Liberté d'expression et diffamation - Tarlach McGonagle - E-Book

Liberté d'expression et diffamation E-Book

Tarlach McGonagle

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Beschreibung

Où se trouve la limite entre liberté d’expression et diffamation ? La liberté d’expression est une liberté fondamentale, un des piliers de la démocratie en Europe, consacrée par plusieurs textes fondamentaux, dont la Convention européenne des droits de l’homme. Mais les frontières entre libre critique et atteinte à l’honneur ou à la réputation ne sont pas toujours bien nettes. En définissant l’injure publique et la diffamation, la loi peut encadrer la liberté d’expression, qui n’est donc ni totale, ni illimitée. Mais jusqu’où peut-elle aller ? Cette étude examine en détail la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme sur la diffamation. Elle présente un éventail de questions de droit matériel et procédural que la Cour a examiné, et précise la notion de diffamation en la replaçant dans le contexte de la liberté d’expression et du débat public. Elle explique comment les lois assurant une protection trop stricte contre la diffamation peuvent avoir un effet dissuasif sur la liberté d’expression et le débat public, et s’arrête sur la proportionnalité des lois anti-diffamation et leur application.

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LIBERTÉ D’EXPRESSION ET DIFFAMATIONÉtude de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme

Tarlach McGonagle En collaboration avec Marie McGonagleet Ronan Ó Fathaigh Sous la direction d’Onur Andreotti

Conseil de l’EuropeFacebook.com/CouncilOfEuropePublications

Remerciements

Les auteurs remercient Onur Andreotti, de la Division médias et internet du Conseil de l’Europe, pour ses précieux commentaires sur de précédentes versions de la présente étude. Ils remercient également Patrick Leerssen et Rachel Wouda, tous deux anciens stagiaires à l’IViR (Institute for Information Law), pour leur appui en tant qu’assistants de recherche.

Résumé

La présente étude examine la volumineuse jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (la Cour) relative à la liberté d’expression et à la diffamation. Elle commence par clarifier la notion de diffamation puis la positionne par rapport à la liberté d’expression et au débat public, en expliquant l’effet dissuasif que peuvent avoir sur ces derniers des lois en matière de diffamation trop protectrices de la réputation, prévoyant des mesures réparatrices ou des sanctions de grande portée ; d’où l’importance, pour la prévention d’un tel effet, du principe de proportionnalité dans les lois relatives à la diffamation et leur mise en œuvre.

L’importance du débat public dans une société démocratique et la nécessité de l’encourager sont des constantes dans la jurisprudence de la Cour relative à l’article 10 (liberté d’expression) de la Convention européenne des droits de l’homme. Aussi, la Cour porte-t-elle un regard critique sur toute ingérence dans le droit à la liberté d’expression susceptible d’avoir un effet dissuasif sur l’exercice de ce droit ou sur le débat public. Elle traite avec une circonspection particulière les ingérences dans le droit à la liberté d’expression des journalistes, des médias et autres acteurs contribuant au débat public, eu égard à leur rôle important de sentinelle publique ou sociale et de pourvoyeurs d’informations et d’idées.

Dans ce contexte, la Cour a posé plusieurs principes qui facilitent l’exercice, par les journalistes et les médias (en particulier), mais également les organisations non gouvernementales (ONG), les individus et les intermédiaires en ligne, des fonctions démocratiques qui sont les leurs. Ces principes comprennent la liberté éditoriale et la possibilité de recourir à l’exagération et à la provocation, mais ne leur donnent pas non plus carte blanche pour agir à leur guise : l’exercice de leur droit à la liberté d’expression comporte des devoirs et des responsabilités qui sont à la fois de nature générale et adaptés aux caractéristiques et exigences spécifiques de leur mission. La présente étude se penche sur la façon dont la Cour a défini ces principes fonctionnellement pertinents pour les médias et tous ceux qui contribuent au débat public, ainsi que les devoirs et les responsabilités dont ils découlent. L’interaction permanente entre liberté d’expression et protection de la réputation a par exemple conduit à l’établissement d’une série de précautions et de mises en garde, comme la distinction entre faits et jugements de valeur (très importante dans les procédures en diffamation, les seconds ne se prêtant pas à une démonstration de leur exactitude) ou à souligner certains points concernant la vérification de l’exactitude des informations avant leur publication. Étant donnée l’importance de la libre discussion de questions d’intérêt général, le fait qu’une personne visée par les déclarations réputées diffamatoires soit ou non un personnage public est également une considération primordiale.

