Le Gardien du présent - Mustapha Bouktab - E-Book

Le Gardien du présent E-Book

Mustapha Bouktab

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Beschreibung

Voici un roman atypique où la fiction côtoie la réalité pour vous faire vivre une aventure palpitante ! Attachants, plein d'humanité et farouches adversaires des forces du mal, les héros de cette autofiction fantastique oeuvrent corps et âme à la paix des peuples. Suspens, action, rêve, amour et magie s'entremêlent pour vous tenir en haleine. Le pouvoir de l'amour universel, qui n'a pas de frontière, sera le fer de lance de cette aventure qui pourrait bien éclairer les coeurs d'une lueur magique. Tout au long de ce parcours initiatique aux accents mystiques, vous vibrerez au gré de l'amour et du dévouement qui animent des protagonistes venus des quatre coins du monde. Le gardien du présent (alias Moussafir) vous invite à un fabuleux périple dans le passé, une odyssée qui vous révèlera comment et pourquoi l'Histoire telle qu'on nous l'enseigne n'est probablement pas conforme à la réalité. De grandes figures des Saintes Ecritures s'invitent dans cet ouvrage pour confronter des idées et pourquoi pas, vous ouvrir une porte vers de nouvelles réflexions.

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DÉDICACE

Je dédie ce livre à ma merveilleuse Senaqui est passée de l’ombre à la lumière pour être encore meilleure et plus forte.

À tous ceux qui un jour ont vécu le pire,

Voyant s’éloigner la vie sans pouvoir rien dire,

Ceux qui ont voyagé dans les tréfonds de l’obscur,

Qui ont laissé leur corps et leur âme subir la torture,

Leurs mains serrant une barre, sous les ténèbres,

Et au-dessus, les prémices d’un rayon de lumière,

Affaiblies, leurs mains veulent lâcher au son d’un terrible écho funèbre,

Et alors, l’espoir renaît, un coude passe et l’autre suit avec la force d’une prière,

Ne doutez jamais de vos capacités magiques,

Levez-vous et battez-vous toujours dans les situations tragiques.

Ton époux qui t’Aime Tellement

Table des matières

DÉDICACE

INTRODUCTION

CHAPITRE I

Le recrutement

Première partie

Service militaire

Deuxième partie

Major Beaufrère

CHAPITRE II

L’Égypte et le Cheikh

CHAPITRE III

Abigael et Jérusalem

CHAPITRE IV

Angèle et Genève

CHAPITRE V

La porte et le CERN

CHAPITRE VI

Les voyages

CHAPITRE VII

La bataille des Septante

POSTFACE

REMERCIEMENTS

Annexes

Illustrations

Les personnages principaux

INTRODUCTION

« Il est plus facile de ne croire en rien quand on a tout que de croire en tout quand on n’a rien ».

M. Bouktab

Dans cette fiction, qui peut s’apparenter à un parcours initiatique, le personnage principal s'appelle Moussafir. Ce prénom veut dire en langage arabe "le voyageur". Je vais partager avec vous une formidable aventure qui vous fera voyager dans de lointaines époques du passé, du présent et du futur.

Ces voyages, sous forme de fiction émulsionnée de réalité, m'ont ouvert les yeux et surtout m'ont réveillé d'un profond sommeil dans lequel le monde moderne et matériel de notre époque actuelle me berçait depuis ma plus tendre enfance. J'étais, comme la plupart des personnes de notre société, convaincu par tout ce que l'on m'avait enseigné à l'école. Par le biais des médias de masse et des réseaux sociaux, les modes de pensée capitalistes et consuméristes nous sont inculqués. Il est facile de mélanger 50% de mensonges avec 50% de vérités pour ensuite instaurer le doute. Ce cocktail est un breuvage ingénieux mais surtout diabolique. Si le doute est une graine facile à planter dans votre cerveau, il est encore plus facile de l'arroser à petites doses tous les jours afin que cette semence se propage, occupant tout l’espace jusqu’à modifier votre mode de pensée. On vous dépouille de votre libre arbitre. Vous perdez alors un atout inestimable, le levier majeur de votre liberté. Le doute est un ennemi redoutable et l'ego en est son reflet trouble dans une eau dépourvue de sa pureté.

Je sais qu'il est difficile de croire que l'on a été manipulé depuis le berceau et dupé jusqu'à la tombe. Beaucoup d'entre vous vont douter en lisant ce livre et je le conçois aisément car j'ai moi aussi été, à une certaine époque et durant très longtemps, cartésien comme le dit cette philosophie de pensée qui elle aussi possède sa part de responsabilité. Vous avez évidemment le droit de douter mais aussi celui de réfléchir par vous-même et d’analyser ce que vous lisez. C’est cette réflexion qui vous permettra de comprendre qu'il peut exister d'autres options qui ne vous ont jamais, au grand jamais, été proposées car elles vous auraient, d'une manière ou d'une autre, dirigé vers de nouvelles perspectives. Il n'est pas évident de déconstruire un mode de pensée que l'on transporte depuis des générations par les gènes et par un conditionnement continuel comme il est tout aussi difficile de comprendre que nos pensées ne sont en définitive pas vraiment les nôtres.

Il se pourrait que je plante également dans votre cerveau une graine qui vous fasse douter ; mais je vous rassure, il existe de bonnes semences à l’origine d’une perception du monde bien plus vraie et lumineuse. Ce livre sera pour certains d’entre vous une lumière. Autant chasser l'obscurité de son esprit et y faire parvenir la lumière.

L'homme a été déshabillé par le doute qui l'a totalement éloigné de ses croyances. Il erre nu, privé de ses boucliers protecteurs et il reste malgré tout persuadé qu'il détient sa ou la vérité. Peu importe ce qu'il croit penser, il ne pense en réalité que ce que l'on veut qu'il pense. Il pense donc il est, selon la célèbre maxime, et par conséquent il est finalement ce que la société veut qu'il soit. Il n'est plus car on l'a éloigné de sa part d'humanité pour en faire un robot de chair. Il est tellement obnubilé par des désirs matériels qu'il en oublie l'essentiel qui ne peut ni s'acheter ni se toucher, cet essentiel qui est constitué de tout et qui remplit le rien. Rien n’est vide quand on le possède et tout est plein quand il nous habite. La croyance en est une clef essentielle qui permet, à elle seule, d’ouvrir certaines portes. Elle constitue déjà un point de départ primordial pour commencer à se rapprocher de l’essentiel. C’est un vaste sujet qui intervient dans beaucoup de circonstances. Je pense qu‘il faut tout d’abord commencer par croire profondément en soi avant de pouvoir s'aventurer plus loin dans ce voyage qui vous fera renaître pour un renouveau de l'histoire d'hier, de maintenant et de demain.

