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Extrait : "Il est dix heures du matin. Le Théâtre représente un Salon ; à l'un des côtés est un clavecin ouvert avec un pupitre chargé de Musique. Pauline en peignoir est assise devant ; elle joue une pièce. Mélac debout à côté d'elle, en habit du matin, ses cheveux relevés avec un peigne, un violon à la main, l'accompagne. La toile se lève aux premiers mesures de l'Andante."
À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARAN :
Les éditions LIGARAN proposent des versions numériques de grands classiques de la littérature ainsi que des livres rares, dans les domaines suivants :
• Fiction : roman, poésie, théâtre, jeunesse, policier, libertin.
• Non fiction : histoire, essais, biographies, pratiques.
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Seitenzahl: 98
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EAN : 9782335095470
©Ligaran 2015
Qu’opposerez-vous aux faux jugements, à l’injure, aux clameurs ? – Rien.
Les deux Amis, acte IV, scène VIII.
Pour faciliter les positions théâtrales aux acteurs de province ou de société qui joueront ce drame, on a fait imprimer, au commencement de chaque scène, le nom des personnages, dans l’ordre où les Comédiens Français se sont placés, de la droite à la gauche, au regard des spectateurs. Le seul mouvement du milieu des scènes reste abandonné à l’intelligence des acteurs.
Cette attention de tout indiquer peut paraître minutieuse aux indifférents ; mais elle est agréable à ceux qui se destinent au théâtre, ou qui en font leur amusement ; surtout s’ils savent avec quel soin les Comédiens Français les plus consommés dans leur art se consultent, et varient leurs positions théâtrales aux répétitions, jusqu’à ce qu’ils aient rencontré les plus favorables, qui sont alors consacrées, pour eux et leurs successeurs, dans le manuscrit déposé à leur bibliothèque.
C’est en faveur des mêmes personnes que l’on a partout indiqué la pantomime. Elles sauront gré à celui qui s’est donné quelques peines pour leur en épargner ; et si le drame par cette façon de l’écrire, perd un peu de sa chaleur à la lecture, il y gagnera beaucoup de vérité à la représentation.
AURELLY, riche négociant de Lyon, homme vif, honnête, franc et naïf.
MÉLAC PÈRE, receveur général des fermes à Lyon, philosophe sensible.
PAULINE, nièce d’Aurelly, élevée par Mélac père ; jeune personne au-dessus de son âge.
MÉLAC FILS, élevé avec Pauline ; jeune homme bouillant et d’une sensibilité excessive.
SAINT-ALBAN, fermier général en tournée ; homme du monde estimable.
DABINS, caissier d’Aurelly, protégé de Mélac père ; homme de jugement et fort attaché à son protecteur.
ANDRÉ, domestique de la maison ; garçon très simple.
La scène est à Lyon, dans le salon commun d’une maison occupée par Aurelly et Mélac.
Il est dix heures du matin. Le théâtre représente un salon ; à l’un des côtés est un clavecin ouvert, avec un pupitre chargé de musique. Pauline, en peignoir, est assise devant ; elle joue une pièce. Mélac, debout à côté d’elle, en habit du matin, ses cheveux relevés avec un peigne, un violon à la main, l’accompagne. La toile se lève aux premières mesures de l’andante.
Pauline, Mélac fils.
Comment trouvez-vous cette sonate ?
Votre brillante exécution la fait beaucoup valoir.
C’est votre avis que je demande, et non des éloges.
Je le dis aussi ; elle me plairait moins sous les doigts d’un autre.
Fort bien ; mais je m’en vais, je n’ai point encore vu mon oncle.
Il est sorti ; il va…
À la bourse, apparemment ?
Je le crois. Le payement s’ouvre demain. Ce temps critique et dangereux pour les négociants de Lyon exige qu’ils se voient…
Il s’est retiré bien tard cette nuit !
