Les Essais - Michel de Montaigne - E-Book

Les Essais E-Book

Michel De Montaigne

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Beschreibung

Les Essais de Michel de Montaigne sont une œuvre majeure de la littérature française et mondiale. Publiés pour la première fois en 1580, ils sont une collection de réflexions, de récits autobiographiques et d'essais philosophiques sur une variété de sujets, allant de la religion à la politique en passant par la nature humaine. Montaigne y explore les thèmes de la vie, de la mort, de la connaissance de soi et de la société, avec une profondeur et une intelligence rares. Le style d'écriture de Montaigne, caractérisé par sa spontanéité et sa simplicité, en fait un livre accessible et plaisant à lire, tout en étant extrêmement érudit et profondément réfléchi.


À PROPOS DE L'AUTEUR


Michel de Montaigne était un écrivain et philosophe français de la Renaissance. Il est célèbre pour ses essais, dans lesquels il explore une grande variété de sujets allant de l'amitié à la mort en passant par la religion.

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Les Essais

Michel de Montaigne

– 1580 –

 

 

 

 

La Folle journéeouLe Mariage de Figaro

Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais

– 1784 –

 

 

 AVERTISSEMENT.

                La présente édition des Essais de Montaigne (self-édition) comprend : le texte original de cet ouvrage d’après l’édition de 1595 et sa traduction en langage de nos jours, avec sommaires intercalés ; un ensemble de ces mêmes sommaires, les citations classées par ordre alphabétique, de très nombreuses notes hors texte inédites et autres ; un glossaire ; un lexique des noms propres, avec index analytique des principales matières, etc. ; enfin, une notice sur l’auteur et sur son œuvre.

                Montaigne se distingue entre tous par le sujet qu’il traite et la forme simple et humoristique qu’il y emploie : « Il a cela pour lui, dit Pascal, qu’un homme bête ne le comprendra jamais » ; de son côté, Laboulaye le tient « comme le seul moraliste qu’on lise avec plaisir, quand on n’a plus quarante ans » ; et il ajoute : « On peut ouvrir les Essais au hasard, toute page en est sérieuse et donne à réfléchir. »

                Son sujet, c’est l’homme, qu’il étudie dans sa réalité, avec ses besoins, ses passions et les conditions en lesquelles il se trouve pour y satisfaire ; et, pour plus de vérité, c’est lui-même qu’il analyse. Mais s’il parle de lui, c’est de manière à nous occuper de nous ; et qui le lit, s’y reconnaît aujourd’hui comme il y a trois siècles, au temps où l’auteur écrivait, parce que ce qu’il a peint, ce n’est pas la société humaine qui, elle, change constamment, mais l’homme lui-même lequel, pour si « ondoyant et divers » qu’il soit, au fond demeure toujours le même.

                Certainement Montaigne a vieilli ; il émet bien des assertions qui, avec le progrès des mœurs, le développement des sciences, les idées nouvelles, les événements accomplis, ne sont plus exactes ; sa lecture n’en demeure pas moins intéressante et profitable, parce que ces assertions, accompagnées d’observations sur la nature humaine, qui sont et seront toujours vraies, présentées d’une manière saisissante, éveillent en nous un retour inconscient sur nous-mêmes ; l’humanité peut continuer à progresser, les Essais seront toujours d’actualité ; et à qui, en ce siècle essentiellement utilitaire, demanderait à quoi aujourd’hui peut encore servir cette lecture, on peut, en toute assurance, répondre que nulle n’est plus propre à nous garder d’une présomption exagérée, à nous inspirer de l’indulgence pour autrui, nous maintenir en possession de nous-mêmes, amener en nous la résignation contre la souffrance ou la mauvaise fortune, et, quoi qu’il advienne, faire le calme en nos âmes.

                Mais il n’en est pas de même de la langue que parle leur auteur ; plus on s’éloigne de l’époque où il écrivait, moins elle demeure facilement intelligible, en raison des mots et des tournures de phrase hors d’usage qui s’y rencontrent parfois en grand nombre, surtout quand il disserte, au lieu de raconter. Déjà, en 1790, un de ses éditeurs disait, sans cependant le réaliser, « qu’il fallait mettre les Essais à la portée de ceux auxquels manque le loisir de les déchiffrer ». Ce qui était déjà vrai alors, l’est plus encore maintenant, où moins de gens qu’autrefois sont inoccupés, où les occupations de chacun se sont multipliées, et où le nombre de ceux qui s’adonnent aux études littéraires va diminuant constamment. C’est en raison de cet état de choses que la présente édition a été entreprise ; son but est de faire que la lecture de cet ouvrage, si foncièrement profitable à quiconque vit ou a vécu tant soit peu de la vie agitée de ce monde, devienne aussi facile et intéressante aujourd’hui pour tous qu’elle l’était autrefois pour quelques-uns.

                Les érudits y trouveront, conforme, à l’édition de 1595, d’Abel Langelier, la meilleure qui ait été publiée, un texte auquel ils pourront s’en tenir. S’ils veulent pousser plus loin, les relevés des variantes de l’exemplaire manuscrit de Bordeaux et de l’édition de 1588 satisferont leur légitime désir, en même temps que la table des citations leur donnera possibilité de se reporter aisément à telle édition que ce soit. De plus, les sommaires placés en regard aideront leurs recherches et même leurs lectures, en précisant l’idée que le texte développe, aidant ainsi à sa compréhension, parfois difficile dans tout ouvrage philosophique, et même dans Montaigne, si peu semblable qu’il soit à cet égard à tous autres qui se sont occupés de ces questions. — Dans les passages les laissant indécis, ils auront encore la ressource de consulter la traduction en langage de nos jours qui accompagne le texte original ; ils y trouveront une interprétation qu’ils seront toujours libres de ne pas accepter et même de critiquer.

                Je crois cependant devoir faire observer à ceux chez lesquels cette prédisposition existe, que la différence est grande entre l’attention passagère permettant de relever les imperfections que, de-ci, de-là, peuvent présenter quelques membres de phrase et le travail de longue haleine qu’est l’expression, dans leur intégralité de la totalité des idées contenues dans un ouvrage aussi considérable ; et que, de fait, une traduction de Montaigne présente de très réelles difficultés pour arriver à lui conserver, dans la mesure du possible, la concision et la délicatesse des nuances qui abondent en lui et rendre d’une façon compréhensible certains passages obscurs ou ambigus. Cette difficulté n’apparaît pas de prime abord : mais, pour s’en rendre compte, il suffit d’en lire à haute voix un fragment de quelque étendue, une page entière par exemple, la première venue ; on verra de suite combien elle est aujourd’hui difficilement lisible et parfois même peu compréhensible ; et si, ensuite, la plume à la main, on s’essaie à traduire cette même page, de manière que la lecture à haute voix en soit courante et nettement saisissable, on constatera combien malaisément on est arrivé à un résultat satisfaisant ; c’est une épreuve à laquelle je convie nos critiques, avant qu’ils ne formulent leurs appréciations. Pourront-elles, du reste, être plus sévères que celles émises par anticipation par Naigeon, il y a cent ans passés : « Le projet de récrire les Essais dans notre langue, peut passer comme tant d’autres idées par la tête d’un ignorant et d’un sot, mais n’entrera jamais dans celle d’un lecteur judicieux, instruit et d’un goût délicat et sûr » ; j’ai indiqué ci-dessus les raisons qui, nonobstant, nous ont fait passer outre. Du reste, envisageant cette traduction non plus au point de vue esthétique, mais sous le rapport utilitaire, G. Guizot n’a-t-il pas dit : « Pour bien saisir les idées de Montaigne et les juger à leur valeur, il faut se résigner à un travail déplaisant ; il faut les dépouiller de leur forme ancienne et originale et les traduire en langage d’aujourd’hui. »

                Ceux auxquels le vieux français est moins familier, ne seront plus absolument privés d’entrer en connaissance de cette œuvre si pleine d’intérêt et d’originalité. La traduction, qui serre d’assez près le texte, leur procurera cette satisfaction, en même temps que les notes et le lexique leur donneront tous les renseignements qu’une curiosité, qui naîtra d’elle-même, leur fera désirer quand le temps ne les pressera pas trop.

