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Plongez dans l'univers envoûtant de Paul Valéry avec « Narcisse parle », un recueil de poésies qui marque l'apogée du symbolisme français. Ce livre rassemble des vers d'une beauté saisissante, où la musicalité des mots se mêle à la profondeur de la réflexion philosophique. Valéry, maître incontesté de la poésie moderne, revisite le mythe de Narcisse pour explorer les thèmes de l'introspection, de la conscience de soi et de la quête de la perfection artistique. Dans ce recueil, le lecteur découvrira une poésie ciselée, où chaque mot est pesé, chaque sonorité calculée pour créer une harmonie parfaite. Valéry déploie tout son art pour donner vie à Narcisse, figure emblématique de la mythologie grecque, et en fait le porte-parole de ses propres interrogations sur la nature de l'être et de la création. « Narcisse parle » n'est pas seulement un exercice de style virtuose, c'est aussi une invitation à la méditation sur la condition humaine. À travers le regard de Narcisse contemplant son reflet, Valéry nous confronte à nos propres abîmes intérieurs, à notre fascination pour l'image de soi et à la fragilité de notre existence. Ce recueil s'inscrit dans la grande tradition de la poésie française, tout en ouvrant la voie à la modernité. Valéry y démontre sa maîtrise absolue de la langue, jonglant avec les alexandrins et les formes poétiques classiques pour mieux les transcender. Son écriture, à la fois limpide et complexe, invite à de multiples lectures, révélant à chaque fois de nouvelles nuances et de nouvelles interprétations.
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Un poème sur le papier n’est rien qu’une écriture soumise à tout ce qu’on peut faire d’une écriture. Mais parmi toutes ses possibilités, il en est une, et une seule, qui place enfin ce texte dans les conditions où il prendra force et forme d’action. Un poème est un discours qui exige et qui entraîne une liaison continuée entre la voix qui est et la voix qui vient et qui doit venir . Et cette voix doit être telle qu’elle s’impose, et qu’elle excite l’état affectif dont le texte soit l’unique expression verbale. Ôtez la voix et la voix qu’il faut, tout devient arbitraire. Le poème se change en une suite de signes qui ne sont liés que pour être matériellement tracés les uns après les autres.
– (Paul Valery, Première leçon du cours de poétique .)
L’amateur de poèmes
I. NARCISSE PARLE
II. LA FILEUSE
III. HÉLÈNE
IV. NAISSANCE DE VÉNUS
V. FÉERIE
VI. BAIGNÉE
VII. AU BOIS DORMANT
VIII. LE BOIS AMICAL
IX. UN FEU DISTINCT…
Propos sur la poésie
X. ÉPISODE
XI. VUE
XII. VALVINS
XIII. ÉTÉ
XIV. ANNE
XV. SÉMIRAMIS
XVI. ÉBAUCHE D’UN SERPENT
XVII. LES GRENADES
XVIII. LE VIN PERDU
XIX. INTÉRIEUR
XX. LE CIMETIÈRE MAR
XXI. ODE SECRÈTE
XXII. LE RAMEUR
XXIII. PALME
XXIV. LA FAUSSE MORTE
XXV. L’INSINUANT
XXVI. AURORE
XXVII. AU PLATANE
XXVIII. CANTIQUE DES COLONNES
XXIX. L’ABEILLE
XXX. POÉSIE
XXXI. LES PAS
XXXII. LA CEINTURE
XXXIII. LA DORMEUSE
XXXIV. LA PYTHIE
Si je regarde tout à coup ma véritable pensée, je ne me console pas de devoir subir cette parole intérieure sans personne et sans origine ; ces figures éphémères ; et cette infinité d’entreprises interrompues par leur propre facilité, qui se transforment l’une dans l’autre, sans que rien ne change avec elles. Incohérente sans le paraître, nulle instantanément comme elle est spontanée, la pensée, par sa nature, manque de style.
Mais je n’ai pas tous les jours la puissance de proposer à mon attention quelques êtres nécessaires, ni de feindre les obstacles spirituels qui formeraient une apparence de commencement, de plénitude et de fin, au lieu de mon insupportable fuite.
