Les Aventures de Tom Sawyer - Mark Twain - E-Book

Les Aventures de Tom Sawyer E-Book

Mark Twain

0,0

Beschreibung

Extrait : "— Tom ! Pas de réponse. — Tom Sawyer ! Pas de réponse. — Où donc a-t-il pu se cacher ? Ah ça, te montreras-tu, mauvais garnement ? La vieille dame qui s'exprimait ainsi abaissa ses lunettes et regarda par dessus ; puis elle les releva et regarda par dessous. Il ne lui arrivait jamais de s'en servir autrement pour découvrir un objet aussi peu volumineux que maître Tom."

À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARAN :

Les éditions LIGARAN proposent des versions numériques de grands classiques de la littérature ainsi que des livres rares, dans les domaines suivants :

• Fiction : roman, poésie, théâtre, jeunesse, policier, libertin.
• Non fiction : histoire, essais, biographies, pratiques.

Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern

Seitenzahl: 307

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



À monsieur A. Hennuyer

Mon cher éditeur,

Napoléon Ier, pour une foule de raisons qu’il serait inutile de rappeler ici, n’a jamais joui d’une grande popularité en Angleterre. Vers le commencement de ce siècle, à la fin d’un dîner offert à des hommes de lettres par un éditeur de Londres, les convives furent donc assez surpris d’entendre le poète Thomas Campbell porter un toast à Bonaparte. Tout le monde se récria. « Vous allez boire à sa santé, dit Campbell, et pour une excellente raison : il vient, de fusiller un éditeur – Palm de Nuremberg. – » Aussitôt les verres furent vidés avec enthousiasme.

Cette plaisanterie de mauvais goût était-elle justifiée ? Je l’ignore. Mais je sais que si l’amphitryon eût ressemblé le moins du monde à certain éditeur de ma connaissance, qui devient l’ami de tous ceux dont il publie les livres, personne n’aurait fait honneur au toast.

C’est pourquoi je vous prie de vouloir bien accepter la dédicace de cette traduction.

William-L. HUGHES.

Préface

Les aventures que je raconte ne sont pas imaginaires, tant s’en faut. Elles ont été puisées en partie dans mon expérience personnelle, en partie dans celle de mes camarades d’école. Huck Finn est peint d’après nature ; Tom Sawyer aussi, quoiqu’il ne soit pas le portrait d’un seul individu. Trois des compagnons de mon enfance revivent en lui – il appartient donc à ce que les architectes nomment l’ordre composite.

Je n’ai pas non plus inventé les superstitions étranges attribuées à divers de mes personnages. À l’époque où se passe mon récit – c’est-à-dire il y a trente ou quarante ans – des croyances, non moins singulières, étaient répandues chez les enfants et les esclaves des États de l’Ouest.

Bien que ces pages semblent de nature à intéresser surtout la jeunesse, j’ose croire qu’elles amuseront les lecteurs d’un âge plus avancé. Elles rappelleront à ces derniers ce qu’ils ont été, leurs façons d’agir et de s’exprimer, aussi bien que les entreprises où ils s’engageaient au bon temps où l’école buissonnière leur paraissait la meilleure des écoles.

MARK TWAIN.

ITom Sawyer et la tante Polly

– Tom !

Pas de réponse.

– Tom Sawyer !

Pas de réponse.

– Où donc a-t-il pu se cacher ? Ah ça, te montreras-tu, mauvais garnement ?

Tante Polly.

La vieille dame qui s’exprimait ainsi abaissa ses lunettes et regarda par-dessus ; puis elle les releva et regarda par-dessous. Il ne lui arrivait jamais de s’en servir autrement pour découvrir un objet aussi peu volumineux que maître Tom. Elle portait ce matin-là ses lunettes des grands jours dont la monture lui inspirait orgueil légitime, mais dont les verres, en dépit de leur transparence, gênaient sa vue presque autant qu’auraient pu le faire deux couvercles de casserole. La propriétaire de cet instrument d’optique d’une utilité contestable demeura un instant perplexe et reprit sans trop de colère, assez haut toutefois pour que les meubles pussent l’entendre :

– Si je mets la main sur toi, je…

Elle n’acheva pas sa phrase. Elle venait de se courber et lançait sous le lit des coups de balai si formidables qu’elle avait besoin de son haleine pour ponctuer chaque effort. Par malheur, elle ne réussit qu’à épouvanter le chat.

– Il me semblait bien l’avoir vu entrer ici, le vaurien, murmura-t-elle.

Déposant le balai dans un coin, elle se dirigea vers le seuil de la porte ouverte d’où elle contempla les couches de tomates et les mauvaises herbes qui constituaient le jardin. Pas de Tom. Les mains allongées en guise de porte-voix, elle cria de nouveau à plusieurs reprises, de manière à être entendue au loin :

– Holà, Tom !

