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La Dame aux camélias est un roman d’Alexandre Dumas fils publié en 1848, inspiré par son amour pour la courtisane Marie Duplessis.
L'œuvre a inspiré l'opéra de Verdi, La traviata. De nombreuses actrices ont incarné le personnage, de Sarah Bernhardt à Isabelle Huppert, en passant par Lillian Gish et Greta Garbo.
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Veröffentlichungsjahr: 2018
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LA DAME AUX CAMÉLIAS
Mon avis est qu'on ne peut créer des personnages que lorsque l'on a
beaucoup étudié les hommes, comme on ne peut parler une langue qu'à la
condition de l'avoir sérieusement apprise.
N'ayant pas encore l'âge où l'on invente, je me contente de raconter.
J'engage donc le lecteur à être convaincu de la réalité de cette
histoire, dont tous les personnages, à l'exception de l'héroïne, vivent
encore.
D'ailleurs, il y a à Paris des témoins de la plupart des faits que je
recueille ici, et qui pourraient les confirmer, si mon témoignage ne
suffisait pas. Par une circonstance particulière, seul je pouvais les
écrire, car seul j'ai été le confident des derniers détails sans
lesquels il eût été impossible de faire un récit intéressant et complet.
Or, voici comment ces détails sont parvenus à ma connaissance.--Le 12 du
mois de mars 1847, je lus, dans la rue Laffitte, une grande affiche
jaune annonçant une vente de meubles et de riches objets de curiosité.
Cette vente avait lieu après décès. L'affiche ne nommait pas la personne
morte, mais la vente devait se faire rue d'Antin, nº 9, le 16, de midi à
cinq heures.
L'affiche portait en outre que l'on pourrait, le 13 et le 14, visiter
l'appartement et les meubles.
J'ai toujours été amateur de curiosités. Je me promis de ne pas manquer
cette occasion, sinon d'en acheter, du moins d'en voir.
Le lendemain, je me rendis rue d'Antin, nº 9.
Il était de bonne heure, et cependant il y avait déjà dans l'appartement
des visiteurs et même des visiteuses, qui, quoique vêtues de velours,
couvertes de cachemires et attendues à la porte par leurs élégants
coupés, regardaient avec étonnement, avec admiration même, le luxe qui
s'étalait sous leurs yeux.
Plus tard, je compris cette admiration et cet étonnement, car, m'étant
mis aussi à examiner, je reconnus aisément que j'étais dans
l'appartement d'une femme entretenue. Or, s'il y a une chose que les
femmes du monde désirent voir, et il y avait là des femmes du monde,
c'est l'intérieur de ces femmes, dont les équipages éclaboussent chaque
jour le leur, qui ont, comme elles et à côté d'elles, leur loge à
l'Opéra et aux Italiens, et qui étalent, à Paris, l'insolente opulence
de leur beauté, de leurs bijoux et de leurs scandales.
Celle chez qui je me trouvais était morte: les femmes les plus
vertueuses pouvaient donc pénétrer jusque dans sa chambre. La mort avait
purifié l'air de ce cloaque splendide, et d'ailleurs elles avaient pour
excuse, s'il en était besoin, qu'elles venaient à une vente sans savoir
chez qui elles venaient. Elles avaient lu des affiches, elles voulaient
visiter ce que ces affiches promettaient et faire leur choix à l'avance;
rien de plus simple; ce qui ne les empêchait pas de chercher, au milieu
de toutes ces merveilles, les traces de cette vie de courtisane dont on
leur avait fait, sans doute, de si étranges récits.
Malheureusement les mystères étaient morts avec la déesse, et, malgré
toute leur bonne volonté, ces dames ne surprirent que ce qui était à
vendre depuis le décès, et rien de ce qui se vendait du vivant de la
locataire.
Du reste, il y avait de quoi faire des emplettes. Le mobilier était
superbe. Meubles de bois de rose et de Boule, vases de Sèvres et de
Chine, statuettes de Saxe, satin, velours et dentelle, rien n'y
manquait.
