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Le Cid est une pièce de théâtre tragi-comique en vers (alexandrins essentiellement) de Pierre Corneille dont la première représentation eut lieu le 7 janvier 1637 à Paris au théâtre du Marais.
Résumé
| Don Diègue et le comte de Gomès projettent d’unir leurs enfants Rodrigue et Chimène, qui s'aiment. Mais le comte, jaloux de se voir préférer le vieux Don Diègue pour le poste de précepteur du prince, offense ce dernier en lui donnant une gifle (un « soufflet » dans le langage de l'époque). Don Diègue, trop vieux pour se venger par lui-même, remet sa vengeance entre les mains de son fils Rodrigue qui, déchiré entre son amour et son devoir, finit par écouter la voix du sang et tue le père de Chimène en duel. Chimène essaie de renier son amour et le cache au roi, à qui elle demande la tête de Rodrigue. Mais l’attaque du royaume par les Maures donne à Rodrigue l’occasion de prouver sa valeur et d’obtenir le pardon du roi. Plus que jamais amoureuse de Rodrigue devenu un héros national, Chimène reste sur sa position et obtient du roi un duel entre don Sanche, qui l'aime aussi, et Rodrigue. Elle promet d’épouser le vainqueur. Rodrigue victorieux reçoit du roi la main de Chimène : le mariage sera célébré l'année suivante.|
|Source Wikipédia|
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Veröffentlichungsjahr: 2020
ACTEURS
ACTE I
ACTE II
ACTE III
ACTE IV
ACTE V
PIERRE CORNEILLE
LE CID
COMÉDIE EN CINQ ACTES RIMÉS DEUX A DEUX
ET EN ALEXANDRINS
1637
Ginn | 1912 (pp. 2-85)
Raanan Éditeur
Livre numérique 478 | édition 2
DON FERNAND, premier roi de CastilleDONA URRAQUE, infante de CastilleDON DIÈGUE, père de don RodrigueDON GOMÈS, comte de Gormas, père de ChimèneDON RODRIGUE, amant de ChimèneDON SANCHE, amoureux de Chimène
DON ARIAS, DON ALONSE, gentilshommes castillans.
CHIMÈNE, fille de don GomèsLÉONOR, gouvernante de l’InfanteELVIRE, gouvernante de ChimèneUn Page de l’Infante
La scène est à Séville
Scène première
CHIMÈNE, ELVIRE.
CHIMÈNE
Elvire, m’as-tu fait un rapport bien sincère ? Ne déguises-tu rien de ce qu’a dit mon père ?
ELVIRE
Tous mes sens à moi-même en sont encor charmés : Il estime Rodrigue autant que vous l’aimez, Et si je ne m’abuse à lire dans son âme, Il vous commandera de répondre à sa flamme.
CHIMÈNE
Dis-moi donc, je te prie, une seconde fois Ce qui te fait juger qu’il approuve mon choix : Apprends-moi de nouveau quel espoir j’en dois prendre ; Un si charmant discours ne se peut trop entendre ; Tu ne peux trop promettre aux feux de notre amour La douce liberté de se montrer au jour. Que t’a-t-il répondu sur la secrète brigue Que font auprès de toi don Sanche et don Rodrigue ? N’as-tu point trop fait voir quelle inégalité Entre ces deux amants me penche d’un côté ?
ELVIRE
Non ; j’ai peint votre cœur dans une indifférence Qui n’enfle d’aucun d’eux ni détruit l’espérance, Et sans les voir d’un œil trop sévère ou trop doux, Attend l’ordre d’un père à choisir un époux. Ce respect l’a ravi, sa bouche et son visage M’en ont donné sur l’heure un digne témoignage, Et puisqu’il vous en faut encor faire un récit, Voici d’eux et de vous ce qu’en hâte il m’a dit : « Elle est dans le devoir ; tous deux sont dignes d’elle, Tous deux formés d’un sang noble, vaillant, fidèle, Jeunes, mais qui font lire aisément dans leurs yeux L’éclatante vertu de leurs braves aïeux. Don Rodrigue surtout n’a trait en son visage Qui d’un homme de cœur ne soit la haute image, Et sort d’une maison si féconde en guerriers, Qu’ils y prennent naissance au milieu des lauriers. La valeur de son père, en son temps sans pareille, Tant qu’a duré sa force, a passé pour merveille ; Ses rides sur son front ont gravé ses exploits, Et nous disent encor ce qu’il fut autrefois. Je me promets du fils ce que j’ai vu du père ; Et ma fille, en un mot, peut l’aimer et me plaire. » Il allait au conseil, dont l’heure qui pressait A tranché ce discours qu’à peine il commençait ; Mais à ce peu de mots je crois que sa pensée Entre vos deux amants n’est pas fort balancée. Le roi doit à son fils élire un gouverneur, Et c’est lui que regarde un tel degré d’honneur : Ce choix n’est pas douteux, et sa rare vaillance Ne peut souffrir qu’on craigne aucune concurrence. Comme ses hauts exploits le rendent sans égal, Dans un espoir si juste il sera sans rival ;
Et puisque don Rodrigue a résolu son père Au sortir du conseil à proposer l’affaire, Je vous laisse à juger s’il prendra bien son temps, Et si tous vos désirs seront bientôt contents.
