Le Mariage de Figaro - Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais - E-Book

Le Mariage de Figaro E-Book

Pierre Augustin Caron de Beaumarchais

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Beschreibung

« Le Mariage de Figaro » de Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais est une comédie en cinq actes qui met en scène les péripéties entourant le mariage de Figaro, valet du Comte Almaviva, avec Suzanne, camériste de la Comtesse. L'intrigue se déroule au château d'Aguas-Frescas, près de Séville, où le Comte, lassé de son mariage, convoite Suzanne. Figaro, rusé et espiègle, doit déjouer les plans de son maître pour préserver son union avec Suzanne. Il s'ensuit une série de quiproquos, de déguisements et de stratagèmes impliquant une multitude de personnages hauts en couleur. Parmi eux, on trouve Chérubin, jeune page amoureux de toutes les femmes, Marceline, qui réclame l'exécution d'une promesse de mariage de Figaro, et Bartholo, complice de Marceline. La pièce atteint son paroxysme lors d'une folle journée où les identités se confondent, les amours s'entrechoquent et les secrets se dévoilent. Beaumarchais tisse une intrigue complexe où chaque personnage poursuit ses propres intérêts, créant un tourbillon de situations comiques et de répliques cinglantes. Au-delà de son aspect divertissant, « Le Mariage de Figaro » est une satire mordante de la société de l'Ancien Régime. Beaumarchais y critique les privilèges de la noblesse, l'arbitraire de la justice et la condition des femmes. Le personnage de Figaro, par son esprit et son audace, incarne la montée en puissance du Tiers État face à l'aristocratie. Cette oeuvre révolutionnaire, tant par son contenu que par son style, a marqué l'histoire du théâtre français. Son mélange d'humour, de critique sociale et d'intrigue amoureuse en fait un classique intemporel qui continue de captiver les spectateurs et les lecteurs.

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Personnages

LE COMTE ALMAVIVA : Grand Corrégidor d’Andalousie.

LA COMTESSE : sa femme.

FIGARO : valet de chambre du comte et concierge du château.

SUZANNE : première camariste de la comtesse, et fiancée de Figaro.

MARCELINE : Femme de charge.

ANTONIO : Jardinier du château, oncle de Suzanne et père de Fanchette.

FANCHETTE : Fille d’Antonio..

CHÉRUBIN : premier page du comte..

BARTHOLO : Médecin de Séville..

BAZILE : Maître de clavecin de la comtesse..

DON GUSMAN BRID’OISON : lieutenant du siège.

DOUBLEMAIN : greffier, secrétaire de Don Gusman..

UN HUISSIER-AUDIENCIER.

GRIPPE-SOLEIL : jeune patoureau..

UNE JEUNE BERGÈRE.

PEDRILLE : Piqueur du comte..

PERSONNAGES MUETS.

TROUPE DE VALETS.

TROUPE DE PAYSANNES.

TROUPE DE PAYSANS.

La scène est au château d’Aguas-

Frescas, à trois lieues de Séville.

Sommaire

Acte premier

Scène première

Scène II

Scène III

Scène IV

Scène V

Scène VI

Scène VII

Scène VIII

Scène IX

Scène X

Scène XI

Acte second

Scène première

Scène II

Scène III

Scène IV

Scène V

Scène VI

Scène VII

Scène VIII

Scène IX

Scène X

Scène XI

Scène XII

Scène XIII

Scène XIV

Scène XV

Scène XVI

Scène XVII

Scène XVIII

Scène XIX

Scène XX

Scène XXI

Scène XXII

Scène XXIII

Scène XXIV

Scène XXV

Scène XXVI

Acte troisième

Scène première

Scène II

Scène III

Scène IV

Scène V

Scène VI

Scène VII

Scène VIII

Scène IX

Scène X

Scène XI

Scène XII

Scène XIII

Scène XIV

Scène XV

Scène XVI

Scène XVII

Scène XVIII

Scène XIX

Scène XX

Acte quatrième

Scène première

Scène II

Scène III

Scène IV

Scène V

Scène VI

Scène VII

Scène VIII

Scène IX

Scène X

Scène XI

Scène XII

Scène XIII

Scène XIV

Scène XV

Scène XVI

Acte cinquième

Scène première

Scène II

Scène III

Scène IV

Scène V

Scène VI

Scène VII

Scène VIII

Scène IX

Scène X

Scène XI

Scène XII

Scène XIII

Scène XIV

Scène XV

Scène XVI

Scène XVII

Scène XVIII

Scène XIX et dernière

Acte premier

Le théâtre représente une chambre à demi-démeublée, un grand fauteuil de malade est au milieu. Figaro avec une toise mesure le plancher. Suzanne attache à sa tête, devant une glace, le petit bouquet de fleur d’orange, appelé chapeau de la Mariée.

