme plat qu’il faisait à l’extérieur. Il tenta tout de même de se rapprocher de ces inconnus.
La main posée contre le front, il se protégeait des rayons lumineux émis par la voiture. Pourtant, il ne se détachait guère de la bouteille de whisky qu’il affectionnait tant et cela, malgré cette vive appréhension qui s’empara de lui.
— Qui est-ce s’il vous plaît ? finissait-il par s’interroger d’un air craintif.
Là, un homme élancé se tenant gaillardement dans la pénombre, fit deux mouvements coordonnés puis, atterrissait dans son champ de vision. L’atmosphère devenait de plus en plus glaciale. Puis, un flingue était posé sur sa tempe. Frayeur, stupeur, mouvement de panique…
— Fais un geste de plus, et je t’explose la cervelle, disait cet homme mystérieux, d’un ton assujettissant.
Il leva les mains comme résolu à se résigner. Puis, il tenta de se ressaisir. Ayant repris ses esprits, il finissait par reconnaître son interlocuteur.
— Curtis, tu n’as pas besoin de pointer ton flingue sur moi pour me faire part de ta présence. Baisse ton arme et entrons discuter calmement.
Ce fut le moyen que mon père avait trouvé pour calmer le jeu.
L’homme mystérieux se rapprocha davantage de lui puis, enfonça sous son menton le canon de l’arme qu’il tenait.
— Tu as une seule chose à savoir, le délai dont tu disposes, pour t’acquitter de ta part du marché. Deux jours et pas plus.
Puis, il le reluqua étrangement, alluma une clope, avant de laisser échapper l’immense fumée qu’il avait engloutie.
Mon père lui suggéra par la suite un prolongement du délai émis, mais en vain. Cet homme obscur, semblait ne point transiger. D’un regard sombre, il tenait tout au contraire à clarifier les choses.
— Réjouis-toi que tu sois encore en vie. Tu disposes de deux jours. Pas plus !
Il trancha ainsi, avant de s’arracher à toute allure.
**
Trois jours plus tard…
Old Saginaw, Saginaw, Michigan, 8 janvier 2018…
L’ambiance qui régnait au sein du voisinage était assez particulière en ce matin du 8 janvier 2018. Ce jour indiquait à quel point la vie pouvait être si fragile, et qu’il suffisait d’un détail aussi minime soit-il, pour que l’on passe de vie à trépas. Ce jour indiquait par-dessus tout combien Laura comptait pour nous. Toutefois, pour les habitants du coin il était plus que primordial de rappeler aux yeux du monde entier que cette gamine au sourire pétillant, demeurait forte de là où elle se trouvait.
Ce qui comptait à présent, c’étaient les préparatifs de la commémoration de sa disparition. Des gens accouraient mollement des quatre coins d’Old Saginaw. Un bon petit monde s’était à présent constitué entre temps. La particularité de cette édition était que mon père devait prendre la parole, après plus de dix années de silence. De toute évidence, cette soirée s’annonçait riche en émotion. Fort heureusement, il pouvait compter sur le soutien de ses plus proches amis. Parmi ceux-ci, l’on pouvait compter Monsieur Jeffrey Darkhan qui du haut de son statut social, n’avait de cesse de démontrer son sens altruiste à l’égard des habitants de ce quartier.
Trois heures plus tard, tout était fin prêt. Des guirlandes à l’effigie de la disparue avaient été installées. Des écriteaux portant l’estampille de plusieurs proches pouvaient se laisser apercevoir tout autour du lieu de la cérémonie. Je vis mon père échanger des propos enthousiasmés avec certains membres du voisinage. Je vis un père qui semblait dévoué à honorer la mémoire de sa très regrettée fille. Mais je vis surtout, combien l’amour pouvait nous permettre de transcender toute cette méchanceté abjecte dont faisaient montre certaines personnes dans ce bas monde. J’essayais dans la même veine, de donner une raison plausible qui pouvait expliquer cette tragédie. Je tentais tant bien que mal de comprendre comment une fille aussi appréciée de tous avait pu être l’objet d’enlèvement. Y avait-il encore une chance pour qu’elle soit encore en vie après 10 années d’absence criarde ? J’essayais de me foutre dans le crâne de faux espoirs sur le fait qu’elle aurait pu surmonter toutes les difficultés que lui aurait fait subir les personnes qui l’ont enlevée. J’aurais bien aimé que toutes ces suppositions émises soient réalistes. Mais hélas non. Je restais convaincu qu’elle avait passé un sale quart d’heure à souffrir le martyre avant de succomber à ses meurtrissures. Très vite, la soirée apparaissait, les préparatifs étaient à présent fin prêts. Dans quelques heures, toutes nos pensées seraient dirigées à l’endroit de Laura. Dans quelques heures, un nouvel hommage serait adressé à cette gamine, dont l’histoire tragique était parvenue à unir toute une communauté comme un seul homme.
Quelques heures plus tard, nous étions assis autour de ce feu ardent, les mains gelées, la face assujettie par des rafales de neige. Nous communions une dernière fois avant l’arrivée du grand jour. Le jour où tout Old Saginaw se recueillait autour de la mémoire de ma sœur aînée. Les préparatifs étant fin prêts, tout le voisinage se réunissait dans la cour de notre modeste appartement. Tous nos proches brillaient de leur présence, convaincus de perpétuer ce devoir de mémoire à présent vieux de dix années. L’ambiance était bon enfant. La cour de la bâtisse abritait dès lors l’ensemble du voisinage. Des éclats de rire fusaient sporadiquement çà et là. Des murmures, parfois inachevés, se laissaient entendre de part et d’autre. J’avais mis un énorme manteau du fait de ce temps glacial. Je décidais à un instant de me mettre en retrait de toute cette agitation. Je préférais me plonger dans un état de sobriété, un peu comme l’aurait désiré Laura.