                Si exacte que puisse être une traduction de Montaigne, et le proverbe italien est ici, comme ailleurs, de toute vérité : « Traduttore traditore », elle ne saurait pourtant rendre « la précision, l’énergie, la hardiesse de son style, le naturel, qui en font un de ses principaux charmes et donnent à son ouvrage un caractère si particulier et si piquant ; son parler en effet a une grâce qui ne se peut égaler en langage moderne ». Pour suppléer à cette infériorité et ne pas faire tort à l’auteur, que notre intention est de vulgariser et non d’amoindrir, texte et traduction ont été juxtaposés : juxtaposition que nous tenons comme tellement juste et indispensable, que nous nous ferions un véritable scrupule de consentir, aujourd’hui et plus tard, à ce que cette traduction, dont du reste elle permet de juger de la fidélité, soit publiée séparément.

                Dans les Essais, les en-tête des chapitres n’ont que rarement un rapport tel avec les sujets si divers qui y sont traités, qu’ils renseignent suffisamment ; la table qui en a été faite et son annexe constituent un fil conducteur simple et utile, pour s’orienter dans ce fouillis inextricable par lui-même. — L’ensemble des sommaires ajoute à cette première facilité et la complète en faisant ressortir la liaison, toujours si difficile à saisir dans ce pêle-mêle de pensées ingénieuses, mais jetées le plus souvent sans ordre et au hasard ; il rend possible à tous de se faire une idée précise de l’ouvrage et de s’y reconnaître à coup sûr ; aussi sera-t-il fréquemment consulté, d’autant que des renvois, établis paragraphe par paragraphe, reportent, sans hésitation, au texte lui-même.

                Il a semblé également intéressant de donner un relevé des passages des Essais les plus fréquemment cités, avec indication de l’endroit du texte où ils se trouvent ; pouvant ainsi les replacer dans le cadre d’où ils ont été tirés, on sera à même, le cas échéant, de leur restituer leur véritable sens dont, assez souvent, ils sont détournés.

                En outre des mots et locutions hors d’usage dont nous avons déjà parlé, des faits historiques peu connus, des allusions à des événements de l’époque, des indications à préciser, des erreurs même se rencontrent fréquemment dans Montaigne. Les notes qui accompagnent cette édition sont de toutes sortes ; elles ont pour objet d’élucider ces divei"s points, et aussi de renseigner succinctement sur les principaux personnages mis en cause, signaler certains emprunts faits à notre auteur, ainsi que quelques-unes des appréciations émises par ses commentateurs, les sources où lui-même a puisé, enfin de consigner des rapprochements que la lecture de l’ouvrage fait naître spontanément.

                C’est cet ensemble qui, donnant possibilité à chacun de lire les Essais avec intérêt et de les méditer à sa convenance, suivant l’instruction qu’il possède et le temps dont il dispose, fait que la présente édition justifie d’être à la portée de tous.

                De ces diverses parties, seule la traduction en langage de nos jours qui, à la vérité, en dehors du texte original, en constitue le gros œuvre, est uniquement de nous ; et encore y avons-nous inséré, à peu près telles quelles, les traductions des citations latines, grecques, etc., auxquelles ont successivement collaboré tous les éditeurs de Montaigne, depuis Mademoiselle de Gournay à laquelle en est due la presque totalité.

                Les sommaires ont été relevés dans Amaury Duval ; généralement, on s’est borné à les transcrire sans y rien changer, parfois cependant ils ont été complétés : dans les derniers chapitres notamment, modifications et additions sont assez fréquentes.

                Les notes, toujours trop nombreuses pour les érudits, jamais assez pour les autres, ont, en raison de leur multiplicité et pour conserver au texte sa physionomie, été groupées dans un volume séparé. Pour la plupart d’entre elles, tous ceux qui jusqu’ici se sont particulièrement occupés de Montaigne, les Coste, Naigeon, Jamet, Leclerc, G. Guizot, Payen, Margerie, Bonnefon et autres, ainsi que les auteurs dont il s’est principalement inspire : Hérodote, Cicéron, Sénèque, Pline, Tite-Live, Plutarque, Diogène Laerce, etc., ont été largement mis à contribution ; du reste la part contributive de chacun est mentionnée partout où elle s’est exercée.

                Le lexique comprend tous les noms propres qui se rencontrent dans le texte.

                L’index analytique des principales matières a été établi en s’aidant des éditions antérieures comme, du reste, toutes en ont agi avec celles qui les ont précédées.

                Notes et lexique ont reçu une très notable extension, en vue de faire que l’ouvrage se suffise à lui-même.

                Pour donner satisfaction à certains, il a été joint un glossaire que d’autres considèrent presque comme une superfétation, la traduction et les notes permettant en effet, la plupart du temps, de s’en passer.

               

                Ce faisant, nous croyons avoir, avec l’aide de nos devanciers, ajouté à leur œuvre, sans nous dissimuler que les Essais se prêtent à tant de dissertations et de commentaires, que beaucoup demeure qui pourrait être fait ; touchant même ce qui est, peut-être devrions-nous, avant de le livrer à la publicité, maintes fois encore « sur le métier remettre notre ouvrage », mais l’âge nous gagne.

 Gal M.

 Montgeron, août 1906.                 ↑ Édition se suffisant à elle-même.

                 ↑ Ce volume, indépendant des autres, est susceptible par sa contexture d’être aisément utilisé avec n’importe quelle édition des Essais ancienne ou moderne, moyennant un simple tableau de concordance de pagination facile à établir soi-même.

  

               

 TABLE GÉNÉRALE DES CHAPITRES

ET

ANNEXE ALPHABÉTIQUE

 _________

                

                Nota. — Les en-tête des chapitres sont ceux du texte original ; la traduction ne suit que si elle en diffère. Les indications entre parenthèses sont celles de l’idée principale qui est traitée dans le chapitre : elle n’est mentionnée que lorsque l’en-tête même ne la fait pas ressortir suffisamment ; ces mêmes indications, classées par ordre alphabétique, sont reproduites après la présente table, dans une annexe.

                Les chiffres romains indiquent le volume, à la table particulière duquel il y a lieu de se reporter pour avoir la page.

