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Récit de trois voyages autour du monde.
James Cook (1728-1779) grandit en Angleterre où il débuta comme mousse, puis étudia la géométrie et l’astronomie à Halifax et fit le relevé des côtes de Terre-Neuve entre 1762 et 1767.
Jules Verne raconte ses trois voyages et fait une large place aux notes de Cook. La description des mœurs des indigènes – avec lesquels il s’efforça d’être pacifique –, ses anecdotes pittoresques et les paysages sublimes de « l’Océan austral » font de lui un découvreur hors du commun : les îles de la Société, les îles Tubuaï et la Nouvelle-Zélande, l’Antarctique, la recherche d’un passage par mer vers le nord, les îles Sandwich (Hawaï), l’océan Arctique par le détroit de Béring...
Un ouvrage très intéressant qui révèle les impressions et les anecdotes de James Cook au cours de ses aventures !
EXTRAIT
Lorsqu’il s’agit de raconter la carrière d’un homme célèbre, il est bon de ne négliger aucun de ces petits faits qui paraîtraient d’un mince intérêt chez tout autre. Ils prennent, alors, une importance singulière, car on y découvre souvent les indices d’une vocation qui s’ignore elle-même, et jettent toujours une vive lumière sur le caractère du héros qu’on veut peindre. Aussi nous étendrons-nous quelque peu sur les humbles commencements de l’un des plus illustres navigateurs dont l’Angleterre puisse s’enorgueillir. Le 27 octobre 1728, James Cook naquit à Morton, dans le Yorkshire. Il était le neuvième enfant d’un valet de ferme et d’une paysanne nommée Grace. À peine en sa huitième année, le petit James aidait son père dans ses rudes travaux à la ferme d’Airy-Holme, près d’Ayton. Sa gentillesse, son ardeur au travail intéressèrent le fermier, qui lui fit apprendre à lire. Puis, lorsqu’il eut treize ans, il fut mis en apprentissage chez William Sanderson, mercier à Staith, petit havre de pêche assez important. Mais, d’être assidu derrière un comptoir cela ne pouvait plaire au jeune Cook, qui profitait de ses moindres instants de liberté pour aller causer avec les marins du port…
À PROPOS DE L'AUTEUR
Dans les années 1850, Jules Verne (1828-1905) fréquenta Jacques Arago, un explorateur devenu aveugle, chez qui il rencontrait de nombreux voyageurs et géographes. C’est là que se nourrit sa passion des pays lointains et des terres vierges.
Puisant largement dans les récits et les journaux de bord des navigateurs européens, le célèbre romancier, aidé par Gabriel Marcel, géographe, attaché à la Bibliothèque nationale, retrace le parcours de ces héros de l’aventure authentique qui partirent à la rencontre de l’inconnu au péril de leur vie : « les explorateurs » de la collection ainsi nommée chez Magellan & Cie.
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Seitenzahl: 213
Veröffentlichungsjahr: 2017
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Les commencements de sa carrière maritime. – Le commandement de l’Adventure lui est confié. – La Terre de Feu. – Découverte de quelques îles de l’archipel Pomoutou. – Arrivée à Tahiti. – Mœurs et coutumes des habitants. – Reconnaissance des autres îles de l’archipel de la Société. – Arrivée à la Nouvelle-Zélande. – Entrevues avec les naturels. – Découverte du détroit de Cook. – Circumnavigation des deux grandes îles. – mœurs et productions du pays.
Lorsqu’il s’agit de raconter la carrière d’un homme célèbre, il est bon de ne négliger aucun de ces petits faits qui paraîtraient d’un mince intérêt chez tout autre. Ils prennent, alors, une importance singulière, car on y découvre souvent les indices d’une vocation qui s’ignore elle-même, et jettent toujours une vive lumière sur le caractère du héros qu’on veut peindre. Aussi nous étendrons-nous quelque peu sur les humbles commencements de l’un des plus illustres navigateurs dont l’Angleterre puisse s’enorgueillir.