Il y a plusieurs façons de voyager dans le temps. La plus simple est bien évidemment de se remémorer son passé en fermant les yeux et en retournant en arrière. On peut aussi regarder d'anciennes vidéos ou de vieilles photos et se voir quand on était plus jeune afin de réveiller de vieux souvenirs mais ce procédé est limité par votre vécu. Vous ne pourrez jamais reculer vers une époque que vous n'avez jamais vécue. Vous pouvez voyager dans le futur, également par le biais de la pensée, en vous projetant sur ce que vous voudriez être ou vivre comme situations, mais cela entre dans le domaine de votre imagination et elle ne peut être réelle. Que vous tentiez de reculer le temps ou de l'avancer, vous serez toujours confronté à l'instant présent. Si vous parvenez à reculer ou à avancer le temps, pour le vivre vraiment, il vous faudra être dans l'instant présent. L’instant présent est éternel car il ne meurt jamais et ne peut mourir.

Si vous tracez une ligne et que l'instant présent se trouve au centre de cette ligne, le passé à gauche et le futur à droite, pour vous déplacer à gauche ou à droite il vous faudra transporter avec vous ce point présent. Maintenant, imaginez que sur cette ligne il y ait audessus et en-dessous des points représentant le passé et le futur en formant une multitude de points infinie. Si vous reliez le point gauche (passé) du dessus au point central et que vous reliez ce point central au point droit (futur) du dessous, vous obtiendrez une ligne droite. Si vous faites la même chose, mais cette fois avec le point d’en-dessous à droite et celui d’en haut à gauche, vous obtiendrez une croix ressemblant à un nœud papillon. À présent, si vous reliez ces points en suivant la même méthode, mais avec des lignes courbes et en allant loin audessus et loin en-dessous, ce nœud papillon prendra alors la forme du symbole de l'infini, dont le centre est représenté par le moment présent.

On ne peut donc voyager que dans le moment présent et non dans le temps, ce qui est le but d'une vie présente mais aussi celui d'une ancienne ou d’une future vie. Il existe des passages ou des portes qui nous permettent de nous déplacer dans l'instant présent afin d'aller et venir dans le passé ou le futur. Je l’ai compris en lisant le chapitre consacré à Marie et où Dieu appelle Marie mère de Jésus "sœur d'Aaron" dans le Coran. Il n'est donné aucune explication sur la famille de Marie si ce n'est qu'elle est la sœur d'Aaron. On sait qu'Aaron était le frère de Moïse et que leur sœur se nommait elle aussi Marie. Est-il donc possible que l'on parle de la même Marie à la différence près que l'époque de Moïse et celle de Jésus ne concordent pas ? Serait-il envisageable que Marie ait voyagé dans le temps et qu’elle ait vécu ces deux époques, ou même d’autres ?

Pour moi, c’est une question à se poser et à prendre au sérieux. L'univers est infini et personne n'est capable d'imaginer qu'une fin quelconque puisse se trouver quelque part car que pourrait donc se trouver derrière cette fin et comment pourrait-on la représenter ?

Je commencerai ce livre en reculant dans mon passé afin de vous faire part de mon parcours extraordinaire qui m'a peu à peu permis d’ouvrir une porte dans ma tête et dans mon cœur. Selon Saint Exupéry, « On ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux. »

L’élévation de l’esprit par la compréhension de l’instant présent et des mécanismes du temps est aussi une élévation du cœur. J’ai pu me rapprocher de cette porte tant recherchée qui m'a permis de voyager dans certaines époques du présent. Il aurait été difficile pour moi d'y croire si cela ne s'était déversé dans ma vie par petites doses qui m'ont permis de remettre en question mes croyances.

Chers lecteurs, je vous souhaite un bon voyage à travers mes aventures et une excellente remise en question. Vous allez faire connaissances avec de merveilleux personnages, qui, je l’espère, vous donneront envie d’aimer plus encore votre prochain, et ce, audelà de leurs croyances, de leurs coutumes et de leurs traditions.

L’essentiel de ce livre est de faire de l’humanité un seul et unique peuple qui devra apprendre à aimer son voisin et son prochain sans jamais le juger sur son physique ou sa religion. Ils devront tous ensemble combattre tous les démons et les forces du mal qui tenteront de se lever sur la route de la bienfaisance et du bonheur absolu pour tous.

N'oubliez pas que même si les aventures de cet ouvrage peuvent vous sembler réelles, elles resteront chargées de fiction. Chacun aura son libre arbitre afin de voir la vérité comme il l’entendra.

« Dieu n’a jamais existé et n’existera jamais car il existe, seul le présent est éternel… »

M.Bouktab

CHAPITRE I

Le recrutement

Première partie

Service militaire

« Il y a 3 sortes d’intelligence : l’intelligence humaine, l’intelligence animale et l’intelligence militaire. »

Aldous Huxley

Tout commence le premier juin 1991, j'ai tout juste 20 ans. Je suis un jeune homme plutôt charmant avec de très beaux attraits et un sourire dévastateur. Mes cheveux sont assez longs. Ils m’arrivent aux épaules et mes yeux sont marron avec une pupille ébène profond. Une barbe très bien taillée habille mon visage en lui donnant une profondeur de sagesse réconfortante. Avec une apparence physique très athlétique, un charisme impressionnant et réconfortant, entraînant dans son élan une attitude respectueuse, amicalement sympathique et ferme, je donne une impression rassurante.

Je suis né en France où j’ai vécu en majeure partie. Je suis d’origine algérienne et berbère. J’ai grandi au son de ma langue maternelle Kabyle avec les traditions et coutumes que mes parents m’ont inculquées en me répétant sans cesse que ces valeurs font partie de mon héritage et qu’elles sont un trésor ancestral.