Ils ont longtemps jasé. Mon père se plaignait à lui des fermiers généraux, qui me refusent la survivance de sa place de receveur général des fermes.
Bien malhonnêtement, sans doute ?
Sous prétexte qu’ils l’ont donnée. « Voilà comme vous êtes, lui disait votre oncle. Ne demandant jamais, un autre sollicite ; il obtient le prix de vos longs services. » Mais savez-vous ce que j’ai pensé, Pauline ? c’est que si quelqu’un dans la compagnie nous a desservis, ce ne peut être que Saint-Alban.
Que vous êtes injuste ! J’ai vu tout ce qu’il a écrit en votre faveur.
On fait voir ce qu’on veut.
Vous vous plaisez bien à l’accuser.
Pas tant que vous à le défendre.
Vous m’impatientez. Depuis son départ, il faut donc se résoudre à voir toutes nos conversations rentrer dans celle-ci ?
Allons, la paix. – Ils ont ensuite parlé de votre établissement… du mien… Mon père m’a fait signe, je me suis retiré ; mais en sortant, j’ai entendu qu’il disait un mot,… Ah ! Pauline… Il veut lui prendre la main.
Eh bien ! monsieur.
Un certain mot.
Je ne suis pas curieuse. – Parlons de la petite fête que nous préparons à mon oncle, à l’occasion de ses lettres de noblesse ; y songez-vous ?
J’ai tout arrangé dans ma tête. Nous commencerons par un concert ; peu de monde, nous et nos maîtres. Sur la fin, on viendra l’avertir qu’on le demande. Pendant son absence, un tapis, deux paravents feront l’affaire, et nous lui donnerons la plus jolie petite pièce…
Oh ! point de comédie.
Pourquoi ?
Vous connaissez la faiblesse de ma poitrine.
On ne crie pas la comédie, ce n’est qu’en parlant qu’on la joue bien. Figure charmante ! organe flexible et touchant ! de l’âme surtout… que vous manque-t-il ? une jeune actrice se fait toujours assez entendre, lorsqu’elle a le talent de se faire écouter.
Oh ! ce n’est ni d’éloquence ni d’adresse qu’on vous accusera de manquer, pour ramener les gens à vos idées… Et les couplets que je vous ai demandés ?
Vous craignez qu’on ne les oublie ! injuste Pauline !…
Essayons encore une pièce avant de m’habiller.
Volontiers.
Donnez-moi le nouveau livre.
Pourquoi ne pas suivre le même ?
Pour sortir un peu de l’ancien genre. Au reste, comme c’était uniquement pour vous…
Oui ! pour moi !
Voilà bien les ingrats ! cherchant toujours à diminuer l’obligation, pour n’être point tenus de la reconnaissance ! Cette musique n’est-elle pas plus piquante, plus variée ?
Piquante, variée, délicieuse ! C’est le beau Saint-Alban qui vous l’a choisie à Paris.
Et toujours Saint-Alban ! Vous êtes bien étrange ! Votre souverain bonheur serait que personne ne m’aimât !
Je ne serai donc jamais heureux.
Vous voudriez… qu’on ne pût me souffrir.
Je ne désire point l’impossible.
Eh ! il ne faudrait pas trop vous presser pour vous le faire avouer ingénument.
Non ; mais il est assez simple que je n’aime point un homme qui affiche des sentiments pour vous.
Pour le venger de cette humeur, vous accompagnerez sa favorite.
Oh ! non. Il pose le violon sur une chaise.
Vous me refusez ?
J’aime mieux demander pardon de tout ce que j’ai dit. Il se met à genoux.
Et moi, je le veux.
C’est une tyrannie.
Obéissez, ou je ne vous appelle plus mon frère.
Si ce nom vous déplaît, vous avez un autre moyen de m’y faire renoncer.
Et c’est…
De m’en permettre un plus doux.
Pauline, Mélac fils, Mélac père.
Mélac père paraît dans le fond.
Je ne vous entends pas.