Je m’asseyais sur l’une des marches qui donnait accès à notre maison. De ma position, j’observais tout cet engouement autour de cet événement. Il y avait le couple Jason qui discutait du bon vieux temps avec leur plus vieille connaissance, les Harrison. Ils émettaient des ricanements étouffés puis, monsieur et madame Darkhan, s’entretenaient avec certaines personnes du voisinage. Tous furent heureux de partager ces moments de cohésion. Tous furent joyeux de savoir que cette tragédie avait finalement servi à renforcer les liens qui existaient entre les différentes personnes vivant à Old Saginaw.
Ma mère en revanche, se faisait assez discrète tout au long de cette commémoration au point de légitimer les soupçons des mauvaises langues qui estimaient qu’elle pourrait en être pour quelque chose dans la disparition soudaine de ma sœur aînée. Elle préférait plutôt rester dans l’ombre de Julia Steward, sa meilleure amie. Toute cette attention, tout ce caractère officiel, n’était pas de son goût. Toutefois, mon père tenait à honorer la mémoire de Laura plus que quiconque. J’émettais dès lors un sourire soudain puis, je me laissais porter en admiration face à son charisme. Quand il n’était pas dans un état d’ébriété, il pouvait se montrer parfois digne et responsable. Comme ce fut le cas ce soir-là. J’avais en face de moi, un homme qui imposait le respect, un homme qui semblait mesurer la portée du caractère solennel de cette soirée. Lorsqu’il prenait la parole, son auditoire se voyait dans l’obligation d’être assujetti par son éloquence. Il se raclait délicatement la gorge puis, les innombrables murmures se tassèrent à l’unisson, donnant toute la place à son verbe.
Ma mère le rejoignit sobrement pour ne pas faire écran à toute l’attention qui lui était accordée en ce moment précis. Il retira la capuche qui recouvrait sa tête en guise de respect à son auditoire. Puis, d’un regard ému, prononça les premières phrases de son monologue.
— La vie nous donne une famille…
— Des frères, des sœurs, dont le choix n’est pas de notre ressort. Toutefois, en compensation, elle nous offre l’occasion de croiser sur notre chemin une nouvelle famille, une famille que nous choisissons, convaincus de sa bienveillance. Cette famille, c’est vous mes amis. Voilà à présent plusieurs années que nous cohabitons. Je tiens à vous démontrer ma gratitude. Je me souviens encore de cette nuit du 8 juin 2008. Je me souviens que ma fille aînée n’était pas rentrée ce soir-là. Je me souviens avoir sollicité l’aide de mon ami, Jeffrey Darkhan. Je me souviens lui avoir dit la frayeur dans l’âme que Laura n’avait plus donné signe de vie. Ce fut le début d’une aventure difficile à vivre. Quelques heures plus tard tout Old Saginaw fut mobilisé afin de retrouver ses traces, mais en vain. Laura ne refit plus jamais surface. En dépit du fait qu’elle n’a jamais donné signe de vie, nous tenons à vous réitérer notre gratitude. Je tiens particulièrement à saluer l’abnégation et la détermination dont a fait preuve Jeffrey Darkhan mais aussi vous tous ici présent. Laura n’est plus parmi nous, mais vous, vous êtes à nos côtés. Et cela est largement suffisant pour combler le vide qu’a laissé sa soudaine disparition.
— À Laura… s’écriait-il.
— À Laura… reprirent les convives en cœur, tenant en main, leurs verres de vodka, à moitié entamés. Jeffrey Darkhan se précipita aussitôt vers lui puis, lui tapota l’épaule.
— Joli discours. Je suis sûr que la gamine est fière de toi de là où elle se trouve.
— Tu trouves ? lui demanda-t-il.
— Oui, je trouve que tu as été superbe.
Mon père apposa sa main sur celle de monsieur Darkhan, en guise de reconnaissance pour tout son soutien.
La soirée se poursuivait dans un esprit convivial. L’immense feu de bois alors vif, disparaissait peu à peu de la surface. L’heure était à présent aux retrouvailles, à la socialisation si chère aux différents habitants d’Old Saginaw. Plusieurs groupuscules se constituèrent çà et là, tenant en main des verres de vodka ou un morceau de viande sorti tout fraîchement du barbecue initié pour l’occasion. Alors que les uns et les autres poursuivirent leurs retrouvailles, j’estimais que la mémoire de ma sœur aînée resterait à jamais gravée dans nos vies.
**
Trois heures plus tard…
La commémoration s’était achevée tard dans la soirée. Tandis que la ville fut endormie, les derniers participants à la cérémonie de commémoration prirent la direction de leurs domiciles respectifs. Quelques minutes plus tard, je me retrouvais seul dans mon lit. C’est à cet instant que je réalisais que Laura n’était plus là. Mon chagrin resurgissait tout d’un coup. Comme si cela ne suffisait pas, mes parents se remettaient à s’engueuler une fois de trop. La perte de leur fille avait occasionné une cassure au sein de leur couple. Je ne savais pas si cela suffisait pour expliquer ce changement brusque, mais plus rien n’était comme avant. Comme à l’accoutumée, j’avais les mains posées sur les oreilles afin de ne pas entendre leurs disputes. Puis, je me laissais emporter par le sommeil. L’orage s’annonça brusquement, Old Saginaw était à présent assoupi. Plus tard dans la nuit, alors que le ciel était humide, je percevais des quintes de toux résonner de l’autre côté de la pièce. Cela faisait à présent une centaine de fois que mon père laissait expulser cette gêne qui l’empêchait de fermer les yeux. J’allumais dans ma chambre, je me frottais les pupilles, comme pour accélérer mon réveil. L’orage battait encore son plein. Les éclaires transperçaient les fenêtres de la bâtisse. J’enfilais mes sandales, puis je m’avançais vers la porte de ma chambre. Alors que je tenais la poignée de la porte, j’entendis un énorme fracas retentir subitement. Prise de peur, j’hésitais à affronter la réalité de l’extérieur. Était-ce ces mystérieuses personnes qui avaient fait irruption dans notre demeure il y a trois jours en arrière, où était-ce le fruit d’une imagination que mes peurs les plus enfouies avaient fait ressurgir ? Je devais en avoir le cœur net. Je m’avançais le long du couloir qui débouchait sur la salle de bain. À mesure que j’avançais, je percevais la souffrance que pouvait endurer mon père.