Outre l’examen détaillé de la jurisprudence de la Cour relative à la diffamation, la présente étude s’intéresse globalement à la manière dont la Cour a appliqué ces principes dans la pratique, et notamment aux questions de fond et de procédure qu’elle a été amenée à examiner dans ce domaine. Les premières incluent la portée de (la législation sur) la diffamation, son application aux différents sujets, la responsabilité des acteurs concernés et les moyens de défense disponibles. Les secondes englobent les garanties procédurales, les mesures et sanctions civiles réparatrices ainsi que les sanctions pénales.

Bien que tout type d’ingérence dans le droit à la liberté d’expression puisse avoir un effet dissuasif, il est de jurisprudence constante de la Cour que les restrictions préalables et les sanctions pénales ont immanquablement un tel effet sur la liberté d’expression et le débat public ; par conséquent, s’il en est fait usage, cela doit être avec la plus grande retenue. Un examen de la nécessité et de la proportionnalité d’une telle ingérence, eu égard à la contribution au débat public de l’expression litigieuse, est donc essentiel. Les éléments qui entrent en ligne de compte de ce point de vue, régis par le principe de proportionnalité et la liberté d’expression, sont « la position du requérant, la position de la personne visée par ses critiques, le thème de la publication, la qualification des propos litigieux par les juridictions internes, les termes employés par le requérant et la sanction qui lui a été imposée »[1].

Il est également de jurisprudence constante que la nature et la lourdeur des sanctions revêtent une importance particulière pour mesurer la proportionnalité d’une ingérence dans le droit à la liberté d’expression. La Cour estime que les condamnations pénales ont par définition un effet dissuasif sur la liberté d’expression et conclut très souvent, en fonction des circonstances de l’espèce, que des amendes même « modérées » ou des peines d’emprisonnement avec sursis constituent des ingérences disproportionnées et emportent violation du droit à la liberté d’expression.

Introduction

CONTEXTE

La présente étude fait suite aux précédents travaux de la Division médias et internet du Conseil de l’Europe sur la relation entre le droit à la liberté d’expression et la diffamation.

En 2012, le Secrétariat du Comité directeur sur les médias et la société de l’information (CDMSI) a préparé une « Étude sur l’harmonisation des législations et pratiques relatives à la diffamation avec la jurisprudence pertinente de la Cour européenne des droits de l’homme en matière de liberté d’expression, notamment sous l’angle du principe de la proportionnalité »[2]. Cette étude était elle-même une version actualisée et révisée du document de travail préparé par l’organe prédécesseur du CDMSI, le Comité directeur sur les médias et les nouveaux services de communication (CDMC), qui avait été publié le 15 mars 2006[3].

Le document de 2012 étudie notamment la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (« la Cour ») relative à la liberté d’expression dans les affaires de diffamation et passe en revue les normes du Conseil de l’Europe et autres normes internationales en vigueur en matière de diffamation. Il contient des informations sur les dispositions juridiques applicables à la diffamation dans les différents États membres du Conseil de l’Europe et entreprend de dégager les grandes tendances de l’évolution de la réglementation sur la diffamation, à la fois dans les systèmes juridiques nationaux et en droit international.

