Nous, nous avons changé de vie, et vous ? - Alxandra Pottier - E-Book

Nous, nous avons changé de vie, et vous ? E-Book

Alxandra Pottier

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Beschreibung

Un jour, Alexandra et François Pottier ont tout quitté pour commencer une nouvelle vie. Entrecoupée d'autres récits, voici leur histoire.

Si huit Français sur dix ont un jour exprimé leur souhait de changer de vie, rares sont ceux qui parviennent à aller au bout de la démarche. Alexandra et François l’ont fait. Devenus « nomades digital » à bord de leur camping-car, ils parcourent aujourd’hui le monde avec leurs deux enfants. D’autres dans leur entourage proche se sont lancés dans l’aventure, comme Stéphane, cadre commercial d’une grande maison de disques, devenu « tourdumondiste » sur son vélo ; Fred, ouvrier d’usine puis DJ à Miami, sans oublier Thomas, ancien journaliste devenu hypnothérapeute. Treize témoignages. Treize trajectoires de vie complètement différentes.
Pourquoi ont-ils opéré leur changement de vie ? Dans quel but ? Comment ? Ont-ils réussi ?
Ce livre est un recueil de parcours sincères, authentiques, poignants, qui seront forcément sources d’inspiration et de réflexion.
Alexandra et François Pottier révèlent également toutes les étapes de la mise en place de leurs projets, des prémices à l’aboutissement. Ils vous livrent aussi leur analyse et leurs conseils pour mener à bien un projet de changement de vie.

« Pour changer de vie, certaines étapes importantes sont à franchir. Nous, nous avons changé de vie ! Et vous ?»

Découvrez ce récit de vie surprenant aux côtés d'Alexandra et François pour oser poser un regard différent sur sa propre vie.

EXTRAIT

Amandine : « Je vois mon fil rouge. L’évidence, la continuité des choses, le bonheur, c’est un chemin qu’on trace… Les aspérités en font partie. C’est là aussi que le bonheur puise son intensité. La vie n’est pas une fatalité. C’est un apprentissage quotidien : avoir le courage de s’arrêter, de savoir ce que l’on veut vraiment, de faire du mieux que l’on peut et avancer. Non, je n’ai aucun regret sur rien. J’accueille les évènements, les joies comme les peurs mais je me projette vers le meilleur. »
Thomas : « Je vois un gars qui est accroché à ses valeurs de liberté, proche de la nature. Et je vois un passage aux alentours de 40 ans. Avant, j’étais dans une révolution contre quelque chose et j’ai basculé dans le pour. Il faut se nourrir du positif. Des regrets ? aucun. »
D’une façon générale, tous ces changements ont été opérés par un couple qui sait s’écouter, se parler. Chacun y ajoutant ses petits ingrédients supplémentaires.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Depuis plusieurs mois, Alexandra et François Pottier sont des "nomades digital". Avec leur deux enfants, ils parcourent le monde à bord de leur camping-car. Leur quotidien est rythmé par la gestion de leurs entreprises à distance, l'école, les découvertes, les rencontres... Auparavant, le couple a eu chacun sa trajectoire. Alexandra, 41 ans, la fibre entrepreneuriale, a créé et géré deux sociétés basées sur l'île de la Réunion et spécialisées dans le soutien scolaire et la formation. François, 39 ans, a toujours été journaliste. Pendant près de vingt ans, il a travaillé en presse écrite et en télévision. Puis il a mis un terme à sa carrière pour rejoindre Alexandra à la gestion des entreprises et au développement de nouveaux projets. Tous les deux devenus passionnés et spécialistes du changement de vie professionnelle, ils viennent d'écrire ce livre et ont mis en place une formation personnalisée pour celles et ceux qui souhaitent aller sur cette voie et qui ont besoin d'aide. Leur nouvelle vie d'itinérance est une étape dans leur parcours: ils veulent profiter de la vie et appréhender leur temps différemment tout en restant très actifs.

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Alexandra et François Pottier

Nous, nous avons changé de vie ! Et vous ?

Préface

Vous est-il déjà arrivé de rencontrer des personnes qui ont tout pour elles et qui semblent avoir réalisé un parcours sans faute ? Qui ont un diplôme prestigieux, un job intéressant avec une belle position dans une belle entreprise, une belle maison, une belle voiture, une belle histoire avec leur conjoint… mais qui clairement manquent de quelque chose, un je-ne-sais-quoi qui parfois efface le sourire de leur visage à la fin de la journée ?

Des personnes qui, quand vous creusez un peu, se demandent si le fameux « passe le plus gros diplôme que tu peux obtenir, puis fais du métro-boulot-dodo pendant quarante ans, puis commence à profiter de la vie quand tes plus belles années seront derrière toi » est vraiment fait pour eux, s’il n’y a pas une autre manière de vivre, et de réussir ?

Et qui ont l’impression, malgré tout ce qu’ils ont, de se dessécher de l’intérieur à force de ne pas répondre à cet appel à l’aventure qu’ils ressentent profondément ?

Si vous connaissez quelqu’un comme cela, ou si vous vous reconnaissez dans cette description, vous êtes loin d’être le seul : d’après différentes études1, entre 50 et plus de 80% des Français aspirent aujourd’hui à changer de vie.

Et d’après ces études et mon expérience, cet appel à vivre autrement passe surtout par la création : création artistique (un livre, une pièce de théâtre…), création de son aventure (un tour du monde, déménager dans le coin du monde qui nous fait rêver…) ou création de son entreprise ou de sa carrière.