Je me promenai dans l'appartement et je suivis les nobles curieuses qui
m'y avaient précédé. Elles entrèrent dans une chambre tendue d'étoffe
perse, et j'allais y entrer aussi, quand elles en sortirent presque
aussitôt en souriant et comme si elles eussent eu honte de cette
nouvelle curiosité. Je n'en désirai que plus vivement pénétrer dans
cette chambre. C'était le cabinet de toilette, revêtu de ses plus
minutieux détails, dans lesquels paraissait s'être développée au plus
haut point la prodigalité de la morte.
Sur une grande table, adossée au mur, table de trois pieds de large sur
six de long, brillaient tous les trésors d'Aucoc et d'Odiot. C'était là
une magnifique collection, et pas un de ces mille objets, si nécessaires
à la toilette d'une femme comme celle chez qui nous étions, n'était en
autre métal qu'or ou argent. Cependant cette collection n'avait pu se
faire que peu à peu, et ce n'était pas le même amour qui l'avait
complétée.
Moi qui ne m'effarouchais pas à la vue du cabinet de toilette d'une
femme entretenue, je m'amusais à en examiner les détails, quels qu'ils
fussent, et je m'aperçus que tous ces ustensiles magnifiquement ciselés
portaient des initiales variées et des couronnes différentes.
Je regardais toutes ces choses dont chacune me représentait une
prostitution de la pauvre fille, et je me disais que Dieu avait été
clément pour elle, puisqu'il n'avait pas permis qu'elle en arrivât au
châtiment ordinaire, et qu'il l'avait laissée mourir dans son luxe et sa
beauté, avant la vieillesse, cette première mort des courtisanes.
En effet, quoi de plus triste à voir que la vieillesse du vice, surtout
chez la femme? Elle ne renferme aucune dignité et n'inspire aucun
intérêt. Ce repentir éternel, non pas de la mauvaise route suivie, mais
des calculs mal faits et de l'argent mal employé, est une des plus
attristantes choses que l'on puisse entendre. J'ai connu une ancienne
femme galante à qui il ne restait plus de son passé qu'une fille presque
aussi belle que, au dire de ses contemporains, avait été sa mère. Cette
pauvre enfant à qui sa mère n'avait jamais dit: tu es ma fille, que pour
lui ordonner de nourrir sa vieillesse comme elle-même avait nourri son
enfance, cette pauvre créature se nommait Louise, et, obéissant à sa
mère, elle se livrait sans volonté, sans passion, sans plaisir, comme
elle eût fait un métier si l'on eût songé à lui en apprendre un.
La vue continuelle de la débauche, une débauche précoce, alimentée par
l'état continuellement maladif de cette fille, avait éteint en elle
l'intelligence du mal et du bien que Dieu lui avait donnée peut-être,
mais qu'il n'était venu à l'idée de personne de développer.
Je me rappellerai toujours cette jeune fille, qui passait sur les
boulevards presque tous les jours à la même heure. Sa mère
l'accompagnait sans cesse, aussi assidûment qu'une vraie mère eût
accompagné sa vraie fille. J'étais bien jeune alors, et prêt à accepter
pour moi la facile morale de mon siècle. Je me souviens cependant que la
vue de cette surveillance scandaleuse m'inspirait le mépris et le
dégoût.
Joignez à cela que jamais visage de vierge n'eut un pareil sentiment
d'innocence, une pareille expression de souffrance mélancolique.
On eût dit une figure de la Résignation.
Un jour, le visage de cette fille s'éclaira. Au milieu des débauches
dont sa mère tenait le programme, il sembla à la pécheresse que Dieu lui
permettait un bonheur. Et pourquoi, après tout, Dieu, qui l'avait faite
sans force, l'aurait-il laissée sans consolation, sous le poids
douloureux de sa vie? Un jour donc, elle s'aperçut qu'elle était
enceinte, et ce qu'il y avait en elle de chaste encore tressaillit de
joie. L'âme a d'étranges refuges. Louise courut annoncer à sa mère cette
nouvelle qui la rendait si joyeuse. C'est honteux à dire, cependant nous
ne faisons pas ici de l'immoralité à plaisir, nous racontons un fait
vrai, que nous ferions peut-être mieux de taire, si nous ne croyions
qu'il faut de temps en temps révéler les martyres de ces êtres, que l'on
condamne sans les entendre, que l'on méprise sans les juger; c'est
honteux, disons-nous, mais la mère répondit à sa fille qu'elles
n'avaient déjà pas trop pour deux et qu'elles n'auraient pas assez pour
trois; que de pareils enfants sont inutiles et qu'une grossesse est du
temps perdu.