STRUCTURE ET QUESTIONS ÉTUDIÉES

La présente étude examine la volumineuse jurisprudence de la Cour relative à la liberté d’expression et à la diffamation, mais ne traite pas des autres thèmes abordés dans l’étude de 2012. Ce recadrage permet de procéder à une étude beaucoup plus détaillée de la jurisprudence de la Cour que celle qui avait alors été réalisée. La structure de l’étude a également été modifiée pour ordonner la masse d’informations plus importante, mais elle reste dans la lignée de celle de 2012, le principe de proportionnalité demeurant l’un de ses axes principaux. Elle s’appuie également, dans certains cas, sur le texte original de l’étude de 2012.

Le présent rapport commence par clarifier la notion de diffamation puis la positionne par rapport à la liberté d’expression et au débat public, en expliquant l’effet dissuasif que peuvent avoir sur eux des lois en matière de diffamation trop protectrices de la réputation, prévoyant des mesures de réparation ou des sanctions de grande portée ; d’où l’importance, pour la prévention d’un tel effet, du principe de proportionnalité dans les lois sur la diffamation et leur mise en œuvre.

L’étude recense ensuite les grands principes à la base de ce rapport et examine la façon dont la Cour les a appliqués dans sa jurisprudence relative à la diffamation. Elle s’intéresse notamment aux questions de fond et de procédure que la Cour a été amenée à examiner dans ce domaine. Les premières incluent la portée de la législation sur la diffamation, son application à différents sujets, la responsabilité de divers acteurs concernés et les moyens de défense disponibles. Les secondes englobent les garanties procédurales, les mesures et sanctions civiles réparatrices ainsi que les sanctions pénales.

La vaste jurisprudence de la Cour sur la liberté d’expression et la diffamation continuant de croître, tant en volume qu’en complexité[4], le but premier de la présente étude est d’en fournir une analyse détaillée mais accessible.

Chapitre 1Définition et positionnement de la notion de diffamation

1.1. LIBERTÉ D’EXPRESSION

L’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) est la pierre angulaire du système du Conseil de l’Europe en matière de protection du droit à la liberté d’expression. Il stipule ce qui suit :

« 1. Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n’empêche pas les États de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d’autorisations.

2. L’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire. »

L’article 10, paragraphe 1, présente le droit à la liberté d’expression comme un droit mixte à trois composantes distinctes : la liberté d’opinion, la liberté de recevoir des informations ou des idées et la liberté d’en communiquer. Il prévoit également la possibilité pour les États de réguler les médias audiovisuels au moyen d’un régime de licence.

Le paragraphe 2 de l’article 10 a pour objet de délimiter le champ d’application du droit fondamental énoncé au paragraphe 1. Il énumère un certain nombre de motifs pour lesquels ce droit peut légitimement faire l’objet de restrictions, à condition que ces dernières soient prévues par la loi et nécessaires dans une société démocratique. Il justifie cette approche en reliant la légitimité des restrictions posées au droit à la liberté d’expression avec les devoirs et responsabilités qu’assume toute personne qui exerce ce droit, devoirs et responsabilités dont l’étendue varie en fonction de la situation de cette personne et du procédé technique utilisé[5]. De manière générale, la Cour n’examine pas la nature et l’étendue de ces devoirs et responsabilités selon de grands principes, mais au cas par cas. Elle les différencie quelquefois par secteurs professionnels (journalisme, politique, éducation et armée, par exemple). La pertinence de ces distinctions du point de vue du débat public sera examinée à la section 1.3 ci-dessous.

L’article 10, tel qu’interprété par la Cour, assure une protection solide du droit à la liberté d’expression, que la Cour considère dans sa jurisprudence comme « l’un des fondements essentiels d’une société démocratique et l’une des conditions primordiales de son progrès et de l’épanouissement de chacun »[6]. Comme la Cour l’a affirmé dans son arrêt fondateur Handyside c. Royaume-Uni, la liberté d’expression « vaut non seulement pour les informations ou idées accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent l’État ou une fraction quelconque de la population. Ainsi le veulent le pluralisme, la tolérance et l’esprit d’ouverture sans lesquels il n’est pas de société démocratique » (paragraphe 49). Ce principe crée les conditions nécessaires pour un débat public vigoureux et pluraliste dans une société démocratique. Les rapports entre débat vigoureux et protection de la réputation seront examinés à la section 1.3 ci-après : comme l’a noté la Cour, « dans ce domaine, l’invective politique déborde souvent sur le plan personnel : ce sont là les aléas du jeu politique et du libre débat d’idées, garants d’une société démocratique »[7].