Bref, de créer sa propre vie en empruntant des chemins peu courus, plutôt que de suivre un modèle préfabriqué plus ou moins imposé par la société.

Mon point de vue est qu’il y a de nombreuses personnes comme cela, en francophonie et ailleurs dans le monde, et qu’elles sont souvent des braises prêtes à prendre et à faire de magnifiques brasiers pleins de lumière, mais que malheureusement on les a arrosés toute leur vie.

Je leur ai même donné un nom : les Rebelles Intelligents.

C’était donc mon objectif d’être une brise qui intervient au bon moment et permette à quelques braises de prendre, en leur donnant des pistes et des stratégies pour les aider à franchir le cap, dans mon livre Tout le monde n’a pas eu la chance de rater ses études.

Cette préface est la toute première que j’écris pour des auteurs ayant été influencés par mon livre, et je dois dire que je suis très heureux de voir qu’Alexandra et François sont passés de braises à feux et inspirent à leur tour les autres par leur courage.

Car quoi de plus satisfaisant pour l’âme et le cœur que de voir des personnes qui non seulement ont fait bon usage d’une expérience difficilement accumulée, mais qui aussi à leur tour encouragent les autres à vivre leur propre aventure ? :)

Dans ce livre, vous allez partir à la rencontre de 11 personnes, avec des expériences et des parcours très différents, qui pour l’essentiel avaient parfaitement rempli les cases à cocher fournies par la société, au point de faire d’eux des personnes à succès, tout cela pour se rendre compte qu’il leur manquait quelque chose et qu’ils ressentaient ce fameux appel à vivre autrement.

Si vous aussi vous ressentez l’appel en vous, et que vous n’en pouvez plus d’étouffer ou d’ignorer cette petite voix, alors ces exemples concrets, réunis avec brio par un couple qui a lui-même accompli un changement de vie dont beaucoup de personnes ne font que rêver, vous inspirera certainement et sera peut-être la petite brise qui vous manque pour enflammer vos rêves.

–Olivier Roland,

Auteur de Tout le monde n’a pas eu la chance de rater ses études, entrepreneur et souffleur de braises. 

1 Par exemple https://www.latribune.fr/economie/france/plus-de-la-moitie-des-francais-veulent-changer-d-emploi-en-2016-543560.html, https://www.20minutes.fr/arts-stars/television/2277135-20180525-m6-66-francais-aimeraient-changer-vie-zone-interdite-suivi-francais-realisent-reve, http://www.atlantico.fr/decryptage/changer-vie-pourquoi-tant-francais-en-revent-mais-peu-font-florence-servan-shreiber-arnaud-dupray-yves-alexandre-thalmann-816907.html . Il y en a bien d’autres.

Introduction

D’une magnifique maison sur l’Île de la Réunion à un camping-car.

L’équation est assez simple. Nous tournons autour de la quarantaine et nous avons coché toutes les cases aux yeux de la société : mariés, des enfants, propriétaires d’une maison, des revenus confortables. Pour autant, la situation ne nous convient plus. Nous avons bossé comme des dingues pendant des années, nos enfants ne rentrent pas dans le moule scolaire, nous avons un goût prononcé pour le voyage. Bref, nous avons voulu changer des choses pour nous offrir, à nous deux et aux enfants, une autre vie. Une vie meilleure et qui nous correspond mieux. Appréhender le temps différemment, nous soulager de contraintes. C’est chose faite.

En 2018, nous avons passé le cap et sommes devenus des « nomades digital ». À bord de notre maison roulante, nous parcourons le monde avec nos deux enfants, Titouan, 12 ans, et Énora, 6 ans. Notre nouveau quotidien : quelques heures par jour pour l’école, pour la gestion de nos entreprises à distance en étant connectés et pour le développement de nouveaux projets. Le reste du temps est consacré au voyage, au partage en famille, à l’itinérance, à la découverte, au sport…

Le changement de vie, ce n’est pas repartir de zéro. Ce n’est pas une ardoise que l’on efface et qui permet de laisser tous nos problèmes derrière nous. C’est une balance entre la fuite et la quête : fuir une routine, un travail chronophage ou qui ne fait pas vibrer, une région… Pour gagner en liberté, aller à la quête de soi, vivre un rêve… D’une façon générale, c’est changer quelque chose dans sa vie pour aller mieux. C’est facile à dire, à écrire, mais pas si simple à faire. Nous sommes confrontés à de multiples facteurs qui viennent compliquer la réflexion et la mise en œuvre. Et cela peut venir de tous les côtés : la société et son regard qui devient dur dès lors que l’on cherche à quitter le troupeau, ses propres croyances limitantes, des peurs, un manque de courage, des pressions familiales, des contraintes matérielles…

Le changement de vie quand il est volontaire et assumé c’est faire sa révolution, vouloir prendre une meilleure direction. Et cela peut aussi prendre l’apparence d’un combat contre soi ou les autres. Mais une chose est sûre : mieux vaut tenter, quitte à se planter, plutôt que de ne pas faire et de le regretter, de s’en vouloir ou d’en vouloir à quelqu’un. Oui, mais alors comment s’y prendre ?