 Volume. Av Lecteur. — L’auteur au lecteur                 

 LIVRE PREMIER

Ch. 1. — Par diuers moyens l’on arriue à pareille fin. — (Moyens divers d’obtenir la commisération de ses ennemis)  Ch. 2. — De la tristesse  Ch. 3. — Nos affections s’emportent au delà de nous. — Nous prolongeons nos affections et nos haines au delà de notre propre durée (Préoccupations continues que nous avons de ce qui peut advenir, après notre mort, des choses auxquelles nous nous intéressons pendant la vie ; dans quelle mesure nous devons aux rois notre obéissance et notre estime ; du soin de nos funérailles)  Ch. 4. — Comme l’ame descharge les passions sur les obiects faux, quand les vrais luy deffaillent. — L’âme exerce ses passions sur des objets auxquels elle s’attaque sans raison, quand ceux, cause de son délire, échappent à son action  Ch. 5. — Si le chef d’vne place assiégée doit sortir pour parlementer. — Le commandant d’une place assiégée doit-il sortir de sa place pour parlementer ? (Sur la bonne foi et la loyauté à la guerre ; du danger que court le commandant d’une place assiégée, en sortant pour parlementer)  Ch. 6. — L’heure des Parlements dangereuse. — Le temps durant lequel on parlemente, est un moment dangereux (Pendant qu’on traite des conditions d’une capitulation, il faut être sur ses gardes et redoubler de vigilance)  Ch. 7. — Que l’intention iuge nos actions. — Nos actions sont à apprécier d’après nos intentions (Nos obligations s’étendent au delà de la mort)  Ch. 8. — De l’oisiueté  Ch. 9. — Des menteurs. — (Sur la mémoire et le mensonge)  Ch. 10. — Du parler prompt ou tardif. — De ceux prompts à parler de prime saut et de ceux auxquels un certain temps est nécessaire pour s’y préparer (Sur l’éloquence)  Ch. 11. — Des prognostications. — Des pronostics (Sur l’astrologie et la prédiction de l’avenir)  Ch. 12. — De la constance. — (Du courage et de ses limites)  Ch. 13. — Cérémonie de l’entreueue des Rois. — Cérémonial dans les entrevues des rois (Sur la civilité, en particulier dans les visites des souverains)  Ch. 14. — On est puny pour s’opiniastrer à vne place sans raison. — On est punissable, quand on s’opiniâtre à défendre une place au delà de ce qui est raisonnable  Ch. 15. — De la punition de la couardise. — Punition à infliger aux lâches  Ch. 16. — Vn traict de quelques Ambassadeurs. — Façon de faire de quelques ambassadeurs (De l’obéissance à ses supérieurs ; utilité de se renfermer dans ses aptitudes)  Ch. 17. — De la peur  Ch. 18. — Qu’il ne faut iuger de nostre heur qu’après la mort. — Ce n’est qu’après la mort, qu’on peut apprécier si, durant la vie, on a été heureux ou malheureux (Sur l’inconstance de la fortune)  Ch. 19. — Que philosopher c’est apprendre à mourir  Ch. 20. — De la force de l’imagination. — (Des esprits forts)  Ch. 21. — Le profit de l’vn est dommage de l’autre. — Ce qui est profit pour l’un est dommage pour l’autre (Impossibilité de concilier les intérêts de tous)  Ch. 22. — De la coustume et de ne changer aysément une loy receue. — Des coutumes et de la circonspection à apporter dans les modifications à faire subir aux lois en vigueur (De la force de l’habitude ; inconvénients de l’instabilité des lois)  Ch. 23. — Diuers euenemens de mesme conseil. — Une même ligne de conduite peut aboutir à des résultats dissemblables (Sur la clémence ; part du hasard dans les événements humains)  Ch. 24. — Du pedantisme (ou faux savoir)  Ch. 25. — De l’institution des enfans. — De l’éducation des enfants  Ch. 26. — C’est folie de rapporter le vray et le faux à nostre suffisance. — C’est folie de juger du vrai et du faux avec notre seule raison (Degré de croyance qu’on peut accorder aux récits extraordinaires)  Ch. 27. — De l’amitié. — (Éloge d’Etienne de la Boëtie)  Ch. 28. — Vint neuf sonnets d’Estienne de la Boetie  Ch. 29. — De la modération. — (De la modération dans l’exercice même de la vertu et les jouissances des plaisirs licites)  Ch. 30. — Des Cannibales. — (Sur l’état des hommes vivant en dehors de la civilisation)  Ch. 31. — Qu’il faut sobrement se mesler de iuger des ordonnances diuines. — Il faut beaucoup de circonspection, quand on se mêle d’émettre un jugement sur les décrets de la Providence  Ch. 32. — De fuir les voluptez, au prix de la vie. — Les voluptés sont à fuir, même au prix de la vie  Ch. 33. — La fortune se rencontre souuent au train de la raison. — La fortune marche souvent de pair avec la raison (Part de la fortune dans les événements humains)  Ch.34 — D’vn défaut de nos polices. — Une lacune de notre administration  Ch. 35. — De l’vsage de se vestir. — (Sur l’usage des vêtements et la force de l’habitude)  Ch. 36. — Du ieune Caton. — Sur Caton le jeune ou d’Utique (Intérêts de nature à porter à des actes de vertu)  Ch. 37. — Comme nous pleurons et rions d’vne mesme chose. — (Sentiments opposés qui nous portent à pleurer et à rire d’une même chose)  Ch. 38. — De la solitude  Ch. 39. — Considération sur Ciceron. — (Qualités qui conviennent à un homme du monde.)  Ch. 40. — Que le goust des biens et des maux despend en bonne partie de l’opinion que nous en auons. — Le bien et le mal qui nous arrivent ne sont souvent tels que par l’idée que nous nous en faisons  Ch. 41 — De ne communiquer sa gloire. — L’homme n’est pas porté à abandonner à d’autres la gloire qu’il a acquise  Ch. 42. — De l’inégalité qui est entre nous. — (Inégalités résultant des conditions de l’ordre social, différences entre les qualités de chacun ; des soucis de la royauté)  Ch. 43. — Des loix somptuaires. — (Danger des innovations dans un état)  Ch. 44. — Du dormir. — (Sur la tranquillité d’âme dans les circonstances graves)  Ch. 45. — De la battaille de Dreux. — (Sur la conduite d’un général dans une bataille)  Ch. 46. — Des noms. — (De leur influence dans la vie)  Ch. 47. — De l’incertitude de nostre iugement. — (Sur l’art de la guerre ; part de la fortune dans les événements)  Ch. 48. — Des destriers. — Des chevaux d’armes (Sur l’équitation et l’art de la guerre)  Ch. 49. — Des coustumes anciennes. — Des coutumes des anciens  Ch. 50. — De Democritus et Heraclitus. — (De l’usage à faire des diverses qualités de l’esprit)  Ch. 51. — De la vanité des parolles  Ch. 52. — De la parsimonie des anciens  Ch. 53. — D’vn mot de Caesar. — (Du souverain bien ; des désirs insatiables de l’homme)  Ch. 54. — Des vaines subtilitez. — Inanité de certaines subtilités  Ch. 55. — Des senteurs. — Des odeurs  Ch. 56. — Des prières  Ch. 57. — De l’aage. — (De la jeunesse, de la vieillesse ; sur l’époque de la maturité de l’esprit)  LIVRE DEUXIÈME

