Miroirs - Manuel pour combattre l’antitsiganisme par l’éducation aux droits de l’homme - Ellie Keen - E-Book

Miroirs - Manuel pour combattre l’antitsiganisme par l’éducation aux droits de l’homme E-Book

Ellie Keen

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Beschreibung

Chaque jour, en Europe, des personnes associées aux communautés des Roms ou des Gens du voyage sont exposées à la discrimination et à l’exclusion. Ce phénomène a une telle ampleur qu’il a cessé d’émouvoir les citoyens et les institutions. Trop souvent, c’est seulement quand il y a eu mort d’homme que nous prenons conscience de la persistance de réalités qui n’ont pas place dans une société démocratique.

L’antitsiganisme est un terme employé pour désigner les multiples formes de partis pris, de préjugés et de stéréotypes qui motivent le comportement discriminatoire quotidien des institutions et de nombreuses personnes à l’égard des Roms. L’antitsiganisme est une forme de discrimination raciale. La plupart des actes d’antitsiganisme sont illégaux et contraires aux droits de l’homme, même si ces actes ne donnent pas lieu à des poursuites judiciaires, et même s’ils sont répandus et souvent ignorés ou tolérés. L’antitsiganisme ronge le tissu moral des sociétés. Démocratie et droits de l’homme ne peuvent prendre racine là où la discrimination est institutionnalisée, tolérée ou opportunément ignorée.

L’éducation joue un rôle central pour combattre et surmonter l’antitsiganisme, car le fruit de siècles de préjugés ne peut être extirpé par la seule voie du droit et des tribunaux. L’éducation aux droits de l’homme – apprendre pour, par et sur les droits de l’homme – off re une approche idéale pour sensibiliser à l’antitsiganisme et pour promouvoir une culture des droits de l’homme universels.

Publié par le Conseil de l’Europe dans le cadre de son Plan d’action pour la jeunesse rom, ce manuel fournit aux enseignants, aux formateurs et aux animateurs d’éducation non formelle les informations et les outils méthodologiques indispensables pour aborder le problème de l’antitsiganisme avec des jeunes de tous âges et de tous milieux socioculturels. Il convient tout autant pour travailler avec des groupes roms qu’avec des groupes non roms ou mixtes.

Lutter contre l’antitsiganisme est l’affaire de tous ; en découvrir les différents aspects est un point de départ nécessaire.

En tant qu’êtres humains, nous avons la capacité de voir autrui à travers le prisme de la discrimination et des préjugés. Heureusement, nous sommes aussi capables d’apprendre et de changer. « Miroirs » est un outil précieux pour nous aider à ouvrir les yeux, à corriger les idées fausses et à nous reconnaître dans le regard des autres.

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Miroirs

Manuel pour combattre l’antitsiganismepar l’éducation aux droits de l’homme

 

rédigé par Ellie Keen

www.coe.int/youth/romaFacebook.com/CouncilOfEuropePublications

Remerciements

Nous tenons à adresser nos remerciements à tous ceux et celles qui ont apporté leur contribution à cette publication, que ce soit par leurs suggestions ou leurs observations, notamment :

1 Les participants à la réunion de consultation tenue à Budapest en juillet 2013, pour leur précieuse contribution à faire de ce manuel un outil très utile pour les éducateurs et les organisations de jeunesse: Marietta Herfort (ternYpe, Réseau international des jeunes Roms), Ramon Flores (Forum des jeunes Roms européens), Ionut Stan (Secours Catholique et Gypsy Eye), Sandra Heredia Fernandez (FAKALI), Alexandra Raykova (Programme ROMED, Conseil de l’Europe), Simona Mursec (Conseil consultatif pour la jeunesse, Conseil de l’Europe), Orhan Usein (Conseil consultatif pour la jeunesse, Conseil de l’Europe), Anca Sandescu (Centre européen pour les droits des Roms), Robert Rustem (Forum européen des Roms et des Gens du voyage).

2 Les éducateurs et les éducatrices qui ont testé les activités proposées dans le manuel et les jeunes : Chiara Cipriani et Simona Vannini (Istituto Comprensivo « Via Mascagi », Rome, Italie), Raquel Santos Pérez, Patro Alba Lara, Isabel Menguiano Romero, Cándida Álvarez Guerrero et Pedro Manuel Sánchez Sánchez (Union Romano, Espagne), Theofano Papakonstantinou (X-Roma, Grèce), Ionut Stan (Secours Catholique et Gypsy Eye), Laszlo Milutinovits (Diagonál Magyarország Ifjúságsegítők Országos Szervezete, Hongrie) et Dijana Uljarević (Forum MNE, Monténégro).