Nous avons décidé d’écrire ce livre quand plusieurs de nos amis et connaissances nous ont dit que nous avions de la chance de passer à l’action. Que, eux, ne pouvaient pas le faire pour telle ou telle raison. Et que, de toute façon, ils n’avaient pas la recette et qu’il fallait qu’on leur donne la nôtre. Ces remarques nous ont beaucoup fait réfléchir. Cette notion de chance nous fait sourire, les arguments présentés pour justifier l’impossibilité pour eux de changer de vie, nous ne les comprenons pas toujours. Et puis cette histoire de recette nous intrigue…

Évidemment, nous sommes convaincus qu’il n’existe pas de recette miracle. Nous pensons que chacun doit se composer sa recette, avec ses propres ingrédients.

Nous ne sommes pas psychologues, ni coaches diplômés. Nous n’avons aucune formation autre que celle de notre expérience de vie et celle d’avoir déjà accompagné des personnes dans des changements de vie professionnelle.

Nous sommes des autodidactes. Alexandra devient chef d’entreprise à 31 ans. Dès l’âge de 19 ans, François est journaliste. Depuis toujours, notre histoire est chargée et rythmée par des rêves, des projets qui voient le jour ou non. Depuis trois ans, nous travaillons ensemble à temps complet à la gestion de deux entreprises. Et nous venons d’opérer voilà quelques semaines une bascule fondamentale en famille.

Dans notre entourage, nous ne sommes pas les premiers. Avant nous, certains de nos amis ou proches parents ont décidé de changer des choses dans leur vie (métier, région…) Parfois de façon radicale, en douceur ou par obligation. Mais dans chacun de ces changements qui n’ont pourtant rien à voir les uns des autres, on retrouve des points communs. Tous sont passés par les mêmes étapes. Des phases importantes qui permettent de leur donner des chances de réussite.

Alors, ces amis et proches parents, nous les avons sollicités pour qu’ils acceptent de nous livrer leur vie, leurs expériences, leurs regards. Ils viennent de tous les horizons, chacune des histoires est différente. En découle une sorte de panel représentatif qui va probablement vous permettre de vous identifier dans un parcours ou plusieurs d’entre eux :

•Stéphane, cadre commercial d’une grande maison de disques indépendante puis directeur d’un festival de musique devenu « tourdumondiste » sur son vélo

•Anita et Yvan, deux salariés installés en Bretagne devenus les créateurs de leurs propres métiers à la Réunion avant de retenter une nouvelle aventure en Corse

•Fred, l’ouvrier d’usine promis aux « 3-8 » devenu DJ à Miami puis gérant d’un bar en Vendée

•Thomas, ancien journaliste en presse écrite devenu hypnothérapeute

•Pauline et Thierry, photographes et gérants d’un commerce de centre-ville pendant trente ans devenus photographes travaillant chez eux à quatre ans de la retraite

•Anne, manipulatrice en radiologie puis sapeur-pompier devenue sophrologue et hypnothérapeute

•Franck, chef d’entreprise d’ambulances et pompes funèbres devenu fonctionnaire ambulancier du SMUR

•Amandine et Thomas, neuropsychologue et monteur/réalisateur, devenus ensemble coaches en développement personnel

Pourquoi ont-ils opéré leur changement de vie ? Dans quel but ? Comment ?

Tous nous dévoilent leur vie ainsi que leurs petits secrets ayant permis de basculer. Des témoignages sincères, surprenants, ordinaires ou extraordinaires, poignants, dans lesquels vous pourrez trouver des sources d’inspiration et de réflexion.

Nous nous sommes également prêtés au jeu et nous révélons toutes les étapes de la mise en place de nos projets, des prémices à l’aboutissement.

Nous vous livrons aussi notre analyse et des conseils pour mener à bien votre changement de vie.

Bonne lecture !

–Alexandra et François Pottier

Chef d’entreprise, journaliste,autodidactes, rebelles intelligents devenus « nomades digital. »

Au bout de ses rêves

Stéphane sait ce qu’il veut, ce qu’il ne veut pas. Il a le courage de ses opinions. C’est un homme entier. Bref, Stéphane est têtu comme un Breton. Il est un peu dingue aussi. C’est pour ça qu’on l’aime beaucoup ! Et ce qu’il y a de bien avec des mecs comme lui, c’est qu’il va au bout de ses rêves. Il en avait trois. Il les a exaucés. À 50 ans, il parcourt désormais le monde sur son vélo.

Né en mai 1967 à l’hôpital militaire de Lorient, Stéphane grandit à Loudéac jusqu’à ses 18 ans. Sauf entre ses 2 et 5 ans pour une courte parenthèse marocaine : son père, infirmier dans la Marine Nationale, est muté et sa mère se retrouve dans les PTT à Casablanca. De ces trois ans dans la Ville blanche, loin des phares bretons, il n’a aucun souvenir sauf ceux rapportés par ses parents. « Je parlais en arabe à la fatma. Cela m’arrivait aussi à mon retour en Bretagne. Ce qui a eu le don d’irriter mon grand-père maternel. »

La jeunesse de Stéphane est faite de hauts et de bas. « J’ai habité au fin fond du centre Bretagne, à Loudéac. L’école ne m’intéresse pas. Je suis chez les cathos. J’ai des copains mais sur le plan scolaire, c’est rare qu’un prof arrive à me donner le goût d’apprendre. »