Je le retrouvais quelques minutes plus tard, accroupi sur le carrelage de la salle de bain, l’air agonisant. Je me précipitais aussitôt vers lui afin de lui porter secours.
Je retrouvais dès lors, un homme désormais assujetti par la maladie, un homme qui a fini par devenir l’ombre de lui-même. Le temps s’assombrissait davantage puis, l’orage s’annonça à grands pas. Tandis que le ciel fut foudroyé par de violents éclairs, je me retrouvais toute seule à secourir mon père, alors agonisant. Il se mit à présent à expulser des quintes tintées de sang, encore et encore. La situation était telle que je fus obligée de le sortir de là. Je tenais à présent entre mes mains le poids de la survie d’un homme pesant plus de cinquante kilogrammes. Sur le coup d’efforts surhumains fournis, je parvins à atteindre la pièce adjacente, à savoir la salle à manger. Dès lors je fus plongée dans une éblouissante obscurité.
Ainsi, je me mis à balbutier dans tous les sens cherchant en vain de quoi me servir afin de lui porter assistance. En de telles circonstances, ouvrir les fenêtres de la pièce me semblait être l’une des solutions adaptées et à portée de main. Une fois cela fait je déboutonnais le haut de sa chemise entachée de mucosité sanglante. Il poussa ultimement une toux engorgeant sa bouche de sang. Je restais à présent perplexe.
Je m’adossais contre le mur de la pièce en guise de résignation. Cette épreuve semblait dès lors trop immense pour mes jeunes épaules. À présent, je n’avais qu’à l’observer agoniser à petit feu. Les pupilles désormais plongées dans la pénombre, l’espoir désormais éphémère, j’espérais vivement une fin meilleure à cette mésaventure. Je sentis, par la suite que la porte de la pièce s’ouvrait lentement. Le clébard me rejoignit comme pour m’assurer qu’à présent, je n’étais plus seule dans cette épreuve. Il se mit à me lécher la peau puis, émettait des pleurs en sourdine. Ceci tendait à me conforter dans mes craintes. Qu’est-ce qui a pu bien se passer dans ce laps de temps pour que mon père soit dans un tel état ?
L’interrogation restait posée…
Soudain, l’obscurité s’éteignit, la lumière reprit vie, laissant entrevoir une pièce ayant l’allure d’une véritable scène de crime. À partir de cet instant, ma mère venait d’être portée disparue.
Détroit, Michigan, 9 janvier 2018…
La journée s’annonça mouvementée comme tous les débuts de semaine. Le centre-ville était une fois de plus bondé de monde. L’atmosphère cacophonique des jours ouvrables se faisait plus prononcer. L’agent James Harris venait d’arriver au bureau fédéral. Il avait dû affronter d’interminables bouchons dû principalement à un grave accident qui s’était produit sur l’avenue principale de la ville.
— C’est dingue, je n’avais jamais vu un accident aussi spectaculaire, s’exclamait-il, à peine il regagnait les locaux du bureau fédéral.
— Vous êtes en retard et arrêtez de rejeter la faute sur les bouchons, s’écriait l’agent Clarence Hood visiblement ravi de titiller à nouveau son collègue.
— Je vous assure que je dis vrai. Regardez, on ne parle plus que de cela aux infos. Mais diantre, je n’avais pas remarqué que vous aviez changé de coupe de cheveux. Je suis certain que vous me cachez quelque chose.
L’agent Clarence Hood fit mine d’avoir été dévoilé puis, laissa le soin à son collègue de deviner la raison pour laquelle il avait opéré un tel changement.
— Devinez quoi !
— Votre mère a finalement rendu l’âme ?
— Non.
— Non ! Ne me dites pas que vous avez coulé un bronze, dans le jardin de votre crétin de voisin alors qu’il était encore endormi ?
— Allez ! Un peu d’effort. Vous êtes capable de mieux.
— Je ne vois pas du tout ce qui pourrait vous pousser à faire une telle coupe. Enfin, vous vous êtes regardé. Vous avez l’air d’un fichu employé de Wall Street.
— J’ai rencontré quelqu’un. J’ai fini par décrocher un tête-à-tête avec la belle demoiselle dont on a fait la connaissance, au cours de cette fameuse soirée endiablée.
— Sans blague ! Que Dieu ait pitié de son âme. Elle sait que vous êtes végétarien ? Je parie que vous ne passerez pas l’hiver. Ça se voit, votre relation est vouée à l’échec. Enfin ! Avez-vous vu la tête que vous faites ? Franchement cette coupe est nulle à chier.
— Oui c’est ça. Cachez votre joie !
Ils se mettaient à nouveau à éclater de rire quand Clarence Hood se rappelait qu’il y avait plus sérieux que ces taquineries.
— Bref, assez parlé. La bretelle vous demande. J’aurais été à votre place, je ferais gaffe. Il est d’une humeur de chien ce matin.
Alors que l’agent Harris toqua délicatement la porte du bureau de l’agent Renault Jefferson, il l’entendit hurler au téléphone.