Scène première

FIGARO, SUZANNE.

Figaro

Dix-neuf pieds sur vingt-six.

Suzanne

Tiens, Figaro, voilà mon petit chapeau : le trouves-tu mieux ainsi ?

Figaro lui prend les mains.

Sans comparaison, ma charmante. Oh ! que ce joli bouquet virginal, élevé sur la tête d’une belle fille, est doux, le matin des noces, à l’œil amoureux d’un époux !…

Suzanne se retire.

Que mesures-tu donc là, mon fils ?

Figaro

Je regarde, ma petite Suzanne, si ce beau lit que Monseigneur nous donne, aura bonne grâce ici.

Suzanne

Dans cette chambre ?

Figaro

Il nous la cède.

Suzanne

Et moi je n’en veux point.

Figaro

Pourquoi ?

Suzanne

Je n’en veux point.

Figaro

Mais encore ?

Suzanne

Elle me déplaît.

Figaro

On dit une raison.

Suzanne

Si je n’en veux pas dire ?

Figaro

Oh ! quand elles sont sûres de nous !

Suzanne

Prouver que j’ai raison serait accorder que je puis avoir tort. Es-tu mon serviteur, ou non ?

Figaro

Tu prends de l’humeur contre la chambre du château la plus commode, et qui tient le milieu des deux appartements. La nuit, si madame est incommodée elle sonnera de son côté ; zeste, en deux pas, tu es chez elle. Monseigneur veut-il quelque chose ? il n’a qu’à tinter du sien ; crac, en trois sauts me voilà rendu.

Suzanne

Fort bien ! mais, quand il aura tinté le matin, pour te donner quelque bonne et longue commission ; zeste, en deux pas il est à ma porte, et crac, en trois sauts…

Figaro

Qu’entendez-vous par ces paroles ?

Suzanne

Il faudrait m’écouter tranquillement.

Figaro

Eh qu’est-ce qu’il y a ? Bon dieu !

Suzanne

Il y a, mon ami, que, las de courtiser les beautés des environs, monsieur le comte Almaviva veut rentrer au château, mais non pas chez sa femme ; c’est sur la tienne, entends-tu, qu’il a jetté ses vues, auxquelles il espère que ce logement ne nuira pas. Et c’est ce que le loyal Bazile, honnête agent de ses plaisirs, et mon noble maître à chanter, me répète chaque jour, en me donnant leçon.

Figaro

Bazile ! ô mon mignon ! si jamais volée de bois vert, appliquée sur une échine, a dûment redressé la moelle épinière à quelqu’un…

Suzanne

Tu croyais, bon garçon ! que cette dot qu’on me donne était pour les beaux yeux de ton mérite ?

Figaro

J’avais assez fait pour l’espérer.

Suzanne

Que les gens d’esprit sont bêtes !

Figaro

On le dit.

Suzanne

Mais c’est qu’on ne veut pas le croire.

Figaro

On a tort.

Suzanne

Apprends qu’il la destine à obtenir de moi, secrètement, certain quart d’heure, seul à seule, qu’un ancien droit du seigneur… Tu sais s’il était triste !

Figaro

Je le sais tellement que, si monsieur le comte en se mariant, n’eût pas aboli ce droit honteux, jamais je ne t’eusse épousée dans ses domaines.

Suzanne

Eh bien ! s’il l’a détruit, il s’en repent ; et c’est de ta fiancée qu’il veut le racheter en secret aujourd’hui.

Figaro, se frottant la tête.

Ma tête s’amollit de surprise ; et mon front fertilisé…

Suzanne

Ne le frotte donc pas !

Figaro

Quel danger ?

Suzanne, riant.

S’il y venait un petit bouton ; des gens superstitieux…

Figaro

Tu ris friponne ! Ah ! s’il y avait moyen d’attraper ce grand trompeur, de le faire donner dans un bon piège, et d’empocher son or !

Suzanne

De l’intrigue, et de l’argent ; te voilà dans ta sphère.

Figaro

Ce n’est pas la honte qui me retient.

Suzanne

La crainte ?

Figaro

Ce n’est rien d’entreprendre une chose dangereuse ; mais d’échapper au péril en la menant à bien : car, d’entrer chez quelqu’un la nuit, de lui souffler sa femme, et d’y recevoir cent coups de fouet pour la peine, il n’est rien plus aisé ; mille sots coquins l’ont fait. Mais… (On sonne de l’intérieur.)