Le 27 octobre 1728, James Cook naquit à Morton, dans le Yorkshire. Il était le neuvième enfant d’un valet de ferme et d’une paysanne nommée Grace. À peine en sa huitième année, le petit James aidait son père dans ses rudes travaux à la ferme d’Airy-Holme, près d’Ayton. Sa gentillesse, son ardeur au travail intéressèrent le fermier, qui lui fit apprendre à lire. Puis, lorsqu’il eut treize ans, il fut mis en apprentissage chez William Sanderson, mercier à Staith, petit havre de pêche assez important. Mais, d’être assidu derrière un comptoir, cela ne pouvait plaire au jeune Cook, qui profitait de ses moindres instants de liberté pour aller causer avec les marins du port.
Du consentement de ses parents, James quitta bientôt la boutique du mercier, pour s’engager comme mousse, sous le patronage de Jean et Henri Walker, dont les bâtiments servaient au transport du charbon sur les côtes d’Angleterre et d’Irlande. Mousse, matelot, puis patron, Cook se familiarisa rapidement avec tous les détails de sa nouvelle profession.
Au printemps de 1755, lorsque éclatèrent les premières hostilités entre la France et l’Angleterre, le bâtiment sur lequel Cook servait était ancré dans la Tamise. La marine militaire recrutait alors ses équipages au moyen de la « presse » des matelots. Cook commença par se cacher ; mais, poussé sans doute par quelque pressentiment, il alla s’engager sur l’Aigle, navire de soixante canons, que devait presque aussitôt commander le capitaine sir Hugues Palliser.
Intelligent, actif, au courant de tous les travaux du métier, Cook fut en peu de temps remarqué de ses officiers et signalé à l’attention du commandant. Ce dernier recevait, en même temps, une lettre du membre du Parlement pour Scarborough qui lui recommandait chaudement, sur les sollicitations pressantes de tous les habitants du village d’Ayton, le jeune Cook, qui ne tarda pas à obtenir une commission de maître d’équipage. Le 15 mai 1759, il embarqua sur le vaisseau le Mercure, à destination du Canada, où il rejoignit l’escadre de sir Charles Saunders, qui, de concert avec le général Wolf, faisait le siège de Québec. Ce fut pendant cette campagne que Cook trouva la première occasion de se signaler. Chargé de sonder le Saint-Laurent entre l’île d’Orléans et la rive septentrionale du fleuve, il remplit cette mission avec habileté et put dresser une carte du canal, malgré les difficultés et les dangers de l’entreprise. Si exacts et si complets furent reconnus ces relevés hydrographiques, qu’il reçut l’ordre d’examiner les passages de la rivière au-dessous de Québec. Il s’acquitta de cette opération avec tant de soin et d’intelligence, que sa carte du Saint-Laurent fut publiée par les soins de l’Amirauté anglaise.
Après la prise de Québec, Cook passa à bord du Northumberland, commandé par lord Colville, et profita de sa station sur les côtes de Terre-Neuve pour s’appliquer à l’étude de l’astronomie. Bientôt, des travaux importants lui furent confiés. Il dressa le plan de Placentia et releva les côtes de Saint-Pierre et Miquelon. Nommé en 1764 ingénieur de la Marine pour Terre-Neuve et le Labrador, il fut employé pendant trois années consécutives à des travaux hydrographiques, qui appelèrent sur lui l’attention du ministère et servirent à relever les innombrables erreurs des cartes de l’Amérique. En même temps, il adressait à la Société royale de Londres un mémoire sur une éclipse de soleil, dont il fit observation à Terre-Neuve en 1766, mémoire qui parut dans les Transactions philosophiques. Cook ne devait pas tarder à recevoir la récompense de tant de travaux si habilement conduits, d’études patientes et d’autant plus méritoires, que l’instruction première lui avait fait défaut, et qu’il avait dû se former sans le secours d’aucun maître.
