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Le livre raconte une expédition britannique en 1789, à bord du HMS Bounty, un trois-mâts de la Royal Navy dont l'objectif est de se rendre à Tahiti pour récolter des plants d'arbres à pain et les ramener en Angleterre pour les implanter dans les colonies et nourrir les esclaves.
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Seitenzahl: 31
Veröffentlichungsjahr: 2022
Jules Verne
Pas le moindre souffle, pas une ride à la surface de la mer, pas un nuage au ciel. Les splendides constellations de l’hémisphère austral se dessinent avec une incomparable pureté. Les voiles de la Bounty pendent le long des mâts, le bâtiment est immobile, et la lumière de la lune, pâlissant devant l’aurore qui se lève, éclaire l’espace d’une lueur indéfinissable.
La Bounty, navire de deux cent quinze tonneaux monté par quarante-six hommes, avait quitté Spithead, le 23 décembre l787, sous le commandement du capitaine Bligh, marin expérimenté mais un peu rude, qui avait accompagné le capitaine Cook dans son dernier voyage d’exploration.
La Bounty avait pour mission spéciale de transporter aux Antilles l’arbre à pain, qui pousse à profusion dans l’archipel de Tahiti. Après une relâche de six mois dans la baie de Matavaï, William Bligh, ayant chargé un millier de ces arbres, avait pris la route des Indes occidentales, après un assez court séjour aux îles des Amis.
Maintes fois, le caractère soupçonneux et emporté du capitaine avait amené des scènes désagréables entre quelques-uns de ses officiers et lui.
Cependant, la tranquillité qui régnait à bord de la Bounty, au lever du soleil, le 28 avril 1789, ne faisait rien présager des graves événements qui allaient se produire.
Tout semblait calme, en effet, lorsque tout à coup une animation insolite se propage sur le bâtiment. Quelques matelots s’accostent, échangent deux ou trois paroles à voix basse, puis disparaissent à petits pas.
Est-ce le quart du matin qu’on relève ? Quelque accident inopiné s’est-il produit à bord ?
« Pas de bruit surtout, mes amis, dit Fletcher Christian, le second de la Bounty. Bob, armez votre pistolet, mais ne tirez pas sans mon ordre. Vous, Churchill, prenez votre hache et faites sauter la serrure de la cabine du capitaine. Une dernière recommandation il me le faut vivant ! »
Suivi d’une dizaine de matelots armés de sabres, de coutelas et de pistolets, Christian se glissa dans l’entrepont ; puis, après avoir placé deux sentinelles devant la cabine de Stewart et de Peter Heywood, le maître d’équipage et le midshipman de la Bounty, il s’arrêta devant la porte du capitaine.
« Allons, garçons, dit-il, un bon coup d’épaule ! »
La porte céda sous une pression vigoureuse, et les matelots se précipitèrent dans la cabine.
Surpris d’abord par l’obscurité, et réfléchissant peut-être à la gravité de leurs actes, ils eurent un moment d’hésitation.
« Holà ! qu’y a-t-il ? Qui donc ose se permettre ?… s’écria le capitaine en sautant à bas de son cadre.
— Silence, Bligh ! répondit Churchill. Silence, et n’essaye pas de résister, ou je te bâillonne !
— Inutile de t’habiller, ajouta Bob. Tu feras toujours assez bonne figure, lorsque tu seras pendu à la vergue d’artimon !
— Attachez-lui les mains derrière le dos, Churchill, dit Christian, et hissez-le sur le pont !
— Le plus terrible des capitaines n’est pas bien redoutable, quand on sait s’y prendre, » fit observer John Smith, le philosophe de la bande.
Puis le cortège, sans s’inquiéter de réveiller ou non les matelots du dernier quart, encore endormis, remonta l’escalier et reparut sur le pont.
C’était une révolte en règle. Seul de tous les officiers du bord, Young, un des midshipmen, avait fait cause commune avec les révoltés.
Quant aux hommes de l’équipage, les hésitants avaient dû céder pour l’instant, tandis que les autres, sans armes, sans chef, restaient spectateurs du drame qui allait s’accomplir sous leurs yeux.
Tous étaient sur le pont, rangés en silence ; ils observaient la contenance de leur capitaine, qui, demi-nu, s’avançait la tête haute au milieu de ces hommes habitués à trembler devant lui.
« Bligh, dit Christian, d’une voix rude, vous êtes démonté de votre commandement.
— Je ne vous reconnais pas le droit…, répondit le capitaine.