La Cour européenne des droits de l’homme a élaboré un « test » standard pour déterminer s’il y a eu violation de l’article 10 de la CEDH. Pour présenter les choses simplement, disons que toute ingérence dans le droit à la liberté d’expression qui a été établie doit remplir trois critères pour être justifiée : en premier lieu, elle doit être prévue par la loi (c’est-à-dire qu’elle doit être accessible et ses conséquences raisonnablement prévisibles). Ensuite, elle doit poursuivre un but légitime, c’est-à-dire correspondre à l’un des objectifs énoncés à l’article 10, paragraphe 2. La présente étude s’intéressera particulièrement à celui de la « protection de la réputation ou des droits d’autrui ». Enfin, l’ingérence doit être nécessaire dans une société démocratique, c’est-à-dire correspondre à un « besoin social impérieux » et être proportionnée au(x) but(s) légitime(s) poursuivi(s).

Selon la doctrine de la marge d’appréciation, qui tient compte de la manière dont la CEDH est interprétée au niveau national, les États jouissent d’une certaine marge d’appréciation quant à la manière dont ils réglementent l’expression[8]. L’étendue de cette marge, qui est soumise au contrôle de la Cour, varie en fonction de la nature de l’expression en question : elle est étroite en ce qui concerne l’expression politique mais plus large s’agissant de la morale et de la religion. Cette dichotomie s’explique le plus souvent par la reconnaissance de longue date de l’importance de l’expression politique au sens large dans une démocratie et par l’absence de consensus européen sur l’opportunité ou la manière de régir ces questions. Dans l’exercice de son pouvoir de contrôle, la Cour européenne des droits de l’homme ne se substitue pas aux autorités nationales mais vérifie sous l’angle de l’article 10 de la CEDH les décisions qu’elles ont rendues en vertu de leur pouvoir d’appréciation. Elle considère l’ingérence litigieuse à la lumière de l’ensemble de l’affaire et détermine si les motifs invoqués par les autorités nationales pour justifier la restriction et la manière dont celle-ci a été mise en œuvre apparaissent « pertinents et suffisants » dans le contexte de l’interprétation de la Convention. La Cour doit « se convaincre que les autorités nationales ont appliqué des règles conformes aux principes consacrés par l’article 10, et ce, de surcroît, en se fondant sur une appréciation acceptable des faits pertinents »[9].

Lorsqu’elle examine les circonstances particulières d’un cas, la Cour prend en considération les éléments suivants : « la position du requérant, la position de la personne visée par ses critiques, le thème de la publication, la qualification des propos litigieux par les juridictions internes, les termes employés par le requérant et la sanction qui lui a été imposée »[10]. Tous seront examinés ci-après. Enfin, il convient de noter que « la marge d’appréciation nationale se trouve circonscrite par l’intérêt d’une société démocratique à permettre à la presse de jouer son rôle indispensable de “chien de garde” »[11], une considération qui revêt « un poids important » dans l’exercice de mise en balance[12].

Outre la doctrine de la marge d’appréciation, trois autres principes d’interprétation adoptés par la Cour revêtent une importance particulière s’agissant du droit à la liberté d’expression : la doctrine des droits concrets et effectifs, la doctrine de l’instrument vivant et la doctrine des obligations positives. Aux termes de la première doctrine, tous les droits garantis par la CEDH doivent être « concrets et effectifs », et non simplement « théoriques ou illusoires »[13]. Conformément à la deuxième doctrine[14], la CEDH est considérée comme un « instrument vivant » qui doit être « interprété à la lumière des conditions actuelles »[15]. Ce principe permet de faire en sorte que la Convention évolue avec le temps et d’éviter qu’elle ne devienne statique ou dépassée. Enfin, selon la doctrine des obligations positives, il ne suffit pas toujours que l’État s’abstienne de toute ingérence dans les droits garantis par la Convention : bien souvent, une action positive (ou « affirmative ») sera également requise de sa part. En conséquence, malgré la tendance à une formulation négative des obligations des États, l’exercice concret et effectif de ces droits peut nécessiter l’adoption de mesures positives « jusque dans les relations des individus entre eux »[16].