Une question scientifique d’une haute importance, le passage de Vénus sur le disque du soleil, annoncé pour 1769, passionnait alors les savants du monde entier. Le gouvernement anglais, persuadé que cette observation ne pouvait être faite avec fruit que dans la mer du Sud, avait résolu d’y envoyer une expédition scientifique. Le commandement en fut offert au fameux hydrographe A. Dalrymple, aussi célèbre par ses connaissances astronomiques que par ses recherches géographiques sur les mers australes. Mais ses exigences, sa demande d’une commission de capitaine de vaisseau, que lui refusait obstinément sir Edouard Hawker, déterminèrent le secrétaire de l’Amirauté à proposer un autre commandant pour l’expédition projetée. Son choix s’arrêta sur James Cook, chaleureusement appuyé par sir Hugues Palliser, et qui reçut, avec le rang de lieutenant de vaisseau, le commandement de l’Endeavour.
Cook avait alors quarante ans. C’était son premier commandement dans la Marine royale. La mission qu’on lui confiait exigeait des qualités multiples, qu’on trouvait alors rarement réunies chez un marin. En effet, si l’observation du passage de Vénus était le principal objet du voyage, il n’en était pas le seul, et Cook devait faire une campagne de reconnaissance et de découverte dans l’océan Pacifique. L’humble enfant du Yorkshire ne devait pas se trouver au-dessous de la tâche difficile qu’on lui imposait.
Tandis qu’on procédait à l’armement de l’Endeavour, qu’on choisissait les quatre-vingt-quatre hommes de son équipage, qu’on embarquait ses dix-huit mois de vivres, ses dix canons et ses douze pierriers avec les munitions nécessaires, le capitaine Wallis, qui venait de faire le tour du monde, rentrait en Angleterre. Consulté sur le lieu le plus favorable à l’observation du passage de Vénus, ce navigateur désigna une île qu’il avait découverte, à laquelle il donnait le nom de Georges III, et qu’on sut, depuis, être appelée Tahiti par les indigènes. Ce fut l’endroit fixé à Cook pour faire ses observations.
Avec lui s’embarquèrent Charles Green, assistant du docteur Bradley à l’observatoire de Greenwich, à qui était confiée la partie astronomique, le docteur Solander, médecin suédois, disciple de Linné, professeur au British Museum, chargé de la partie botanique, et enfin sir Joseph Banks, qui cherchait dans les voyages l’emploi de son activité et de son immense fortune. En sortant de l’université d’Oxford, cet homme du monde avait visité les côtes de Terre-Neuve et du Labrador et pris, durant ce voyage, un goût très vif pour la botanique. Il s’adjoignit deux peintres, l’un pour le paysage et la figure, l’autre pour les objets d’histoire naturelle, plus un secrétaire et quatre domestiques, dont deux nègres.
Le 26 août 1768, l’Endeavour quitta Plymouth et relâcha le 13 septembre, à Funchal, dans l’île de Madère, pour y prendre des vivres frais et faire quelques recherches. L’accueil qu’y reçut l’expédition fut des plus empressés. Pendant une visite que fit l’état-major de l’Endeavour à un couvent de religieuses Clarisses, ces pauvres et ignorantes recluses les prièrent sérieusement de leur dire quand il tonnerait et leur demandèrent de leur trouver dans l’enceinte du couvent une source de bonne eau, dont elles avaient besoin. Si instruits qu’ils fussent, Banks, Solander et Cook furent dans l’impossibilité de répondre à ces naïves demandes.