J’ai été affecté pour effectuer mon service militaire au 74e régiment d’artillerie à Bourogne, dans le territoire de Belfort. Cette caserne, surnommée "le Quartier Ailleret", est spécialisée dans les missiles nucléaires. Je ne peux pas expliquer comment je me suis retrouvé dans le nucléaire. Y étais-je prédestiné ? Le hasard ou la providence m’avait peut-être envoyé là-bas pour des raisons établies ? À cette époque, je ne me posais pas encore ce genre de question, mais le temps et mes expériences m’ont apporté la réponse logique et magique à tout cela.

À mon arrivée, j’ai un réflexe assez incompréhensible mais primaire de chercher s'il n’y a pas d’autres personnes comme moi, avec un teint basané et un prénom différent du diaporama national. Avec le recul, je sais que je n’aurais pas dû avoir cette attitude car je me suis toujours senti en France comme dans mon pays et j’estime que je n’ai pas à m’intégrer. Dans mon état d’esprit, ce mot "intégration" ne peut pas faire partie de mon vocabulaire. La seule et unique intégration qui peut exister, selon moi, est celle d’être un citoyen de cette planète respectueux aux vues et aux us de tous dans le monde entier. Je sens que les regards des engagés me dévisage comme surpris de me voir arriver. J’ai comme la sensation d’être le cheveu dans la soupe, et ne veux en aucun cas devenir l’indigestion de quiconque. J’observe autour de moi pour voir s’il y a d’autres cheveux comme les miens, aux origines exotiques. J’ai beau scruter à la loupe en dévisageant du regard tout le monde, l’évidence devient flagrante. Je suis la seule personne dévisagée et "différente" mis-à-part un sergent au teint bien plus basané que le mien, mais je reste tout de même motivé. Ce sergent a son nom inscrit sur sa veste, au niveau de la poitrine. Ce dernier se terminant en u comme beaucoup de noms de famille turcs, j’eu le malheur de le prendre pour un Ottoman devant ses collègues. Ils en ont ri et se sont moqués de lui assez sévèrement lui laissant par la suite cette étiquette qui le faisait rager assez souvent. Après cette incartade, il a rendu mes 12 mois dans l’armée très pénibles. Il s'avérait être un Corse très fier de l’être et de le paraître.

Je suis affecté en batterie bleue (chaque section avait sa couleur) où je suis canonnier. On me remet mon paquetage et une paire de rangers avec une taille en-dessous de la mienne, ce qui n’a pas rendu service à mes pieds qui en ont payé le prix fort. À peine installé que le capitaine de batterie m’envoie immédiatement voir le commandant de la sécurité qui désire me rencontrer. Je me dirige donc chez ce personnage et arrivé devant son bureau, je frappe à sa porte. Il me fait attendre presque une heure avant de m’autoriser à entrer avec un ton agressif et impoli. Il parait assez âgé et porte des lunettes semi-carrées sur son nez, bien en-dessous de ses yeux. Il baisse la tête et relève le regard pour me regarder, ce qui lui fait froncer les sourcils et lui ride le front. Son visage est marqué par les traits atypiques que provoque l'excès d’alcool. Chose frappante, il ressemble presque exactement à la personne dont je me suis fait l’idée en attendant devant sa porte alors même qu’il n’a pas encore daigné me parler. J’ai ce don pour ressentir les gens.

Après m’avoir balayé de son regard méprisant en me regardant des pieds à la tête et de la tête aux pieds, il se remet à lire ce qui se trouve devant lui sur son bureau et il m’ignore de nouveau durant de très longues minutes qui furent pour moi assez pénibles et interminables. Avant même de me parler verbalement, il use de ce langage silencieux pour me faire comprendre que pour lui je n’existe déjà pas. Il se dégageait de son attitude de la haine et du dégoût envers moi et tout cela sans même essayer de chercher à me connaître. Il s’est fait une idée toute construite de ce que je représente pour lui et il est persuadé que je ne peux qu’être un ennemi à éliminer au plus vite.

Enfin, il relève la tête et me regarde pendant de nombreuses secondes. Il essaye de m’impressionner avec ses yeux tachetés de veines rouges. Son regard est assez effrayant. Il parait mort puisque dépourvu de sourire ou d’expressions joviales. Je suis debout devant lui dans mes rangers qui me torturent les gros orteils et l’élastique du treillis qui remonte audessus de mes tibias car plutôt court, ma veste elle aussi est trop serrée et me met mal à l’aise également, mais je me tiens tout de même droit et fier d’être moi-même.

Enfin ! il parle et dans la foulée confirme toutes les idées préconçues que je me suis faites de lui en si peu de temps qui m'apparait pourtant sans fin. Il me dit alors en me faisant un signe de sa main comme s’il voulait me balayer avec celle-ci comme un vulgaire et misérable cafard :

— Il y a sûrement eu un bug informatique pour que tu atterrisses chez moi, je vais régler ça cette semaine et tu vas te retrouver en Allemagne car il est impossible que l’on envoie des frisés ici, allez du balai je ne veux plus te revoir.

Je suis jeune et Dieu merci mon passé de boxeur m’a appris autant à encaisser les coups de poing au visage que les coups bas même très bas car ceux-là font bien plus mal. Il a tenté de me mettre KO en frappant très bas et il pensait avoir réussi mais je me renfrogne juste. C’est le premier round et je devine qu’il y en aura encore d’autres bien plus tenaces par la suite. Je retourne en batterie où les travaux d'intérêt général (TIG) s'abattent sur moi continuellement. Il faut astiquer les toilettes, les sols et j’en passe, tout est fait de sorte à me pousser à bout, pour me faire craquer mais je tiens bon. Le sergent corse que je surnomme Filiglandu se fait une joie de me corser encore plus l'existence. En revanche, mes camarades appelés sont pour la plupart sympathiques et bienveillants avec moi à quelques exceptions près bien sûr, et l’ambiance entre appelés est joviale et très amicale.