 Ch. 1. — De l’inconstance de nos actions. — (Variations dans le caractère et la conduite chez un même homme)  Ch. 2. — De l’iurongnerie. — (De l’ivrognerie et de l’enthousiasme)  Ch. 3. — Coustume de l’Isle de Cea. — (Sur le suicide)  Ch. 4. — À demain les affaires. — (Sur l’exactitude à apporter dans le maniement des affaires)  Ch. 5. — De la conscience. — (De la bonne conscience ; sur le remords, la torture)  Ch. 6. — De l’exercitation. — De l’exercice (Sur le moyen de se familiariser avec la mort ; sur la nécessité de se connaître)  Ch. 7. — Des récompenses d’honneur. — Des récompenses honorifiques  Ch. 8. — De l’affection des pères aux enfants. — (Conduite à tenir à leur égard; situation de fortune à leur donner; affection que nous portons aux productions de notre esprit)  Ch. 9. — Des armes des Parthes.  Ch. 10. — Des liures. — (Jugement ’porté sur quelques auteurs de toutes époques)  Ch. 11. — De la cruauté. — (La difficulté est inhérente à la pratique de la vertu)  Ch. 12. — Apologie de Raimond de Sebonde. — (Sur les fondements de la foi chrétienne ; l’instinct des animaux ; les sectes philosophiques des anciens ; la divinité; l’àme humaine ; l’incertitude des connaissances de l’homme, celle de ses sens ; tout soumettre à l’examen de la raison conduit à bien des erreurs, notamment dans les questions de religion)  Ch. 13. — De iuger de la mort d’autruy. — (Réserve à apporter, quand nous jugeons de la mort d’autrui ; sur le suicide)  Ch. 14. — Comme nostre esprit s’empesche soy-mesme. — (Par sa faiblesse, l’esprit humain se crée à lui-même bien des difficultés)  Ch. 15. — Que nostre désir s’accroist par la malaisance. — (Nos désirs s’accroissent par la difficulté de les satisfaire)  Ch. 16. — De la gloire  Ch. 17. — De la presumption. — (Opinion de Montaigne sur lui-même ; quelques appréciations sur les autres)  Ch. 18. — Du démentir. — Du fait de donner ou recevoir des démentis (Sur le mensonge, le point d’honneur)  Ch. 19. — De la liberté de conscience. — (Du zèle pour la religion ; apologie de l’empereur Julien)  Ch. 20. — Nous ne goustons rien de pur. — (Mélange constant du bien et du mal)  Ch. 21. — Contre la fainéantise. — (Considérations sur le but de la vie ; activité nécessaire à un souverain)  Ch. 22. — Des postes.  Ch. 23. — Des mauuais moyens employez à bonne fin.  Ch. 24. — De la grandeur Romaine  Ch. 25. — De ne contrefaire le malade. — (De la force de l’imagination)  Ch. 26. — Des poulces  Ch. 27. — Couardise mère de cruauté. — La poltronnerie est mère de la cruauté (Du duel ; des sévices exercés sur les suppliciés après leur mort)  Ch. 28. — Toutes choses ont leur saison. — Chaque chose en son temps (Sur la vieillesse)  Ch. 29. — De la vertu  Ch. 30. — D’vn enfant monstrueux  Ch. 31. — De la colère  Ch. 32. — Deffence de Seneque et de Plutarque.  Ch. 33. — L’Histoire de Spurina. — (Le rôle essentiel de l’âme est de maîtriser les passions ; particularités afférentes à Jules César)  Ch. 34. — Obseruations sur les moyens de faire la guerre de Iulius Cæsar  Ch. 35. — De trois bonnes femmes. — (Sur le mariage et l’affection conjugale)  Ch. 36. — Des plus excellents hommes. — (Sur Homère, Alexandre et Epaminondas)  Ch. 37. — De la ressemblance des enfants aux pères. — (Sur les maux de la vieillesse, sur la médecine)                 

 LIVRE TROISIÈME

                

 Ch. 1. — De l’vtile et de l’honneste  Ch. 2. — Du repentir  Ch. 3. — De trois commerces. — (De la société des hommes, des femmes et de celle des livres)  Ch. 4. — De la diuersion  Ch. 5. — Sur des Vers de Virgile. — (De l’amour, de la jalousie ; en ces matières, les reproches que s’adressent réciproquement les deux sexes se valent)  Ch. 6. — Des coches. — (Meilleur emploi à faire, par un roi, de ses richesses ; sur le peu d’étendue des connaissances humaines)  Ch. 7. — De l’incommodité de la grandeur  Ch. 8. — Sur l’art de conférer. — (La conversation forme le caractère, apprend à supporter la contradiction ; difficulté de juger à bon escient, de discerner chez un auteur ce qui lui appartient en propre)  Ch. 9. — De la vanité. — (Danger des changements dans le gouvernement d’un état ; des voyages ; des soins du ménage)  Ch. 10. — De mesnager sa volonté. — Il faut contenir sa volonté (Réserve à apporter dans les services qu’on est tenté de rendre à autrui)  Ch. 11. — Des boyteux. — (Tendance de l’esprit humain pour le merveilleux)  Ch. 12. — De la physionomie. — (Combien mieux que tous les enseignements de la philosophie, la nature nous porte à la résignation)  Ch. 13. — De l’expérience. — (Sur l’obscurité et le peu d’équité des lois ; l’incertitude de la médecine ; le régime convenant le mieux à la santé ; le meilleur usage de la vie, des plaisirs ; sur la doctrine d’Épicure)  ________________

  

  

               

                

 ANNEXE.

CLASSIFICATION DES CHAPITRES

 D’APRÈS L’ORDRE ALPHABÉTIQUE DES PRINCIPAUX SUJETS

 QUI EN FONT L’OBJET.