Paradoxe que l’école parvient à réaliser : le jeune élève se retrouve, d’une année sur l’autre, à aimer une matière puis à la détester, en fonction des professeurs et de leur façon d’enseigner, avec passion ou non. « Je me suis fait chier. Je redouble ma cinquième. Très vite, je comprends que je n’y arriverai pas à l’école et qu’il faudra que je démerde autrement pour réussir dans la vie. »

Stéphane a cette chance d’évoluer dans un contexte familial fait de partage. « Quand j’ai 12/13 ans, mes parents m’emmènent faire le tour d’Irlande à vélo. Plus de mille kilomètres à pédaler en un mois. Ça m’a marqué. J’ai kiffé ! Lors de ces vacances, j’ai un déclic. J’ai trois rêves que je veux exaucer :

•Devenir propriétaire, on m’a toujours dit que c’était important

•Travailler dans l’industrie musicale car j’aime la musique et cet univers me fascine

•Faire un tour du monde à vélo puisque je reviens d’une expérience incroyable et parce que j’ai découvert un livre génial La terre sur deux roues d’Alain Guigny, un Breton qui a fait le tour du monde. Ce bouquin, je l’ai lu au moins dix fois ! »

Un rêve est supposé être inaccessible. Mais au plus profond de lui, Stéphane sait qu’il peut réaliser un, peut être deux, et pourquoi pas, même, les trois rêves de sa vie.

Respect et valeur du travail. Les parents du jeune Breton ne transigent pas sur ces socles éducatifs. « Tous les étés pendant les vacances, dès l’âge de 14 ans, je bosse dans les champs. Le jour, je ramasse les patates. La nuit, j’attrape les poulets. 30 francs par jour. C’est peu, c’est dur, mais je m’en fous. Je me régale. Je sais que j’aime travailler. C’est concret : tu bosses, tu gagnes des tunes. »

Mais voilà, il y a les codes de la société. Ceux qui guident beaucoup d’entre nous à respecter ce qu’il est convenu d’appeler la norme, une sorte de convention collective des agissements, les bons et les mauvais… « Combien de fois ai-je entendu mes parents de me dire : “qu’est-ce qu’on va faire de toi ? Passe au moins ton Bac. Il faut que tu aies ton Bac…” Je peux les comprendre. Je suis le seul de la famille à ne pas m’en sortir à l’école, ça fait tache. Sauf que je ne suis pas une bête d’examens. Je rate une première fois le Bac. Je recommence une terminale pour essayer de faire plaisir. Sans conviction. Au bout de trois mois, je me lève au milieu d’un cours et je pars. Je ne remettrai plus les pieds au bahut. J’explique alors à qui veut l’entendre que je préfère bosser et je suis prêt !»

Peu de temps après, un oncle appelle Stéphane et lui explique qu’il a un ami, dentiste, qui cherche un stagiaire prothésiste dentaire. Voilà Stéphane en CAP prothèse dentaire. L’ami de l’oncle devient son maître de stage. « Tout en travaillant, on parle musique, histoire de la musique. C’est un musicien passionné. Moi aussi. Du coup, je me dis : bingo, j’ai trouvé mon métier ! »

Pendant quatre ans, Stéphane fait des prothèses dans le cadre d’un contrat d’apprentissage à Rennes. Il perçoit un petit salaire, pas suffisant pour vivre. « Je dois subvenir, seul, à mes besoins. Je dois prouver à mes parents que, même sans le Bac, je peux me débrouiller. Je leur ai toujours dit : ne m’aidez pas, aidez mes sœurs ! Du coup, à toutes les pauses méridiennes, entre midi et 14 heures, et tous les soirs, je suis aussi barman. Je réagis comme cela car c’est une sorte de revanche vis-à-vis de l’école. Ok, je n’ai pas mon Bac, ok mes parents se sont fait un sang d’encre pour moi, mais je vais faire quelque chose de ma vie. Cela m’a toujours animé, inconsciemment, de rien ne devoir à personne sur terre. Autant je peux prêter du fric à des gens, autant je refuse d’être demandeur. Je ne veux rien devoir à personne pour être libre. Et dans le boulot, c’est pareil, dès que je me fais chier avec quelqu’un, avec un boulot, je me casse. »

C’est en effet ce qui se passe… Au bout de quatre ans d’apprentissage, Stéphane se lève et s’en va une nouvelle fois. Selon lui, le rapport entre les dentistes et les prothésistes est compliqué. Nombreux sont les dentistes, huit ans de médecine d’un côté, à mal considérer le prothésiste, trois ans de CAP d’un autre côté. « Pour moi, le système frôle l’escroquerie. Le prothésiste facture et le dentiste surfacture ensuite dans des proportions que je trouve déraisonnables. Pour autant, j’ai aimé ce métier. Il y a eu de belles histoires quand tu redonnes le sourire à quelqu’un qui ne souriait plus depuis dix ans à cause de ses dents pourries. »

Retour à la case départ. À 23 ans. C’est le temps du devoir national. « Je reste très marqué par des images d’enfance. Mon père, infirmier militaire pendant 15 ans, a beaucoup voyagé. Je me souviens des soirées diapos en famille avec des photos de dingues : mon père en uniforme blanc de la Marine avec en fond des paysages de Mururoa, des Îles Marquises. Il m’a fait rêver, j’éprouvais une certaine fierté. Alors, grâce à mon parrain qui travaille au service hydrographique et océanographique de la Marine, j’ai peut-être la possibilité de me faire pistonner pour faire mon service sur La Jeanne D’Arc, le fleuron de la Marine Nationale. Pour avoir plus de chance de monter sur La Jeanne, je fais mes classes, deux mois au lieu d’un, chez les fusiliers marins à Lorient, l’antichambre des commandos marines. Je perds dix kilos ! Puis finalement je suis appelé sur la frégate La Motte-Piquet.