De Madère à Rio de Janeiro, où l’expédition arriva le 13 novembre, aucun incident ne marqua le voyage ; mais l’accueil que Cook reçut des Portugais ne fut pas celui qu’il attendait. Tout le temps de la relâche se passa en altercations avec le vice-roi, homme fort peu instruit et tout à fait hors d’état de comprendre l’importance scientifique de l’expédition. Il ne put cependant se refuser à fournir aux Anglais les vivres frais dont ils manquaient absolument. Toutefois, le 5 décembre, au moment où Cook passait devant le fort Santa-Cruz pour sortir de la baie, on lui tira deux coups de canon à boulet, ce qui lui fit immédiatement jeter l’ancre et demander raison de cette insulte. Le vice-roi répondit que le commandant du fort avait ordre de ne laisser sortir aucun bâtiment sans être prévenu, et que, bien que le vice-roi eût reçu de Cook l’annonce de son départ, c’était par pure négligence qu’on n’avait pas averti le commandant du fort. Était-ce un parti pris extrêmement désobligeant de la part du vice-roi ? Était-ce simplement incurie ? Si ce fonctionnaire était aussi négligent pour tous les détails de son administration, la colonie portugaise devait être bien gouvernée !
Ce fut le 14 janvier 1769, que Cook pénétra dans le détroit de Lemaire.
« La marée était alors si forte, dit Kippis dans sa Vie du capitaine Cook, que l’eau s’élevait jusqu’au-dessus du cap San-Diego, et le vaisseau, poussé avec violence, eut longtemps son beaupré sous les flots. Le lendemain, on jeta l’ancre dans un petit havre, qu’on reconnut pour le port Maurice, et, bientôt après, on alla mouiller dans la baie de Bon-Succès. Pendant que l’Endeavour était mouillé en cet endroit, il arriva une singulière et fâcheuse aventure à MM. Banks et Solander, au docteur Green, à M. Monkhouse, chirurgien du vaisseau, et aux personnes de leur suite. Ils s’étaient acheminés vers une montagne pour y chercher des plantes, ils la gravissaient lorsqu’ils furent surpris par un froid si vif et si imprévu qu’ils furent tous en danger de périr. Le docteur Solander éprouva un engourdissement général. Deux domestiques nègres moururent sur la place ; enfin, ce ne fut qu’au bout de deux jours que ces messieurs purent regagner le vaisseau. Ils se félicitèrent de leur délivrance avec une joie qui ne peut être comprise que par ceux qui ont échappé à semblables dangers, tandis que Cook leur témoignait le plaisir de voir cesser les inquiétudes que lui avait causées leur absence. Cet événement leur donna une preuve de la rigueur du climat. C’était alors le milieu de l’été pour cette partie du monde, et le commencement du jour où le froid les surprit avait été aussi chaud que le mois de mai l’est ordinairement en Angleterre. »
James Cook put faire aussi quelques curieuses observations sur les sauvages habitants de ces terres désolées. Dépourvus de toutes les commodités de l’existence, sans vêtements, sans abri sérieux contre les intempéries presque continuelles de ces climats glacés, sans armes, sans industrie qui leur permette de fabriquer les ustensiles les plus nécessaires, ils mènent une vie misérable, et ne peuvent qu’à grand-peine pourvoir à leur existence. Cependant, de tous les objets d’échange qu’on leur offrit, ce furent ceux qui pouvaient leur être le moins utiles qu’ils préférèrent. Ils acceptèrent avec empressement les bracelets et les colliers, en laissant de côté les haches, les couteaux et les hameçons. Insensibles au bien-être qui nous est si précieux, le superflu était pour eux le nécessaire.
Cook n’eut qu’à s’applaudir d’avoir suivi cette route. En effet, il ne mit que trente jours à doubler la Terre de Feu, depuis l’entrée du détroit de Lemaire, jusqu’à trois degrés au nord de celui de Magellan. Nul doute qu’il lui eût fallu un temps bien plus considérable pour traverser les passes sinueuses du détroit de Magellan. Les très exactes observations astronomiques qu’il fit, de concert avec Green, les instructions qu’il rédigea pour cette navigation dangereuse, ont rendu plus facile la tâche de ses successeurs, et rectifié les cartes de L’Hermite, de Lemaire et de Schouten.