                 Des deux nombres entre parenthèses, le premier en chiffres romains marque le livre ; le second en chiffres arabes, le chapitre ; celui, en chiffres romains, qui suit en dehors de la parenthèse, indique le volume :Actions (De l’inconstance de nos), — (II, 1), I.Administration publique (Lacune que présente notre), — (I, 34), I.Affaires (Sur l’exactitude à apporter dans le maniement des affaires), — (II, 4), I.Affection conjugale (Sur l’), — (II, 35), II.Âge (De l’), — (I, 57), I.Aide mutuelle que les hommes se doivent, — (I, 34), I.Alexandre le Grand (Sur), — (II, 34), II.Ambassadeurs (Sur certains actes de quelques), — (I, 16), I.Âme (De l’), — (II, 12), II. — (Son rôle essentiel est de maîtriser nos passions), — (II, 33), II.Amitié (De l’), — (I, 27), I.Amour (Sur l’), — (III, 5), III.Animaux (Instinct des), — (II, 12), II.Aptitudes (De l’utilité de se renfermer dans ses), — (I, 16), I.Armes (Des) des Parthes, — (II, 9), II.Astrologie (Sur l’) et la prédiction de l’avenir, — (I, 11), I.Auteurs (Jugements portés sur quelques auteurs de toutes époques), — (II, 10), II. — (Difficulté d’apprécier ce qui leur appartient en propre), — (III, 8), III.Avarice (Sur l’), — (I, 40), I.Bien (Du) et du mal, leur mélange constant en toutes choses, — (II, 20), II. — (Sur le souverain), — (I, 53), I.Biens (Les) et les maux ne sont souvent tels que par l’opinion que nous en avons, — (I, 40), I.Boiteux (Des), — (III, 11), III.Caractère (Sur les variations dans le) chez un même homme, — (II, 1), I.Caton le jeune ou d’Utique, — (I, 36), I.Céa (Coutume de l’île de), — (II, 3), I.César (Particularités afférentes à), — (II, 33), II. — (Observations sur la manière de faire la guerre de), — (II, 34), II. — (A propos d’un mot de), — (I, 53), I.Choses (Toutes) ont leur saison, — (II, 28), II.Cicéron (Considérations sur), — (1, 39), I.Civilisation (Sur l’état des hommes vivant en dehors de la), — (I, 30), I.Civilité (Sur la), en particulier dans les visites de souverains, — (I, 13), I.Clémence (Sur la), — (I, 23), I.Coches (Des), — (III, 6), III.Colère (De la), — (II, 31), II.Commerces (Des trois) : les hommes, les femmes et les livres, — (III, 3), III.Commisération, moyens divers de l’obtenir de ses ennemis, — (I, 1), I.Conduite (Sur les variations dans la) chez un même homme, — (II, 1), I.Connaissances humaines (Incertitude des), — (II, 12), II. — (Sur le peu d’étendue des), — (III, 6), III.Conscience (De la), — (II, 5), I. — (De la bonne), — (II, 5), I.Contradiction. Il faut s’appliquer à savoir la supporter, — (III, 8), III.Conversation (Sur l’art de la), — (III, 8), III.Couardise (La), mère de la cruauté, — (II, 11). II.Courage (Sur le véritable) et ses limites, — (I, 12), I.Coutumes. Circonspection à apporter dans les modifications qu’on veut y introduire, — (I, 22), I.Coutumes (Des) des anciens, — (I, 49), I.Cruauté (De la), — (II, 11), II.Démentis (Des), — (II, 18), II.Démocrite (Sur) et Héraclite, — (I, 50), I.Désirs insatiables de l’homme, — (I, 53), I. — (Nos) s’accroissent par la difficulté de les satisfaire, — (II, 15), II.Destriers (Des) ou chevaux d’armes, — (I, 48), I.Diversion (De la), — (III, 4), III.Divinité (De la), — (II, 12), II.Dormir (Du), — (I, 44), I.Douleur (Sur la), — (I, 40), I.Dreux (De la bataille de), — (I, 45), I.Duel (Du), — (II, 27). II.Éducation des enfants (Sur l’), — (I, 25), I.Éloquence (Sur 1), — (I, 10), I.Enfant monstrueux (Au sujet d’un), — (II, 30), II.Enfants (De l’affection des pères pour leurs), — (II, 8), II. — (Rapports des pères avec leurs), — (II, 8), II. — (Situation de fortune à leur donner), — (H, 8), II. — (Sur la ressemblance des) aux pères, — (II, 37), III.Enthousiasme (Sur l’), — (II, 2), I.Epaminondas (Sur), — (II, 36), II.Épicure (Sur la doctrine d’), — (III, 13), III.Équitation (Sur l’), — (I, 48), I.Esprit (Affection que nous portons aux productions de notre), — (II, 8), II. — (De l’usage à faire des facultés de l’), — (I, 50), I. — (Sur l’époque de la maturité de l’), — (I, 57), I. Esprit humain ; par sa faiblesse, il est souvent un obstacle à lui-même, — (II, 14), II.Événements (Part du hasard dans les), — (I, 23), I. — résultats opposés de déterminations semblables, — (I, 33), I.Exercice (De l’), — (II, 6), I.Expérience (De l’), — (III, 13), III.Fainéantise (Sur la), — (I, 8), I. — (Contre la), — (II, 21), II.Faux (Du vrai et du), difficulté d’en juger, — (I, 26), I.Femmes (Trois bonnes), — (II, 35), II.Fin (Des mauvais moyens employés à bonne), — (II, 23), II.Foi chrétienne (Sur les fondements de la), — (II, 12), II.Fortune (Sur l’inconstance de la), — (I, 18 ; 33), I. — (Part de la) dans les événements, — (I, 47), I.Fréquentation (Sur la) des hommes, — (III, 3), III. — (Sur la) des femmes, — (III, 3), III.Funérailles (Du soin de nos), — (I, 3), I.Général (Sur la conduite d’un) dans une bataille, — (I, 45), I.Gloire, souci que l’on a de faire qu’elle ne soit pas partagée par autrui, — (I, 41), I. — (De la), — (II, 16), II.Gouvernement d’un état (Danger des changements dans le), — (III, 9), III.Grandeur (De l’incommodité de la), — (III, 7), III.Guerre (Sur la bonne foi et la loyauté à la), — (I, 5), I. — (Sur l’art de la), — (I, 47; 48), I. — (Sur la manière de César de faire la), — (II, 34), II.Habitude (Sur la force de l’), — (I, 22 ; 35), I.Hasard (Part du) dans les événements, — (I, 23), I. — résultats opposés de déterminations semblables, — (I, 33), I.Héraclite (Sur) et Démocrite, — (I, 50), I.Homère (Sur), — (II, 36), III.Homme du monde (Qualités convenables à un), — (I, 39), I.Hommes (Différence entre les qualités des), — (I, 42), I. — (Des plus excellents), — (II, 36), III.Honnête (De l’) et de l’utile, — (III, 1), III.Honneur (Sur le point d’), — (II, 18), II.Imagination (De la force de l’), des esprits forts, — (I, 20), I. — (De la force de l’), — (II, 25), II.Inégalités existant chez les hommes du fait des conditions de l’état social, — (I, 42), I.Innovations (Danger des) dans un état, — (I, 43), I.Intérêts particuliers de chacun, impossibilité de les concilier, — (I, 51), I.Ivrognerie (DcT), — (II, 2), I.Jalousie (Sur la), — (III, 5), III.Jeunesse (Sur la), — (I,57), I.Jugement (Incertitude de notre), — (I, 47), I.Julien (Apologie de l’empereur), — (II, 19), II.La Boëtie (Éloge de), — (I, 27), I.Lâcheté (Sur la), — (I, 15), I.Lecteur (Au), — (»), I.Lecture (Sur la), — (III, 3), III.Liberté de conscience (De la), — (II, 19), II.Libre arbitre (Sur le), — (II, 14), II.Livres (Des), — (II, 10), II.Lois, inconvénients de leur instabilité, — (I, 22), I. — (Obscurité et peu d’équité des), — (III, 13), III. — somptuaires (Des), — (I, 43), I.Luxe (Sur le), — (I, 43), I.Mal (Du bien et du), leur mélange constant, — (II, 20), II.Malade (De ne contrefaire le), — (II, 25), II.Mariage (Sur le), — (II, 35), II.Maux (Les biens et les) ne sont souvent tels que par l’opinion que nous en avons, — (I, 40), I.Médecine (Sur la), — (II, 37), III. — (Sur l’incertitude de la), — (III, 13), III.Mémoire (Sur la) et le mensonge, — (I, 9), I.Ménage (Sur les soins du), — (III, 9), III.Mensonge (Sur le), — (II 18), II.Menteurs (Des), — (I, 9), I.Merveilleux (Tendance de l’esprit humain pour le), — (III, 11), III.Modération (De la) dans l’exercice même de la vertu et les jouissances des plaisirs licites, — (I, 29), I.Montaigne (Opinion de) sur lui-même, — (II, 17), II.Mort (Sur nos obligations au delà de la), — (I, 7), I. — (Ce n’est qu’après notre) qu’on peut juger du degré de félicité que nous avons eu durant notre vie, — (I, 28), I. — (La) est-elle un bien ou un mal ? — (I, 40), I. — (Sur le moyen de se familiariser avec la), — (II, 6), I. — d’autrui (Réserve à apporter quand nous jugeons de la), — (II, 13), I.Moyens (Des mauvais) employés à bonne fin, — (II, 23), II.Noms (Des), de leur influence dans la vie, — (I, 46), I.Obéissance (De l’) à ses supérieurs, — (I 46), I.Oisiveté (Sur l’), — (I, 8), I ; — (II,21), II.Parcimonie (De la) des anciens, — (I, 52), I.Parlementer (Du danger que court le commandant d’une place assiégée, en sortant pour), — (I, 5), I. — est toujours un moment dangereux pour une place assiégée, - (I 6), I.Paroles (De la vanité des), — (I, 51), I.Pédantisme (Sur le), ou faux savoir, — (I, 24), I.Peur (De la), — (I, 17), I.Philosopher, c’est apprendre à mourir, — (I, 19), I.Philosophiques (Sectes) des anciens, — (II, 12), III.Physionomie (De la), — (III, 12), I.Place de guerre, danger pour le commandant d’une place assiégée d’en sortir pour parlementer, — (I, 5), I. — le moment où l’on traite de la capitulation d’une place assiégée est toujours un moment dangereux, — (I, 6), I. — Sur trop d’opiniâtreté dans la défense d’une place assiégée, — (I, 14), I.Plaisirs (Sur le meilleur usage des), — (III, 13), III.Plutarque (Défense de Sénèque et de), — (II, 32), II.Postes (Des), — (II, 22), II.Pouces (Des), — (II, 26), II.Prédiction de l’avenir (Sur la) et l’astrologie, — (I, 11), I.Préoccupations (Sur les) de ce qui peut survenir après nous, en ce qui touche ce qui nous intéresse notre vie durant, — (I, 3), I.Présomption (De la), — (II, 17), II. Prières (Des), — (I, 56), I.Providence (Sur la) et ses desseins, — (I, 31), I.Pur (Nous ne goûtons rien de), — (II, 20), II.Raison (Tout soumettre à l’examen de la) conduit à bien des erreurs, — (II, 12), II.Récits extraordinaires (Sur le peu de croyance qu’on peut accorder aux), — (I, 26), I.Récompenses honorifiques (Des), — (II, 7), II.Régime (Sur le) qui convient le mieux à la santé, — (III, 13), III.Religion (Erreurs auxquelles conduit le libre examen dans les questions de), — (II, 12), II. — (Du zèle pour la), — (II, 19), II.Raimond de Sebonde (Apologie de), — (II, 12), II.Remords (Sur le), — (II, 5), I.Repentir (Du), — (III, 2), III.Résignation ; la nature nous y porte, mieux que tous les enseignements philosophiques, — (III, 12), II.Roi ; du meilleur emploi à faire de ses richesses, — (III, 6), III.Rois ; dans quelle mesure nous leur devons notre obéissance et notre affection, — (I, 3), I.Romaine (De la grandeur), — (II, 24), II.Royauté (Sur les soucis de la), — (I, 42), I.Se connaître (Sur la nécessité de bien), — (II, 6), I.Sénèque (Défense de Plutarque et de), — (II, 32), II.Sens (Incertitude des) de l’homme, — (II, 12), II.Senteurs (Des) ou odeurs, — (I, 55), I.Sentiments opposés qui nous portent à pleurer et à rire tout à la fois d’une même chose, — (I, 37), II.Services (Réserve à apporter dans les) qu’on rend à autrui, — (III, 10), III.Société (Sur la manière d’être en), — (III, 8), III.Solitude (De la), — (I, 38), I.Sonnets (Vingt-neuf) de la Boëtie, — (I, 28), I.Souverain (Activité nécessaire à un), — (II, 21), II.Spurina (Histoire de), — (II, 33). II.Subtilités (Des vaines), — (I, 54), I.Suicide (Sur le), — (II, 3), I ; — (II, 13), II.Suppliciés ; des sévices exercés sur eux après leur mort, — (II, 27), II.Torture (Sur la), — (II, 5), I.Tranquillité d’âme (Sur la) dans les circonstances graves, — (I, 44), I.Tristesse (De la), — (I, 2), I.Utile (De l’honnête et de l’), — (III, 1), III.Vanité (De la), — (II, 17), II ; — (III, 9), III.Vertu (Intérêts de nature à porter à des actes de), — (I, 36), I. — (La difficulté est inhérente à la pratique de la), — (II, 11), II. — (De la), — (II, 29), II.Vêtements (Sur l’usage des), — (I, 35), I.Vie (Considérations sur le but de la), — (II, 21). II. — (Sur le meilleur usage de la), — (III, 13), III.Vieillesse (Sur la), — (I, 57), I; — (II, 26), II. — (Sur les maux de la), — (II, 37), III.Virgile (Sur des vers de), — (III, 5), III.Volonté (Il faut ménager sa), — (III, 10), III.Voluptés à fuir, même au prix de la vie, — (I, 32), I.Voyages (Sur les), — (III, 9), III.Vrai (Du) et du faux, difficulté d’en juger, — (I, 26), I.