Octobre 1990. Direction, le Détroit d’Ormuz, situé entre le Golfe Persique et le Golfe d’Oman. « Mon parrain m’avait promis La Jeanne, je pars pour la Guerre du Golfe et l’opération Artimon. C’est comme ça. Notre mission : faire respecter l’embargo et arraisonner tous les bateaux circulant dans le Golfe arabo-persique soupçonnés de commercer avec l’Irak. Je n’ai pas l’impression de faire la guerre. Par contre, j’ai l’impression d’être aux premières loges. Depuis la mer, on voit et on entend les tirs de missiles. Ces images de guerres nocturnes que l’on a tous vues à la télé, je les vivais en temps réel. C’est un évènement important de ma vie. Cela m’a endurci. Il faut aussi admettre que vivre à deux cent cinquante mecs sur un bateau de cent cinquante mètres, c’est une vision de la colo de vacances assez particulière. »

Retour au port d’attache, en Bretagne. Août 1991, c’est la quille. Dès que Stéphane quitte l’armée, il bosse. « Je fais de la radio. Je manage un groupe. Je participe à l’organisation du festival Rockland, à Loudéac. La musique est toujours ma passion. Je rêve toujours de travailler dans cette industrie mais je pense que ce n’est pas possible. » Pourquoi ? « Je ne sais pas vraiment, cela me semble inaccessible. »

Et pourtant. « Il se trouve que j’ai un super pote qui sort d’une école de commerce et qui vient d’entrer chez Sony Music. Il m’appelle pour me dire qu’il y a un poste de représentant commercial en Normandie à pourvoir pour la petite maison de disques WMD. Je vais à l’entretien avec peu d’espoir puisque je n’ai pas d’expérience. Mais je suis extrêmement motivé. Ça fait mouche ! »

25 ans, premier CDI, premier rêve exaucé. À l’époque, le disque est en plein boum. Le job consiste à développer le lien et l’activité avec les disquaires indépendants mais surtout à ouvrir le marché aux grandes surfaces. « Il y a tout à faire. Je dois faire évoluer le chiffre d’affaires et la distribution de mon secteur. Le premier jour, mon chef des ventes me met la pression d’entrée avec l’objectif à atteindre : je dois me démerder et faire un million de francs (150 000 euros) de chiffre d’affaires sur le premier trimestre. Je m’attends à ce qu’il me drive au départ et là il me dit : “Je te laisse seul une semaine. Prends la route, fais ton expérience. On se revoit pour ‘débriefer’.” Je me souviens du premier rendez-vous en grande surface. Je n’ai aucune expérience. Je ne sais pas comment faire. Je fais demi-tour sans rien vendre. Là, je me dis qu’il va falloir sortir les tripes ! Je prends des claques mais je fais le taf. Surtout, je comprends quelque chose. En affaires, il faut que je sois dur mais “réglo”. L’honnêteté, c’est la recette. Je n’ai jamais dévié de cela. L’escroquerie, la malhonnêteté, c’est pour faire du one shot. Cela ne peut pas durer sur le long terme. Et cela ne me ressemble pas. »

La recette est bonne et la sauce prend. Ça marche bien, très vite. Les objectifs sont largement atteints, la confiance est là. « J’ai beaucoup d’ambition. Je kiffe mon boulot et ma vie : je suis sur la route, je bouffe au resto, je vais à l’hôtel, je décroche des jolis contrats… Au bout de trois ans, j’informe mon boss que je veux évoluer sur un très gros portefeuille. Je pense à Paris et les grands magasins de la capitale. »

Le poste n’est pas disponible. « Je démissionne le soir même. Et quelques jours plus tard, je suis embauché dans une boîte concurrente, Musidisc. Je reste en Normandie mais je change de catalogue. Une façon de me renouveler. »

Mais un an plus tard, coup de théâtre. Le premier patron de Stéphane le rappelle : « Steph’, tu voulais Paris ? Si tu veux, tu commences lundi ! »

Nouvelle démission expresse et cap sur la capitale.

29 ans, deuxième rêve exaucé. « Dès que j’arrive à Paris, je sais que je vais réussir. J’investis directement dans l’achat d’un appartement. J’achète au bon moment avec mes moyens. J’ai 50 000 euros de côté, je me limite à un achat à 150 000 euros, je fais un prêt de 100 000 euros sur douze ans. »

Stéphane va faire toute sa carrière dans cette boîte qui, au fil des rachats, s’appellera au final Wagram. Désormais, il fait partie du cercle fermé des représentants à gros secteurs. Régulièrement approché par des majors, il rejette les propositions parfois alléchantes. Cela ne l’intéresse pas. « Je veux rester chez un indépendant. J’accepte les ordres venant de Paris mais je ne veux pas qu’ils viennent de Londres ou New York. »

Bis repetita. Stéphane estime au bout de trois ans devoir à nouveau évoluer. « Je veux encore plus gros. Je veux les centrales d’achat et les grossistes. Mon boss me répond banco : je garde quelques gros magasins parisiens et je prends en plus les centrales. Je suis “chef de ventes grands comptes” et je gère un portefeuille d’environ 20 millions d’euros. J’adore plus que jamais mon boulot ! »