Suzanne

Voilà madame éveillée ; elle m’a bien recommandé d’être la première à lui parler le matin de mes noces.

Figaro

Y a-t-il encore quelque chose là-dessous ?

Suzanne

Le berger dit que cela porte bonheur aux épouses délaissées. Adieu, mon petit Fi, Fi, Figaro, rêve à notre affaire.

Figaro

Pour m’ouvrir l’esprit, donne un petit baiser.

Suzanne

À mon amant aujourd’hui ? Je t’en souhaite ! Et qu’en dirait demain mon mari ?

Figaro l’embrasse.

Suzanne

Eh bien ! eh bien !

Figaro

C’est que tu n’as pas d’idée de mon amour.

Suzanne, se défripant.

Quand cesserez-vous, importun de m’en parler du matin au soir ?

Figaro, mystérieusement.

Quand je pourrai te le prouver, du soir jusqu’au matin. (On sonne une seconde fois.)

Suzanne, de loin, les doigts unis sur sa bouche.

Voilà votre baiser, monsieur ; je n’ai plus rien à vous.

Figaro court après elle.

Oh ! mais ce n’est pas ainsi que vous l’avez reçu.

Scène II

Figaro, seul.

La charmante fille ! toujours riante, verdissante, pleine de gaieté, d’esprit, d’amour et de délices ! mais sage !… (Il marche vivement en se frottant les mains.) Ah, Monseigneur ! Mon cher Monseigneur ! vous voulez m’en donner… à garder ? Je cherchais aussi pourquoi m’ayant nommé concierge, il m’emmène à son ambassade, et m’établit courrier de dépêches. J’entends, monsieur le comte : trois promotions à la fois ; vous, compagnon ministre ; moi, casse-cou politique, et Suzon, dame du lieu, l’ambassadrice de poche, et puis fouette courrier ! pendant que je galoperais d’un côté, vous feriez faire de l’autre à ma belle un joli chemin ! me crottant, m’échinant pour la gloire de votre famille ; vous, daignant concourir à l’accroissement de la mienne ! quelle douce réciprocité ! Mais, Monseigneur, il y a de l’abus. Faire à Londres, en même temps, les affaires de votre maître, et celles de votre valet ! représenter, à la fois, le Roi et moi, dans une Cour étrangère, c’est trop de moitié, c’est trop. – Pour toi, Bazile ! fripon mon cadet ! Je veux t’apprendre à clocher devant les boiteux ; je veux… non, dissimulons avec eux, pour les enferrer l’un par l’autre. Attention sur la journée, monsieur Figaro ! d’abord avancer l’heure de votre petite fête, pour épouser plus sûrement ; écarter une Marceline, qui de vous est friande en diable ; empocher l’or et les présents ; donner le change aux petites passions de monsieur le comte ; étriller rondement monsieur du Bazile et…

Scène III

MARCELINE, BARTHOLO, FIGARO.

Figaro s’interrompt.

… Héééé, voilà le gros docteur, la fête sera complète. Eh, bonjour, cher docteur de mon cœur. Est-ce ma noce avec Suzon qui vous attire au château ?

Bartholo avec dédain.

Ah, mon cher monsieur, point du tout.

Figaro

Cela serait bien généreux !

Bartholo

Certainement, et par trop sot.

Figaro

Moi qui eus le malheur de troubler la vôtre !

Bartholo

Avez-vous autre chose à nous dire ?.

Figaro

On n’aura pas pris soin de votre mule !

Bartholo, en colère.

Bavard enragé ! laissez-nous.

Figaro

Vous vous fâchez, docteur ? les gens de votre état sont bien durs ! pas plus de pitié des pauvres animaux… en vérité… que si c’était des hommes ! Adieu, Marceline : avez-vous toujours envie de plaider contre moi ?

Pour n’aimer pas, faut-il qu’on se haïsse ?

Je m’en rapporte au docteur.

Bartholo

Qu’est-ce que c’est ?

Figaro

Elle vous le contera de reste. (Il sort.)

Scène IV

MARCELINE, BARTHOLO.

Bartholo le regarde aller.

Ce drôle est toujours le même ! et à moins qu’on ne l’écorche vif, je prédis qu’il mourra dans la peau du plus fier insolent…

Marceline le retourne.

Enfin vous voilà donc, éternel docteur ? toujours si grave et compassé, qu’on pourrait mourir en attendant vos secours, comme on s’est marié jadis, malgré vos précautions.

Bartholo

Toujours amère et provocante ! Eh bien, qui rend donc ma présence au château si nécessaire ? monsieur le comte a-t-il eu quelque accident ?

Marceline

Non, docteur.