3 Markus End et Angela Kocze pour leur participation à la première réunion éditoriale consacrée à cette publication.

4 Valeriu Nicolae, pour sa contribution au chapitre spécifique sur l’antitsiganisme.

5 Laura de Witte, pour sa contribution à la conception des activités proposées dans cette publication.

6 Denis Durmis, Rui Gomes et Mara Georgescu (Service de la Jeunesse, Conseil de l’Europe) pour leur contribution à la coordination de la publication et du projet.

Nous nous sommes efforcés autant que possible de citer les sources des textes et les auteurs des activités que nous présentons dans ce manuel. Nous vous prions de bien vouloir excuser toute omission éventuelle, à laquelle nous ne manquerons pas de remédier dans la prochaine édition.

Préface

La discrimination, l’humiliation et la haine sont le lot quotidien des Roms d’Europe. Cette situation n’est pas seulement un affront à nos valeurs : elle est aussi contraire au droit, et notamment à la Convention européenne des droits de l’homme.

Il n’empêche que dans de nombreuses communautés, l’antitsiganisme s’est banalisé. Le problème se trouve aggravé par des déclarations irresponsables émanant de personnalités publiques et par de grossiers stéréotypes véhiculés dans les médias. Ne nous méprenons pas : il s’agit bel et bien de racisme – et pourtant, dans de trop nombreux cas, rien ne vient s’y opposer.

Aussi devons-nous user de tous les moyens à notre disposition pour combattre cette intolérance. A maintes reprises, la Cour européenne des droits de l’homme du Conseil de l’Europe a sanctionné l’antitsiganisme sous toutes ses formes, et les 47 Etats membres de l’Organisation ont tous clairement l’obligation de réprimer et de prévenir la discrimination. Reste que, si des lois sont nécessaires, elles ne peuvent à elles seules venir à bout de préjugés profondément enracinés. Il nous faut aussi engager une mutation culturelle radicale : changer les comportements et promouvoir la tolérance depuis la base jusqu’au sommet de la société.

A cette fin, le Conseil de l’Europe encourage et soutient les jeunes Roms dans leurs efforts pour s’attaquer aux nombreux mythes entourant le mode de vie de leurs communautés et pour réaffirmer, au contraire, leur identité positive. Ce manuel – qui s’inscrit dans le Plan d’action du Conseil de l’Europe pour la jeunesse rom – aidera les éducateurs, les organisations de jeunesse et les individus à combattre l’antitsiganisme et à mieux sensibiliser aux droits de tous à vivre à l’abri de la discrimination. Il aidera les jeunes – Roms et non-Roms – à identifier, à traquer et à dénoncer les préjugés. Il vise également à développer empathie et solidarité parmi ceux qui entendent agir pour mettre fin à l’antitsiganisme – un mouvement dans lequel chacun d’entre nous porte une responsabilité.

J’espère qu’un grand nombre d’éducateurs et d’organisations de jeunesse utiliseront ce manuel pour propager ce simple message : les Roms sont chez eux en Europe ; pas l’antitsiganisme.

Thorbjørn Jagland Secrétaire général du Conseil de l’Europe

Note terminologique

Dans l’ensemble de cette publication, le terme « Roms » désigne les Roms, les Sintés (Manouches), les Kalés (Gitans) et les groupes de population apparentés en Europe, dont les Voyageurs et les branches orientales (Doms, Loms) ; il englobe la grande diversité des groupes concernés, y compris les personnes qui s’auto-identifient comme « Tsiganes » et celles que l’on désigne comme « Gens du voyage ».

Le terme « Rom » est aussi employé pour désigner une personne d’origine rom.

1 Introduction

Pour les Tsiganes, l’âge de la responsabilité pénale devrait être le moment de la naissance car être nés est, de fait, leur plus grand crime.

Miroslav Sladek, homme politique, Parti républicain tchèque

La différence entre les Tsiganes et le bétail, c’est que le bétail est soumis au contrôle vétérinaire. Les animaux d’élevage ne peuvent pas se conduire comme des Tsiganes, mais l’inverse est permis. Les droits et les libertés des bovins subissent de graves pressions depuis des années, mais pendant ce temps, la femme tsigane a encore accouché de jumeaux et ça ne l’empêche pas de rester aussi têtue qu’une vache.

Kalin Rumenov, journaliste bulgare primé

J’adore la viande rôtie à la manière tsigane, mais je préfèrerais plus de viande et moins de Tsiganes.

Jan Slota, Parti national slovaque

Une grande partie des Roms est inapte à la coexistence. Ils ne savent pas vivre parmi les gens…. Ces animaux ne devraient pas avoir le droit d’exister. Sous quelle que forme que ce soit. Il faut trouver une solution… Immédiatement et peu importe la méthode.