1.2. DÉFINITIONS, BUTS, DÉLIMITATION, DISTINCTIONS ET EXERCICE DE MISE EN BALANCE

1.2.1. Définitions

La notion de diffamation n’a été définie ni dans le texte de la CEDH ni par la Cour. Elle se prête davantage à un exercice de définition par les États eux-mêmes dans leur législation interne bien que tous ne l’aient pas fait. La diffamation est essentiellement une faute en responsabilité civile (un tort ou un acte délictuel) commis par un individu contre un ou plusieurs autres, y compris dans certains cas contre une personne morale. La nature de la faute consiste en une atteinte à la (bonne) réputation ou renommée. La réputation n’est pas l’estime qu’une personne a d’elle-même mais la considération que les tiers lui portent. L’acte de diffamation consiste donc à faire à propos d’une personne une déclaration fausse ou mensongère qui tend à nuire à sa réputation aux yeux des autres membres de la société. Cette déclaration peut être une allégation, une assertion, une attaque verbale ou tout autre type de discours ou d’action. Elle peut être formulée à l’oral ou à l’écrit, sous la forme d’images, de sons, de gestes ou de tout autre moyen d’expression, et peut être diffusée à la radio ou à la télévision, ou publiée sur internet ; il peut également s’agir d’une communication électronique.

Au cœur de la diffamation se trouve donc l’atteinte à la réputation[17]. Au sens précité, une « déclaration » peut, dès lors qu’elle est véridique, être percutante ou durement critique, sans pour autant relever de la diffamation, car une personne ne peut prétendre qu’à une réputation fondée sur la vérité. Elle ne sera diffamatoire que s’il s’agit d’une déclaration factuelle fausse ou erronée concernant une autre personne, car seules de telles allégations nuiront à la réputation dont une personne mérite de bénéficier auprès de ses pairs ou au sein de la société. Dans certains cas limités, un commentaire que les faits ne permettent pas d’appuyer ou qui se révèle excessif compte tenu des faits peut également relever de la diffamation. La Cour a démêlé ces questions dans l’arrêt Reznik c. Russie qui concernait une action en diffamation exercée contre le bâtonnier du barreau de Moscou :

« […] pour qu’une ingérence dans le droit à la liberté d’expression soit proportionnée au but légitime de la protection de la réputation d’autrui, il doit exister un lien objectif entre la déclaration litigieuse et la personne qui engage une action en diffamation. Une simple conjecture ou perception subjective du caractère diffamatoire d’une publication ne suffit pas pour établir que la personne en question a été directement touchée par celle-ci. Il faut qu’un élément, dans les circonstances de l’espèce, donne au lecteur ordinaire l’impression que la déclaration a directement terni la réputation du requérant ou que ce dernier était visé par la critique en question. Ces principes s’appliquent également dans le domaine de la radio- et de la télédiffusion […] » (traduction non officielle) (paragraphe 45).

La diffamation ne concerne généralement que la réputation personnelle ou individuelle, mais les lois sur la diffamation peuvent également couvrir les déclarations visant des personnes morales, c’est-à-dire des entités comme les sociétés qui, du fait de leur statut juridique, peuvent poursuivre en justice et être poursuivies. Dans certains cas aussi, un petit groupe de personnes, comme le conseil d’administration d’une société ou d’une organisation, peut également engager une action en diffamation lorsque la cible est le groupe mais que ses membres, même s’ils ne sont pas expressément nommés, sont identifiables par des personnes qui les connaissent ou, plus largement, par une « personne raisonnable ». Cela a été le cas dans l’affaire Ruokanen et autres c. Finlande