Au troisième appel, un léger bruit résonna derrière la vieille dame qui se retourna juste à temps pour saisir par le bas de sa jaquette un jeune garçon d’une dizaine d’années, à la mine éveillée, qu’elle arrêta dans sa fuite.

– Ah ! j’aurais dû penser à ce cabinet, s’écria-t-elle. Que faisais-tu là-dedans, Tom ?

– Rien.

– Rien ? Regarde ta bouche.

– Je ne peux pas regarder ma bouche.

– Regarde tes mains alors. D’où vient ce barbouillage ?

– Je ne sais pas, ma tante.

– Ah ! vraiment ? En tout cas, tu sais ce que je t’ai promis si tu touchais encore à ces confitures. Avance ici.

Un rotin planait dans l’air. Le péril était imminent.

– Oh ! vois donc derrière toi, ma tante ! Est-ce que ça mord, ces bêtes-là ?

La vieille dame fit aussitôt volte-face, serrant ses jupes afin de parer au danger d’une morsure. Le coupable profita de cette diversion pour opérer sa retraite ; il escalada la clôture en planches qui entourait le jardin et eut bien vite disparu, pendant que sa tante brandissait le rotin inoffensif.

– Toujours la même histoire, pensa la vieille dame. Ne m’a-t-il pas déjà joué assez de tours de ce genre pour que je ne m’y laisse plus prendre ? Seulement il a soin de varier ses tours, de sorte qu’on ne sait jamais ce qui va arriver. Et puis, quand il ne parvient pas à s’échapper, il s’arrange de façon à me faire rire, et alors pas moyen de taper pour de bon. Je ne remplis pas mon devoir, je le sens. Qui aime bien châtie bien, la Bible a raison. Je ne lui rends pas service en le gâtant, pour sûr ; mais c’est le fils de ma pauvre sœur défunte, et le courage me manque trop souvent. Chaque fois que je lui pardonne, ma conscience m’adresse des reproches, et chaque fois que je le corrige, mon vieux cœur saigne. Allons, il va encore faire l’école buissonnière cet après-midi, et me voilà forcée de le retenir à la maison demain. C’est dur de l’obliger à travailler un samedi, quand ses camarades sont congé ; mais il déteste le travail plus que toute autre chose, et il faut espérer que la leçon lui profitera. Quel dommage qu’il ne ressemble pas davantage à son jeune frère Sid. En voilà un qui ne me cause aucun tintouin !

Tom fit, en effet, l’école buissonnière et s’amusa beaucoup. Il rentra à peine à temps pour aider Jim, le négrillon, à scier le bois et à fendre les bûches qui devaient chauffer le souper. Du moins, il arriva assez tôt pour raconter ses exploits à Jim, tandis que Jim abattait les trois quarts de la besogne. Sidney, dont on vient d’entendre l’éloge, avait déjà rempli sa part de la tâche et rentré une bonne provision de combustible. C’était un garçon très tranquille, et si les deux orphelins ne se ressemblaient pas, cela tenait sans doute à ce qu’ils n’étaient que demi-frères, Mme veuve Sawyer ayant jugé à propos de se remarier un an après la naissance de Tom.

Tom travaille.

Pendant que Tom faisait honneur au souper et bourrait ses poches de sucre dès qu’une occasion favorable se présentait, la tante Polly lui adressa une foule de questions insidieuses dont chacune cachait un piège. Comme beaucoup de bonnes âmes naïves, elle se piquait de posséder un talent diplomatique de premier ordre, et ses feintes les plus transparentes lui paraissaient des merveilles d’astuce. Mais il n’était pas facile d’arracher au rusé Tom des aveux compromettants.

– Tom, il a fait chaud à l’école aujourd’hui ? demanda la diplomate.

– Oui, ma tante.

– Très chaud, hein ?

– Pas si chaud qu’hier, ma tante.

– Tu n’as pas eu envie de te baigner, Tom ?

Tom se sentit un peu effrayé. Il consulta le visage de la tante Polly ; mais il n’y lut aucune certitude et se contenta de répondre :

– Je crois bien que j’ai eu envie de me baigner !

La vieille dame allongea la main et tâta la chemise de Tom.

– En tout cas, tu n’as pas trop chaud maintenant.

Et elle se flatta d’avoir découvert, sans que personne se fût douté du but de sa manœuvre, que le linge était parfaitement sec. Tom, qui voyait de quel côté soufflait le vent, se hâta de parer à une nouvelle attaque.

– Il y en a qui se sont amusés à se pomper de l’eau sur la tête. Mes cheveux sont encore un peu humides, sens.

La tante Polly fut vexée de n’avoir pas songé à ce moyen de s’assurer de la vérité. Soudain, elle eut une autre inspiration.

– Tom, tu n’as pas eu besoin de découdre ton col, puisque tu ne t’es mouillé que la tête, hein ? demanda-t-elle.