Très ambitieux, Stéphane n’en garde pas moins les pieds sur terre. « J’ai un PDG qui me fait confiance. Il sait que je n’ai pas mon bac. S’il me demande cent, je fais cent dix pour lui prouver qu’il ne s’est pas trompé. J’ai besoin de me prouver à moi-même et aux autres… J’ai entendu trop de fois : “Stéphane, qu’est-ce qu’on va faire de toi ?” Du coup, j’ai de l’énergie décuplée pour prouver ! En fait, toute ma vie, j’ai prouvé ! »

Nouveau cycle de trois ans, nouveau besoin pour Stéphane d’évoluer. Il rejoue la partition. « Je vais voir le patron et je lui dis que je veux être le directeur de la force de vente. Aussitôt demandé, aussitôt signé. Je gère vingt-cinq mecs sur la route et 30 millions d’euros. Je dirige des mecs. J’en recrute. Et j’en vire quelques-uns, ceux qui donnent le moins satisfaction. Pour créer l’émulation de l’équipe et maintenir une certaine pression sur les gars. C’est le truc le plus chiant et désagréable à faire mais je considère que je n’ai pas le choix. Je ne peux pas laisser un ver pourrir la pomme. Les enjeux sont énormes. »

L’évolution de Stéphane est assez fulgurante. En dix ans, le non-bachelier, embauché au SMIC, se retrouve directeur, émargeant à 3500 euros en salaire fixe. « Plus des primes, de l’investissement, de la participation aux bénéfices qui tombent très régulièrement et qui viennent compléter mon salaire de plus de 50%. Je m’éclate. Mais je n’ai jamais oublié la valeur de l’argent. Je mets beaucoup d’argent de côté et, c’est vrai, je flambe aussi ! Je bosse comme un fou. J’ai une vie folle : sexe, alcool, resto midi et soir pour faire des affaires, pas de sport, concerts… Je me couche tard, je me lève tôt, je dors peu. Alors que j’en vois tous les jours depuis plus de dix ans, je n’ai jamais touché à la coke. Je commence à mettre le nez dedans. J’aime beaucoup évidemment. Mais cela a vite dépassé le cadre festif et ça, ce n’était pas bien… »

Stéphane est têtu comme un Breton. Au début de sa carrière dans l’industrie musicale, il avait dit à ses collègues que le jour où un album du catalogue serait numéro un des ventes en France, il quitterait la boîte. « C’est le cas avec l’album de Charlotte Gainsbourg en 2007. Pour moi, l’objectif est atteint et je respecte mon engagement. Dans un premier temps, personne ne croit que je vais le faire. Puis, dans un second temps, tout le monde me dit de rester ! »

C’est donc, selon Stéphane, le moment de partir. « J’ai pris un gros chèque alors que je suis démissionnaire à la base. J’ai apporté de la structuration, un état d’esprit de vainqueur… Ça a payé ! Je fais une énorme teuf au Bato-Phare sur la seine. J’invite deux cents personnes et le lendemain, direction Bangkok. Asie pendant trois mois. Libre dans ma tête, mon corps et mon esprit. Prêt à bourlinguer. J’ai bientôt 40 ans, c’est la première fois que je prends autant de vacances. »

Ce voyage en Asie du Sud-Est est synonyme de coupure. De pause. Mais aussi d’introspection et de réflexion. Que faire après ? « Je sais que je ne veux plus de patron. Je réfléchis à monter une boîte. J’ai l’idée. J’achète une yourte. Je l’envoie à la Réunion où je compte m’installer. Je connais un peu l’île car je suis sorti avec une Réunionnaise à Paris et nous y sommes venus en vacances. Mon objectif : implanter des yourtes en hébergement insolite. Sauf que je ne connais rien du fonctionnement local, j’arrive avec mon esprit parisien. Évidemment, cela ne marche pas. »

Un jour, le téléphone de Stéphane sonne. Au bout du fil, le patron controversé d’une boîte de t-shirts très connu sur l’île pour sa provoc’. « Il me dit qu’il a entendu parler de moi et qu’il me veut comme directeur commercial. J’accepte, peut-être par peur de ne pas retrouver un boulot. Me voilà à nouveau avec un patron, un chiffre d’affaires, des équipes à gérer. Je dois développer la marque en métropole. Ce que je fais. Je négocie un truc de dingue grâce à mes réseaux parisiens : les t-shirts de la marque vont se retrouver au beau milieu des Galeries Lafayette de Paris, dans un emplacement de rêve pour le lancement. Je présente le contrat au patron. Et là, il m’expose son problème : « Stéphane, si je signe ça, tu vas gagner beaucoup trop d’argent puisque tu as une partie en prime et commission indexées sur le chiffre d’affaires. Je ne peux pas te payer ça ! »

On commence à connaître Stéphane… Devant son patron, il déchire le contrat et claque la porte, après six mois de boulot. « Je me suis retrouvé face à une situation incroyable. Je ramène un plan en or à mon patron et je me fais “shooter”. Je crois qu’il n’a toujours pas compris l’opportunité que je lui avais mise entre les mains. Mais ce qui m’a le plus emmerdé, c’est qu’il a fallu que je rappelle tous ceux avec qui j’avais bossé à Paris et qui m’avaient aidé à décrocher ce contrat pour m’excuser. C’est la seule fois de ma vie où je ne me suis pas senti “ réglo”. Je l’ai très mal vécu. »

Dans la foulée, le créateur du plus important festival de musique de la Réunion contacte Stéphane pour l’embaucher comme bras droit, en tant que directeur. « C’est un festival en plein développement. Il y a tout à structurer. Ça m’éclate. Cela devient une très grosse machine. On fait venir Manu Chao, Stromae… On a de belles affluences. » L’aventure dure sept ans.