Zsolt Bayer, cofondateur du Parti Fidesz, Hongrie

Les habitants sont prêts à mettre le feu aux maisons des Tsiganes… Et moi à prendre en main l’opération.

Sergei Krivnyuk, conseiller municipal russe

Les Tsiganes se groupent autour de délinquants bien connus… Il y a des Tsiganes nés délinquants qui ne savent rien faire d’autre que commettre des actes criminels.

Général Mircea Bot, chef de la police de Bucarest

Imaginez que les déclarations ci-dessus soient faites à propos d’un autre groupe de personnes – par exemple, des Africains, des Asiatiques ou des Juifs. Elles ne seraient sans doute pas tolérées dans la société actuelle. Pourtant, avec la population rom, des personnalités publiques, y compris des journalistes, des responsables politiques et des policiers respectés, peuvent se permettre de telles assertions sans même être interpellés.

Ces déclarations sont injurieuses, fondées sur des idées fausses, et elles sont presque certainement illégales au regard du droit international. Elles sont aussi racistes. Alors, pourquoi de telles convictions sont-elles tolérées ? A vrai dire, comment se fait-il qu’elles existent ?

Ce manuel aborde le problème du racisme à l’égard des Roms. Le problème est tellement bien reconnu et tellement répandu qu’il porte même un nom : antitsiganisme.

Aborder ce problème est une absolue nécessité. Les Roms constituent la minorité la plus défavorisée et la plus malmenée à travers l’Europe et, depuis quelques années, l’antitsiganisme ne cesse de progresser. Il devient de plus en plus « acceptable » de dénigrer les Roms et de les rendre responsables de divers fléaux sociaux.

Les extrémistes peuvent avoir le sentiment que leurs attaques sont légitimes lorsque les actions du gouvernement dans d’autres domaines semblent aussi envoyer le message que les Roms sont un problème.

Gay McDougall, expert indépendant auprès des Nations Unies sur les questions relatives aux minorités

Le tort et la souffrance infligés aux Roms, tant aux individus qu’à la communauté dans son ensemble, sont difficiles à quantifier. Ils sont souvent directs et immédiats ; par exemple, lorsqu’un enfant est harcelé par des pairs et par des enseignants du seul fait qu’il est rom. Mais le tort va bien au-delà de l’instant immédiat et bien au-delà des individus victimes ou maltraités. L’antitsiganisme transparaît aussi dans la relation qu’entretient la société en général avec les Roms, notamment à travers les lois et les politiques qui façonnent nos possibilités ou sont censées nous offrir une protection lorsque nos droits sont menacés.

Il est difficile pour des jeunes qui grandissent dans un tel climat de voir au-delà des préjugés généralisés, ou de savoir comment contribuer à faire de leur société un espace où tous les individus sont traités équitablement, dans le respect des droits de l’homme. Ce manuel procède de notre conviction que les programmes éducatifs doivent commencer à prendre en compte un problème commun à tous les pays européens. Par l’éducation, il faut aider les jeunes à voir au-delà des préjugés et à défendre les droits du peuple rom.

N’oublions jamais que ces droits sont des droits de l’homme. La communauté rom n’a pas de droits « spéciaux », mais doit jouir des droits accordés à toute autre communauté. Ce manuel inscrit les problèmes du racisme, de l’antitsiganisme et de la romaphobie dans le cadre des droits de l’homme. Quel que soit le terme employé, ces attitudes sont contraires à l’esprit et à la lettre des accords approuvés par le monde entier en matière de droits de l’homme.

Personne ne souhaiterait pour soi le genre d’attitudes et de comportements auxquels les Roms se trouvent couramment confrontés. Personne ne le tolérerait pour son propre enfant. Nous devons veiller à ce que les « enfants » de l’Europe – tant roms que non roms – ne grandissent pas en pensant que ce genre de comportements est normal, ou acceptable. Ce manuel est une contribution à cet objectif.

Condamner tout un peuple en le réduisant à un groupe de voleurs et de bandits est en soi un acte criminel et une violation de la Convention de Genève et des règles de l’Union européenne relatives aux citoyens européens ; à savoir que tout être humain a le droit d’être traité équitablement et jugé selon ses propres mérites.

Hans Calderas, artiste et militant rom

Plan d’action pour la jeunesse rom (Conseil de l’Europe) et lutte contre l’antitsiganisme

Cette publication a été élaborée dans le cadre du Plan d’action pour la jeunesse rom, lancé par le Conseil de l’Europe en 2011 en réponse aux difficultés rencontrées par les jeunes Roms en Europe, en particulier quant à leur participation et aux multiples réalités de la discrimination qu’ils subissent. Le Plan d’action pour la jeunesse rom englobe des activités du Service de la Jeunesse et d’autres secteurs du Conseil de l’Europe, ainsi que des activités menées par d’autres de ses partenaires (intergouvernementaux et non gouvernementaux), en particulier des organisations et des réseaux de jeunesse roms.