               

  

               

                

               

 L’AUTEUR AU LECTEUR

                Ce livre, lecteur, est un livre de bonne foi.

                Il t’avertit, dès le début, que je ne l’ai écrit que pour moi et quelques intimes, sans me préoccuper qu’il pût être pour toi de quelque intérêt, ou passer à la postérité ; de si hautes visées sont au-dessus de ce dont je suis capable. Je le destine particulièrement à mes parents et à mes amis, afin que lorsque je ne serai plus, ce qui ne peut tarder, ils y retrouvent quelques traces de mon caractère et de mes idées et, par là, conservent encore plus entière et plus vive la connaissance qu’ils ont de moi. Si je m’étais proposé de rechercher la faveur du public, je me serais mieux attifé et me présenterais sous une forme étudiée pour produire meilleur effet ; je tiens, au contraire, à ce qu’on m’y voie en toute simplicité, tel que je suis d’habitude, au naturel, sans que mon maintien soit composé ou que j’use d’artifice, car c’est moi que je dépeins. Mes défauts s’y montreront au vif et l’on m’y verra dans toute mon ingénuité, tant au physique qu’au moral, autant du moins que les convenances le permettent. Si j’étais né parmi ces populations qu’on dit vivre encore sous la douce liberté des lois primitives de la nature, je me serais très volontiers, je t’assure, peint tout entier et dans la plus complète nudité.

                Ainsi, lecteur, c’est moi-même qui fais l’objet de mon livre ; peut-être n’est-ce pas là une raison suffisante pour que tu emploies tes loisirs à un sujet aussi peu sérieux et de si minime importance.

                Sur ce, à la grâce de Dieu.

 À Montaigne, ce 1er mars 1580.

                

               

                Nota. — Cette traduction a été faite d’après l’édition de 1595, en tenant compte toutefois de quelques variantes du manuscrit de Bordeaux, complétant ou accentuant la pensée de l’auteur. — Ces variantes, dont le relevé est donné dans le quatrième volume, sont pour la plupart de très minime importance : elles portent en très grand nombre sur l’orthographe ; de-ci, de-là, constituent des additions ou des suppressions de mots ou encore des substitutions d’un mot à un autre, soit pour éviter des répétitions, soit pour préciser ; et parfois, mais rarement, de légères modifications dans la construction de membres de phrase ; dans la quantité, il n’en est pas une qui modifie sensiblement le sens. Celles dont il a été tenu compte sont signalées par un astérique (*).

                

               

                

 CHAPITRE I.

                

 Par diuers moyens on arrive à pareille fin.