Les semaines passent et je suis toujours ici, pas d’affectation vers l’Allemagne. On m’enseigne le maniement des armes où j'excelle avec brio. L’adjudant est stupéfait de me voir tirer avec autant de dextérité et de précision. Je suis capable d’exploser une pièce de 5 francs avec le Famas (fusil d'assaut de la manufacture d’armes de Saint-Etienne) sans lunette à 150 mètres de distance et avec un pistolet automatique (PA) je fais un sans-faute à 50 mètres sans la moindre hésitation. Non seulement je suis doué avec les armes à feu mais également avec les armes blanches. Lors des exercices de close combat avec le capitaine qui nous explique comment égorger une sentinelle en temps de guerre, je me porte toujours volontaire et je vois dans le regard de ce valeureux officier qu’il en a marre de se faire à chaque fois ridiculiser car je suis capable de faire toute sorte de manipulations au corps-à-corps en un temps record sans même sourciller du regard et avec un sangfroid exemplaire. Lors des exercices physiques et sportifs, je suis toujours en tête. Je me souviens avoir fait 4200 mètres au Cooper en 12 minutes (courir un maximum de distance pendant 12 minutes), et 10 secondes aux 100 mètres. Je peux également escalader des petites montagnes très raides au fort du Lomont à une vitesse éclair. Je gravis le parcours du combattant avec un sac de pierre qui me semble être un sac de plume, enfin bref ! Je suis pour eux le soldat parfait sur le point de vue physique tout en étant imparfait car je refuse d’entrer dans les rangs pour y faire carrière et je n’essaye pas de m’insérer dans leur moule. Je commence petit-à-petit à devenir allergique à l’armée.

Je me souviens d’un parcours au fort du Lomont où tout se déroulait dans le noir total. À l’entrée, on devait s’agripper à une corde accrochée sur le côté du mur. Il ne fallait surtout pas la lâcher mais la suivre. Au fur et à mesure du parcours, on devait franchir toutes sortes d’obstacles grâce à nos sens à l’exception de la vue. Les militaires de carrière se trouvaient à l’intérieur et portaient des lunettes de vision nocturne. Le parcours devait faire plus ou moins 600 mètres. Malgré tout, il m’apparut interminable et pour cause, je devais éprouver des insultes racistes, des coups de pied et de poing sans même pouvoir me défendre. J’étais traité de sale arabe et de bougnoule durant pratiquement tout le circuit. Arrivé en fin de périple, j’aperçois au loin de la lumière. C’était le reflet de la lune qui éclairait l’unique sortie au travers d’une ouverture dans la pierre de ce vieux fort qui focalisait tous mes derniers efforts et allait me permettre de sortir de cet enfer sans fin. Arrivé devant cette sortie, je saute par-dessus le muret de pierres et je me retrouve au final sur un sol humide. Je peux enfin respirer un air pur nourri d’une fraîche odeur d’herbe. Je pensais être tiré d’affaire mais soudain, sans même avoir eu le temps de reprendre mes esprits, j’entends des voix derrière moi :

— Vas-y bouffe-le donc ce sale arabe, bouffe-le !

Je ne comprends pas ce qui m’arrive. De façon surprenante, deux gros bergers allemands muselés me sautent dessus en grognant bruyamment. Je ressens leur poids. Ils sont énormes. Ils ont fait retourner mon esprit et fait battre mon cœur à une vitesse phénoménale. Les deux brigadiers de carrière qui tiennent ces mastodontes en laisse, se font un malin plaisir de me voir paniqué et affolé. Dans leur folie de haine raciste, ils continuent à me traiter de toutes sortes de noms d’oiseaux. Je garde mon calme car je ne veux ni ne peux faire partie de cette minorité de personnes qui malheureusement généralisent assez facilement tout ce que la vie leur fait subir de mal. Pour moi, c’était simple, j’avais eu affaire à une rare bande d’idiots isolés qui ne représentaient en rien tous les êtres éclairés et bienveillants que j’aurais à croiser le plus souvent sur mon chemin.

Cette nuit-là, j’ai compris que pour s’en sortir, il allait falloir être fort, patient et persévérant. Je me devais de rendre les coups mais sans jamais leur tendre le bâton pour me faire battre. J’ai donc enduré et encaissé. Ce fût par exemple le cas la fois où la batterie bleue était en alerte pour toute la nuit. Ce soir-là, il y avait 3 groupes. Le premier était d’alerte en 5 minutes donc avait 5 minutes pour se préparer, il était clairement interdit d’enlever ses rangers. Le deuxième groupe était d’alerte en 15 donc, on avait 15 minutes pour se préparer à intervenir, dans ce groupe, on pouvait retirer ses chaussures et pour le troisième groupe, on était d’alerte en 60 donc une heure pour se préparer, on pouvait même se mettre à l’aise en survêtement. Chaque 2 heures on changeait de groupe afin de pouvoir se reposer un peu. Durant cette nuit, le maréchal des logis Filiglandu était notre responsable direct, alors je peux vous dire que je suis resté toute la nuit d’alerte en 5. À chaque fois qu’il me voyait fermer les yeux, il donnait un coup de pied sur mon lit et me disait de me lever pour faire la ronde du DAMS (dépôt de munitions), la ronde était un circuit en forêt d’environ 8 kilomètres. On était en plein hiver, le froid mordait la peau, le sol était boueux. Je devais transporter mon paquetage et le Famas plombé et en plus, comme punition la caisse de munitions qui devait peser pas loin de 10 kg. Cette nuit-là il m’a fait faire 4 fois cette ronde et à plusieurs reprises je me suis imaginé ouvrir la caisse de munitions pour y prendre un chargeur et en finir avec lui dans la forêt mais là aussi j’ai été patient et persévérant en retenant le démon qui sommeillait en moi et qui me susurrait d’ouvrir cette caisse.

Parmi mes collègues, il y en avait un qui se surnommait Lobozec. Un jeune homme très maigre, d’apparence fragile, imberbe à l’exception d’une barbichette assez longue qui lui donnait un air de bouc. Des petits yeux dissimulés derrière ses grosses lunettes à verres très épais laissaient paraître un souci oculaire. Il était très humaniste et n’osait même pas écraser, ne serait-ce qu’une minuscule fourmi. Il était végétarien, très instruit dans son domaine d’études qui concernait la nature. C’était un sage et j’adorais discuter avec lui. D’ailleurs il m’a ouvert les yeux sur beaucoup de choses auxquelles je ne m’étais jusque-là jamais trop posé de questions comme, entre autres, la vie dans tous les domaines : humain, animal, végétal et minéral. Pour lui, tout était relié, car tout était fait d’eau. Que l’on soit humain, animal, minéral ou végétal, on avait tous la même composition organique H2O et on pouvait donc communiquer tous ensemble par le biais des émotions. Pour lui, il était d’une importance capitale de respecter tout être vivant quel qu’il soit. Je n’ai jamais compris pourquoi il n’a jamais été exempté. Une magnifique rencontre qui reste encore à ce jour toujours gravée dans mon esprit. Il était très puissant sur le plan cérébral mais malheureusement très faible physiquement. Il aurait préféré se faire réformer pour ne pas avoir à perdre une année à observer la nature et toute la magie qu’elle propage. Un jour, il devait monter la garde en zone sensible ZS (où se trouvaient les chars lance missile pluton).