Depuis le 21 janvier, jour où il doubla le cap Horn, jusqu’au 1er mars, sur un espace de six cent soixante lieues de mer, Cook ne remarqua aucun courant sensible. Il découvrit un certain nombre d’îles de l’archipel Dangereux, auxquelles il donna les noms d’îles du Lagon, du Bonnet, de l’Arc, des Groupes, des Oiseaux et de la Chaîne. La plupart étaient habitées, couvertes d’une végétation qui parut luxuriante à des marins habitués depuis trois mois à ne voir que le ciel, l’eau et les rocs glacés de la Terre de Feu. Puis, ce fut l’île Maitea, que Wallis avait appelée Osnabruck, et, le lendemain 11 juin au matin, fut découverte l’île de Tahiti.
Deux jours plus tard, l’Endeavour jeta l’ancre dans le port de Matavaï, appelé par Wallis baie de Port-Royal, et où ce capitaine avait dû lutter contre les indigènes, dont il n’avait, d’ailleurs, pas eu de peine à triompher. Cook, connaissant les incidents qui avaient marqué la relâche de son prédécesseur à Tahiti, voulut à tout prix éviter le retour des mêmes scènes. De plus, il importait à la réussite de ses observations de n’être troublé par aucune inquiétude, ni distrait par aucune préoccupation. Aussi, son premier soin fut-il de lire à son équipage un règlement, qu’il était défendu d’enfreindre sous les peines les plus sévères.
Cook déclara tout d’abord qu’il chercherait, par tous les moyens en son pouvoir, à gagner l’amitié des naturels ; puis, il désigna ceux qui devaient acheter les provisions nécessaires et défendit à qui que ce fût d’entreprendre aucune espèce d’échange sans une permission spéciale. Enfin, les hommes débarqués ne devaient, sous aucun prétexte, s’éloigner de leur poste, et si un ouvrier ou un soldat se laissait enlever son outil ou son arme, non seulement le prix lui en serait retenu sur la paye, mais il serait puni suivant l’exigence des cas.
De plus, pour garantir les observateurs contre toute attaque, Cook résolut de construire une sorte de fort, dans lequel ils seraient renfermés à portée de canon de l’Endeavour. Il descendit donc à terre avec MM. Banks, Solander et Green, trouva bientôt l’endroit favorable et traça immédiatement devant les indigènes l’enceinte du terrain qu’il entendait occuper. Un de ceux-ci, nommé Owhaw, qui avait eu de bons rapports avec Wallis, se montra particulièrement prodigue de démonstrations amicales. Aussitôt que le plan du fort eut été tracé, Cook laissa treize hommes avec un officier pour garder les tentes et s’enfonça avec ses compagnons dans l’intérieur du pays. Des détonations d’armes à feu les rappelèrent presque aussitôt. Un incident très pénible, et dont les conséquences pouvaient être fort graves, venait de se produire.
Un des naturels qui rôdaient autour des tentes avait surpris une sentinelle et s’était emparé de son fusil. Une décharge générale fut aussitôt faite sur la foule inoffensive, mais qui heureusement n’atteignit personne. Toutefois, le voleur, ayant été poursuivi, fut pris et tué.
Il est facile de comprendre l’émotion qui s’ensuivit. Cook dut prodiguer ses protestations pour ramener les indigènes. Il leur paya tout ce dont il avait besoin pour la construction de son fort ; et ne permit pas qu’on touchât à un arbre sans leur autorisation. Enfin, il fit attacher au mât et frapper de coups de garcette le boucher de l’Endeavour, qui avait menacé de mort la femme de l’un des principaux chefs. Ces procédés firent oublier ce qu’avait eu de pénible le premier incident, et, sauf quelques larcins commis par les insulaires, les relations ne cessèrent d’être amicales.