Le lendemain, une sage-femme, que nous signalons seulement comme l'amie
de la mère, vint voir Louise, qui resta quelques jours au lit, et s'en
releva plus pâle et plus faible qu'autrefois.
Trois mois après, un homme se prit de pitié pour elle et entreprit sa
guérison morale et physique; mais la dernière secousse avait été trop
violente, et Louise mourut des suites de la fausse couche qu'elle avait
faite.
La mère vit encore: comment? Dieu le sait.
Cette histoire m'était revenue à l'esprit pendant que je contemplais les
nécessaires d'argent, et un certain temps s'était écoulé, à ce qu'il
paraît, dans ces réflexions, car il n'y avait plus dans l'appartement
que moi et un gardien qui, de la porte, examinait avec attention si je
ne dérobais rien.
Je m'approchai de ce brave homme à qui j'inspirais de si graves
inquiétudes.
--Monsieur, lui dis-je, pourriez-vous me dire le nom de la personne qui
demeurait ici?
--Mademoiselle Marguerite Gautier.
Je connaissais cette fille de nom et de vue.
--Comment! Dis-je au gardien, Marguerite Gautier est morte?
--Oui, monsieur.
--Et quand cela?
--Il y a trois semaines, je crois.
--Et pourquoi laisse-t-on visiter l'appartement?
--Les créanciers ont pensé que cela ne pouvait que faire monter la
vente. Les personnes peuvent voir d'avance l'effet que font les étoffes
et les meubles; vous comprenez, cela encourage à acheter.
--Elle avait donc des dettes?
--Oh! Monsieur, en quantité.
--Mais la vente les couvrira sans doute?
--Et au-delà.
--À qui reviendra le surplus, alors?
--À sa famille.
--Elle a donc une famille?
--À ce qu'il paraît.
--Merci, monsieur.
Le gardien, rassuré sur mes intentions, me salua, et je sortis.
--Pauvre fille! me disais-je en rentrant chez moi, elle a dû mourir bien
tristement, car, dans son monde, on n'a d'amis qu'à la condition qu'on
se portera bien. Et malgré moi je m'apitoyais sur le sort de Marguerite
Gautier.
Cela paraîtra peut-être ridicule à bien des gens, mais j'ai une
indulgence inépuisable pour les courtisanes, et je ne me donne même pas
la peine de discuter cette indulgence.
Un jour, en allant prendre un passeport à la préfecture, je vis dans une
des rues adjacentes une fille que deux gendarmes emmenaient. J'ignore ce
qu'avait fait cette fille; tout ce que je puis dire, c'est qu'elle
pleurait à chaudes larmes en embrassant un enfant de quelques mois dont
son arrestation la séparait. Depuis ce jour, je n'ai plus su mépriser
une femme à première vue.
La vente était pour le 16.
Un jour d'intervalle avait été laissé entre les visites et la vente pour
donner aux tapissiers le temps de déclouer les tentures, rideaux, etc.
À cette époque, je revenais de voyage. Il était assez naturel que l'on
ne m'eût pas appris la mort de Marguerite comme une de ces grandes
nouvelles que ses amis apprennent toujours à celui qui revient dans la
capitale des nouvelles. Marguerite était jolie, mais autant la vie
recherchée de ces femmes fait de bruit, autant leur mort en fait peu. Ce
sont de ces soleils qui se couchent comme ils se sont levés, sans éclat.