Vous ne m’entendez pas ? Je vais…
Je vais… je vais jouer la pièce : m’accompagnerez-vous, oui ou non ?
Pardon, pardon ; mais pour celle-ci, en vérité elle est trop difficile.
Hum… Mauvais caractère ! je sais ce qui vous la fait voir ainsi. Il lui baise les mains, elle se fâche. Finissez, monsieur de Mélac, je vous l’ai déjà dit. Ces libertés m’offensent : laissez mes mains.
Qui pourrait refuser… Il continue à lui baiser les mains un juste hommage… à leur dextérité ?
Mélac père se retire avec mystère.
Mélac fils, Pauline.
Encore ? obstiné ! mutin ! disputeur ! audacieux ! jaloux !… Car vous méritez tous ces noms-là. Vous refusez de m’accompagner, vous en aurez ce soir la honte publique.
Mon cœur la suit… Ah ! Pauline… Je plaisante avec elle… je dispute… je l’obstine… Sans ce détour, je n’oserais jamais… Si mon père m’eût obtenu cette survivance, mon état une fois fait… « Je le veux absolument, dit-elle, obéissez !… » J’aime à la voir prendre ainsi possession de moi sans qu’elle s’en doute. Il va fermer le clavecin. Oui ; mais elle a beau dire, je ne jouerai point la musique de son Saint-Alban… Que je le hais avec son esprit, sa richesse, et son air affectueux ! Il avait bien affaire de rester trois semaines ici, ce beau fermier général ! On l’envoie en tournée…
Mélac fils, Mélac père.
Tout seul, mon fils ! il me semblait avoir entendu de la musique.
C’était Pauline, mon père ; elle est allée s’habiller.
Mais vous, Mélac, vous n’êtes pas décemment : ces cheveux…
Elle était en peignoir elle-même.
Cette aimable confiance de l’innocence n’autorise point à lui manquer.
Moi, lui manquer, mon père !
Oui, mon fils, c’est lui manquer que de vous montrer à ses yeux dans ce désordre. Parce qu’elle ignore le danger, ou vous estime assez pour n’en point craindre avec vous, est-ce une raison d’oublier ce que vous devez à son sexe, à son âge, à son état ?
Je ne vais point chez elle ainsi. Ce salon nous est commun, nous y avons toujours étudié le matin… Quand on demeure ensemble… Mais, mon père, jusqu’à présent vous ne m’avez rien dit… Est-ce monsieur Aurelly qui fait cette remarque ?
Son oncle ? Non, mon ami. Aussi simple qu’honnête, Aurelly ne suppose jamais le mal où il ne le voit pas ; mais, tout occupé de son commerce, il s’est reposé sur moi des mœurs et de l’éducation de sa nièce, et je dois la garantir par mes soins…
La garantir !
Elle n’est plus un enfant, mon fils ; et ces familiarités d’autrefois…
J’espère ne jamais m’oublier devant elle, et lui montrer toujours autant de respect que je renferme d’attachement.
Pourquoi le renfermer, s’il n’est que raisonnable ? Riez avec elle, dans la société, devant moi, devant son oncle, très bien : mais c’est lorsque vous la trouvez seule, mon fils, qu’il faut la respecter. La première punition de celui qui manque à la décence est d’en perdre bientôt le goût ; une faute en amène une autre, elles s’accumulent ; le cœur se déprave ; on ne sent plus le frein plus le frein de l’honnêteté que pour s’armer contre lui : on commence par être faible, on finit par être vicieux.
Mon père, ai-je donc mérite une aussi sévère réprimande ?
Des avis ne sont point des reproches. Allez, mon fils ; mais n’oubliez jamais que la nièce de votre ami, du bienfaiteur de votre père, doit être sacrée pour vous. Souvenez-vous qu’elle n’a point de mère qui veille à sa sûreté. Songez que mon honneur et le vôtre doivent être ici les appuis de son innocence et de sa réputation. Allez-vous habiller.