Cependant, le moment d’exécuter le principal objet du voyage approchait. Cook prit aussitôt ses mesures pour mettre à exécution les instructions qu’il avait reçues. À cet effet, il expédia une partie des observateurs avec Joseph Banks à Eimeo, l’une des îles voisines. Quatre autres gagnèrent un endroit commode et assez éloigné du fort, où Cook lui-même se proposait d’attendre le passage de la planète, et qui a gardé le nom de « pointe de Vénus ».
La nuit qui précéda l’observation s’écoula dans la crainte que le temps ne fût pas favorable ; mais, le 3 juin, le soleil se montra dès le matin dans tout son éclat, et pas un nuage ne vint pendant toute la journée gêner les observateurs.
« L’observation fut très fatigante pour les astronomes, dit M. W. de Fonvielle dans un article de La Nature du 28 mars 1874, car elle commença à 9 heures 2l minutes du matin et se termina à 3 heures 10 minutes du soir, à un moment où la chaleur était étouffante. Le thermomètre marquait 120 degrés Fahrenheit. Cook nous avertit, et on le croit facilement, qu’il n’était pas sûr lui-même de la fin de son observation. Dans de pareilles circonstances thermométriques, l’organisme humain, cet admirable instrument, perd toujours de sa puissance. »
En entrant sur le soleil, le bord de Vénus s’allongea comme s’il avait été attiré par l’astre ; il se forma un point noir ou ligament obscur un peu moins noir que le corps de l’astre. Le même phénomène se produisit lors du second contact intérieur.
« En somme, dit Cook, l’observation fut faite avec un égal succès au fort et par les personnes que j’avais envoyées à l’est de l’île. Depuis le lever du soleil jusqu’à son coucher, il n’y eut pas un seul nuage au ciel, et nous observâmes, M. Green, le Dr Solander et moi, tout le passage de Vénus avec la plus grande facilité. Le télescope de M. Green et le mien étaient de la même force, et celui du Dr Solander était plus grand. Nous vîmes tout autour de la planète une atmosphère ou brouillard lumineux qui rendait moins distinct les temps des contacts et surtout des contacts intérieurs, ce qui nous fit différer les uns des autres dans nos observations plus qu’on ne devait l’attendre. »
Tandis que les officiers et les savants étaient occupés de cette observation importante, quelques gens de l’équipage, enfonçant la porte du magasin aux marchandises, volèrent un quintal de clous. C’était là un fait grave, qui pouvait avoir des conséquences désastreuses pour l’expédition. Le marché se trouvait tout d’un coup encombré de cet article d’échange, que les indigènes montraient le plus vif désir de posséder, et il y avait à craindre de voir augmenter leurs exigences. Un des voleurs fut découvert, mais on ne lui trouva que soixante-dix clous et, bien qu’on lui appliquât vingt-quatre coups de verge, il ne voulut pas dénoncer ses complices.
D’autres incidents du même genre se produisirent encore, mais les relations ne furent pas sérieusement troublées. Les officiers purent donc faire quelques promenades dans l’intérieur de l’île, pour se rendre compte des mœurs des habitants et se livrer aux recherches scientifiques.
Ce fut pendant l’une de ces excursions que Joseph Banks rencontra une troupe de musiciens ambulants et d’improvisateurs. Il ne s’aperçut pas sans étonnement que la venue des Anglais et les diverses particularités de leur séjour formaient le sujet des chansons indigènes. Banks remonta assez loin dans l’intérieur la rivière qui se jetait dans la mer à Matavaï, et put distinguer plusieurs traces d’un volcan depuis longtemps éteint. Il planta et distribua aux indigènes un grand nombre de graines potagères, telles que melons d’eau, oranges, limons, etc., et fit tracer près du fort un jardin, où il sema quantité de graines qu’il avait prises à Rio de Janeiro.