Leur mort, quand elles meurent jeunes, est apprise de tous leurs amants
en même temps, car, à Paris presque tous les amants d'une fille connue
vivent en intimité. Quelques souvenirs s'échangent à son sujet, et la
vie des uns et des autres continue sans que cet incident la trouble même
d'une larme.
Aujourd'hui, quand on a vingt-cinq ans, les larmes deviennent une chose
si rare qu'on ne peut les donner à la première venue. C'est tout au plus
si les parents qui payent pour être pleurés le sont en raison du prix
qu'ils y mettent.
Quant à moi, quoique mon chiffre ne se retrouvât sur aucun des
nécessaires de Marguerite, cette indulgence instinctive, cette pitié
naturelle que je viens d'avouer tout à l'heure me faisaient songer à sa
mort plus longtemps qu'elle ne méritait peut-être que j'y songeasse.
Je me rappelais avoir rencontré Marguerite très souvent aux
Champs-Elysées, où elle venait assidûment, tous les jours, dans un petit
coupé bleu attelé de deux magnifiques chevaux bais, et avoir alors
remarqué en elle une distinction peu commune à ses semblables,
distinction que rehaussait encore une beauté vraiment exceptionnelle.
Ces malheureuses créatures sont toujours, quand elles sortent,
accompagnées on ne sait de qui.
Comme aucun homme ne consent à afficher publiquement l'amour nocturne
qu'il a pour elles, comme elles ont horreur de la solitude, elles
emmènent ou celles qui, moins heureuses, n'ont pas de voiture, ou
quelques-unes de ces vieilles élégantes dont rien ne motive l'élégance,
et à qui l'on peut s'adresser sans crainte, quand on veut avoir quelques
détails que ce soient sur la femme qu'elles accompagnent.
Il n'en était pas ainsi pour Marguerite. Elle arrivait aux
Champs-Elysées toujours seule, dans sa voiture, où elle s'effaçait le
plus possible, l'hiver enveloppée d'un grand cachemire, l'été vêtue de
robes fort simples; et, quoiqu'il y eût sur sa promenade favorite bien
des gens qu'elle connût, quand par hasard elle leur souriait, le sourire
était visible pour eux seuls, et une duchesse eût pu sourire ainsi.
Elle ne se promenait pas du rond-point à l'entrée des Champs-Elysées,
comme le font et le faisaient toutes ses collègues. Ses deux chevaux
l'emportaient rapidement au Bois. Là, elle descendait de voiture,
marchait pendant une heure, remontait dans son coupé, et rentrait chez
elle au grand trot de son attelage.
Toutes ces circonstances, dont j'avais quelquefois été le témoin,
repassaient devant moi, et je regrettais la mort de cette fille comme on
regrette la destruction totale d'une belle œuvre.
Or, il était impossible de voir une plus charmante beauté que celle de
Marguerite.
Grande et mince jusqu'à l'exagération, elle possédait au suprême degré
l'art de faire disparaître cet oubli de la nature par le simple
arrangement des choses qu'elle revêtait. Son cachemire, dont la pointe
touchait à terre, laissait échapper de chaque côté les larges volants
d'une robe de soie, et l'épais manchon qui cachait ses mains et qu'elle
appuyait contre sa poitrine, était entouré de plis si habilement
ménagés, que l'œil n'avait rien à redire, si exigeant qu'il fut, au
contour des lignes.
La tête, une merveille, était l'objet d'une coquetterie particulière.
Elle était toute petite, et sa mère, comme dirait de Musset, semblait
l'avoir faite ainsi pour la faire avec soin.
Dans un ovale d'une grâce indescriptible, mettez des yeux noirs
surmontés de sourcils d'un arc si pur qu'il semblait peint; voilez ces
yeux de grands cils qui, lorsqu'ils s'abaissaient, jetaient de l'ombre
sur la teinte rose des joues; tracez un nez fin, droit, spirituel, aux
narines un peu ouvertes par une aspiration ardente vers la vie
sensuelle; dessinez une bouche régulière, dont les lèvres s'ouvraient
gracieusement sur des dents blanches comme du lait; colorez la peau de
ce velouté qui couvre les pêches qu'aucune main n'a touchées, et vous
aurez l'ensemble de cette charmante tête.