— Bordel, je vous ai demandé de nous commander deux places au Plaza hôtel. Et vous n’êtes pas foutu de faire ce pourquoi on vous paye. Je me demande si vous réalisez l’ampleur de votre bêtise. Il s’agit du Plaza hôtel, bon sang. Le fait de me dégoter une place à cet endroit m’a coûté la peau des fesses. Magnez-vous ! Vous avez plutôt intérêt à ne pas vous planter cette fois-ci, finissait-il par conclure avant de raccrocher le combiné.
— Un problème, boss ? lui demanda l’agent Harris, dans l’intention de jauger l’humeur salée de son chef.
— Vous voilà enfin. Décidément, vous me faites tous chier ce matin. Il y a peu de temps, c’était cette foutue société d’événementiel, qui n’était pas capable de faire leur job. Vous vous en rendez compte, je fête avec Carole nos 20 années de mariage, et ils ne sont pas fichus de nous réserver une place au Plaza. Quant à vous, où étiez-vous passé ? Cela fait, plus d’une heure que je vous attends à mon bureau.
— Toutes mes excuses boss, c’est juste que j’ai été bloqué dans les bouchons. Un accident de la circulation à ce qu’il paraît.
— Je comprends en fin de compte. J’ai eu au bout du fil, un ami de la police de la circulation. Il semblerait que le bilan s’annonce encore plus lourd que ce qui a été dit aux infos. Bref, maintenant que vous êtes là, posez vos fesses ! Voici le topo.
**
L’agent du FBI s’exécuta, puis écoutait attentivement son chef hiérarchique. Renault Jefferson, sorti ensuite, une pile de documents, qui n’avaient visiblement, pas revu le jour d’aussitôt au vu de la quantité de poussière qui recouvrait les différentes chemises renfermant les dossiers d’enquête. C’étaient des documents relatifs à une enquête qui avait fait la une des médias à l’époque. Cette enquête concernait la disparition d’une gamine qui s’était évaporée à travers la clairière d’Old Saginaw, et n’avait plus jamais donné signe de vie. Il s’agissait de Laura Peterson. À cette période, l’agent Renault Jefferson venait d’intégrer le bureau du FBI et en feuilletant la pile de dossiers sous ses yeux, il ne pouvait pas s’empêcher de revivre la fougue du débutant qui le caractérisait à l’époque de la tenue des faits.
— C’est fou, que le temps passe si vite. Cette affaire était la première enquête sur laquelle je devais investiguer. Je secondais l’agent Willy carter à qui la direction de l’investigation avait été confiée. Comme on le dit, votre première affaire reste toujours gravée dans votre cervelle. Et même si ce n’était pas une affaire de crime violant, cette enquête revêtait toute de même un caractère assez particulier. C’est pourquoi je voudrais que vous vous en chargiez. Vous vous demandez certainement pourquoi vous et pas une autre personne du service. C’est tout simplement que vous me faites rappeler mes premières années de service. Car autrefois, j’étais comme vous, plein de fougue et d’abnégation. Je crois en vous et j’estime qu’il est grand temps que vous dirigiez votre propre enquête.
L’agent Harris fut visiblement honoré de cette confiance que venait de lui accorder Renault Jefferson et cela en dépit du fait qu’il sortait tout fraîchement de Quantico.
— J’avoue que je suis très honoré. Rassurez-vous chef, vous ne serez pas déçu. Je…
— Tout doux. Pas si vite, ne vous emballez pas pour autant. Je souhaiterais que vous soyez à la hauteur de la tâche que je vous confie. Vous assurerez la direction de cette enquête, mais vu votre manque d’expérience, vous serez épaulé par d’autres agents plus rodés que vous.
— Pas de soucis boss. De quoi s’agit-il exactement ?
Il prit dès lors, une posture rigoureuse, se racla la gorge, fronça les sourcils, avant de lui faire un topo de la situation.
— 8 juin 2008, les habitants d’Old Saginaw, un petit quartier tranquille du sud de la ville de Saginaw, constatèrent avec désarroi la disparition d’une gamine du nom de Laura Peterson. Une enquête a immédiatement été ouverte par le bureau du shérif. Après d’énormes tâtonnements, l’on constata que l’enquête piétinait visiblement. L’affaire a été aussitôt confiée au FBI. Même constat. Aucune preuve directe, aucun indice concluant. L’investigation a été ainsi mise aux oubliettes. Cependant, la police locale nous a contactés, nous informant que la mère de la gamine est à son tour portée disparue. Drôle de coïncidence. Vous ne trouvez pas ?
— Je crois que cette enquête s’annonce palpitante. Peut-être qu’on a affaire à un attardé qui fait une fixette sur cette famille. Ou, si ça se trouve on est confronté à un règlement de comptes. De toutes les façons, ça vaut le coup d’évaluer toutes les pistes possibles.
Voyant que son agent paraissait emballé, Renault Jefferson émit un sourire au coin des lèvres, avant de poursuivre son propos.
— Vous me rappelez l’époque, où comme vous, je voulais prouver que j’avais assimilé toutes ces saloperies, qui nous sont dispensées à Quantico. Bref, sachez tout de même que seul votre instinct devrait vous guider tout au long de cette enquête ! J’ai confiance en vous et je suis convaincu que vous y arriverez.
**
Après que Renault Jefferson ait informé l’agent Harris de l’enquête qu’il souhaitait lui confier, il décida de réunir l’ensemble des membres du bureau fédéral, pour présenter les grandes lignes de cette enquête.
Toute l’équipe du FBI se réunissait dès lors dans la salle de conférence. Le chef de la police fédérale se tenant au pupitre, avait à cœur de laisser de fermes consignes à ses différents collaborateurs.
Les agents Harris et Hood étant assis l’un près de l’autre, ne s’empêchaient pas de murmurer des propos dont ils étaient les seuls à réaliser la teneur.