Le visage de Tom se rassénéra. Il ouvrit sa jaquette. Le col était solidement cousu à la chemise.

– C’est bon, c’est bon. Je me figurais que tu avais fait l’école buissonnière.

Elle était à moitié fâchée que sa sagacité eût été en défaut et à moitié satisfaite que Tom, une fois par hasard, n’eût mérité aucun reproche. Sidney vint tout gâter.

– Tiens, dit-il, je croyais que ce matin tu avais cousu son col avec du fil blanc, et ce soir le fil est noir.

– Mais oui, je l’ai cousu avec du fil blanc… Tom !

Tom n’attendit pas le reste ; il gagna la porte en criant :

– Sid, tu me payeras ça !

Dès qu’il se vit à l’abri de toute poursuite, notre héros s’arrêta pour examiner deux aiguilles piquées dans le revers de sa jaquette et garnies, l’une de fil noir, l’autre de fil blanc.

– Elle n’y aurait vu que du feu sans Sid, dit-il ; elle se sert tantôt de fil blanc, tantôt de fil noir, de sorte que je m’y perds. N’importe, Sid recevra une raclée qu’il n’aura pas volée.

Ce n’était pas un écolier modèle que Tom. Il ne s’enorgueillissait même pas d’avoir pour frère le modèle du village ; au lieu de le prendre pour exemple, il l’exécrait. Au bout de quelques minutes, il finit par oublier ses peines, non qu’elles fussent moins lourdes ou moins amères que celles d’un homme ; mais, en ce moment, un intérêt puissant lui permettait de les chasser de son esprit. Un nègre lui avait appris le matin même une nouvelle façon de siffler, et il tenait à étudier en secret la méthode avant d’émerveiller le public. Il s’agissait d’imiter certaine roulade d’oiseau, une sorte de gazouillement liquide qui se produit en touchant le palais avec la langue à de légers intervalles. Notre artiste, à force de s’exercer, fut bientôt à même de rivaliser avec son professeur. S’avançant le long des sentiers solitaires, les mains dans les poches, la bouche pleine d’harmonie, l’âme pleine de reconnaissance, il ressentait la joie que doit éprouver un astronome qui vient de découvrir une planète.

On était en été, et il ne faisait pas encore nuit. Soudain, Tom cessa de gazouiller. Un étranger, d’une taille un peu plus élevée que la sienne, se trouvait en face de lui. Or, dans la petite ville de Saint-Pétersbourg, la présence d’un visage nouveau, qu’il fût jeune ou ridé, causait une profonde sensation. D’ailleurs, ce garçon était bien vêtu, bien vêtu un jour de semaine ! Certes, on se serait étonné à moins. Coiffé d’une mignonne casquette, il se pavanait dans une jaquette de drap bleu qui lui serrait la taille et ne laissait voir aucune trace de déchirure ancienne ou moderne. Son pantalon n’était ni trop long ni trop court. Il portait des souliers, bien que ce ne fût pas dimanche. Il avait même une cravate, un brillant bout de ruban qui lui entourait le cou. Bref, sa mise de citadin excita l’envie de Tom qui, pour la première fois de sa vie peut-être, rougit de sa tenue débraillée. Les deux promeneurs se rapprochèrent, s’arrêtèrent à quelques pas de distance sans échanger une parole, puis se mirent à tourner l’un autour de l’autre en se tenant toujours face à face. Enfin Tom dit :

– Tu es plus grand que moi, mais je te rosserais si je voulais.

– Essaye un peu, répondit l’autre.

– Ça ne serait pas difficile.

– Seulement tu n’oses pas essayer.

– Tu crois ?

– J’en suis sûr.

Il y eut un moment de silence qui fut interrompu par Tom.

– On voit bien que tu ne connais pas Tom Sawyer. Comment t’appelles-tu, toi ?

– Ça ne te regarde pas.

– Si tu dis un mot, tu auras affaire à moi.

– Un mot, un mot, un mot !

– Tu te crois bien malin, n’est-ce pas ?… Capon !

– Capon toi-même.

– Je n’ai pas peur de toi.

– Si !

– Non !

Essaye un peu.

L’entretien fut de nouveau interrompu. Les deux antagonistes continuèrent à se mesurer du regard et à se rapprocher obliquement ; bientôt leurs épaules se touchèrent.

– Ne pousse pas ! s’écria Tom.

– Ne pousse pas toi-même.

En dépit de cette recommandation, ils demeurèrent arc-boutés sur un pied, se poussant de toute leur force sans que l’un ou l’autre parvînt à faire reculer son adversaire. Après avoir lutté jusqu’à ce que leurs visages eussent passé du rouge au cramoisi, ils se relâchèrent de leurs efforts avec une prudente lenteur, de façon à ne pas donner un avantage à l’ennemi. Alors Tom traça une ligne sur le sol avec son orteil et dit :

– Dépasse seulement cette ligne et je t’étrillerai jusqu’à ce que tu ne puisses plus te tenir debout. Celui qui ne répond pas à ce défi volerait un mouton !