Une période au cours de laquelle Stéphane se met aussi à l’ultra-trail. Il enchaîne les sorties en montagne, dans l’un des plus beaux parcs de jeu du monde. En compétiteur, il s’inscrit au Grand Raid de la Réunion, autrement appelé la Diagonale des fous. C’est la traversée de l’île par les sentiers : 170 kilomètres, 10000 mètres de dénivelé positif. « La première fois, j’ai échoué. Mais j’ai terminé mes deux autres tentatives. C’est toujours la même chose : me prouver à moi et aux autres que je suis capable de la faire. Que je peux fumer deux paquets de clopes et boire de la vodka le samedi soir mais que le dimanche matin je cours sur les sentiers. Heureusement que j’ai développé cette passion pour le trail… »

Car au boulot, ça va de moins en moins bien. « Je me rends compte de choses un peu désagréables. Des choses qui se passent derrière mon dos, sans que je sois au courant alors que je suis directeur. Donc, je me dis que je ne veux plus mouiller mon maillot pour ce patron. Il n’a pas été le boss que je pensais et que je voulais. Cela m’a fait chier de partir. Mais c’est ainsi. »

Stéphane, usé par la situation, prend des vacances. Il est très sollicité par des partenaires du festival qui veulent l’embaucher. Il entend que l’on parle de lui comme futur directeur de telle boîte ou de telle salle de musique. « Il y a trop de blablas, de rumeurs. Cela commence à me faire chier. Alors, je m’amuse à moi-même balancer une rumeur. Je sais à qui je dois le dire pour que ça fasse traînée de poudres. Je dis secrètement à cette personne que je vais signer comme directeur commercial au club de foot des Girondins de Bordeaux. Au moins, quitte à ce que ça parle sur mon dos, autant que cela soit énorme et moi qui mène la danse ! Et en fait, je m’aperçois, là, réellement, du fonctionnement des gens. Ça déblatère dans tous les sens. Je ne supporte plus ce pan de l’être humain. »

Un soir, seul, Stéphane se pose et réfléchit. « J’ai 50 ans. Je fais une nouvelle crise. J’en ai marre des gens. Mon dernier patron ne m’a pas fait bander. Je veux quitter le monde du travail. Je n’ai aucune attache : je ne suis pas marié, je n’ai pas d’enfant, cela a été un choix de vie. Financièrement, je ne suis dépendant que de moi-même. Je me dis que c’est peut-être le moment de réaliser mon troisième rêve. Je vais partir faire un tour du monde à vélo ! Et seul car je n’ai aucun problème avec ça et c’est toujours la même chose : je ne veux dépendre de personne ! »

Le processus de réflexion est immédiatement en marche. De façon très pragmatique. « Je vais sur internet, je regarde les forums et je vois tout de suite des points importants :

•Il faut un minimum de fric. J’en ai pas mal de côté et en plus je perçois le loyer de mon appartement parisien.

•Boulot, maison, il faut tout abandonner. Pour le boulot, c’est déjà fait, pour la maison, je suis locataire à la Réunion, donc rien de plus simple.

•Tracer son itinéraire et savoir combien de temps je vais partir. Cela ne me semble pas plus important que cela… Mais je le fais avec cela me permet de trouver un slogan : 50 ans, 5 continents, 5 ans. Je partirai le 1er avril 2017, de la place de l’église de Loudéac. Je veux avoir une certaine autonomie en nourriture et couchage pour me sentir libre. Voilà le sens de mon tour du monde à vélo.

Cela ne m’intéresse pas de faire la balance des “pour et contre” mais j’évalue la faisabilité. Je vois les moyens que j’ai à mettre en œuvre : budget initial à dégager (10 000 euros), estimation du budget mensuel (environ 1600 euros par mois principalement supportés par les 1400 euros de loyer de l’appartement parisien), les vaccins à faire, acheter mon matos, etc. La décision est prise en vingt-quatre heures. Cela ne sert à rien de me prendre la tête à me questionner sur cette décision. Je sais que je ne reviendrai pas dessus. J’assume. C’est un changement de vie. Un total changement de vie. »

Voilà Stéphane regonflé à bloc. Pendant plusieurs mois, il prépare son trip depuis la Réunion. Achat puis test d’un vélo construit sur mesure, investissement dans du matériel performant et dans le même temps cession de ce qu’il y a à vendre. Si nous connaissions Stéphane depuis déjà plusieurs années, notamment dans le cadre professionnel pour François, nous le voyons un peu plus souvent dans cette période. Nous voyons bien à quel point l’homme speed, stressé qu’il a pu être a déjà changé. Il est déterminé et affiche une attitude sereine. Il fait plaisir à voir. On n’oubliera pas cette soirée mémorable chez nos amis Elsa et Baptiste à la fin de laquelle Stéphane a absolument voulu dormir à même le sol de la terrasse pour tester son nouveau sac de couchage !