— Alors Jimmy, c’est quoi cette histoire de réunion d’urgence ? À peine vous sortez du bureau de la bretelle qu’une réunion d’urgence est convoquée. De tout le temps que j’ai passé ici, ce genre de rencontre a toujours occulté une annonce fracassante dans le service. Alors quoi, vous allez vous faire virer ?
— Oui, c’est ça, vous pouvez toujours rêver. Je finirais par vous surprendre. N’oubliez pas, la pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la principale de l’angle.
— Oui c’est ça, faites le fanfaron !
Voyant que ce grabuge l’empêchait d’arborer son air solennel, Renault Jefferson hurla tout à coup.
— Quelqu’un a-t-il quelque chose à dire ? Si ce n’est pas le cas je vous prierai de la boucler. J’ai une information importante à vous transmettre, donc j’attends de vous un minimum d’égard.
Toute l’assemblée fut soumise à un silence notoire.
— On a une affaire sous la main. Je viens d’avoir la hiérarchie. Il nous est demandé d’enquêter sur la disparition d’une femme d’une cinquantaine d’années. Ce n’est pas assez commun comme vous pouvez le constater. Ce n’est pas courant de voir une dame d’un tel âge s’éclipser du jour au lendemain. Ainsi, nous devons être rigoureux dans le déroulement de cette investigation. Je n’ai pas besoin de vous rappeler que ce service affiche fièrement un excellent taux concernant la résolution des affaires qui nous ont été confiées et pour rien au monde, je n’accepterais que l’incompétence de l’un d’entre vous salisse ce palmarès que je trimballe depuis tant d’années. En outre, cette enquête se fera sous la direction de l’agent James Harris. Toutefois, il se fera épauler par les agents Andy Scott et Clarence Hood. Bonne chance à vous messieurs…
Alors qu’il finissait de parler, l’agent Hood fut agréablement surpris de voir que son coéquipier se faisait voir confier sa toute première affaire.
Ils prenaient en suite la direction d’Old Saginaw, question de jeter les premières bases de cette enquête. Sur le chemin, l’agent Andy Scott tenant le volant, fixa James Harris à travers le rétroviseur. Contrairement à Hood, l’agent Scott n’était pas un grand bavard et préférait aborder les sujets comme il les percevait.
— Alors Jimmy, êtes-vous sûre que vous soyez de taille pour cette enquête. Il s’agit tout de même d’une affaire de disparition et qui plus est d’une femme d’une cinquantaine d’années. Je n’ai pas besoin de vous rappeler que 80 pour cent des affaires de disparition finissent par être classées sans suite.
— J’avoue que j’appréhende, mais heureusement que je pourrais compter sur vous !
— Vous savez, il faut que vous fassiez confiance à votre instinct. Nous avons eu à travailler sur plusieurs affaires. J’ai ainsi confiance en votre jugement. Encore une fois de plus le tout c’est de faire confiance à son instinct.
**
Se sentant touché par cette remarque, l’agent Harris d’un geste de la main voulu démontrer sa gratitude à son coéquipier. Ayant posé sa main sur l’épaule de l’agent Scott, James Harris tenait à faire part de sa reconnaissance.
— Merci pour ces compliments.
— En fait, ce n’était pas un compliment. Je dis ce que je pense, c’est tout.
Ils roulèrent à toute allure en direction de la scène de crime. Derrière eux se trouvaient d’innombrables véhicules du bureau fédéral, les sirènes retentissantes.
Peu de temps après, ils débarquaient sur les lieux, démontrant ainsi l’impressionnant déploiement qui avait été instruit sur la scène du drame. C’était effectif, les fédéraux venaient de prendre le relais. Ils se dirigeaient ainsi vers l’attroupement qui s’était constitué à l’occasion, faisant signe qu’on leur cède le passage.
— FBI, écartez-vous. C’est une scène de crime !
L’agent Harris n’avait ainsi de cesse de le répéter, comme emporté par l’excitation de la prise d’une nouvelle enquête. Il enfila entre temps ses lunettes de soleil comme pour se donner de la contenance.
Les trois agents rencontrèrent ensuite le chef de la police locale, le shérif Flainte Howard.
— Bonjour, agent James Harris. Voici les agents Andy Scott et Clarence Hood. Nous venons d’arriver sur les lieux et franchement, il faut signifier que nous sommes littéralement impressionnés par tout cet engouement.
— Shérif Flainte Howard, enchanté. Il faut dire que les gens sont comme une famille par ici. C’est logique qu’ils soient autant bouleversés.
— Avez-vous commencé à interroger le voisinage ? Si ça se trouve, quelqu’un a dû voir quelque chose ?
— Négatif, personne n’a vu ni entendu quoi que ce soit. Tout de même, j’ai ordonné à mes hommes de ratisser toute la zone. Nos équipes, aidées par des chiens renifleurs sillonnent les environs. Après tout on parle bien d’une femme de cinquante ans. J’ose croire qu’on pourra retrouver ses traces quelque part.
— Faites-nous un topo de la situation !
L’agent Harris ordonna ainsi au shérif de lui donner un aperçu de la situation.
Aussitôt, le shérif interpella son officier.
— Je vous présente l’officier Carter. Monsieur Carter, amenez-vous !
L’officier semblait étourdi par tout ce remue-ménage et avait du mal à dissimuler son état.
— Que se passe-t-il, voulez-vous gerber ?
Lui demandait son supérieur, l’air écœuré.
— Non, boss, c’est juste que je ne supporte pas la vue du sang.
— Dans ce cas qu’est-ce que vous foutez dans la police ? Arrêtez de jouer au guignol et faites-moi le rapport de la situation !
S’étant ressaisi, l’officier se mettait à relater ce qu’il avait vu.
Il ressortait de ses dires que la scène selon la version que je lui avais faite s’était déroulée aux environs de 5 heures du matin. Elle n’a pas pu réellement voir ce qui s’était passé pour que son père se retrouve dans un tel état. Tout ce qu’elle dit avoir perçu, c’était comme un énorme fracas ni plus ni moins, disait-il.