La provocation était trop forte ; l’autre franchit aussitôt la ligne.

– Là ! répliqua-t-il. Tu as menacé de m’étriller, étrille-moi donc !

– Pour deux sous, je le ferais.

Crie assez !

Le jeune étranger tira de sa poche une pièce de monnaie et l’offrit poliment à Tom qui la fit sauter en l’air.

Un instant après les deux gamins roulaient sur le sentier, se tirant par les cheveux, se déchirant les vêtements, s’égratignant le visage et se bourrant de coups de poing. Bref, ils se couvrirent de poussière et de gloire. Le combat ne dura que quelques minutes. Bientôt le nuage se dissipa, et Tom apparut à cheval sur son adversaire renversé qu’il n’épargnait pas.

– Crie assez, quand tu n’en voudras plus !

L’autre cherchait toujours à se dégager et pleurait de rage.

– Crie assez !

Et les coups de poing continuèrent à pleuvoir.

Enfin le vaincu laissa échapper d’une voix étouffée un « assez » qui annonçait qu’il reconnaissait sa défaite, et Tom l’aida à se relever.

– Je ne t’en veux pas, dit-il avec une générosité dont on ne lui tint aucun compte. Seulement, une autre fois, tâche de savoir à qui tu as affaire avant de te moquer du monde, mon bonhomme.

Le bonhomme ne s’engagea nullement à profiter du conseil. Il s’éloigna sans avoir ouvert la bouche, secouant la poussière dont il était couvert, se frottant les côtes et se retournant de temps à autre. Arrivé à une certaine distance, il s’arrêta et menaça de prendre sa revanche à la prochaine rencontre. Tom répondit par des railleries peu chevaleresques et s’éloigna de son côté, enchanté de sa victoire. Dès qu’il eut tourné le dos, sa victime ramassa une pierre, la lança avec tant d’adresse qu’elle frappa Tom entre les épaules, puis s’enfuit à toutes jambes. Tom poursuivit en vain le traître, qui put se réfugier chez lui avant d’avoir été rejoint. Notre héros eut beau monter la garde devant la maison où son agresseur avait trouvé un abri et défier l’ennemi de sortir, l’ennemi, le visage contre une vitre, se contenta de lui faire des grimaces. Enfin, la mère de l’ennemi se montra et accabla Tom de tant d’épithètes malsonnantes qu’il se décida à lever le siège, quelque envie qu’il eut de se venger.

Il rentra assez tard ce soir-là, et bien qu’il prît la précaution de passer par la fenêtre, il tomba dans une embuscade. Quand la tante Polly vit dans quel état se trouvaient les vêtements et le visage de son neveu, elle résolut de le priver de congé le lendemain.

IIUn badigeonnage aux enchères

Nous voici au samedi matin. Une magnifique journée d’été où la terre elle-même semble se réjouir. Il y a une chanson dans tous les cœurs, et si le cœur est jeune, la chanson monte aux lèvres. On dirait que chaque visage reflète un rayon de soleil ; on se sent comme des ailes aux pieds. Les caroubiers sont en fleur, et leur doux parfum remplit l’air.

Tom sort du domaine de la tante Polly avec un baquet rempli de blanc de chaux et une brosse fixée au bout d’un long manche. Arrivé sur la chaussée, il contemple la clôture qui entoure le jardin. La nature n’a plus de charmes pour lui. Son visage s’allonge. Trente mètres de planches qui s’élèvent à une hauteur de neuf pieds ! La vie lui paraît amère et l’existence un lourd fardeau. C’est en soupirant qu’il trempe sa brosse dans le baquet. Il la passe le long de la planche la plus élevée, répète à deux reprises l’opération, compare l’étroite raie tracée par sa brosse au vaste espace qu’il s’agit de blanchir, s’assoit par terre et s’abandonne à un profond découragement. Au même instant, un négrillon sort par la porte du jardin, un seau vide à la main. Il arrive en sautillant et chante à tue-tête les Filles de Buffalo.

Tom n’aimait pas à aller puiser de l’eau. C’était une corvée qu’il laissait volontiers à Jim. Mais il se rappela que le matin surtout il y avait beaucoup de monde autour du puits. En attendant leur tour, ses camarades causaient, jouaient aux billes, se battaient ou échangeaient des jouets. Il se souvint aussi que, bien que le puits ne fût pas à plus de cinquante mètres de distance, Jim ne reparaissait guère qu’au bout d’une heure avec son seau. Encore était-on presque toujours obligé d’aller le chercher.