Avant de lever l’ancre, Cook et ses principaux collaborateurs voulurent accomplir le périple entier de l’île, à laquelle ils donnèrent une trentaine de lieues de tour. Pendant ce voyage, ils se mirent en relation avec les chefs des différents districts et recueillirent une foule d’observations intéressantes sur les mœurs et les coutumes des naturels.
L’une des plus curieuses consiste à laisser les morts se décomposer à l’air libre et à n’enterrer que les ossements. Le cadavre est placé sous un hangar de quinze pieds de long sur onze de large, avec une hauteur proportionnée ; l’un des bouts est ouvert, et les trois autres côtés sont enfermés par un treillage d’osier. Le plancher sur lequel repose le corps est élevé d’environ cinq pieds au-dessus de terre. Là, le cadavre est étendu enveloppé d’étoffes, avec sa massue et une hache de pierre. Quelques noix de coco, enfilées en chapelet, sont suspendues à l’extrémité ouverte du hangar ; une moitié de noix de coco, placée à l’extérieur, est remplie d’eau douce, et un sac, renfermant quelques morceaux de l’arbre à pain tout grillé, est attaché à un poteau. Cette espèce de monument porte le nom de toupapow. Comment a été introduit cet usage singulier d’élever le mort au-dessus de la terre jusqu’à ce que la chair soit consumée par la putréfaction ? C’est ce qu’il fut impossible de savoir. Cook remarqua seulement que les cimetières, appelés moraï, sont des lieux où les indigènes vont rendre une sorte de culte religieux, et que jamais ceux-ci ne les virent s’en approcher sans inquiétude.
Intérieur d’un moraï d’Otooi.
Un mets qui est considéré comme des plus délicats, c’est le chien. Tous ceux qu’on élève pour la table ne mangent jamais de viande, mais seulement des fruits à pain, des noix de coco, des ignames et autres végétaux. Étendu dans un trou sur des pierres brûlantes, recouvert de feuilles vertes et de pierres chaudes sur lesquelles on rejette la terre, en quatre heures l’animal est cuit à l’étuvée, et Cook, qui en mangea, convient que c’est une chair délicieuse.
Le 7 juillet, on commença les préparatifs du départ. En peu de temps, les portes et les palissades de la forteresse furent démontées, les murailles abattues.
C’est à ce moment qu’un des naturels, qui avaient le plus familièrement reçu les Européens, vint à bord de l’Endeavour avec un jeune garçon de treize ans qui lui servait de domestique. Il avait nom Tupia. Autrefois Premier ministre de la reine Oberea, il était alors un des prêtres principaux de Tahiti. Il demanda à partir pour l’Angleterre. Plusieurs raisons décidèrent Cook à le prendre à bord. Très au courant de tout ce qui regardait Tahiti, par la haute situation qu’il avait occupée, par les fonctions qu’il remplissait encore, cet indigène était en état de donner les renseignements les plus circonstanciés sur ses compatriotes, en même temps qu’il pourrait initier ceux-ci à la civilisation européenne. Enfin, il avait visité les îles voisines et connaissait parfaitement la navigation de ces parages.
Le 13 juillet, il y eut foule à bord de l’Endeavour. Les naturels venaient prendre congé de leurs amis les Anglais et de leur compatriote Tupia. Les uns, pénétrés d’une douleur modeste et silencieuse, versaient des larmes ; les autres semblaient, au contraire, se disputer à qui pousserait les plus grands cris, mais il y avait dans leurs démonstrations moins de véritable douleur que d’affectation.
Dans le voisinage immédiat de Tahiti se trouvaient, au dire de Tupia, quatre îles : Huaheine, Ulietea, Otaha et Bolabola, où il serait facile de se procurer des cochons, des volailles et d’autres rafraîchissements qui avaient un peu fait défaut pendant la dernière partie du séjour à Matavaï. Cependant, Cook préférait visiter une petite île appelée Tethuroa, placée à huit lieues dans le nord de Tahiti ; mais les indigènes n’y avaient pas d’établissement fixe. Aussi jugea-t-on inutile de s’y arrêter.