                 La plus commune façon d’amollir les cœurs de ceux qu’on a offencez, lors qu’ayans la vengeance en main, ils nous tiennent à leur mercy, c’est de les esmouuoir par submission, à commiseration et à pitié : toutesfois la brauerie, la constance, et la resolution, moyens tous contraires, ont quelquesfois seruy à ce mesme effect. Édouard Prince de Galles, celuy qui regenta si long temps nostre Guienne : personnage duquel les conditions et la fortune ont beaucoup de notables parties de grandeur ; ayant esté bien fort offencé par les Limosins, et prenant leur ville par force, ne peut estre arresté par les cris du peuple, et des femmes, et enfans abandonnez à la boucherie, luy criants mercy, et se iettans à ses pieds : iusqu’à ce que passant tousiours outre dans la ville, il apperçeut trois Gentilshommes François, qui d’vne hardiesse incroyable soustenoient seuls l’effort de son armee victorieuse. La consideration et le respect d’vne si notable vertu, reboucha premierement la pointe de sa cholere : et commença par ces trois, à faire misericorde à tous les autres habitans de la ville. Scanderberch, Prince de l’Épire, suyuant vn soldat des siens pour le tuer, et ce soldat ayant essayé par toute espece d’humilité et de supplication de l’appaiser, se resolut à toute extremité de l’attendre l’espee au poing : cette sienne resolution arresta sus bout la furie de son maistre, qui pour luy auoir veu prendre vn si honorable party, le reçeut en grâce. Cet exemple pourra souffrir autre interpretation de ceux qui n’auront leu la prodigieuse force et vaillance de ce Prince là. L’Empereur Conrad troisiesme, ayant assiégé Guelphe Duc de Bauieres, ne voulut condescendre à plus douces conditions, quelques viles et lasches satisfactions qu’on luy offrist, que de permettre seulement aux gentils-femmes qui estoient assiégées auec le Duc, de sortir leur honneur sauue, à pied, auec ce qu’elles pourroient emporter sur elles. Elles d’vn cœur magnanime, s’aduiserent de charger sur leurs espaules leurs maris, leurs enfans, et le Duc mesme. L’Empereur print si grand plaisir à voir la gentillesse de leur courage, qu’il en pleura d’aise, et amortit toute cette aigreur d’inimitié mortelle et capitale qu’il auoit portée contre ce Duc : et dés lors en auant traita humainement luy et les siens.

                L’vn et l’autre de ces deux moyens m’emporteroit aysement : car i’ay vne merueilleuse lascheté vers la miséricorde et mansuétude : tant y a, qu’à mon aduis, ie serois pour me rendre plus naturellement à la compassion, qu’à l’estimation. Si est la pitié passion vitieuse aux Stoiques : ils veulent qu’on secoure les affligez, mais non pas qu’on fléchisse et compatisse auec eux. Or ces exemples me semblent plus à propos, d’autant qu’on voit ces ames assaillies et essayées par ces deux moyens, en soustenir l’vn sans s’esbranler, et courber sous l’autre. Il se peut dire, que de rompre son cœur à la commisération, c’est l’effet de la facilité, debonnaireté, et mollesse : d’où il aduient que les natures plus foibles, comme celles des femmes, des enfans, et du vulgaire, y sont plus subiettes : mais ayant eu à desdaing les larmes et les pleurs, de se rendre à la seule reuerence de la saincte image de la vertu, que c’est l’effect d’vne ame forte et imployable, ayant en affection et en honneur vne vigueur masle, et obstinée. Toutes-fois és âmes moins généreuses, l’estonnement et l’admiration peuuent faire naistre vn pareil effect : tesmoin le peuple Thebain, lequel ayant mis en Iustice d’accusation capitale, ses Capitaines, pour auoir continué leur charge outre le temps qui leur auoit esté prescript et preordonné, absolut à toute peine Pelopidas, qui plioit sous le faix de telles obiections, et n’employoit à se garantir que requestes et supplications : et au contraire Epaminondas, qui vint à raconter magnifiquement les choses par luy faites, et à les reprocher au peuple d’vne façon fiere et arrogante, il n’eut pas le cœur de prendre seulement les balotes en main, et se départit : l’assemblée louant grandement la hautesse du courage de ce personnage. Dionysius le vieil, après des longueurs et difficultés extrêmes, ayant prins la ville de Rege, et en icelle le Capitaine Phyton, grand homme de bien, qui l’auoit si obstinéement defendue, voulut en tirer vn tragique exemple de vengeance. Il luy dict premièrement, comment le iour auant, il auoit faict noyer son fils, et tous ceux de sa parenté. À quoy Phyton respondit seulement, qu’ils en estoient d’vn iour plus heureux que luy. Apres il le fit despouiller, et saisir à des Bourreaux, et le traîner par la ville, en le fouëttant très ignominieusement et cruellement : et en outre le chargeant de félonnes parolles et contumelieuses. Mais il eut le courage tousiours constant, sans se perdre. Et d’vn visage ferme, alloit au contraire ramenteuant à haute voix, l’honorable et glorieuse cause de sa mort, pour n’auoir voulu rendre son païs entre les mains d’vn tyran : le menaçant d’vne prochaine punition des dieux. Dionysius, lisant dans les yeux de la commune de son armée, qu’au lieu de s’animer des brauades de cet ennemy vaincu, au mespris de leur chef, et de son triomphe, elle alloit s’amollissant par l’estonnement d’vne si rare vertu, et marchandoit de se mutiner, et mesmes d’arracher Phyton d’entre les mains de ses sergens, feit cesser ce martyre : et à cachettes l’enuoya noyer en la mer. Certes, c’est vn subiect merueilleusement vain, diuers, et ondoyant, que l’homme : il est malaisé d’y fonder iugement constant et vniforme. Voyla Pompeius qui pardonna à toute la ville des Mamertins, contre laquelle il estoit fort animé, en considération de la vertu et magnanimité du citoyen Zenon, qui se chargeoit seul de la faute publique, et ne requeroit autre grâce que d’en porter seul la peine. Et l’hoste de Sylla, ayant vsé en la ville de Peruse de semblable vertu, n’y gaigna rien, ny pour soy, ny pour les autres.

                Et directement contre mes premiers exemples, le plus hardy des hommes et si gratieux aux vaincus Alexandre, forçant apres beaucoup de grandes difficultez la ville de Gaza, rencontra Betis qui y commandoit, de la valeur duquel il auoit, pendant ce siège, senty des preuues merueilleuses, lors seul, abandonné des siens, ses armes despecees, tout couuert de sang et de playes, combatant encores au milieu de plusieurs Macedoniens, qui le chamailloient de toutes parts : et luy dit, tout piqué d’vne si chère victoire : car entre autres dommages, il auoit receu deux fresches blessures sur sa personne : Tu ne mourras pas comme tu as voulu, Betis : fais estat qu’il te faut souffrir toutes les sortes de tourmens qui se pourront inuenter contre vn captif. L’autre, d’vne mine non seulement asseuree, mais rogue et altiere, se tint sans mot dire à ces menaces. Lors Alexandre voyant l’obstination à se taire : A il flechy vn genouil ? luy est-il eschappé quelque voix suppliante ? Vrayement ie vainqueray ce silence : et si ie n’en puis arracher parole, l’en arracheray au moins du gémissement. Et tournant sa cholere en rage, commanda qu’on luy perçast les talons, et le fit ainsi trainer tout vif, deschirer et desmembrer au cul d’vne charrette. Seroit-ce que la force de courage luy fust si naturelle et commune, que pour ne l’admirer point, il la respectast moins ? ou qu’il l’estimast si proprement sienne, qu’en cette hauteur il ne peust souffrir de la veoir en vn autre, sans le despit d’vne passion enuieuse ? ou que l’impétuosité naturelle de sa cholere fust incapable d’opposition ? De vray, si elle eust receu bride, il est à croire, qu’en la prinse et désolation de la ville de Thebes elle l’eust receue : à veoir cruellement mettre au fil de l’espee tant de vaillans hommes, perdus, et n’ayans plus moyen de defence publique. Car il en fut tué bien six mille, desquels nul ne fut veu ny fuiant, ny demandant mercy : au rebours cerchans, qui çà, qui là, par les rues, à affronter les ennemis victorieux : les prouoquans à les faire mourir d’vne mort honorable. Nul ne fut veu, qui n’essaiast en son dernier souspir, de se venger encores : et à tout les armes du desespoir consoler sa mort en la mort de quelque ennemy. Si ne trouua l’affliction de leur vertu aucune pitié : et ne suffit la longueur d’vn iour à assouuir sa vengeance. Ce carnage dura iusques à la dernière goûte de sang espandable : et ne s’arresta qu’aux personnes désarmées, vieillards, femmes et enfants, pour en tirer trente mille esclaues.