L’éducation aux droits de l’homme et la lutte contre l’antitsiganisme sont des priorités importantes du Plan d’action pour la jeunesse rom, parallèlement à d’autres domaines d’action : renforcer l’identité de la jeunesse rom, s’attaquer à la discrimination multiple, construire un mouvement de jeunesse plus fort et accroître la capacité des organisations de jeunesse roms à participer à l’élaboration des politiques.

Le Service de la Jeunesse du Conseil de l’Europe, notamment grâce aux travaux menés par les Centres européens de la jeunesse de Strasbourg et de Budapest, ainsi que par le Fonds européen pour la jeunesse, a joué un rôle de précurseur pour intégrer l’éducation aux droits de l’homme dans la politique de jeunesse et dans les pratiques du travail de jeunesse. Cette démarche se manifeste particulièrement dans les manuels « Repères » et « Repères juniors », s’adressant respectivement aux jeunes et aux enfants, et dans des campagnes de sensibilisation telles que « Tous différents – Tous égaux » et le Mouvement contre le discours de haine. L’éducation aux droits de l’homme offre l’approche et le contenu éducatifs nécessaires pour considérer les droits de l’homme comme un bien commun à toute l’humanité et, inversement, pour considérer les violations des droits de l’homme de toute personne comme une violation des droits de l’homme universels. Dans sa Charte sur l’éducation à la citoyenneté démocratique et l’éducation aux droits de l’homme, le Conseil de l’Europe insiste sur ce rôle de l’éducation aux droits de l’homme : « [apporter] aux apprenants des connaissances, des compétences et une compréhension, et [développer] leurs attitudes et leurs comportements, […] leur donner les moyens de participer à la construction et à la défense d’une culture universelle des droits de l’homme dans la société ».

Education aux droits de l’homme et lutte contre l’antitsiganisme

Le travail éducatif contre l’antitsiganisme fait partie de cette mission en faveur d’une culture universelle des droits de l’homme. La réalité et l’ampleur de l’antitsiganisme ont conduit à élaborer un manuel spécifique pour y faire face, non pas tant parce que la discrimination à l’égard des Roms diffère de toute autre forme de discrimination, mais parce que la réalité nous a montré que si elle n’est pas spécifiquement traitée, elle est très souvent purement et simplement ignorée. Sans compter que l’invisibilité de l’antitsiganisme dans l’éducation aux droits de l’homme et à l’antidiscrimination contribue, elle aussi, à renforcer les attitudes et les actes antitsiganes.

A l’instar de « Repères » et de « Repères juniors », le présent manuel est conçu pour une utilisation dans des cadres éducatifs aussi bien formels que non formels, même si la vaste majorité du travail de jeunesse fait appel aux valeurs et aux approches de l’éducation non formelle. La classe, cependant, est aussi un espace où l’éducation aux droits de l’homme doit intervenir et susciter la discussion.

Répétons-le, l’objectif du présent manuel est de promouvoir les droits de l’homme et l’éducation aux droits de l’homme par le biais d’un thème : l’antitsiganisme. Pour l’enseignant ou l’animateur de processus éducatifs, il ne sera peut-être pas nécessaire de réaliser les activités proposées en tant qu’« activités sur l’antitsiganisme », mais simplement en tant qu’activités sur ou concernant les droits de l’homme. Bien entendu, l’activité et son compte rendu privilégient les situations liées aux Roms, mais les résultats de l’apprentissage doivent servir l’éducation aux droits de l’homme en général.

Si nous insistons sur ce point, c’est qu’en tant qu’éducateurs, nous aussi sommes exposés au même climat de préjugés qui fait le lit de l’antitsiganisme, trop souvent dans une alarmante impunité, et soumis à l’influence de ce climat. Aussi pourra-t-il être difficile de choisir ou de décider de faire telle ou telle activité du manuel parce que… « nous ne voulons pas distinguer un groupe en particulier » (les Roms), ou « il n’y a pas de Roms dans notre groupe » ou « ce n’est pas un sujet de préoccupation » dans notre groupe, école ou communauté. Ce ne sont là que trois des raisons les plus souvent invoquées pour ne pas aborder les questions de discrimination à l’égard des Roms dans les activités éducatives. Or, étant donné le caractère généralisé et les multiples formes que revêt la discrimination à l’égard des Roms dans pratiquement tous les pays européens, le travail éducatif contre l’antitsiganisme est une approche envisageable pour toutes les activités de l’éducation aux droits de l’homme, de même que la promotion des droits de l’homme en faveur des femmes profite à toute la société, femmes et hommes confondus, et que les droits des femmes ne doivent pas être un sujet de discussion seulement en leur présence.