Lorsqu’on fut en vue d’Huaheine, des pirogues s’approchèrent de l’Endeavour, et ce fut seulement après avoir vu Tupia que les naturels consentirent à monter à bord. Le roi Orée, qui se trouvait au nombre des passagers, fut frappé de surprise à la vue de tout ce que contenait le vaisseau. Bientôt calmé par l’accueil amical des Anglais, il se familiarisa au point de vouloir changer de nom avec Cook ; pendant tout le temps de la relâche, il ne s’appela que Cookée et ne désignait le commandant que sous son propre nom. L’ancre tomba dans un beau havre, et l’état-major débarqua aussitôt. Mêmes mœurs, même langage, mêmes productions qu’à Tahiti.
À sept ou huit lieues dans le sud-ouest, se trouve Ulietea. Cook y descendit également, et prit solennellement possession de cette île et de ses trois voisines. En même temps, il mit à profit son séjour en procédant au relevé hydrographique des côtes, pendant qu’on aveuglait une voie d’eau qui s’était déclarée sous la sainte-barbe de l’Endeavour. Puis, après avoir reconnu quelques autres petites îles, il donna au groupe tout entier le nom d’îles de la Société.
Cook remit à la voile le 7 août. Six jours plus tard, il reconnaissait l’île d’Oteroah. Les dispositions hostiles des habitants empêchèrent l’Endeavour de s’y arrêter, et il fit voile au sud.
Le 25 août, fut célébré par l’équipage l’anniversaire de son départ d’Angleterre. Le 1er septembre, par 40° 22’ de latitude sud et 174° 29’ de longitude occidentale, la mer, que soulevait un violent vent d’ouest, devint très forte ; l’Endeavour fut obligé de mettre le cap au nord et de fuir devant la tempête. Jusqu’au 3, le temps fut le même, puis il se rétablit, et il fut possible de reprendre la route de l’ouest.
Pendant les derniers jours du mois, différents indices, pièces de bois, paquets d’herbes flottantes, oiseaux de terre, annoncèrent le voisinage d’une île ou d’un continent. Le 5 octobre, l’eau changea de couleur, et, le 6 au matin, on aperçut une grande côte qui courait à l’ouest quart nord-ouest. À mesure qu’on s’en approchait, elle paraissait plus considérable. De l’avis unanime, ce fameux continent, depuis si longtemps cherché et déclaré nécessaire pour faire contrepoids au reste du monde, d’après les cosmographes, la Terra Australis incognita, était enfin découverte. C’était la côte orientale de la plus septentrionale des deux îles qui ont reçu le nom de Nouvelle-Zélande.
On ne tarda pas à apercevoir de la fumée qui s’élevait de différents points du rivage, dont on discerna bientôt tous les détails. Les collines étaient couvertes de bois, et, dans les vallées, on distinguait de très gros arbres. Ensuite apparurent des maisons petites, mais propres, des pirogues, puis des naturels, assemblés sur la grève. Enfin, sur une petite éminence, on aperçut une palissade haute et régulière qui enfermait tout le sommet de la colline. Les uns voulurent y voir un parc à daims, les autres un enclos à bestiaux, sans compter nombre de suppositions aussi ingénieuses, mais qui toutes furent reconnues fausses, lorsqu’on sût plus tard ce qu’était un i-pah.
Le 8, vers les quatre heures de l’après-midi, l’ancre fut jetée dans une baie à l’embouchure d’une petite rivière. De chaque côté, de hautes roches blanches ; au milieu, un sol brun qui se relevait par degrés et paraissait, par une succession de croupes étagées, rejoindre une grande chaîne de montagnes, qui semblait fort loin dans l’intérieur ; tel était l’aspect de cette partie de la côte.
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