De plus, il signifiait qu’une importante quantité de sang s’était répandue, tout au long de la salle à manger. Des traces de luttes pouvaient se laisser apercevoir à cet endroit…
**
— Faites gaffe à ne pas souiller la scène de crime, le sang est encore frais, je demanderais à notre équipe technique de passer à nouveau cette scène de crime au peigne fin. Avec un peu de chance ils pourront en tirer quelque chose. Notifia James Harris.
Ayant fait un tour d’horizon de la situation, ils tentèrent de m’arracher quelques mots. Cependant, j’étais trop bouleversée pour dire quoi que ce soit.
— Je pense qu’on devrait la laisser digérer tout ceci. De toute évidence, dans l’état dans lequel elle se trouve, je ne suis pas sûre qu’elle puisse nous donner des informations pertinentes.
L’agent Harris suggérait cette idée à ses coéquipiers.
— On fait quoi à présent ? C’est vous le boss, lui demanda Clarence Hood.
— Je pense qu’on devrait attendre le retour des équipes qui ont été mises sur les traces de notre victime. Puis on avisera. En fin de compte, peut-être que nous nous faisons du mauvais sang inutilement. Si ça se trouve, elle a dû ne pas aller très loin.
La nuit commençait à s’abattre sur Saginaw, le ciel s’assombrissait sans pour autant que l’attroupement autour du lieu du drame ne faiblisse. Une multitude de personnes s’était à présent regroupée dans le but de vivre en direct ce fait divers qui avait secoué ce coin perdu du Michigan. L’équipe de recherche, du fait que la nuit était tombée, se voyait dans l’obligation de rebrousser chemin. Le constat était toujours le même. Jusqu’ici, ma mère n’avait toujours pas donné signe de vie.
Au vu de cette situation, James Harris décida de réunir l’ensemble des forces de l’ordre présent sur les lieux. Il tenait à faire des clarifications principalement à l’égard du chef de la police locale. Il se positionna au milieu de tout ce monde avant de tenir un discours d’une voix autoritaire.
— J’ai besoin de votre attention ! Madame Carry Peterson est portée disparue, voilà à présent plusieurs heures. J’admire les efforts que vous avez consentis pour la retrouver. Ceci étant, à partir de cet instant, le FBI prend le relais. Ce qui signifie qu’à présent tous autant que vous êtes, vous bossez pour moi. J’ai été instruit par mes supérieurs afin de prendre cette affaire et je vous garantis que je ne trouverais le sommeil que lorsque cette dame aura été retrouvée. Toutes les informations, toutes les pistes possibles, devront être scrutées à la loupe. Le moindre détail, la moindre information, pourrait nous être utile. On devra mettre tout en œuvre pour retrouver cette mère de famille. Bonne chance à tous !
De l’autre côté de la barrière jaune se tenait une foule immense, qui persistait dans la stupeur. Tous ces gens s’interrogeaient sur les causes, de la survenue d’une telle violence.
Au milieu d’une foule en perpétuel questionnement, surgi un homme ; Terry Lawrence. Il avait la gorge nouée, le visage rougi. Il tenait absolument à franchir cette barrière jaune, il tenait à faire montre d’un humanisme qui lui était propre.
Alors qu’il s’empressa de franchir le périmètre de sécurité, une discussion s’engagea avec l’agent en charge de son maintien.
— Tout doux le charognard, c’est marqué interdit d’accès. Et puis où pensez-vous aller ainsi ?
— Je suis un vieil ami de la famille. Comment se portent-ils ? Est-ce vrai que Carry Peterson a été enlevée ? Qui aurait pu bien lui vouloir du mal ?
L’agent finissait par le rassurer, tout en lui demandant de se rendre utile aux services de police pour les besoins de l’enquête.
Tandis qu’il réaffirmait son altruisme, je fus installée dans le box médicalisé des services de police. Sur le coup, je sentis le vide regagner mon cœur puis, le clébard me rejoignait comme pour m’assurer qu’à présent, je n’étais plus seule dans cette épreuve.
**
Dans la soirée, l’agent Harris rejoignit son appartement situé au sud de Détroit. Il croisa comme bien souvent le sourire sans faille de monsieur Farhez.
— Bonsoir monsieur Harris.
— Bonsoir monsieur Farhez. Comment allez-vous ?
— Je vais bien, merci et vous ?
— Ça va. J’ai eu une journée un peu mouvementée. Mais mis à part ce fait, je crois que tout va bien.
— Je vois, à ce qu’il paraît ce n’est pas toujours aisé de mettre la main sur les méchants. Dites agent Harris, avez-vous déjà tiré sur quelqu’un ?
— Oui, mais je n’avais pas eu le choix. Si je ne le faisais pas, il aurait pu me tuer ou faire du mal à une autre personne. Mais en dépit de ce fait, ce n’est jamais simple de flanquer une balle à quelqu’un. Après tout, cette personne reste avant tout un être humain.
— Ah c’est dingue ça, répliqua le concierge de l’immeuble, tout en extériorisant son émerveillement face à ce que l’agent du FBI venait de déclarer.
— Bon, écoutez monsieur Farhez, je vais devoir vous laisser. Comme vous le savez, la journée a été longue et je voudrais me reposer.
Tandis que l’agent du FBI était en chemin pour rejoindre son appartement, monsieur Farhez continuait à parloter sans pour autant s’arrêter.
Après avoir franchi les innombrables marches menant au seuil de son appartement, il se saisissait délicatement de la clenche puis ouvrit la porte assez prudemment. Il ne voulait surtout pas déranger sa petite amie qui s’était assurément assoupie sous le poids d’une énorme fatigue. À sa grande surprise, il constata qu’elle était toujours en éveil. Elle restait assise devant le poste téléviseur. Elle restait plantée comme un zombi qui ne manifestait pas la moindre émotion.