– Comment tu vas encore là-bas, mon pauvre Jim ? Tu dois être fatigué, hein ? J’irai à ta place, si tu veux donner un coup de badigeon.

Jim secoua la tête.

– Pas moyen, massa Tom, répliqua-t-il. Maîtresse ne veut pas que je m’amuse en route. Si massa Tom me demande de badigeonner, faut pas que je l’écoute, car elle garde l’œil ouvert, et gare à moi !

– Bah, Jim, elle parle toujours comme ça. Passe-moi le seau. Je serai revenu dans dix minutes ; elle n’y verra que du feu.

– Non, j’ose pas, massa Tom. Elle m’arracherait la tête, vrai ! Elle l’a dit.

– Elle ! Elle ne tape jamais pour de bon, tu le sais bien. Un coup de dé sur la caboche tout au plus. Qui fait attention à un coup de dé ? Tiens, je te donnerai cette bille.

Jim commençait à hésiter.

– Une belle bille en stuc, Jim. Elle vaut mieux qu’une agate.

– Oui, très belle, massa Tom ; seulement j’ai peur d’être battu.

Mais la tentation aussi était trop forte. Jim posa le seau à terre et prit la bille. Une minute plus tard, il descendait la rue au triple galop, l’épaule endolorie, un seau à la main ; Tom badigeonnait avec énergie, et la tante Polly se retirait avec une pantoufle qu’elle venait de ramasser.

L’énergie de Tom ne dura pas. Il songeait aux projets qu’il avait formés pour la journée qui débutait si mal. Bientôt ses camarades, libres après la classe du matin, allaient se montrer. Comme on se moquera de lui en le voyant travailler ! Cette pensée l’exaspère. Il tire de ses poches tous ses trésors et les examine. Hélas ! les billes et le reste ne suffiraient pas pour acheter une heure de liberté ! Ses moyens ne lui permettent pas de se procurer un remplaçant. Tout à coup il a une idée lumineuse, une véritable inspiration. Il ramasse sa brosse et se met tranquillement à l’ouvrage. Ben Rogers, celui dont il redoutait le plus les railleries, apparaissait à l’horizon.

Jim posa le seau à terre et prit la bille.

L’allure de Ben annonçait un cœur léger et la perspective d’une journée de plaisir. Il grignotait une pomme et lançait par intervalles un ordre mystérieux, suivi de l’imitation d’un bruit de cloche. Ben, en ce moment, se donnait à lui-même la représentation d’un steamer en marche. Peu à peu le navire ralentit sa course, fila au milieu de la chaussée, se pencha à tribord et hala non sans effort dans le vent, car le Grand Missouri ne tirait pas moins de neuf pieds d’eau. Ben était à la fois le navire, le capitaine, l’équipage, la machine à vapeur et la cloche. Il avait donc à s’imaginer qu’il se tenait debout sur la passerelle, donnant les ordres et les exécutant.

– Stop ! Drelin-din-din !

N’ayant presque plus d’eau à courir, le steamer se rapprocha lentement de l’habitation de la tante Polly.

– Tribord la barre ! Bon quart devant ! Drelin-din-din !

Les bras de Ben se raidirent et restèrent collés à ses flancs.

– Ramène à bâbord ! Drelin-din-din ! Brouf… ouf… ouf !…

Le bras gauche se mit à décrire des cercles.

– Stop la roue de tribord ! Drelin-din-din ! Stop la roue de bâbord ! Laisse arriver ! Brouf… ouf… ouf ! Accoste le quai ! Jette l’amarre ! Lâche la vapeur ! Sht-sht-sht !

Les roues cessèrent de tourner, et le steamer s’arrêta tout près de Tom, qui avait continué son badigeonnage sans paraître prêter la moindre attention aux mouvements du navire. Ben, un peu surpris, le contempla bouche béante.

– Te voilà amarré aussi, toi, et pour toute la journée, hein ? dit-il enfin.

Tom faisait la sourde oreille ; la tête penchée, il examinait son dernier coup de pinceau avec l’œil d’un artiste.

– Ohé, mon pauvre vieux, Sid m’a raconté que tu es obligé de travailler, reprit le nouveau venu d’un ton compatissant.

– Tiens, c’est toi, Ben ?

– Comment, tu n’as pas entendu ? Dis-donc, nous allons nous baigner. Tu voudrais bien nous accompagner, pas vrai ? Mais non, tu aimes mieux travailler, naturellement.

Tom regarda son interlocuteur d’un air étonné.

– Qu’appelles-tu travailler ?

– Ah ça, est-ce que tu ne travailles pas ?

Tom changea son baquet de place et répondit d’un air insouciant :

– Peut-être que oui, peut-être que non ; mais la besogne ne déplaît pas à Tom Sawyer.

– Voyons, tu ne me feras pas accroire que tu t’amuses !

La brosse continuait son petit train-train.