Le projet devient réalité et génère systématiquement une réaction. À commencer par les parents de Stéphane. « Ils m’ont expliqué qu’à 50 ans, je devais attendre la retraite pour partir. Mais ils ont bien vu ma détermination. Je leur ai dit aussi que je ne veux pas faire partie de ceux qui calenchent deux ans après la retraite. Au bout de deux-trois mois, ils ont fini par adhérer. Au départ, 100% des gens font transpirer leur crainte, même les potes ! Leurs questions ne sont que le reflet de leur peur. Ensuite, quand ils comprennent bien la démarche, beaucoup positivent. »

Mais Stéphane a aussi constaté des comportements plus surprenants. « Je me suis rendu compte que certains sont carrément jaloux. Cherchant à me renvoyer l’image de quelqu’un de chanceux. »

La chance… Concept qui n’a évidemment pas sa place dans le changement de vie ou alors si peu. « Il faut arrêter de se chercher des excuses. Ce n’est pas une chance, on provoque les choses. Il faut des couilles pour entreprendre un tel changement. Je vais prendre un autre exemple. Il y a quelques mois, j’ai investi 4000 euros en bitcoins. Trois mois plus tard, j’ai tout revendu pour 12000 euros… 8000 euros de bénéf’ !»

Alors chance ? Hasard ? Nez creux ? Opportunité saisie et convertie en réussite ? À chacun son prisme et sa réponse.

« Mais les gens ont besoin de se rassurer en parlant de chance ou en posant des questions renvoyant des choses négatives. La question qui m’a le plus gonflé et qu’on m’a le plus posée : “tu pars seul, tu ne vas pas te faire chier ? Tu pars seul, tu n’as pas peur ?”

« Mais moi, je n’ai peur de rien. Quand je veux quelque chose, je l’ai ! Je fais tout pour l’avoir !

« On m’a aussi renvoyé au futur… “Qu’est-ce que tu feras après ? ”

« Dans ma tête, je crie : “ Mais lâche-moi ! Je n’en sais rien, je ne suis pas encore parti ! ”

« C’est chaud ça quand même de dire à des gens que je pars cinq ans et qu’ils me parlent de l’après tour du monde sans me questionner sur le tour du monde en lui-même ! Mais à vrai dire, cela ne m’a pas dérangé outre mesure. Je me suis vite habitué à ne pas trop calculer ces réactions. »

La date du 1er avril 2017 approche. Les médias s’intéressent à Stéphane. Il répond aux journalistes. Tel un pied de nez à l’histoire, il intervient dans l’école primaire de Loudéac, où il a usé avec une certaine lassitude les bancs, pour raconter son futur périple. Un accord est passé. Il y aura un Skype par trimestre. Nul doute que ces culottes courtes apprendront la géographie plus facilement que d’autres grâce au globe-trotter. Il raconte à qui veut l’entendre la philosophie de son tour du monde : « Avancer en prenant du plaisir. C’est-à-dire pouvoir me payer une belle chambre d’hôtel ou un resto si j’en ai envie, être libre de faire ce que je veux, m’arrêter ou je veux : si j’ai fait vingt bornes et que je trouve un endroit magnifique ou si je fais une chouette rencontre, je peux m’arrêter et planter la tente… Et repartir le lendemain.

Il s’est aussi mis des règles : « Après 80 kilomètres de vélo dans une journée ou si j’ai gravi 1500 mètres de dénivelé positif, j’arrête. Tous les trois ou quatre jours, je me fais un hôtel (enfin, s’il y en a un…) Et l’intégralité de mes déplacements se fait à vélo ! »

Cela fait maintenant plus d’un an que Stéphane est parti sur les routes du monde. Ce témoignage a été recueilli à Van, fin février 2018, en Turquie à la veille de basculer en Iran. « Je m’éclate. Je fais des rencontres. Mon itinéraire prévu initialement a déjà changé à de nombreuses reprises. C’est ça qui est jouissif !

« J’ai un nouveau rapport au temps. C’est tellement nouveau pour moi : j’ai du temps, je n’ai plus de problématique de temps, le seul impératif éventuellement, c’est d’arriver avant la nuit pour planter la tente. Toute ma vie, je me suis battu contre le temps… Avant, il me fallait un agenda, un téléphone, une connexion internet. Maintenant, je prends le wifi quand il se présente à moi. »

Des regrets Stéphane ? « Je ne changerai rien. Mais ce serait mentir de dire qu’une bonne teuf avec mes potes ne me manque pas une fois de temps en temps. Pareil pour les concerts. Mais j’ai gagné quelque chose qui a une énorme valeur : mon indépendance comme jamais je ne l’ai eue… Je ne dépends plus de personne et cela génère un sentiment de liberté incroyable ! Et j’éprouve beaucoup de plaisir à partager mon aventure parce que je sais que je rends des gens heureux dans leur quotidien qui n’est pas toujours drôle. Ils me le disent tous les jours grâce aux réseaux sociaux. »

Et si on jetait un petit coup d’œil dans le rétro pour savoir quelle a été la recette personnelle de Stéphane pour opérer son changement. « Oser ! Il faut oser ! Ton avenir t’appartient. Si ta femme t’emmerde, si ton boulot te fait chier, arrête de te plaindre et réagis ! On a tous des déclics dans la vie. Depuis le début de mon tour du monde, je rencontre plein de personnes avec plus ou moins de moyens ou des challenges de dingues. Et notre point commun à nous tous : nous n’avons peur de rien et nous sommes allés au bout de nos rêves ! »