Aussi va-t-il presque sans dire que ce manuel n’a pas vocation à être utilisé avec de jeunes Roms uniquement, ou en particulier, ou sipossible. Le contenu et l’approche du manuel sont applicables à tous les groupes de jeunes et partout. Astuces et conseils sont fournis lorsque la présence de jeunes Roms dans le groupe peut exiger ou justifier des actions ou des approches spécifiques. De même est-il recommandé de faire intervenir des Roms, en particulier des jeunes, comme animateurs, personnes-ressources ou témoins dans certaines activités. Autonomiser les jeunes Roms et favoriser leur participation dans toutes les sphères de la société, voilà qui est précisément l’un des objectifs du Conseil de l’Europe dans son Plan d’action pour la jeunesse rom et dans sa politique de jeunesse.

Enfin, ce manuel vise aussi à compléter d’autres initiatives du Conseil de l’Europe, notamment sa campagne Dosta!, ainsi que les recommandations de politique générale de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance relatives à la lutte contre l’antitsiganisme.

2 Comment utiliser le manuel

Nous avons visé haut, mais l’objectif est simple : veillons à ce que les Roms jouissent des mêmes droits et des mêmes chances que n’importe qui d’autre. Les Roms ne sont pas différents. Donnez-leur la possibilité d’étudier et ils apprendront. Donnez-leur la possibilité de trouver un emploi et ils travailleront….

Viviane Reding, vice-présidente de la Commission européenne, chargée de la justice, des droits fondamentaux et de la citoyenneté, avril 2010

Portée du manuel

L’antitsiganisme est un problème relationnel : il concerne la manière dont la communauté non rom et la société dans son ensemble se conduisent avec la communauté rom. Dans la plupart des sociétés actuelles, cette relation est inégale et essentiellement négative : pour une grande partie de la communauté non rom, les Roms se caractérisent par une série de traits immuables, dont pratiquement aucun n’est apprécié de la société.

Il est tentant de penser que le travail de lutte contre l’antitsiganisme – ou l’éducation à l’antiracisme – doit avant tout s’efforcer d’éliminer les attitudes racistes parmi la population majoritaire ou, tout au moins, parmi les membres de la population avec laquelle nous travaillons. Sans nier l’importance de cette démarche, il nous semble que le travail éducatif peut aussi opérer sur l’autre versant de la relation. En particulier, le développement de l’estime de soi et une meilleure connaissance des droits de l’homme peuvent armer les jeunes Roms contre les faits de discrimination et les aider à surmonter quelques-uns des obstacles que la société a placés sur leur chemin.

Ainsi se dévoile une troisième facette du travail sur l’antitsiganisme. En effet, une grande partie de la discrimination rencontrée par les communautés roms se trouve profondément enracinée dans les structures de la société. Ces obstacles structurels, résultat de siècles de discrimination, englobent les lois, les politiques et les institutions qui ne traitent pas les Roms sur un pied d’égalité, peut-être parce qu’elles ne sont pas adéquates, et peut-être parce que les attitudes racistes persistent chez les gens en position de pouvoir.

Dans toute l’Europe, les Roms sont arrêtés et fouillés par la police dans une mesure disproportionnée, souvent pour le simple fait d’être roms.

Que les Roms soient victimes ou suspects, ils bénéficient rarement d’une égalité de traitement devant les tribunaux. Cette situation est le résultat aussi bien des procédures et directives inadéquates que suivent les fonctionnaires chargés de faire appliquer la loi, que des préjugés qu’ils entretiennent.

Roma in Europe, Amnesty International

La discrimination structurelle est souvent difficile à discerner, mais aussi à combattre. Néanmoins, si les jeunes n’apprennent pas à la reconnaître, même si les attitudes sont positives, la discrimination demeurera. Le travail éducatif peut les aider à comprendre les causes profondes de politiques et de pratiques injustes envers les Roms, ainsi qu’à percevoir l’incidence de ces pratiques sur les Roms au quotidien ; il peut également offrir des moyens d’œuvrer à l’élimination des obstacles.

Ce manuel propose une série d’activités qui visent à traiter ces différents domaines. La plupart conviennent pour différents publics – groupes roms, groupes non roms ou groupes mixtes –, bien que l’orientation puisse varier légèrement dans chacun de ces cas. Quelques-uns des objectifs clés à atteindre pour les différents groupes sont décrits à la page suivante.