Bartholo

La Rosine, sa trompeuse comtesse, est-elle incommodée, Dieu merci ?

Marceline

Elle languit.

Bartholo

Et de quoi ?

Marceline

Son mari la néglige.

Bartholo avec joie.

Ah, le digne époux qui me venge !

Marceline

On ne sait comment définir le comte ; il est jaloux, et libertin.

Bartholo

Libertin par ennui, jaloux par vanité ; cela va sans dire.

Marceline

Aujourd’hui, par exemple, il marie notre Suzanne à son Figaro qu’il comble en faveur de cette union…

Bartholo

Que son Excellence a rendue nécessaire !

Marceline

Pas tout à fait ; mais dont son Excellence voudrait égayer en secret l’évènement avec l’épousée…

Bartholo

De monsieur Figaro ? c’est un marché qu’on peut conclure avec lui.

Marceline

Bazile assure que non.

Bartholo

Cet autre maraut loge ici ? C’est une caverne ! Eh qu’y fait-il ?

Marceline

Tout le mal dont il est capable. Mais le pis que j’y trouve est cette ennuyeuse passion qu’il a pour moi depuis si longtemps.

Bartholo

Je me serais débarrassé vingt fois de sa poursuite.

Marceline

De quelle manière ?

Bartholo

En l’épousant.

Marceline

Railleur fade et cruel, que ne vous débarrassez-vous de la mienne à ce prix ? ne le devez-vous pas ? où est le souvenir de vos engagements ? qu’est devenu celui de notre petit Emmanuel, ce fruit d’un amour oublié, qui devait nous conduire à des noces ?

Bartholo, ôtant son chapeau.

Est-ce pour écouter ces sornettes, que vous m’avez fait venir de Séville ? et cet accès d’hymen qui vous reprend si vif…

Marceline

Eh bien ! n’en parlons plus. Mais si rien n’a pu vous porter à la justice de m’épouser, aidez-moi donc du moins à en épouser un autre.

Bartholo

Ah ! volontiers : parlons. Mais quel mortel abandonné du ciel et des femmes ?…

Marceline

Eh ! qui pourrait-ce être, docteur, sinon le beau, le gai, l’aimable Figaro ?

Bartholo

Ce fripon-là ?

Marceline

Jamais fâché ; toujours en belle humeur ; donnant le présent à la joie, et s’inquiétant de l’avenir tout aussi peu que du passé ; sémillant, généreux ! généreux…

Bartholo

Comme un voleur.

Marceline

Comme un seigneur. Charmant enfin ; mais c’est le plus grand monstre !

Bartholo

Et sa Suzanne ?

Marceline

Elle ne l’aurait pas la rusée, si vous vouliez m’aider, mon petit docteur, à faire valoir un engagement que j’ai de lui.

Bartholo

Le jour de son mariage ?

Marceline

On en rompt de plus avancés : et si je ne craignais d’éventer un petit secret des femmes !…

Bartholo

En ont-elles pour le médecin du corps ?

Marceline

Ah, vous savez que je n’en ai pas pour vous ! Mon sexe est ardent, mais timide : un certain charme a beau nous attirer vers le plaisir, la femme la plus aventurée sent en elle une voix qui lui dit : sois belle si tu peux, sage si tu veux ; mais sois considérée, il le faut. Or, puisqu’il faut être au moins considérée, que toute femme en sent l’importance, effrayons d’abord la Suzanne sur la divulgation des offres qu’on lui fait.

Bartholo

Où cela mènera-t-il ?

Marceline

Que la honte la prenant au collet, elle continuera de refuser le comte, lequel pour se venger, appuiera l’opposition que j’ai faite à son mariage ; alors le mien devient certain.

Bartholo

Elle a raison. Parbleu, c’est un bon tour que de faire épouser ma vieille gouvernante au coquin qui fit enlever ma jeune maîtresse.

Marceline, vite.

Et qui croit ajouter à ses plaisirs en trompant mes espérances.

Bartholo, vite.

Et qui m’a volé dans le temps, cent écus que j’ai sur le cœur.

Marceline

Ah quelle volupté !…

Bartholo

De punir un scélérat…

Marceline

De l’épouser, docteur, de l’épouser !

Scène V

MARCELINE, BARTHOLO, SUZANNE.

Suzanne, un bonnet de femme avec un large ruban dans la main, une robe de femme sur le bras.

L’épouser ! l’épouser ! qui donc ? mon Figaro ?

Marceline, aigrement.

Pourquoi non ? Vous l’épousez bien !

Bartholo, riant.

Le bon argument de femme en colère ! nous parlions, belle Suzon, du bonheur qu’il aura de vous posséder.