Les cheveux, noirs comme du jais, ondés naturellement ou non,
s'ouvraient sur le front en deux larges bandeaux, et se perdaient
derrière la tête, en laissant voir un bout des oreilles, auxquelles
brillaient deux diamants d'une valeur de quatre à cinq mille francs
chacun.
Comment sa vie ardente laissait-elle au visage de Marguerite
l'expression virginale, enfantine même qui le caractérisait? C'est ce
que nous sommes forcés de constater sans le comprendre.
Marguerite avait d'elle un merveilleux portrait fait par Vidal, le seul
homme dont le crayon pouvait la reproduire. J'ai eu depuis sa mort ce
portrait pendant quelques jours à ma disposition, et il était d'une si
étonnante ressemblance qu'il m'a servi à donner les renseignements pour
lesquels ma mémoire ne m'eût peut-être pas suffi.
Parmi les détails de ce chapitre, quelques-uns ne me sont parvenus que
plus tard; mais je les écris tout de suite pour n'avoir pas à y revenir,
lorsque commencera l'histoire anecdotique de cette femme.
Marguerite assistait à toutes les premières représentations et passait
toutes ses soirées au spectacle ou au bal. Chaque fois que l'on jouait
une pièce nouvelle, on était sûr de l'y voir, avec trois choses qui ne
la quittaient jamais, et qui occupaient toujours le devant de sa loge de
rez-de-chaussée: sa lorgnette, un sac de bonbons et un bouquet de
camélias.
Pendant vingt-cinq jours du mois, les camélias étaient blancs, et
pendant cinq ils étaient rouges; on n'a jamais su la raison de cette
variété de couleurs, que je signale sans pouvoir l'expliquer, et que les
habitués des théâtres où elle allait le plus fréquemment et ses amis
avaient remarquée comme moi.
On n'avait jamais vu à Marguerite d'autres fleurs que des camélias.
Aussi chez madame Barjon, sa fleuriste, avait-on fini par la surnommer
la Dame aux Camélias, et ce surnom lui était resté.
Je savais, en outre, comme tous ceux qui vivent dans un certain monde, à
Paris, que Marguerite avait été la maîtresse des jeunes gens les plus
élégants, qu'elle le disait hautement, et qu'eux-mêmes s'en vantaient,
ce qui prouvait qu'amants et maîtresse étaient contents l'un de l'autre.
Cependant, depuis trois ans environ, depuis un voyage à Bagnères, elle
ne vivait plus, disait-on, qu'avec un vieux duc étranger, énormément
riche et qui avait essayé de la détacher le plus possible de sa vie
passée, ce que, du reste, elle avait paru se laisser faire d'assez bonne
grâce.
Voici ce qu'on m'a raconté à ce sujet.
Au printemps de 1842, Marguerite était si faible, si changée que les
médecins lui ordonnèrent les eaux, et qu'elle partit pour Bagnères.
Là, parmi les malades, se trouvait la fille de ce duc, laquelle avait
non seulement la même maladie, mais encore le même visage que
Marguerite, au point qu'on eût pu les prendre pour les deux sœurs.
Seulement la jeune duchesse était au troisième degré de la phtisie, et
peu de jours après l'arrivée de Marguerite elle succombait.
Un matin, le duc, resté à Bagnères comme on reste sur le sol qui
ensevelit une partie du cœur, aperçut Marguerite au détour d'une allée.
Il lui sembla voir passer l'ombre de son enfant et, marchant vers elle,
il lui prit les mains, l'embrassa en pleurant, et, sans lui demander qui
elle était, implora la permission de la voir et d'aimer en elle l'image
vivante de sa fille morte.
Marguerite, seule à Bagnères avec sa femme de chambre, et d'ailleurs
n'ayant aucune crainte de se compromettre, accorda au duc ce qu'il lui
demandait.
Il se trouvait à Bagnères des gens qui la connaissaient, et qui vinrent
officiellement avertir le duc de la véritable position de mademoiselle
Gautier. Ce fut un coup pour le vieillard, car là cessait la
ressemblance avec sa fille; mais il était trop tard. La jeune femme
était devenue un besoin de son cœur et son seul prétexte, sa seule
excuse de vivre encore.