– Crois ce que tu voudras. Seulement tu oublies qu’on n’a pas tous les jours la chance de badigeonner une clôture.

La question se présentait sous un nouvel aspect. Ben cessa de mordiller sa pomme. Tom passa délicatement son pinceau le long d’une planche, se recula pour admirer l’effet, ajouta une couche, puis recommença le même manège. Son compagnon, qui suivait chaque mouvement du peintre, se sentait de plus en plus intéressé. Bientôt il s’écria :

– Dis-donc, Tom, laisse-moi badigeonner un peu.

Tom parut sur le point d’accéder à la requête, mais il changea d’avis.

– Non, non, dit-il, tu ne saurais pas, Ben. Vois-tu, tante Polly m’en voudrait à mort. Elle tient à ce que ce côté-là soit bien blanchi, parce qu’il donne sur la rue. Si c’était la clôture qui donne sur l’allée, ça lui serait égal et à moi aussi. Tu n’as pas d’idée combien elle est difficile. Elle ne s’en rapporte qu’à moi. Il n’y a pas un individu sur mille, et même sur deux mille, capable de la contenter.

– Vrai ? Allons, passe-moi la brosse, je m’en tirerai aussi bien que toi.

– Ben, je ne demanderais pas mieux que de l’obliger, « foi d’honnête Indien » ; mais tante Polly… Elle a envoyé promener Jim et Sid qui offraient de me remplacer. Si l’ouvrage n’était pas proprement fait, je serais dans de jolis draps !

– Sois tranquille, je ne suis pas manchot. Voyons, laisse-moi essayer. Je te donnerai la moitié de ma pomme.

– Eh bien… Non, Ben, tu gâcherais tout.

– Tiens, je te donnerai ce qui reste de ma pomme.

Tom céda comme à contrecœur, bien qu’il fût ravi du succès de sa ruse. Tandis que l’ex-steamer Missouri travaillait en plein soleil, le ci-devant artiste, assis à l’ombre sur un tonneau, les jambes ballantes, mordillait sa pomme et méditait le massacre d’autres innocents. Les victimes ne manquaient pas. On voyait sans cesse arriver des écoliers désœuvrés qui, venus pour railler, s’arrêtaient pour badigeonner.

Un badigeonnage aux enchères.

Avant que Ben eût offert sa démission, la corvée était déjà adjugée à Billy Fisher, à qui elle coûta un cerf-volant en parfait état. Lorsque ce dernier se déclara éreinté, Johnny Miller s’empressa d’acheter la prérogative moyennant un beau rat mort, y compris une ficelle neuve qui permettait de balancer le rongeur décédé. Les marchés de ce genre se renouvelèrent d’heure en heure. Vers le milieu de l’après-midi, Tom, si pauvre le matin, roulait littéralement sur l’or, car il ne savait plus que faire de ses richesses. Outre les objets mentionnés ci-dessus, il possédait douze billes, l’embouchure d’un sifflet, un morceau de verre bleu, un canon en bois, une clef qui n’ouvrait rien, un bout de craie, un bouchon de carafe, deux soldats d’étain, un bouton de porte en cuivre, deux têtards, un collier de chien – mais pas de chien – le manche d’un couteau, six pétards, un chat borgne, divers fragments de pelure d’orange et un châssis de fenêtre démantibulé. Par-dessus le marché, il avait flâné toute la matinée au lieu de travailler, il s’était vu entouré d’une nombreuse société, et la clôture resplendissait sous une triple couche de peinture ! Si sa provision de chaux n’eût pas été épuisée, tous les gamins du village se seraient trouvés en faillite.

Tom se dit qu’en somme l’existence est fort supportable. Il avait découvert, sans s’en douter, une grande loi sociale : afin d’amener les hommes à convoiter quelque chose, il suffit de leur faire croire que la chose est difficile à atteindre. S’il eut été un profond philosophe, comme l’auteur de ce livre, il aurait su que le travail consiste dans une tâche que l’on doit accomplir bon gré, mal gré, et que le plaisir consiste dans une occupation quelconque à laquelle on n’est pas contraint de se livrer. Cela l’aurait aidé à comprendre pourquoi l’on travaille lorsqu’on fabrique une fleur artificielle, tandis que l’on s’amuse quand on s’éreinte à grimper jusqu’au sommet du mont Blanc. Il a existé en Angleterre des gentlemen très riches qui conduisaient chaque jour un mail-coach à quatre chevaux, pendant un long trajet, parce que le privilège de tenir les rênes leur coûtait une somme assez ronde ; mais ils auraient cru se livrer à un travail dérogatoire si l’on avait offert de les payer pour remplir les fonctions de cocher.