Pour matérialiser son étonnement, il s’exclama à haute voix.
— Je ne pensais pas que tu serais encore en éveil à une pareille heure !
— C’est normal que tu aies une telle réaction, vu que je ne suis plus le centre de ton attention.
— Que veux-tu insinuer ? Je ne vois pas bien là où tu veux en venir.
— Je dis tout simplement que tu ne m’accordes plus de temps. Tu n’as d’yeux que pour ton boulot.
Dépité par cette nouvelle rengaine, James Harris se délia la cravate puis, s’assit assez brusquement sur le rebord du canapé.
— Écoute Lana, j’ai eu une journée assez chargée et je ne pense pas que ce soit le moment idéal pour que nous nous engueulions. Je pense que tu en fais des tonnes.
— Ah bon tu trouves que j’exagère. Bordel, c’est complètement gonflé de ta part que tu me dises cela. J’ai l’impression que je ne suis plus qu’un objet de décoration à tes yeux, juste un autre pot de fleurs qui sert à orner ta maison. Bon sang je ne me souviens même plus du jour où nous avons fait l’amour. Tu ne te rends pas compte à quel point ton attitude m’écœure. Tu n’es qu’un sale enfoiré.
— Mais qu’est-ce qui t’arrive ?
— La ferme ! gueula-t-elle, prise d’une rage soudaine.
**
— Mais qu’est-ce qui te prend ? Pourquoi tu en fais tout un plat ?
— Le 8 janvier, cette date ne te dit rien ?
L’agent du FBI se mettait à réfléchir à ce à quoi cette date faisait référence.
Tandis qu’il était plongé dans sa réflexion, il se souvint aussitôt qu’il s’agissait du jour d’anniversaire de sa petite amie.
— Mince j’ai complètement oublié que c’est ton anniversaire aujourd’hui !
Alors qu’il se lamentait, Lana fondait en larmes. Elle fut prise d’une tristesse indescriptible.
Cette nuit-là, elle passera toute la soirée dans les chiottes en mêlant une série de pleurs et de moments où elle se mettait à gerber. Son compagnon quant à lui, décidait de passer la nuit devant la porte de la salle de bain. Il n’avait eu de cesse de la supplier afin qu’elle lui pardonne, mais en vain. Lana préférait sombrer dans sa mélancolie.
Le lendemain, alors que le soleil brillait de mille feux, l’agent du FBI s’étonna qu’il eût passé toute la nuit dans cette position. Il se hâta de rattraper sa gaffe mais constata que sa petite amie s’était déjà en allée. Tout de même, elle lui avait préparé le petit-déjeuner puis, avait laissé une note dans laquelle elle précisait qu’elle passerait la journée chez sa meilleure amie, Suzie Palmer.
Au vu de cette note, il ne pouvait s’empêcher de sortir un sourire au coin des lèvres. Si elle avait réagi ainsi, cela voudrait dire qu’il y avait une chance pour qu’elle me pardonne. Se disait-il intérieurement ? Il prenait une douche à la vitesse de l’éclair, bouffa un coup puis, se retrouvait sur le trottoir qui se situait en face de l’immeuble dans lequel il résidait.
Il restait planté pendant quelques minutes au bord du bitume, observant le décor folklorique dans lequel s’était plongé Détroit. Peu de temps s’était écoulé puis, un véhicule s’arrêta à son niveau.
Il indiquait l’emplacement des bureaux du FBI puis, s’enfonça dans ce véhicule.
Il s’effaça dans le décor du paysage dans le but de faire ce qu’il savait faire de mieux, c’est-à-dire pourchasser les méchants.
L’agent Andy Scott s’était réveillé de bonheur, comme il en était de coutume. Il préparait son dîner avant de conduire son gosse à l’école. Dana son épouse, était déjà sortie un peu plus tôt pour courir le marathon. Visiblement elle s’était surpassée, ce qui lui a valu de rentrer à la maison un peu plus tôt que prévu.
Alors que son époux avait fini de faire le petit-déjeuner, elle pénétra l’entrée de l’appartement.
— Je vois que tu es sur le point de te rendre à ton lieu de service.
— Oui, j’y vais un peu plus tôt que prévu, car nous avons une nouvelle enquête sur laquelle nous devons investiguer. Tu comprends donc que je dois me hâter, car le devoir m’appelle.
Dana sortit un sourire émerveillé puis, posa ses lèvres sur la chevelure de son tendre époux. C’était sa manière à elle de lui souhaiter une excellente journée.
5 février 2008, 10 ans plus tôt, Old Saginaw, Saginaw, Michigan…
C’était une journée d’hiver. Il neigea fortement sur Saginaw. Les rues furent désertes, tandis qu’il régnait à l’extérieur des bâtisses, un froid glacial. Quelques heures plus tard, pendant que le temps était un peu plus clément, ma sœur aînée décida de m’emmener en balade. Elle me tenait les mains dans un élan fraternel, me conduisant vers la clairière. Old Saginaw resplendissait à présent sous ce soleil naissant. Je me laissais conduire en toute quiétude car j’aimais être en sa compagnie. Nous flânâmes les mains entrelacées, à la recherche de cette verdure hors pair. Il y avait une clairière qui bordait le côté sud d’Old Saginaw. Cet endroit occupait une place particulière dans l’estime de Laura car elle y trouvait la paix intérieure, toutefois qu’elle était confrontée aux réalités existentielles, qui parfois, pouvaient se montrer rudes. Alors que nous contemplions la nature, j’entendis un fracas retentir vivement. Ce bruit nous imposait une vigilance soudaine puis, Laura tenta de me rassurer afin que nous profitions du beau temps. Tout de même, je sentis cet instinct qui m’envahissait. J’avais comme un mauvais pressentiment. J’avais la conviction qu’une série d’événements tragiques risquerait fortement d’arriver. Quelques heures plus tard, lorsque le soleil fut au Zénith, je ne parvenais toujours pas à me défaire de ce pressentiment.
