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"Trafic noir pour reines blanches" est un polar mettant en scène le commandant Richard et son équipe, confrontés à une série de meurtres macabres de femmes soudanaises dans le sud de la France. Leur enquête les conduit dans un monde de corruption et de désespoir, impliquant des personnalités influentes de la bourgeoisie française dans un sinistre trafic d’organes qui se propage à travers l’Europe. Les suspects se succèdent, mais les meurtriers restent insaisissables. Pris dans un tourbillon d’obstacles politiques et personnels, il est déterminé à résoudre cette affaire, quoi qu’il en coûte.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Lecteur assidu,
Richard Azéma aime à s’émerveiller le long des pages. Son plaisir pour les voyages et la découverte de nouvelles cultures l’incitent à vous faire découvrir de nouveaux horizons littéraires à travers "Trafic noir pour reines blanches".
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Richard Azéma
Trafic noir pour reines blanches
Roman
© Lys Bleu Éditions – Richard Azéma
ISBN : 979-10-422-3668-7
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Du même auteur
Les personnages et les situations de ce récit étant purement fictifs, toute ressemblance avec des personnages ou des situations ayant existé ne saurait être que fortuite.
L’hiver est doux en ce début de période hivernale, les rayons du soleil de cette fin de matinée caressent le sol en offrant les derniers degrés bienvenus, le ciel est dégagé et quelques nuages s’aventurent dans le ciel. Marie, Julia et moi marchons sur la plage des chalets de Gruissan, le vent a effacé les traces de pas des touristes repartis vers la grisaille. Le ressac des vagues qui viennent mourir sur la plage couverte d’écume de mer nous offre un léger clapotis sur le sable. Le calme est présent, quelques courageux glissent sur l’eau avec leurs kitesurfs tirés par des ailes de toutes les couleurs. Julia remplit ses petits bras de coquillages ramassés par-ci par-là, le bonheur à l’état pur. Quoi de plus ?
— Nous pourrions aller déjeuner chez Fourmi aux halles de Narbonne, si tu le veux, je sais que tu aimes bien l’ambiance du marché, et puis je pourrais revoir mes amis. Qu’est-ce que tu en penses ma chérie ?
Marie passe son bras autour de ma hanche, elle me donne un gros baiser sur mes lèvres humides au goût de sel.
— Oui, je veux bien, en plus il y aura moins de monde qu’en été, Julia adore les hamburgers maison, c’est une très bonne idée.
Nous reprenons tranquillement le chemin retour vers le parking, la petite râle un peu, elle souhaite ramasser plus de coquillages, et surtout, elle veut continuer de marcher les pieds dans l’eau. Nous voyant nous éloigner, elle nous rejoint en portant son petit seau rempli de trésors. Nous arrivons enfin devant notre voiture, un petit nettoyage et nous embarquons en direction de la ville de Narbonne.
La traversée de l’étang du côté de la route de Mandirac est aussi déserte que la plage. Les flamants roses fouillent la vase à la recherche de nourriture, les cigognes sont prêtes à migrer vers le détroit de Gibraltar via l’Espagne, pour rejoindre leurs zones d’hivernages en Afrique subsaharienne. On dirait que le temps s’est posé.
Nous arrivons enfin dans le centre-ville de Narbonne, autrement appelée Narbo Martius, la fille de Rome et un peu oubliée des livres d’histoire. Je gare la voiture près des halles de la ville, ce marché a été honoré du titre du plus beau marché de France en cette année 2022. Ce magnifique édifice métallique de pur style Baltard, confectionné de fer, de fonte et de verre, a été ouvert au public en 1901. Les halles, comme les appellent les Narbonnais, sont ouvertes tous les jours de l’année, elles abritent, pas moins de 70 commerces regorgeant de produits locaux.
Nous arrivons enfin devant le snack de Fourmi, il reste pas mal de places. Les patrons nous accueillent avec leurs sourires habituels.
— Salut Richard, ça fait plaisir de te revoir, prenez place, je vais vous servir l’apéritif et une grenadine pour la petite. Pour vous, toujours pareil, vous restez sur un Cuba libre, non ?
Je lui confirme la commande, nous prenons place à la table tonneau.
Les habitués passent dans les allées, les sacs chargés de nourriture. Le calme est revenu après la période estivale, les pures souches occupent l’espace. François pose les verres, il nous remet les cartes pour effectuer nos choix qui ne varient pas beaucoup au gré de nos présences.
— François, tu peux prendre la commande, un hamburger pour la petite, un boudin à cheval pour madame et un bon gros steak tartare pour moi. Tu nous mets une bouteille de rouge de la maison s’il te plaît, merci.
Le snack voisin est bruyant, on peut entendre le patron crier dans son porte-voix les commandes de viandes au boucher juste en face, celui-ci lui prépare les paquets et les lui jette. Le patron, ancien rugbyman, les attrape dans les airs sous les yeux des clients amusés, ce qui fait beaucoup rire Julia et Marie. Je salue des connaissances et embrasse des amis de passage. Rosie vient nous déposer les assiettes sur la table, elle fait un bisou à la petite en partant. Nous commençons notre repas.