Cette garde se faisait par roulement de 2 heures et parfois l’officier de réserve venait nous tester pour identifier d’éventuelles faiblesses. L’officier devait entrer dans la zone et avancer dans notre direction. On était en possession d’un Famas chargé à balles réelles mais heureusement plombé par mesure de sécurité. Quand une personne entrait dans la zone, il fallait qu’elle réponde au mot de passe du jour. Par exemple si je lui disais « Montélimar », elle devait alors répondre « Montbéliard » et si elle ne répondait pas avec le bon mot de passe, il fallait lui faire trois fois la sommation « Halte ou je tire ! ». Ce soir-là, Lobozec a été testé injustement. Il avait déjà du mal à supporter le poids très pesant du Famas et du gilet et il n’acceptait ni la violence ni la provocation. L’officier rentre brusquement dans la zone et avance vers lui à pas rapides. Lobozec lui lance alors d’une voix tremblante, inquiète et tourmentée le mot de passe du soir :

— Montélimar !

Il le répète inlassablement. N’ayant aucune réponse, il engage les sommations, d’une voix soucieuse et hésitante :

— Halte ou je tire !

L’officier maquillé en intrus accélère le pas dans sa direction voyant toujours l’arme plombée donc non chambrée par la première cartouche. Lobozec tout d’un coup panique et ne sachant plus comment réagir à cette situation, pose son arme au sol et prend la fuite en courant. Suite à cette erreur, au vu de l’officier, il écopa d’une sévère engueulade et de quelques jours au trou. Je n’ai jamais pu digérer ce qu’on avait fait subir à mon ami et j’en voulais beaucoup à cet officier qui avait abusé de la faiblesse de ce pauvre Lobozec.

Une nuit, je fus, très bizarrement, affecté à mon tour à cette garde en ZS (zone sensible). Je me trouve dans les mêmes conditions que mon ami Lobozec jusqu’au moment où le même officier décide d’entrer dans la zone pour me tester. Il entre en se dirigeant vers moi d’un pas rapide. Je lui dis alors « Montluceau ». Il est sensé me répondre « Mont-Bart » mais il ne me répond pas alors je luis fais une sommation :

— Halte ou je fais feu !

Il décide d’avancer encore de quelques pas dans ma direction, malheureux, j’ai déjà armé mon arme en craquant le plombage et je le mets en joue. Il stoppe immédiatement sa course en répétant sans cesse Mont-Bart. Je ne baisse pas mon arme pour autant et je le tiens toujours dans mon champ de tir. Il est bleu d’inquiétude et me répète encore et encore de baisser mon arme. Je décide alors de lui infliger une leçon qu’il ne sera pas près d’oublier. Je lui rappelle ce qu’il a fait subir à mon ami. Pour cela, il mérite d’en payer le prix. Je lui explique alors que je vais lui mettre une balle entre les deux yeux et que je n’aurai qu’à dire que je l’ai confondu avec un ennemi russe, car on redoutait l’infiltration des Russes à cette époque. Il se met alors à me supplier de ne pas déconner et de retrouver la raison. J’en profite pour le mettre à genoux en l’obligeant à s’excuser envers Lobozec. Il le fait immédiatement et sans rechigner un seul instant. Je peux voir son pouls s’accélérer au niveau de sa gorge. Ce soir-là, mon regard est devenu noir de colère. Je savais au fond de moi que j’avais mal réagi mais j’avais cette nette impression que mon ami Lobozec représentait toute l’humanité et que cet officier s’était vengé sur sa propre personne par ricochet sur le pauvre Lobozec. Il était clair que cet homme était mal dans sa peau et qu’il se vengeait de lui-même en s’en prenant au plus faible. Il repartit tout tremblant, pensant avoir frôlé la mort de très près.

Ce soir-là, il a pu voir en me regardant toute la haine que l’on avait chargé sur mes épaules depuis mon arrivée et il a compris que mon index aurait pu tout simplement et sans aucun contrôle appuyer sur la détente.

Cette nuit fut mémorable, il a vraiment eu peur. Il est resté à jamais figé dans cette frayeur, son regard me croisant traumatisé par ce qui aurait pu se terminer comme une tragédie. Maintenant, à chaque fois que je le croise dans la caserne, il baisse les yeux. Il m’a vraiment pris au sérieux ce soir-là et il a compris la leçon je pense : il n’a plus jamais osé me parler.

Les semaines passaient, elles étaient hélas chargées de leur lot d’habitudes inconditionnelles. Je devais sans cesse croiser les regards méprisants de la plupart des sousofficiers de carrière. Cependant, la majorité des appelés étaient bienveillants avec moi.

Les TIG se répétaient inlassablement jusqu’au jour où il y eut un dealer dans la caserne. Il vendait de la drogue aux appelés en recherche d’un peu de liberté. Tout le monde connaissait ce dealer mais personne n’osait le dénoncer, de fausses rumeurs circulaient dans la batterie bleue où j’étais affecté et un matin la gendarmerie est venue fouiller toutes mes affaires pour ensuite m’interroger. Comme tout le monde, je savais qui était le coupable mais jamais je ne l’aurais dénoncé. Il fallait sûrement mieux être puni pour son silence que vu comme une balance par l’armée et les appelés.

Ne pouvant rien tirer de moi ils me firent faire un séjour au trou, le trou même où le pauvre Lobozec avait malheureusement déjà séjourné. Il était pour eux logique que le vendeur de drogue soit le seul et unique arabe de la caserne. Comme ils n’avaient aucune preuve pour m'incarcérer, ils ont décidé de me punir en m’envoyant 10 jours au trou. Malgré toutes ces attaques malveillantes venant des militaires de carrière, je restais toujours objectif et cherchais à ne pas généraliser leur comportement. Oui, certes j’avais des origines maghrébines mais je restais fort dans mes croyances en me plaçant toujours au même rang que tous mes camarades.