Un poème est une durée, pendant laquelle, lecteur, je respire une loi qui fut préparée : je donne mon souffle et les machines de ma voix ; ou seulement leur pouvoir, qui se concilie avec le silence.
Je m’abandonne à l’adorable allure : lire, vivre où mènent les mots. Leur apparition est écrite. Leurs sonorités concertées. Leur ébranlement se compose, d’après une méditation antérieure, et ils se précipiteront en groupes magnifiques ou purs, dans la résonance. Même des étonnements sont assurés : ils sont cachés d’avance, et font partie du nombre.
Mû par l’écriture fatale, et si le mètre toujours futur enchaîne sans retour ma mémoire, je ressens chaque parole dans toute sa force, pour l’avoir indéfiniment attendue. Cette mesure qui me transporte et que je colore, me garde du vrai et du faux. Ni le doute ne me divise, ni la raison ne me travaille. Nul hasard, — mais une chance extraordinaire se fortifie. Je trouve sans effort le langage de ce bonheur ; et je pense par artifice, une pensée toute certaine, merveilleusement prévoyante, — aux lacunes calculées, sans ténèbres involontaires, dont le mouvement me commande et la quantité me comble : une pensée singulièrement achevée.
O frères ! tristes lys, je languis de beauté
Pour m’être désiré dans votre nudité,
Et vers vous, Nymphes ! nymphes, nymphes des fontaines
Je viens au pur silence offrir mes larmes vaines.
Un grand calme m’écoute, où j’écoute l’espoir.
La voix des sources change et me parle du soir ;
J’entends l’herbe d’argent grandir dans l’ombre sainte,
Et la lune perfide élève son miroir
Jusque dans les secrets de la fontaine éteinte.
Et moi ! de tout mon corps dans ces roseaux jeté,
Je languis, ô saphir, par ma triste beauté !
Je ne sais plus aimer que l’eau magicienne
Où j’oubliai le rire et la rose ancienne.
Que je déplore ton éclat fatal et pur,
Si mollement de moi fontaine environnée,
Où puisèrent mes yeux dans un mortel azur
Mon image de fleurs humides couronnée.
Hélas ! L’image est vaine et les pleurs éternels !
À travers les bois bleus et les bras fraternels,
Une tendre lueur d’heure ambigüe existe,
Et d’un reste du jour me forme un fiancé
Nu, sur la place pâle où m’attire l’eau triste…
Délicieux démon, désirable et glacé !
Voici dans l’eau ma chair de lune et de rosée,
O forme obéissante à mes vœux opposée !
Voici mes bras d’argent dont les gestes sont purs !…
Mes lentes mains dans l’or adorable se lassent
D’appeler ce captif que les feuilles enlacent,
Et je crie aux échos les noms des dieux obscurs !…
Adieu, reflet perdu sur l’onde calme et close,
Narcisse… ce nom même est un tendre parfum
Au cœur suave. Effeuille aux mânes du défunt
Sur ce vide tombeau la funérale rose.
Sois, ma lèvre, la rose effeuillant le baiser
Qui fasse un spectre cher lentement s’apaiser,
Car la nuit parle à demi-voix, proche et lointaine,
Aux calices pleins d’ombre et de sommeils légers.
Mais la lune s’amuse aux myrtes allongés.
Je t’adore, sous ces myrtes, ô l’incertaine,
Chair pour la solitude éclose tristement
Qui se mire dans le miroir au bois dormant.
Je me délie en vain de ta présence douce,
L’heure menteuse est molle aux membres sur la mousse
Et d’un sombre délice enfle le vent profond.
Adieu, Narcisse… meurs ! Voici le crépuscule.
Au soupir de mon cœur mon apparence ondule,
La flûte, par l’azur enseveli module
Des regrets de troupeaux sonores qui s’en vont.
Mais sur le froid mortel où l’étoile s’allume,
Avant qu’un lent tombeau ne se forme de brume,
Tiens ce baiser qui brise un calme d’eau fatal.
L’espoir seul peut suffire à rompre ce cristal.