Marceline

Sans compter Monseigneur, dont on ne parle pas.

Suzanne, une révérence.

Votre servante, madame, il y a toujours quelque chose d’amer dans vos propos.

Marceline, une révérence.

Bien la vôtre, madame ; où donc est l’amertume ? n’est-il pas juste qu’un libéral seigneur partage un peu la joie qu’il procure à ses gens ?

Suzanne

Qu’il procure ?

Marceline

Oui, madame.

Suzanne

Heureusement la jalousie de madame est aussi connue que ses droits sur Figaro sont légers.

Marceline

On eût pu les rendre plus forts en les cimentant à la façon de madame.

Suzanne

Oh cette façon, madame, est celle des dames savantes.

Marceline

Et l’enfant ne l’est pas du tout ! Innocente comme un vieux juge !

Bartholo, attirant Marceline.

Adieu, jolie fiancée de notre Figaro.

Marceline, une révérence.

L’accordée secrète de Monseigneur.

Suzanne, une révérence.

Qui vous estime beaucoup, madame.

Marceline, une révérence.

Me fera-t-elle aussi l’honneur de me chérir un peu, madame ?

Suzanne une révérence.

À cet égard, madame n’a rien à désirer.

Marceline, une révérence.

C’est une si jolie personne que madame !

Suzanne, une révérence.

Eh mais ! assez pour désoler madame.

Marceline, une révérence.

Surtout bien respectable !

Suzanne, une révérence.

C’est aux duègnes à l’être.

Marceline, outrée.

Aux duègnes ! aux duègnes !

Bartholo l’arrêtant.

Marceline !

Marceline

Allons, docteur car je n’y tiendrais pas. Bonjour, madame. (Une révérence).

Scène VI

Suzanne, seule.

Allez, madame ! allez, pédante ! je crains aussi peu vos efforts, que je méprise vos outrages. – Voyez cette vieille sibylle ! parce qu’elle a fait quelques études et tourmenté la jeunesse de madame, elle veut tout dominer au château ! (Elle jette la robe qu’elle tient sur une chaise.) Je ne sais plus ce que je venais prendre.

Scène VII

SUZANNE, CHÉRUBIN.

Chérubin, accourant.

Ah, Suzon ! depuis deux heures j’épie le moment de te trouver seule. Hélas ! tu te maries, et moi je vais partir.

Suzanne

Comment mon mariage éloigne-t-il du château le premier page de Monseigneur ?

Chérubin, piteusement.

Suzanne, il me renvoie.

Suzanne le contrefait.

Chérubin, quelque sottise !

Chérubin

Il m’a trouvé hier au soir chez ta cousine Fanchette, à qui je faisais répéter son petit rôle d’innocente, pour la fête de ce soir : il s’est mis dans une fureur, en me voyant ! – Sortez, m’a-t-il dit, petit… Je n’ose pas prononcer devant une femme le gros mot qu’il a dit : sortez, et demain vous ne coucherez pas au château. Si madame, si ma belle marraine ne parvient pas à l’apaiser ; c’est fait, Suzon, je suis à jamais privé du bonheur de te voir.

Suzanne

De me voir ! moi ? c’est mon tour ! ce n’est donc plus pour ma maîtresse que vous soupirez en secret ?

Chérubin

Ah, Suzon, qu’elle est noble et belle ! mais qu’elle est imposante !

Suzanne

C’est-à-dire que je ne le suis pas, et qu’on peut oser avec moi…

Chérubin

Tu sais trop bien, méchante, que je n’ose pas oser. Mais que tu es heureuse ! à tous moments la voir, lui parler, l’habiller le matin et la déshabiller le soir, épingle à épingle… ah, Suzon ! je donnerais… qu’est-ce que tu tiens donc là ?

Suzanne, raillant.

Hélas, l’heureux bonnet, et le fortuné ruban qui renferment la nuit les cheveux de cette belle marraine…

Chérubin, vivement.

Son ruban de nuit ! donne-le-moi, mon cœur.

Suzanne, le retirant.

Eh que non pas : – Son cœur ! Comme il est familier donc ! si ce n’était pas un morveux sans conséquence. (Chérubin arrache le ruban) Ah, le ruban !

Chérubin tourne autour du grand fauteuil.

Tu diras qu’il est égaré, gâté ; qu’il est perdu. Tu diras tout ce que tu voudras.

Suzanne tourne après lui.

Oh ! dans trois ou quatre ans, je prédis que vous ferez le plus grand petit vaurien !… Rendez-vous le ruban ? (Elle veut le reprendre).

Chérubin tire une romance de sa poche.