Le trou est une petite maison carrée avec un toit plat en béton faite de 4 murs avec une fenêtre sans vitre et des barreaux à chaque point cardinal. Rien n’arrête les vents et le froid qui s’engouffrent inlassablement par les interstices, me laissant frigorifié. Je ne suis jamais allé en prison de ma vie et là je peux vous dire qu’en imaginant mon pauvre ami Lobozec, ici, à ma place pendant son séjour, je n’ai pas du tout regretté ma décision de mettre en joue l’officier de permanence.

Contre toute attente, ces 10 jours passés en isolement furent pour moi une expérience enrichissante. Ils m’ont permis de beaucoup relativiser et surtout de voyager dans mon esprit qui était encore, à cette époque, assez étriqué. L’unique pièce était composée d’un petit lit métallique avec de très vieux ressorts et par-dessus un matelas très sale qui laissait entrevoir son vécu et le lot de désespoir qu’il avait dû supporter, d’une petite table en bois avec un des 4 pieds plus court que les autres et d’une chaise en bois sans dossier. Un drap neuf et un oreiller usé par toutes les larmes déversées par les anciens occupants, dont celles de Lobozec faisaient sûrement partie, et deux vieilles couvertures grises utilisées par les déménageurs pour protéger les meubles finissait le tout. Les couvertures grises me piquaient toujours la peau et me donnaient l’impression d’être un vieux bahut en bois vernis déménagé dans cet endroit froid et humide. Dans le coin, il y avait une pièce tout étriquée avec un très vieux et usagé lavabo qui dégageait une odeur nauséabonde et à côté un WC turc fissuré et très sale qui laissait à penser qu’il était habité par quelque chose de malsain.

Les dix jours passent assez vite et à peine sorti de cette injuste punition, les habitudes reprennent très vite le dessus avec leurs lots continuels de regards méprisants, de travaux d'intérêt généraux, de gardes et de rondes DAMS. J’encaisse toujours aussi bien les coups même très bas et souvent douloureux mais je garde la tête haute en coloriant tous les jours un jour de moins sur mon calendrier. Un jour où nous sommes partis en manœuvre, on me choisit pour être le copilote d’un vieux Chmog (camion Unimog Mercedes construit pour l’armée) transportant la nourriture. J’en suis injustement le responsable car je dois préparer le soir venu un semblant de repas avec seulement des conserves, souvent des raviolis. On m'a confié ce poste tout simplement parce que je n’ai pas le droit de participer à l’assemblage d’un missile pluton et encore moins le droit d’entrer dans le char sur lequel le missile est monté pour la simple et bonne raison que je suis pour eux non français de souche et qu’il peut y avoir une possibilité pour que je sois un espion. Je m’occupe donc de la popote ce qui en soit ne me dérange pas du tout car l’assemblage d’un missile qui fait plus de 6 mètres de long avec un diamètre de presque un mètre est extrêmement pénible physiquement. D’ailleurs, pour une fois, mes compagnons canonniers m’enviaient.

Un soir, en fin de journée, peu avant le coucher du soleil, je commence à avoir un mal de ventre terrible. Je patiente mais rien n’y fait. Il faut que j’aille de toute urgence dans la nature pour me soulager. Le camp est installé à la lisière d’un bois non loin du village de Jeanne d’Arc (Domrémy-la-Pucelle) et j’ai toujours pour habitude de me déplacer avec une bouteille d’eau contrairement à tous les autres qui se déplacent avec un rouleau de papier. À chaque fois qu’ils me voient passer, mes collègues se moquent de moi. Je marche dans le bois en les entendant rire et comploter pour essayer de me surprendre. Par crainte qu’ils viennent me faire une malencontreuse farce pour se moquer et me charrier, je m’aventure de plus en plus profondément dans le bois et la nuit, au loin, tombe de plus en plus vite. L’urgence se concrétise par mes poils qui se hérissent et la chair de poule qui garnit mes bras. Mon état me fait oublier qu’il fait nuit et que je me suis aventuré trop loin du camp par peur d’avoir été suivi par mes camarades appelés.

Soudain, je passe un petit muret sans même m’en rendre compte et sans même réfléchir. L’urgence me presse de me soulager et sans réfléchir ni même me poser la moindre question, je baisse le treillis. Le soulagement est immédiat voir même jouissif car je retiens l’instant depuis bien trop longtemps. Une fois mes esprits retrouvés, je me pose une question plutôt logique qui n'avait pas lieu d’être avant. Je me demande tout simplement pourquoi j’ai l’impression que mes pieds sont posés sur une dalle en béton en pleine forêt et non sur la terre et, au moment où je décide de me retourner, la course d’un nuage grisâtre du soir laisse un rayon de lune éclairer l’endroit où je me trouve. À cet instant je vois, devant moi, Jésus crucifié sur une croix avec du sang sur ses poignets et sa couronne d’épines sur la tête. Je panique et tombe en arrière, je me retrouve foudroyé de peur et en même temps de honte. Je suis rempli de regrets lorsque je réalise enfin que sans même m’en rendre compte, je me suis retrouvé dans un cimetière en train de faire mes besoins sur une tombe. J’ai agi comme beaucoup l’auraient fait aussi : j’ai fui. J’essaye de remonter mon treillis dans ma course, je cours dans la forêt en direction du camp, effrayé, paniqué et surtout très gêné d’avoir agi de la sorte même si cela n’était pas de façon volontaire.

Ce que j’ai fait est impardonnable, et le visage de la représentation de Jésus même si je sais que ce n’est qu’une statue, reste figé dans ma mémoire. Ce souvenir m’a empêché de dormir durant de nombreuses nuits et une fois de retour à la caserne, je me renferme un peu plus sur moi-même. Je n’arrive pas à digérer cette affreuse et honteuse aventure.

Les habitudes et leur lot continuel de regards méprisants refont surface. J’apprends soudainement que la boutique du mess a été cambriolée durant la nuit. Je vous laisse deviner quel coupable a été choisi étant donné que je suis le seul et unique problème de la caserne et que leur logique m’indique clairement comme le coupable rêvé. Je subis alors le même traitement que pour le soi-disant trafic de drogue : fouille, interrogatoire, et c’est reparti pour 10 jours de trou. Cette fois-ci, je bouillonne de colère. Cette décision et cette punition sont injustes. Je tente de me réconforter en me disant que cela est tombé au bon moment car je pensais devoir payer l’erreur honteuse que j’avais commise involontairement sur cette tombe ce soir de pleine lune.