Objectifs clés pour différents groupes

Une approche fondée sur les droits de l’homme

La politique concernant les Roms doit être traitée dans le cadre des droits de l’homme en général ; elle doit se rattacher à des valeurs communes et à des codes éthiques, sans se focaliser sur un problème exclusivement ethnique ou national.

Nicolae Gheorghe, militant rom

Les droits de l’homme offrent un système de valeurs et de principes où chacun est traité équitablement et avec respect. Ces valeurs et ces principes, aujourd’hui inscrits dans le droit international, s’appliquent dans tous les pays européens.

Ce manuel examine l’antitsiganisme selon une perspective basée sur les droits de l’homme. Les droits de l’homme offrent un ensemble de normes universelles par rapport auxquelles les participants aux activités peuvent évaluer les injustices et les exemples de mauvais traitements dont les Roms sont victimes au quotidien. La plupart de ces exemples constituent des violations du droit international, mais aussi de la législation des pays européens où ils ont lieu. Mettre ce fait en avant peut faire passer un message fort aux participants, tout en étant particulièrement rassurant pour ceux qui vivent une discrimination ou un abus de leurs droits.

Les droits de l’homme peuvent également offrir un message d’espoir. Le simple fait qu’ils existent est une affirmation que, quel que soit le comportement réel de la société et des gouvernements, il est reconnu, en théorie et sur le papier, que les droits des individus ne sauraient être négligés. Pour les groupes et les individus qui voient leurs droits bafoués, cette reconnaissance, aussi théorique soit-elle, est une promesse d’ouverture. Ce seul fait nous permet à tous, Roms et non-Roms, d’exiger des responsables d’injustice qu’ils répondent de leurs actes.

Utiliser les droits de l’homme et l’éducation aux droits de l’homme pour lutter contre l’antitsiganisme

Les activités présentées dans ce manuel abordent différents aspects de l’antitsiganisme selon une perspective basée sur les droits de l’homme. Discrimination, pauvreté, brutalité policière, expulsions, discours de haine et autres problèmes auxquels bon nombre de Roms se trouvent confrontés, sont présentés dans cette optique. Le but est de faire comprendre aux participants que ces questions sont autant d’exemples d’un échec à respecter des normes qui, comme le monde entier l’a accepté, doivent être universellement appliquées. Le but est aussi que les participants commencent à comprendre que, précisément, cette « acceptation » – et les obligations juridiques qui en découlent – peut leur servir à défendre le principe de l’égalité des droits pour les Roms.

Les droits de l’homme offrent un puissant outil pour s’attaquer à l’antitsiganisme :

La sensibilisation aux droits de l’homme renforce le pouvoir d’action

Les droits de l’homme fournissent un langage permettant de formuler les difficultés et/ou les plaintes

Les droits de l’homme offrent des mécanismes pour s’attaquer aux violations spécifiques

Le racisme au cœur de l’antitsiganisme est, en soi, une violation des droits de l’homme mais il engendre presque toujours aussi d’autres violations plus graves. Le travail éducatif permet de s’attaquer aux attitudes racistes et, par voie de conséquence, contribue à s’attaquer aux autres violations, voire à les prévenir ; mais nous pouvons aussi essayer de nous attaquer aux violations elles-mêmes. En attirant l’attention sur des pratiques inéquitables et, souvent, illégales – inégalité d’accès à l’éducation ou à l’emploi, logements insalubres, brutalité policière, etc. –, il est possible de mettre chacun face au racisme à l’origine de telles pratiques. Cette démarche peut contribuer à ébranler les attitudes mais aussi, parfois, amener à la suppression de la violation.

Pour que les jeunes puissent s’opposer à la discrimination des Roms et agir pour améliorer la protection de leurs droits, ils doivent être à même de reconnaître les violations des droits de l’homme ; autrement dit, il leur faut comprendre ce que sont les droits de l’homme.

Education aux droits de l’homme

L’éducation aux droits de l’homme se définit parfois comme « l’éducation sur les droits de l’homme, par les droits de l’homme, pour les droits de l’homme ». Chaque activité proposée dans ce manuel concrétise cette approche :

Les jeunes disposent d’informations de référence sur les droits de l’homme, ou d’informations sur des droits spécifiques abordés par des activités particulières.

Les animateurs sont encouragés à créer pour le bon déroulement des activités un environnement respectueux des droits. Voir les conseils proposés en fin de chapitre sur la manière d’instaurer une culture de respect, une ambiance sécurisante et une atmosphère où chacun se sent à même de contribuer et de participer (à partir de la page 23).