Il ne lui fit aucun reproche, il n'avait pas le droit de lui en faire,
mais il lui demanda si elle se sentait capable de changer sa vie, lui
offrant en échange de ce sacrifice toutes les compensations qu'elle
pourrait désirer. Elle promit.
Il faut dire qu'à cette époque, Marguerite, nature enthousiaste, était
malade. Le passé lui apparaissait comme une des causes principales de sa
maladie, et une sorte de superstition lui fit espérer que Dieu lui
laisserait la beauté et la santé, en échange de son repentir et de sa
conversion.
En effet, les eaux, les promenades, la fatigue naturelle et le sommeil
l'avaient à peu près rétablie quand vint la fin de l'été.
Le duc accompagna Marguerite à Paris, où il continua de venir la voir
comme à Bagnères.
Cette liaison, dont on ne connaissait ni la véritable origine, ni le
véritable motif, causa une grande sensation ici, car le duc, connu par
sa grande fortune, se faisait connaître maintenant par sa prodigalité.
On attribua au libertinage, fréquent chez les vieillards riches, ce
rapprochement du vieux duc et de la jeune femme. On supposa tout,
excepté ce qui était.
Cependant le sentiment de ce père pour Marguerite avait une cause si
chaste, que tout autre rapport que des rapports de cœur avec elle lui
eût semblé un inceste, et jamais il ne lui avait dit un mot que sa fille
n'eût pu entendre.
Loin de nous la pensée de faire de notre héroïne autre chose que ce
qu'elle était. Nous dirons donc que tant qu'elle était restée à
Bagnères, la promesse faite au duc n'avait pas été difficile à tenir, et
qu'elle avait été tenue; mais une fois de retour à Paris, il avait
semblé à cette fille habituée à la vie dissipée, aux bals, aux orgies
même, que sa solitude, troublée seulement par les visites périodiques du
duc, la ferait mourir d'ennui, et les souffles brûlants de sa vie
d'autrefois passaient à la fois sur sa tête et sur son cœur.
Ajoutez que Marguerite était revenue de ce voyage plus belle qu'elle
n'avait jamais été, qu'elle avait vingt ans, et que la maladie endormie,
mais non vaincue, continuait à lui donner ces désirs fiévreux qui sont
presque toujours le résultat des affections de poitrine.
Le duc eut donc une grande douleur le jour où ses amis, sans cesse aux
aguets pour surprendre un scandale de la part de la jeune femme avec
laquelle il se compromettait, disaient-ils, vinrent lui dire et lui
prouver qu'à l'heure où elle était sûre de ne pas le voir venir, elle
recevait des visites, et que ces visites se prolongeaient souvent
jusqu'au lendemain.
Interrogée, Marguerite avoua tout au duc, lui conseillant, sans
arrière-pensée, de cesser de s'occuper d'elle, car elle ne se sentait
pas la force de tenir les engagements pris, et ne voulait pas recevoir
plus longtemps les bienfaits d'un homme qu'elle trompait.
Le duc resta huit jours sans paraître; ce fut tout ce qu'il put faire,
et, le huitième jour, il vint supplier Marguerite de l'admettre encore,
lui promettant de l'accepter telle qu'elle serait, pourvu qu'il la vît,
et lui jurant que, dût-il mourir, il ne lui ferait jamais un reproche.
Voilà où en étaient les choses trois mois après le retour de Marguerite,
c'est-à-dire en novembre ou décembre 1842.
Le 16, à une heure, je me rendis rue d'Antin.
De la porte cochère on entendait crier les commissaires-priseurs.
L'appartement était plein de curieux.
Il y avait là toutes les célébrités du vice élégant, sournoisement
examinées par quelques grandes dames qui avaient pris encore une fois le
prétexte de la vente, pour avoir le droit de voir de près des femmes
avec qui elles n'auraient jamais eu occasion de se retrouver, et dont
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