Je me perds à penser que finalement cette punition est justifiée. Encore une fois je me remets en question à de nombreuses reprises et je me demande pourquoi le hasard m'a fait vivre une telle aventure aussi honteuse que gênante. Il doit forcément y avoir une raison. Je ne crois pas au hasard. Pour moi, tout est provoqué de façon directe ou indirecte et je suis quasiment certain qu’il y a toujours des conséquences soit heureuses soit dramatiques à nos actes et que tôt ou tard tout remonte à la surface. L’addition est soit sucrée soit salée. Je suis jeune certes mais je réfléchis beaucoup.

Un souvenir refait surface. Je suis à l’école primaire, en classe de CM2. Mon maître, monsieur Jacquet me répète souvent :

— Remue-toi les méninges, tu as peur d’attraper une méningite ?

Une semaine plus tard, on m’emmène d’urgence à l'hôpital. Je suis mis en quarantaine car atteint d’une méningite foudroyante à seulement 12 ans. Je m’en suis sorti et j’ai compris très jeune que cela n'était pas dû au hasard. J’ai tellement eu peur de l’attraper que mes pensées et mes émotions ont nourri cette peur. Inconsciemment, j’ai créé mon affection. Là, le cas est différent, mais dans le prolongement de ce souvenir je me demande pourquoi la plupart des gens ont généralement peur des cimetières alors que s’il devait y avoir un endroit où l’on ne risque rien, ce serait bien celui-ci.

Les morts ne peuvent rien nous faire, le danger vient assurément des vivants. Encore de fausses croyances implantées dans nos cerveaux pour nous induire sur de fausses pistes. Plus je réfléchis, plus mes questions divergent et prennent des chemins différents. Par exemple, je me demande pourquoi nous, l’espèce humaine du 21ème siècle, sommes les seuls mammifères à faire nos besoins dans de l’eau. En y pensant, la cuvette des toilettes est remplie d’eau et le tout va dans une station d’épuration où l’on traite cette eau pour ensuite la réutiliser à des fins comestibles. Tous les animaux terrestres nourrissent la terre avec leurs excréments et jamais il ne leur viendrait à l’idée d'aller faire leurs besoins dans une rivière ou même dans une flaque à l’exception du porc qui se roule dedans et peut même la consommer. Nous ne sommes pas des porcs ou peut-être que les porcs sont un peu de nous comme l’explique la science.

Enfin, cette aventure me fait beaucoup réfléchir et surtout me permet de me remettre en question sur beaucoup de sujets. Je cogite énormément et surtout je patiente avec la certitude que je peux provoquer une action quelconque dans un futur proche ou très lointain. Dans ma tête, tout est confus. Je revois le visage de Jésus. Je pense à Jeanne d’Arc et j’essaye de faire un rapprochement avec cette honteuse expérience. Dans le fond, faire ses besoins dans la nature devrait être quelque chose de naturel. Ce qui est mal dans tout cela c’est de l’avoir fait sur une tombe. Donc si j’avais agi avec un sang-froid exemplaire à ce moment-là et qu’au lieu de fuir et de paniquer, j’avais nettoyé la tombe et je me serais excusé auprès des habitants de ce cimetière la situation aurait été moins dramatique.

Pour moi, la morale de tout cela est que je dois apprendre à accepter mes erreurs conscientes ou inconscientes. Je dois aussi apprendre à garder mon sang froid dans n’importe quelle circonstance afin d’éliminer immédiatement un faux problème avant qu’il ne devienne bien plus gros. Je ne dois jamais oublier que peu importe l’endroit où je me trouve, Dieu est toujours là, il sait et voit tout. Quand on est responsable de quelque chose, il ne faut pas fuir et paniquer. Il faut rester calme et tout de suite réparer afin d’éviter qu’une gangrène s’installe et que par la suite l’amputation soit inévitable.

De jour comme de nuit, et peu importe l’état dans lequel vous vous trouvez, si vous commettez une erreur ou une injustice d’ordre intime ou légitime et que le résultat vous pousse à fuir dans un élan de panique, ressaisissez-vous, analysez rapidement la situation et réfléchissez à un moyen d’éliminer ou de réparer cette injustice ou erreur avant qu’elle ne devienne plus grave. Et surtout, n'oubliez pas que malgré les circonstances, Dieu vous voit.

Deuxième partie

Major Beaufrère

« Dans l’océan des rencontres, chaque goutte est importante. »

Simon Lafarge

Je me trouve toujours au trou et il me reste encore 5 jours à faire pour en sortir. Je suis continuellement plongé dans mes pensées et questionnements. Alors que je continue à laisser mon esprit divaguer, la porte s’ouvre soudainement et un homme pénètre dans ma cellule. Il est habillé en civil mais possède une forte aura militaire qui parait complètement différente de celles que je côtoie habituellement dans la caserne. Il est de taille moyenne, svelte et parait sportif. Il doit frôler la cinquantaine mais ne les parait pas. Il semble humble, merveilleusement bien éduqué et son sourire laisse passer un climat de confiance et de sérénité.

Il entre et se présente au nom de major Beaufrère. À l’heure actuelle, je ne sais toujours pas si c'était son vrai nom. Il s’approche et me sert la main. Alors que ma main s’accroche à la sienne, il ajoute sa main gauche sur ma main droite qu’il tient avec une poigne ferme et sécurisante. Il ne la lâche pas et attend que je lui fasse un sourire. J’avoue être très méfiant mais malgré cela je laisse échapper un petit rictus qui lui fait lâcher ma main. Cela ne le satisfaisant pas complètement, il pose ses deux mains sur mes épaules en me demandant si je vais bien. Il prend l'attitude du père envers son fils, une situation difficile à rejeter, surtout lorsqu’on n’a que 20 ans. Je lui réponds que oui et je lui demande alors qui il est et pourquoi il est là. Je le pense gendarme et me demande ce qu’il a bien pu encore se passer dans la caserne justifiant sa présence ici. Il me répond tout simplement qu’il est venu pour me faire sortir de là et qu’il est aussi venu en personne pour me faire ses excuses car, entre-temps, le dealer et les auteurs du cambriolage ont été démasqués.