Chaque activité contient des suggestions visant à transposer les idées et les enseignements tirés de la séance dans la communauté en général. Avec la section « Quatre étapes pour agir », ces suggestions offrent aux participants des moyens de commencer à travailler pour les droits de l’homme dans leur propre vie.

Agir

Un travail efficace sur l’antitsiganisme devrait permettre aux participants non roms non seulement de mieux appréhender la portée des problèmes souvent rencontrés par la communauté rom, mais aussi de ne plus être indifférents à ces problèmes. Toutefois, il est important de ne pas donner aux participants le sentiment que le problème est insurmontable ! Chez les participants roms, éviter ce type de réaction est bien entendu une priorité absolue.

C’est pourquoi, entre autres, toutes les activités proposées dans ce manuel contiennent des suggestions pour un travail de suivi, souvent en dehors du cadre éducatif. Ces activités donnent la possibilité aux jeunes d’influer sur le problème, voire d’agir contre l’antitsiganisme.

La dernière section du manuel (« Quatre étapes pour agir ») analyse cette idée plus en détail et propose une série d’activités qui aideront les participants à planifier un événement ou une action à caractère public, c’est-à-dire dans la vie réelle.

L’idée de mener une action ou de militer joue un rôle essentiel dans l’éducation aux droits de l’homme, mais aussi tout au long du manuel. Cette idée peut souvent effrayer les éducateurs ou, tout au moins, passer pour un « plus » facultatif, à encourager s’il reste du temps. Les points énoncés ci-dessous sont importants à deux titres : ils montrent que l’idée d’« action » n’a pas à faire peur, et ils soulignent l’intérêt éducatif – et sociétal – d’intégrer l’action au travail mené avec des jeunes.

1. Agir n’est pas nécessairement « radical »

Qu’entend-on ici par « agir » ? Agir peut consister à créer des liens avec d’autres groupes de jeunesse, à inviter des membres de la communauté à une représentation ou à une exposition, à construire un site ou une page web sur un média social, à adresser une lettre à un représentant local, à surveiller les violations des droits de l’homme, à organiser une pétition, etc.

2. Agir, c’est mettre à profit les activités

Si les activités ont su éveiller l’intérêt et la conscience des participants, il est probable qu’ils veuillent continuer d’explorer la question, et peut-être éprouveront-ils le besoin de « faire quelque chose » concernant le problème. Faciliter alors un processus de suivi peut contribuer à prolonger leur intérêt et à consolider l’apprentissage. En utilisant l’apprentissage, les participants se rendent mieux compte de la pertinence qu’ont dans la vie réelle les questions traitées au cours des activités.

3. Agir renforce l’idée de responsabilité sociale

Bon nombre des activités sont conçues pour encourager la réflexion sur le rôle que jouent les gens « normaux » pour promouvoir ou permettre l’antitsiganisme. Si les participants se rendent compte qu’ils peuvent faire quelque chose pour remédier aux problèmes, certains des messages moraux s’en trouveront renforcés. Il se peut que les participants commencent à voir qu’ils ont une responsabilité vis-à-vis de la société dans laquelle ils vivent.

Vous voyez, c’est toujours la question des droits de l’homme qui est en jeu. Ils doivent s’appliquer à nous aussi, les Roms. Nous devons avoir le même droit à des conditions de vie décentes, avec un logement, un emploi et une éducation… Il faut que ça se sache !

Rosa Taikon, orfèvre et militante rom

4. Agir rend plus fort

Si les participants ont le sentiment de pouvoir contribuer, ne serait-ce que modestement, à résoudre le problème, ils auront moins tendance à se décourager ou à se sentir dépassés. Des groupes peuvent se former et éprouver un réel sentiment d’accomplissement s’ils ont réussi à organiser un événement ou à créer quelque chose d’utile en dehors du cadre d’apprentissage formel.

5. Agir développe les compétences de participation

Les participants peuvent beaucoup bénéficier de processus consistant à imaginer, à concevoir, à planifier, à organiser et à mettre en œuvre une action dans la communauté. Ces processus contribuent à développer, par exemple, l’esprit critique, l’esprit stratégique et les compétences de communication, d’organisation et de collaboration.

Après chaque action, il est souhaitable de prendre le temps d’en rendre compte afin que les participants puissent réfléchir à ce qui a réussi ou échoué, à ce qui pourrait être mené différemment et aux enseignements tirés.