IIITristesse de Tom

Ses collaborateurs congédiés, Tom se présenta devant tante Polly, qu’il trouva assise dans une salle confortable située sur le derrière de la maison, et qui servait à la fois de parloir et de chambre à coucher. La chaleur, le silence, le parfum des fleurs, le bourdonnement des abeilles avaient produit leur effet habituel, et la vieille dame dodelinait de la tête sur son tricot, car elle n’avait d’autre compagnon que le chat qui dormait sur ses genoux. Convaincue que Tom, selon sa coutume, avait depuis longtemps déserté, elle s’étonna qu’il osât affronter d’une façon aussi intrépide des reproches mérités.

– Est-ce que je ne puis pas aller jouer maintenant, ma tante ? demanda Tom.

– Comment, déjà ? Et ta besogne ?

– Elle est finie.

– Ne mens pas, Tom, cela m’exaspère.

– Je ne mens pas, ma tante.

En pareil cas, tante Polly ne se contentait pas d’un témoignage de ce genre. Elle sortit afin de se convaincre par ses propres yeux, et elle eût été satisfaite s’il n’était entré que vingt pour cent de vérité dans l’assertion de son neveu. Lorsqu’elle vit que non seulement la façade entière était badigeonnée, mais que l’on avait même blanchi une partie de la chaussée au pied de la clôture, sa surprise fut indicible.

– Par exemple, si je m’attendais à cela ! s’écria-t-elle. Tu sais travailler quand tu veux, Tom, il n’y a pas à le nier. Par malheur, il ne t’arrive pas souvent de vouloir. Allons, va jouer ; mais tâche d’être rentré à temps pour souper, ou gare à toi.

En attendant, elle fut si enchantée du zèle inusité dont Tom venait de faire preuve qu’elle l’emmena vers une armoire et lui remit la plus belle pomme qu’elle put trouver. Ce don fut accompagné d’un petit sermon sur la saveur particulière que prend un régal alors qu’il est la récompense d’un effort vertueux. Tandis qu’elle terminait son discours, Tom escamota deux biscuits.

Au moment où il s’éloignait, il aperçut Sidney qui gravissait avec une sage lenteur l’escalier extérieur conduisant au second étage. Des mottes de terre gisaient à portée – elles ne tardèrent pas à pleuvoir comme une grêle autour de l’écolier modèle. Avant que tante Polly eût eu le temps d’accourir à la rescousse, plusieurs projectiles avaient atteint leur but, et Tom disparut. Il y avait une porte ; mais, en général, notre héros était trop pressé pour sortir ou entrer par cette voie. Il escalada l’enclos avec d’autant plus de légèreté qu’il se sentait capable de sauter par-dessus la lune, maintenant que son compte avec Sidney était réglé.

Il se trouva bientôt à l’abri de toute poursuite et se dirigea en sifflant vers l’endroit où deux armées se donnaient rendez-vous tous les samedis avec l’intention de se livrer bataille. Tom était le général en chef d’une de ces armées, et Joseph Harper, son ami intime, commandait l’autre. Les deux chefs ne daignaient jamais payer de leur personne. Ils laissaient cela au menu fretin. Assis côte à côte sur une hauteur, ils dirigeaient les opérations par l’entremise de leurs aides de camp. L’armée de Tom, après un combat acharné, remporta une victoire éclatante. On compta les morts, les prisonniers furent échangés, les conditions de la prochaine dispute furent réglées, puis vainqueurs et vaincus se formèrent en ligne pour défiler sous les yeux de leurs commandants. Tom, demeuré seul, reprit enfin le chemin de la maison où on l’attendait pour souper.

Becky Thatcher.

Tandis qu’il passait devant la maison qu’habitait son ami Jeff Thatcher, il aperçut dans le jardin une inconnue – une ravissante petite créature aux yeux bleus, dont les cheveux jaunes retombaient sur son dos en deux longues nattes ; elle portait une robe blanche, des pantalettes aux volants ornés de broderie et des bottines trop mignonnes pour que l’on pût croire qu’elles avaient été fabriquées à Saint-Pétersbourg. Le général, que ses troupes victorieuses venaient d’acclamer, succomba sans même essayer de résister. L’image d’une certaine Amy Lawrence s’effaça aussitôt de son cœur. Un coup d’éponge sur une ardoise n’enlève pas plus promptement, plus efficacement les chiffres que l’on y a tracés. Huit jours à peine auparavant, Tom avait provoqué en duel (à coups de poing) un camarade qui se permettait d’effrayer Amy par une série de grimaces hideuses. Amy avait alors déclaré qu’elle ne voulait pas d’autre mari que son défenseur, et Tom, de son côté, avait pris des engagements sérieux. Et voilà que, à la vue d’une étrangère qu’il rencontrait pour la première fois, il oubliait toutes ses promesses !