Il m’invite donc à aller déjeuner avec lui au mess (réfectoire pour les officiers) des officiers pour discuter et apprendre à mieux me connaître. Arrivé au mess des officiers, je me sens gêné car les regards méprisants des pouilles (sous-officiers de carrière), comme je les appelais à cette époque, fusent de tous côtés et me mettent mal à l’aise. Le major le remarque aussitôt et parvient à me mettre à l’aise. J’avoue que cet homme est d’une politesse impressionnante et réconfortante. Il possède l’art des mots respectueux et son attitude montre une force de caractère qui impose le respect. Je suis admiratif, impressionné et en même temps méfiant. Je dévore les plats que l’on me sert comme un affamé qui découvre pour la première fois la nourriture. Le mess des officiers et le réfectoire des appelés sont le jour et la nuit. Il y a bien longtemps que je n’ai pas mangé un bon et suffisant repas. Il m’observe manger avec un regard étrange. J’y vois beaucoup de compassion et surtout de la compréhension. Il sait que j'ai faim et que le lieu n’est pas propice à la discussion.

Le major Beaufrère me donne la forte sensation qu’il me connaît déjà comme s'il y avait une impression de déjà-vu. À la fin du repas, j’ai le sentiment qu’il s’est nourri en me regardant manger car lui n’a presque rien avalé. Il me demande alors si je désire autre chose. Je lui réponds que non et il me propose d’aller boire un café dans son bureau.

Je le suis tranquillement. Il marche toujours avec les mains croisées derrière son dos en se courbant un peu sur l’avant. Il me fait penser à Colombo. Arrivé devant le bureau du commandant de la sécurité, je bloque devant la porte en me souvenant ce qu’il m’a dit à mon arrivée. Je ne souhaite pas entrer dans ce bureau. Le major le remarque encore une fois. Il ouvre la porte sans même toquer en me regardant avec un sourire attendrissant et là j'assiste à une scène qui me réchauffe le cœur et fait dissiper mes craintes. Le commandant de la sécurité est assis derrière son bureau et en voyant la major entrer, il se lève brusquement comme s’il avait vu le diable en personne. Le major lui dit alors :

— Hopopop, allez du balai. Sortez d’ici !

Je ne comprends pas tout de suite ce qu’il se passe. Le commandant s’exécute sans répliquer et sans rechigner. Le major m’invite alors à m'asseoir en prenant soin de m’installer sur le fauteuil et ensuite rapproche l’autre fauteuil près du mien. Il rappelle le commandant en lui demandant d’aller nous chercher 2 cafés. Je me rappellerai à jamais la scène du commandant m’apportant mon café et me le déposant sur son propre bureau. Je suis enfin soulagé et plus du tout indigné. Le major lui ordonne alors de partir en fermant la porte derrière lui. Le major, assis en face de moi, touille son café avec délicatesse. Il met ensuite sa cuillère dans ma tasse et se met à touiller mon café également. Il prend soin de déposer cette cuillère sur le bord de sa tasse et ensuite me tend mon café en me souhaitant une bonne dégustation. Jamais on ne m’a servi un café de cette façon. Je suis complètement retourné et inquiet tout à la fois. Pour moi, toute cette gentillesse cache sûrement quelque chose. À ce jour, je sais pertinemment que rien n’est gratuit dans la vie. On finit toujours par payer sa facture avec de l’argent ou des services, d’une manière ou d’une autre, on passe tôt ou tard à la caisse, que cela soit la caisse d’une institution ou celle de la vie, elle finit toujours par nous rattraper un jour.

Il pose ses deux mains sur mes genoux de façon énergique et très amicale et me demande en m’appelant par mon prénom de bien vouloir lui parler de moi. Il me dit :

— Moussafir, pourrais-tu me parler de toi ? Dis-moi qui tu es et raconte-moi ton parcours. Prends le temps qu’il faudra, je suis là pour t’écouter !

Je ne sais pas par où commencer et le silence s’installe. Il se met alors en arrière, croise les jambes et ses bras sur son torse et me dit :

— Ne sois pas timide et impressionné, je suis là pour t’aider et te soutenir.

Je me mets à lui poser des questions pour éviter de répondre à la sienne. Je lui demande tout d’abord pourquoi je devrais lui parler de moi alors qu’il est pour moi évident qu’il sait déjà tout et que depuis mon arrivé dans cette caserne, je n’ai assisté qu’à des mises en scène qui n’avaient pour but que de m’éprouver un maximum pour qu’au final il puisse se présenter en sauveur. Je lui dis alors que je ne suis pas dupe et que j’ai compris ce qu’il se passe mais que je ne comprends pas, malgré tout, la raison de cette mascarade. Il y a une zone d’ombre mais je sais qu’elle va vite s’éclairer. Je lui demande d’aller droit au but sans chercher à gagner ma confiance. Il n’est pas du tout surpris de ma réponse. Bien au contraire, il semble satisfait.

— Je ne peux te répondre présentement. Je dois partir. Je reviendrai très bientôt te rendre visite pour échanger avec toi sur un sujet important.

Sans me donner plus de détails, il se lève, me serre la main et m’accompagne jusqu’à la sortie. Avant de fermer la porte derrière moi, il me souhaite une agréable journée. Je retourne dans ma batterie où je dois aller voir le capitaine qui m’informe qu’à partir de maintenant je dois passer tous mes permis de conduire afin de devenir le chauffeur d’un lieutenant tout juste sorti de Saint-Cyr (école militaire de sous-officiers). Je les ai très vite passé et on m'a confié un véhicule de type P4 (un petit 4X4). Le lieutenant que je conduisais était une personne très respectable et très instruite. Il était très sérieux et en même temps très amusant. Il blaguait régulièrement et me parlait toujours très poliment sans jamais se placer au-dessus de moi comme l’avaient toujours fait les pouilles.

Il y a une très grande différence entre les militaires de carrière qui ont commencé tout en bas avant de finir adjudant-chef et ceux qui sont sortis diplômés de l’école de Saint-Cyr. L’instruction et l’éducation des écoles fabriquaient des officiers très engagés dans les valeurs de l’armée avec une vision respectueuse de l’autre même s’agissant d’un ennemi. Pour les hautsgradés sortis de l’école, il fallait se comporter comme un militaire très fier qui parle et pense au nom de la France et de ses valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité. Au contraire, ceux qui s’étaient engagés faute de trouver leur place dans la société, rejetaient ces valeurs avec arrogance et mépris.