6. Agir peut être efficace !

Si l’action est vue non comme quelque chose débouchant nécessairement sur une amélioration immédiate, mais plutôt comme une partie d’un processus visant à susciter un changement structurel, alors pratiquement tout ce que votre groupe entreprend est à considérer comme contribuant à ce processus. Qu’il s’agisse simplement de se lier à d’autres groupes, d’informer en ligne sur des violations ou de créer une pièce de théâtre sur l’antitsiganisme, dans tous ces cas, les jeunes deviennent eux-mêmes des « éducateurs » dans la communauté en général. Ils transmettent leur apprentissage au reste de la société ; ce qui, en soi, est une importante contribution à la lutte contre l’antitsiganisme.

Bien entendu, ils peuvent réussir par des moyens plus directs ; par exemple, en amenant une collectivité locale à revoir une politique d’expulsions, en persuadant un journaliste d’écrire un article sur leur cas, ou encore en incitant d’autres personnes à signer une pétition ou à se joindre à une campagne. Ces succès peuvent être importants en eux-mêmes, mais aussi renforcer le pouvoir d’action des participants.

Pour en savoir plus sur la manière de définir des objectifs réalisables, voir l’activité « Quatre étapes pour agir » et le « matériel de référence » qui l’accompagne.

Pour une explication détaillée des actions à mener dans le cadre de l’éducation aux droits de l’homme, voir le chapitre 3 du manuel « Repères » (www.coe.int/compass).

Structure du manuel

Les activités

La partie principale du manuel se compose de 18 activités assorties de matériel d’accompagnement. La plupart sont conçues pour des séances d’une heure minimum – quelques-unes durent plus longtemps. Les activités sont classées selon leur niveau de complexité : une activité de niveau 4 suppose une expérience ou des connaissances antérieures du domaine ; une activité de niveau 1 peut être menée avec des groupes abordant le sujet pour la première fois.

Vous pouvez utiliser le tableau des activités (pages 57 à 59) pour identifier celle(s) correspondant aux critères qui vous intéressent (questions clés, temps requis, niveau de complexité).

A la fin de chaque activité sont également proposées des suggestions de suivi. Certaines suggestions renvoient à d’autres activités du manuel, d’autres sont des idées de projets de recherche, de campagnes de sensibilisation ou d’autres actions publiques. Moyen précieux de consolider les connaissances et les compétences acquises au cours des activités, les suggestions de suivi aideront les jeunes à s’engager et à sentir leur propre capacité à influer sur le monde qui les entoure.

Le groupe d’activités final est spécifiquement destiné à mener des actions au sein de la communauté.

Matériel d’accompagnement

La plupart des activités contiennent également des informations de référence en lien direct avec le sujet concerné. Ces informations, généralement brèves, peuvent servir de supports pour les participants. Certaines – par exemple celles sur le racisme, la discrimination et les stéréotypes – seront utiles pour différentes activités (voir le tableau des activités, pages 57 à 59).

Chapitres de référence

Les deux premiers chapitres – « L’antitsiganisme » et « Les droits de l’homme » – sont importants pour mettre en place le contexte des activités. Il est recommandé d’examiner dans ces chapitres les domaines qui vous semblent importants pour votre groupe, ou que vous connaissez mal.

Le chapitre consacré à l’antitsiganisme donne quelques exemples parmi les difficultés rencontrées par la communauté rom, et décrit l’ampleur du problème. Si vous travaillez avec des groupes non roms, ce chapitre est tout particulièrement important car peut-être ne savent-ils pas à quel point les Roms sont victimes de discrimination et d’abus dans presque tous les aspects de leur vie quotidienne.

Quant aux informations sur les droits de l’homme, il est vivement recommandé d’y faire constamment référence. Ainsi les participants se familiariseront-ils avec les idées et les droits mêmes, et ils commenceront à les associer aux questions et aux problèmes qu’ils rencontrent au quotidien.

Déroulement des activités

Les instructions des activités présentent les principales étapes à suivre. Avant de mener l’activité avec le groupe, il est conseillé de la lire au moins deux fois entièrement, y compris les questions de compte rendu. Des « conseils » supplémentaires sont proposés lorsque l’activité peut être adaptée ou approfondie.

Dans la section suivante, vous trouverez des recommandations générales et des points à prendre en compte lors de la planification ou du déroulement des activités. Une explication plus détaillée des méthodes employées et des avantages d’une méthodologie pilotée par l’utilisateur est proposée au chapitre 1, section 4, du manuel « Repères » (accessible à cette adresse : www.coe.int/fr/web/compass). Si les méthodes interactives ne vous sont pas familières, n’hésitez surtout pas à le consulter.

Le rôle d’animateur

Le terme « animateur » est utilisé pour désigner la personne qui gère les activités. L’animateur est celui qui propose, qui apporte son aide et qui encourage les autres à apprendre et à atteindre le maximum de leur potentiel. Une animation efficace est la base de l’éducation aux droits de l’homme – et essentielle pour donner vie à ces activités.