L’inconstant adora la nouvelle idole à la dérobée jusqu’au moment où il se vit découvert. Alors il feignit de ne pas s’apercevoir de la présence de la jeune inconnue, dont il s’efforçait pourtant d’exciter l’admiration par toutes sortes de gamineries absurdes. Cette parade grotesque dura assez longtemps ; mais, au beau milieu d’un admirable saut périlleux, Tom vit que la petite fille se dirigeait vers la maison. Il retomba sur ses pieds, s’approcha de la haie et regarda par-dessus, espérant que celle qu’il avait voulu charmer par ses tours d’adresse renoncerait à s’éloigner. Elle se tint un instant sur le seuil, puis tourna le dos en riant. Tom poussa un gros soupir ; mais son visage s’illumina bientôt, car, avant de disparaître, elle fit soudain volte-face afin de lancer une giroflée qui tomba à quelque distance de l’acrobate. Celui-ci exprima sa joie par une nouvelle culbute, s’arrêta à un pas ou deux de la fleur ; puis, transformant une de ses mains en abat-jour, il se mit à regarder au bout de la rue, comme s’il eut tout à coup aperçu un objet qui l’intéressait vivement. Bientôt il ramassa un brin de paille qu’il se mit à balancer sur le bout de son nez, la tête penchée en arrière. Tout en maintenant l’équilibre avec une habileté qui aurait fait honneur à un jongleur indien, il se rapprochait peu à peu de la giroflée. Enfin son pied nu toucha la fleur, ses doigts agiles s’en emparèrent, il s’éloigna en sautillant et tourna le coin de la rue. Mais son absence fut de courte durée – le temps de fourrer la giroflée à l’intérieur de sa jaquette, contre son cœur ou peut-être contre son estomac, car il n’était pas fort en anatomie.

Il ne tarda pas à revenir et se promena devant la maison jusqu’à la tombée de la nuit, se livrant aux exercices les plus dangereux. Mais celle qu’il voulait captiver ne se remontra pas. Tom se consola un peu en pensant qu’elle s’était tenue en observation près de quelque croisée et qu’il n’avait pas perdu son temps. Comme cette conviction ne l’empêcha pas de sentir que l’heure du repas approchait, il résolut de ne pas s’attarder davantage.

Durant le souper, il fit preuve d’une gaieté si exubérante que tante Polly eut à peine le courage de le gronder à propos des mottes de terre dont Sid avait été le point de mire. Mais lorsqu’il essaya de dérober du sucre sous les yeux de sa tante, il reçut de rudes taloches. Au lieu de se révolter, il se contenta de dire :

– Tu ne tapes pas Sid quand il en prend.

– Sid ne me tracasse pas comme toi. Tu ne laisserais pas un morceau de sucre si je ne tenais pas l’œil ouvert.

Quelques instants après, elle entra dans la cuisine. Sid, fier de son impunité, heureux surtout d’une occasion de braver Tom, s’empara du sucrier ; mais le bol lui glissa entre les doigts, tomba par terre et se brisa en morceaux. Tom était ravi du malheur de l’hypocrite – tellement ravi qu’il contint son envie de rire. Il se promit de ne pas dire un mot lorsque sa tante reviendrait, de se tenir coi jusqu’à ce qu’elle sommât le coupable de se dénoncer. Alors seulement il parlerait. Ce serait drôle de voir l’écolier modèle recevoir enfin une bonne correction. Il garda donc le silence quand la vieille dame, attirée par le bruit, rentra dans la salle à manger et leva les bras au ciel en contemplant par-dessus ses lunettes les débris du sucrier.

– Qui a fait cela ? demanda-t-elle.

– Bon, nous allons rire, pensa Tom ; elle ne s’attend pas à trouver son chéri en faute.

Qui a fait cela ?

L’instant d’après, il roulait sur le parquet. Rien n’irritait la tante Polly comme le bris de sa vaisselle, et l’idée ne lui était pas venue de soupçonner Sidney. D’ailleurs, si elle avait frappé un peu fort, c’est que le coupable supposé, se tenant presque toujours sur la défensive, savait éviter les attaques qu’il prévoyait. Cette fois, il avait été pris au dépourvu ; aussi tante Polly resta-t-elle le bras en l’air, prête à recommencer et non moins surprise que son neveu. Ce dernier voulut alors transformer en scène d’attendrissement son coup de théâtre manqué. Il se releva de l’air d’un homme dont tous les membres sont rompus et murmura d’une voix dolente :

– Allons, tu peux encore me casser un bras ou une jambe ! Par exemple, je ne sais pas pourquoi tu t’en prends à moi. C’est Sid qui a cassé le sucrier.

Tante Polly parut perplexe, et Tom espéra qu’elle allait s’efforcer de le consoler ; mais dès qu’elle fut revenue de son étonnement, elle s’abstint par politique de reconnaître ses torts.

– N’importe, dit-elle, je parie que tu as mérité une punition. Il suffit que je tourne le dos pour que tu fasses mille méchancetés.