                

 CHAPITRE PREMIER.

                

 Divers moyens mènent à même fin.

                La soumission vous concilie d’ordinaire ceux que vous avez offensés ; parfois une attitude résolue produit le même résultat. — La façon la plus ordinaire d’attendrir les cœurs de ceux que nous avons offensés, quand, leur vengeance en main, nous sommes à leur merci, c’est de les émouvoir par notre soumission, en leur inspirant commisération et pitié ; toutefois la bravoure, la constance et la résolution, qui sont des moyens tout contraires, ont quelquefois produit le même résultat.

                Édouard, prince de Galles, celui-là même qui, si longtemps, fut régent de notre province de Guyenne, personnage dont les actes et la fortune ont maintes fois témoigné de beaucoup de grandeur d’âme, s’étant emparé de vive force de Limoges, avait ordonné le massacre de ses habitants qui l’avaient gravement offensé. Il cheminait à travers la ville, et les cris de ceux, hommes, femmes et enfants, ainsi voués à la mort, qui, prosternés à ses pieds, imploraient merci, n’avaient pu attendrir son âme ; quand s’offrirent à sa vue trois gentilshommes français, qui, avec une hardiesse incroyable, tenaient tête, à eux seuls, à son armée victorieuse. Un tel courage lui inspira une considération et un respect qui calmèrent subitement sa colère ; sur-le-champ il leur fit grâce, et cette grâce, il l’étendit à tous les autres habitants de la ville.

                Scanderberg, prince d’Épire, poursuivait avec l’intention de le tuer, un de ses soldats ; celui-ci, après avoir essayé en vain de l’apaiser par des protestations de toutes sortes et les plus humbles supplications, se résolut, en désespoir de cause, à l’attendre l’épée à la main. Cet acte de résolution arrêta net l’exaspération de son maître qui, en le voyant prendre un si honorable parti, lui fit grâce. Ce fait est susceptible d’être interprété autrement que je ne le fais, mais par ceux-là seulement qui ignorent la force prodigieuse et le courage dont ce prince était doué.

                L’empereur Conrad III, assiégeant Guelphe, duc de Bavière, n’avait consenti à ne laisser sortir de la ville que les femmes des gentilshommes qui s’y trouvaient enfermées avec son ennemi, s’engageant à respecter leur honneur, mais ne leur accordant de sortir qu’à pied, en n’emportant que ce qu’elles pourraient porter elles-mêmes ; et il s’était refusé à adoucir ces conditions, quelques autres satisfactions qu’on lui offrît, si humiliantes qu’elles fussent. N’écoutant que leur grand cœur, ces femmes s’avisèrent alors de charger sur leurs épaules leurs maris, leurs enfants et le duc lui-même. L’empereur fut tellement saisi de cette touchante marque de courage, qu’il en pleura d’attendrissement ; la haine mortelle qu’il avait vouée au duc, dont il voulait la perte, en devint moins ardente ; et, à partir de ce moment, il le traita lui et les siens avec humanité.

                Comment s’explique que ces deux sentiments contraires produisent le même effet. — L’un et l’autre de ces deux moyens réussiraient aisément auprès de moi, car j’ai une grande propension à la miséricorde et à la bienveillance ; cependant j’estime que je céderais encore plus facilement à la compassion qu’à l’admiration, bien que la pitié soit considérée comme une passion condamnable par les stoïciens, qui concèdent bien qu’on secoure les affligés, mais non qu’on s’attendrisse et qu’on compatisse à leurs souffrances. Les exemples qui précèdent me semblent rentrer davantage dans la réalité des choses ; ils nous montrent l’âme aux prises avec ces deux sentiments contraires : résister à l’un sans fléchir, et céder à l’autre. Cela peut s’expliquer en admettant que se laisser gagner par la pitié, est plus facile et le propre des cœurs débonnaires et peu énergiques ; d’où il résulte que les êtres les plus faibles, comme les femmes, les enfants et les gens du commun y sont plus particulièrement portés ; tandis que ne pas se laisser attendrir par les larmes et les prières, et finir par se rendre seulement devant les signes manifestes d’un courage incontestable, est le fait d’une âme forte et bien trempée, aimant et honorant les caractères énergiques et tenaces.

                Et cependant, l’étonnement et l’admiration peuvent produire ces mêmes effets sur des natures moins généreuses ; témoin le peuple thébain qui, appelé à prononcer dans une accusation capitale intentée contre les capitaines de son armée, pour s’être maintenus en charge au delà du temps durant lequel ils devaient l’exercer, acquitta à grand’peine Pélopidas qui, accablé de cette mise en jugement, ne sut, pour se défendre, que gémir et supplier ; tandis qu’au contraire, à l’égard d’Epaminondas qui, après avoir exposé en termes magnifiques les actes de son commandement, la tête haute, la parole sarcastique, se mit à reprocher au peuple son ingratitude, l’assemblée, pénétrée d’admiration vis-à-vis de cet homme d’un si grand courage, se dispersa sans même oser aller au scrutin.

                Cruauté obstinée de Denys l’ancien, tyran de Syracuse. — Denys l’ancien, s’étant emparé, après un siège très long et très difficile, de la ville de Reggium, et avec elle de Phyton, homme de grande vertu, qui y commandait et avait dirigé cette défense opiniâtre, voulut en tirer une vengeance éclatante qui servît d’exemple. Tout d’abord, il lui apprit que la veille, il avait fait noyer son fils et tous ses autres parents ; à quoi Phyton se borna à répondre : « Qu’ils en étaient d’un jour plus heureux que lui. » Puis il le livra aux bourreaux qui le dépouillèrent de ses vêtements et le traînèrent à travers la ville, le fouettant ignominieusement à coups redoublés, l’accablant en outre des plus brutales et cruelles injures. Phyton, conservant toute sa présence d’esprit et son courage, ne faiblit pas ; ne cessant de se targuer à haute voix de l’honorable et glorieuse défense qu’il avait faite et qui était cause de sa mort, n’ayant pas voulu livrer sa patrie aux mains d’un tyran, le menaçant lui-même d’une prochaine punition des dieux. Lisant dans les yeux de la plupart de ses soldats qu’au lieu d’être excités par ses bravades contre cet ennemi vaincu, qui les provoquait au mépris de leur chef et dépréciait son triomphe, étonnés d’un tel courage, ils s’en laissaient attendrir et commençaient à murmurer, parlant même d’arracher Phyton des mains de ses bourreaux, Denys mit fin à ce martyr et, à la dérobée, l’envoya noyer à la mer.

                L’homme est ondoyant et divers ; conduite opposée de Sylla et de Pompée dans des circonstances analogues. — En vérité, l’homme est de nature bien peu définie et étrangement ondoyant et divers ; il est malaisé de porter sur lui un jugement ferme et uniforme. Ainsi, voilà Pompée qui pardonne à toute la ville des Mamertins, contre laquelle il était fort animé, en considération de la vertu et de la grandeur d’âme de Zenon l’un de leurs concitoyens qui, se donnant comme l’unique coupable de leur conduite envers lui, demandait en grâce d’en porter seul la peine ; tandis qu’à Pérouse, en semblable circonstance, un citoyen de cette ville, également distingué par ses vertus, dont Sylla avait été l’hôte, par un dévouement pareil, n’en obtient rien ni pour lui-même, ni pour les autres.

                Cruauté d’Alexandre le Grand envers des ennemis dont la valeur méritait mieux. — À l’encontre des premiers exemples que j’ai cités, nous voyons Alexandre, l’homme le plus hardi qui