À la nuit tombée, le clair de lune se dévoilait, le silence nocturne caractéristique d’Old Saginaw se faisait assourdissant. Le décor idéal pour un moment en famille était ainsi planté. Autour de cette table, les personnes qui s’étaient réunies me paraissaient étrangères, en fin de compte. Bref, tout ceci me plongeait dans une réflexion intense quand je fus interpellée.
— Blanca, tu devras nous dire le bénédicité ce soir !
Mon père hurla ainsi, comme pour m’indiquer son autorité.
Je me mis à réciter cette prière comme à l’accoutumée, quand une personne anonyme toqua brusquement la porte d’entrée.
— Qui est-ce ?
Gueulait, à nouveau, mon père.
Un silence retentissant se fit entendre puis, rien à l’horizon. Aucune réponse, aucun signe de vie. Laura se porta volontaire afin d’ouvrir à cet inconnu quand mon père s’interposa tout en lui rappelant qu’il demeurait jusqu’à preuve du contraire le chef de famille, et que c’était à lui de prendre de telles initiatives.
Quand il ouvrit à cet inconnu, il s’étonna d’apercevoir un adolescent dont l’obésité devenait morbide. Il se tenait apeuré, redoutant une éventuelle réprimande.
— Qui es-tu ?
— Je, je, je me présente…
— Je n’ai pas besoin de formule de politesse, dis-moi ce qui t’amène et dégage au plus vite d’ici !
— En fait, je viens rendre la récolte de champignons que vos filles ont égarée ce matin à la clairière.
— C’est donc pour ces fichus champignons que tu oses interrompre mon souper ! s’offusqua-t-il, d’un ton menaçant.
Alors qu’il laissait exploser son mécontentement, les déclarations de ce jeune homme tendaient à dissiper mes craintes. Je devinais aisément que c’est cet individu qui certainement, avait occasionné le fracas que nous avions perçu un peu plus tôt.
Pourtant, ce pressentiment qui me hantait ne quitta point mes pensées.
Les jours qui suivront furent identiques. Toujours cette même routine. Toujours ce même quotidien. Puis vint la fin de l’hiver. Un vent nouveau souffla sur Saginaw avec son lot de nouveaux arrivants. Une mystérieuse personne venait d’intégrer notre voisinage ; monsieur Terry Lawrence.
**
10 janvier 2018, Détroit, Michigan…
L’agent James Harris s’étant introduit dans l’enceinte du bureau fédéral s’empressa comme de coutume en direction du distributeur automatique de soda. Puis, il regagna son bureau. Il accordait une importance capitale à cet instant. Il faisait le vide autour de lui afin d’aborder avec tonus ses journées de travail. En de moments pareils, il pouvait se décharger du stress que lui faisait endurer sa petite amie. Dans le fond, c’est en quelque sorte pour cela qu’il s’est vu initier un tel rituel. Alors qu’il restait dans les nuages, l’agent Clarence Hood surgit inopinément dans son bureau.
— Bordel Jimmy, ça fait une heure que je vous ai laissé un message. On a une affaire sous la main. L’avez-vous oublié ?
— Putain de merde ! Vous ne pouvez pas frapper avant d’entrer. Merde, je méditais !
Clarence Hood s’assit aussitôt, faisant mine de ne pas tenir compte de l’opinion de son coéquipier.
— Nos équipes du labo ont passé comme il était convenu, la scène de crime au peigne fin. Mais ils n’ont pas trouvé grand-chose. Il faut noter que soit le coupable a eu assez de bol pour ne pas avoir laissé assez d’indices derrière lui, alors qu’on a aperçu des traces de disputes sur la scène de crime. Ou, en revanche, il s’est arrangé et cela avec maestria, à flouer le plus possible toutes traces de susceptibilité. Toutefois, une mèche de cheveux a été retrouvée dans la salle à manger du couple Peterson.
— A-t-on une idée, de la personne à qui cette mèche de cheveux appartiendrait ?
— Non, mais cet indice est en cours d’analyse. On verra bien ce qu’on pourra en tirer.
Alors qu’ils échangèrent, Andy Scott les rejoignit.
— Quoi de neuf ?
— Pas grand-chose, mais les gars du labo ont retrouvé une mèche de cheveux sur la scène de crime.
Répondit James Harris.
— Avons-nous une idée à qui elle pourrait appartenir ?
— Négatif. On attend les dernières conclusions du labo. Et de votre côté, avez-vous quelque chose ?
Lui demanda à son tour l’agent Harris.
Nous avons reçu un appel d’une personne du voisinage des Peterson. Elle affirme avoir des informations concernant cette disparition, mais n’a pas voulu nous en dire davantage. Je pense qu’on devrait s’y rendre, afin d’en avoir le cœur net. Nous pourrions profiter de l’occasion pour arracher quelques mots à la gamine.
Suggéra l’agent Scott.
— Espérons que d’ici là, elle aura retrouvé le verbe.
Répliqua l’agent Hood.
**
Trois jours plus tard, les enquêteurs du FBI se rendaient à Saginaw en vue de poursuivre leur investigation. Sur le chemin, ils se mirent à nouveau à entretenir le trajet.
— Alors Hood, comment se porte votre nouvelle petite amie.
— Elle se porte à merveille. Je pense qu’entre elle et moi, le courant est très vite parti, et pour tout vous dire, je crois que je vais lui demander en mariage.
Andy Scott tenant le volant, donnait comme un énorme coup de frein, au su d’une telle information.