La ride me ravisse au souffle qui m’exile
Et que mon souffle anime une flûte gracile
Dont le joueur léger me serait indulgent !…
Évanouissez-vous, divinité troublée !
Et toi, verse pour la lune, flûte isolée
Une diversité de nos larmes d’argent.
*
Assise, la fileuse au bleu de la croisée
Où le jardin mélodieux se dodeline,
Le rouet ancien qui ronfle l’a grisée.
Lasse, ayant bu l’azur, de filer la câline
Chevelure, à ses doigts si faibles évasive,
Elle songe, et sa tête petite s’incline.
Un arbuste et l’air pur font une source vive
Qui suspendue au jour, délicieuse arrose
De ses pertes de fleurs le jardin de l’oisive.
Une tige, où le vent vagabond se repose,
Courbe le salut vain de sa grâce étoilée,
Dédiant magnifique, au vieux rouet, sa rose.
Mais la dormeuse file une laine isolée ;
Mystérieusement l’ombre frêle se tresse
Au fil de ses doigts longs et qui dorment, filée.
Le songe se dévide avec une paresse
Angélique, et sans cesse, au fuseau doux crédule,
La chevelure ondule au gré de la caresse…
Derrière tant de fleurs, l’azur se dissimule,
Fileuse de feuillage et de lumière ceinte :
Tout le ciel vert se meurt. Le dernier arbre brûle.
Ta sœur, la grande rose où sourit une sainte,
Parfume ton front vague au vent de son haleine
Innocente, et tu crois languir… Tu es éteinte
Au bleu de la croisée où tu filais la laine.
*
Azur ! C’est moi.... Je viens des grottes de la mort
Entendre l’onde se rompre aux degrés sonores,
Et je revois les galères dans les aurores
Ressusciter de l’ombre au fil de rames d’or.
Mes solitaires mains appellent les monarques
Dont la barbe de sel amusait mes doigts purs ;
Je pleurais. Ils chantaient leurs triomphes obscurs
Et les golfes enfuis aux poupes de leurs barques.
J’entends les conques profondes et les clairons
Militaires rythmer le vol des avirons ;
Le chant clair des rameurs enchaîner le tumulte,
Et les Dieux, à la proue héroïque exaltés
Dans leur sourire antique et que l’écume insulte
Tendent vers moi leurs bras indulgents et sculptés.
*
De sa profonde mère, encor froide et fumante,
Voici qu’au seuil battu de tempêtes, la chair
Amèrement vomie au soleil par la mer,
Se délivre des diamants de la tourmente.
Vois son sourire suivre au long de ses bras blancs
De l’humide Thétys périr la pierrerie
Qu’éplore l’orient d’une épaule meurtrie ;
Et sa tresse se fraye un frisson sur ses flancs.
Le frais gravier, qu’arrose et fuit sa course agile,
Croule, creuse rumeur de soif, et le facile
Sable a bu les baisers de ses bonds puérils ;
Mais de mille regards ou perfides ou vagues,
Son œil mobile emporte, éclairant nos périls,
L’eau riante et la danse infidèle des vagues.
*
La lune mince verse une lueur sacrée
Toute une jupe d’un tissu d’argent léger,
Sur les bases de marbre où vient l’ombre songer
Que suit d’un char de perle une gaze nacrée.
Pour les cygnes soyeux qui frôlent les roseaux
De carènes de plume à demi lumineuse,
Elle effeuille infinie une rose neigeuse
Dont les pétales font des cercles sur les eaux…
Est-ce vivre ?… O désert de volupté pâmée,
Où meurt le battement faible de l’eau lamée,
Usant le seuil secret des échos de cristal…
La chair confuse des molles roses commence
À frémir, si d’un cri le diamant fatal
Fêle d’un fil de jour toute la fable immense.
*
Un fruit de chair se baigne en quelque jeune vasque,
(Azur dans les jardins tremblants), mais hors de l’eau,
Isolant la torsade aux puissances de casque,
Luit le chef d’or que tranche à la nuque un tombeau.
Éclose la beauté par la rose et l’épingle !
Du miroir même issue où trempent ses bijoux,