CHIMÈNE
Il semble toutefois que mon âme troublée Refuse cette joie, et s’en trouve accablée : Un moment donne au sort des visages divers, Et dans ce grand bonheur je crains un grand revers.
ELVIRE
Vous verrez cette crainte heureusement déçue.
CHIMÈNE
Allons, quoi qu’il en soit, en attendre l’issue.
Scène II
L’INFANTE, LÉONOR, PAGE.
L’INFANTE
Page, allez avertir Chimène de ma part Qu’aujourd’hui pour me voir elle attend un peu tard, Et que mon amitié se plaint de sa paresse. (Le page rentre.)
LÉONOR
Madame, chaque jour même désir vous presse ; Et dans son entretien je vous vois chaque jour Demander en quel point se trouve son amour.
L’INFANTE
Ce n’est pas sans sujet : je l’ai presque forcée À recevoir les traits dont son âme est blessée.
Elle aime don Rodrigue, et le tient de ma main, Et par moi don Rodrigue a vaincu son dédain ; Ainsi de ces amants ayant formé les chaînes, Je dois prendre intérêt à voir finir leurs peines.
LÉONOR
Madame, toutefois parmi leurs bons succès Vous montrez un chagrin qui va jusqu’à l’excès. Cet amour, qui tous deux les comble d’allégresse, Fait-il de ce grand cœur la profonde tristesse, Et ce grand intérêt que vous prenez pour eux Vous rend-il malheureuse alors qu’ils sont heureux ? Mais je vais trop avant, et deviens indiscrète.
L’INFANTE
Ma tristesse redouble à la tenir secrète. Écoute, écoute enfin comme j’ai combattu, Écoute quels assauts brave encor ma vertu. L’amour est un tyran qui n’épargne personne : Ce jeune cavalier, cet amant que je donne, Je l’aime.
LÉONOR
Vous l’aimez !
L’INFANTE
Mets la main sur mon cœur, Et vois comme il se trouble au nom de son vainqueur, Comme il le reconnaît.
LÉONOR
Pardonnez-moi, Madame, Si je sors du respect pour blâmer cette flamme. Une grande princesse à ce point s’oublier Que d’admettre en son cœur un simple cavalier !
Et que dirait le roi ? que dirait la Castille ? Vous souvient-il encor de qui vous êtes fille ?
L’INFANTE
Il m’en souvient si bien que j’épandrai mon sang Avant que je m’abaisse à démentir mon rang. Je te répondrais bien que dans les belles âmes Le seul mérite a droit de produire des flammes ; Et si ma passion cherchait à s’excuser, Mille exemples fameux pourraient l’autoriser ; Mais je n’en veux point suivre où ma gloire s’engage ; La surprise des sens n’abat point mon courage ; Et je me dis toujours qu’étant fille de roi, Tout autre qu’un monarque est indigne de moi. Quand je vis que mon cœur ne se pouvait défendre, Moi-même je donnai ce que je n’osais prendre. Je mis, au lieu de moi, Chimène en ses liens, Et j’allumai leurs feux pour éteindre les miens. Ne t’étonne donc plus si mon âme gênée Avec impatience attend leur hyménée : Tu vois que mon repos en dépend aujourd’hui. Si l’amour vit d’espoir, il périt avec lui : C’est un feu qui s’éteint, faute de nourriture ; Et malgré la rigueur de ma triste aventure, Si Chimène a jamais Rodrigue pour mari, Mon espérance est morte, et mon esprit guéri. Je souffre cependant un tourment incroyable : Jusques à cet hymen Rodrigue m’est aimable ; Je travaille à le perdre, et le perds à regret ; Et de là prend son cours mon déplaisir secret. Je vois avec chagrin que l’amour me contraigne À pousser des soupirs pour ce que je dédaigne ; Je sens en deux partis mon esprit divisé :
Si mon courage est haut, mon cœur est embrasé ; Cet hymen m’est fatal, je le crains et souhaite : Je n’ose en espérer qu’une joie imparfaite. Ma gloire et mon amour ont pour moi tant d’appas, Que je meurs s’il s’achève ou ne s’achève pas.
LÉONOR
Madame, après cela je n’ai rien à vous dire, Sinon que de vos maux avec vous je soupire : Je vous blâmais tantôt, je vous plains à présent ; Mais puisque dans un mal si doux et si cuisant Votre vertu combat et son charme et sa force, En repousse l’assaut, en rejette l’amorce, Elle rendra le calme à vos esprits flottants. Espérez donc tout d’elle, et du secours du temps ; Espérez tout du ciel ; il a trop de justice Pour laisser la vertu dans un si long supplice.
L’INFANTE
Ma plus douce espérance est de perdre l’espoir.