— Bon appétit, les amoureux, profitez-en bien, et toi ma petite, il faut tout finir comme ça, tu auras une belle surprise.
Julia dans la précipitation essaye de croquer dans son hamburger, mais celui-ci est vraiment trop gros pour sa petite bouche. C’est sûr que ce n’est pas ceux fabriqués à la chaîne dans les, vous voyez ce que je veux dire.
Marie le lui découpe et elle peut enfin commencer son repas, je prépare mon tartare avec les condiments et les sauces que Michel vient de poser sur la table. Marie, elle, commence à tremper son pain dans le jaune des œufs, nous allons passer un bon moment.
Je sens une main se poser sur mon épaule, et toujours dans le doute, je commence à me préparer pour une riposte au cas où. Il y a tellement de déséquilibrés dans ce monde qu’il vaut mieux être prudent, tout en protégeant mon visage avec ma main. Je me retourne pour faire face à l’intrus, et là, je retrouve le charmant minois de Julia, la copine de Marie. Alain est avec elle il tape la discute un peu plus loin, Marie pousse de grands cris de joie et la petite est déjà dans les bras de sa marraine. Alain vient nous retrouver pour une embrassade familiale, je demande à Rosie de rajouter une table pour que nous puissions prendre le repas ensemble. François et Michel poussent un nouveau tonneau vers le nôtre, tout le monde prend place.
— Quelle surprise, vous êtes arrivés quand ? Nous n’avions pas de vos nouvelles, je pensais que vous étiez encore à Cuba. Vous auriez quand même pu nous prévenir, mais ce que ça fait plaisir de vous revoir bien bronzés et en pleine santé.
Alain commande un apéro pour lui et Julia, des assiettes sont rajoutées sur la nouvelle table. Il reprend la discussion avec moi, les filles n’arrêtent pas de parler entre elles et ne nous calculent pas. La petite continue de manger son gros hamburger en espérant que la surprise soit aussi grosse. Alain se penche vers mon oreille pour me parler et couvrir les commandes du voisin.
— Nous sommes arrivés hier à Paris, nous avons pris la navette pour Toulouse dans la foulée, je ne voulais pas te déranger, j’ai loué une voiture pour venir à Narbonne, et nous voilà. Alors quoi de neuf depuis ces trois derniers mois ?
Nous claquons nos verres pour nous souhaiter bonne santé, je reprends la suite.
— Pour nous, rien de nouveau, le train-train habituel. Alors, raconte-moi, tu viens de passer quatre mois à Cuba. Apparemment, tout va bien avec Julia, vous filez le parfait amour ?
— Je vis un rêve, tu avais raison, ces filles sont incroyables, nous sommes fous l’un de l’autre, elle est venue en France et je pense qu’elle va aimer notre beau pays. Si tout va bien, elle pourrait devenir Madame, si tu vois ce que je veux dire, c’est à elle de décider, je lui ai fait déjà ma demande, j’attends sa réponse.
Je me tourne vers les filles qui sont, elles aussi, en pleine discussion. Julia lui montre une belle bague qu’elle porte à son annulaire de la main gauche, son sourire veut en dire beaucoup. Elle nous envoie un baiser de la main.
— Je vois que tu as bien fait les choses, c’est tout à ton honneur. Vous restez ici où vous descendez à Marseille ?
Le patron arrive, il prend les commandes de nos invités, il en profite pour nous remettre une tournée. Les filles font l’impasse, pas pour nous.
— Justement, je voulais te demander si tu pouvais nous loger pendant quelques jours, je n’ai vraiment pas envie de redescendre là-bas, c’est devenu trop la zone, et puis maintenant, je dois juste rester à disposition comme toi. D’ailleurs, tu n’as aucune nouvelle de la boîte ?
François pose les verres sur la table, il en profite pour prendre les nouvelles commandes, il reste en pâmoison devant les trois beautés. Julia en profite pour se renseigner sur les plats. Rosie apporte la surprise à la petite, une magnifique glace bien décorée.
— Non, rien de nouveau du côté de Paris, tant mieux c’est que le monde va mieux. Bons pour revenir à nous, c’est avec plaisir que vous allez vivre avec nous, et puis les filles vont être heureuses d’être ensemble, elles doivent avoir tellement de choses à raconter. Aller à la tienne !
Nous profitons à fond du moment présent, les tournées s’enchaînent, nous finissons nos assiettes avec appétit. Il est l’heure de quitter ce bel endroit familial. Nous décidons d’aller faire une promenade en ville pour éponger notre excédent d’alcool, je règle l’addition malgré les énervements d’Alain. En sortant, nous prenons la direction du centre-ville.
La balade se fait sur les bords de la Robine. Le canal qui traverse la ville. La promenade des Barques nous conduit vers le parvis de l’hôtel de ville adossé à la cathédrale Saint-Just et saint Pasteur de la ville. Sa particularité est du fait qu’elle est inachevée et que sa hauteur sous voûtes de 41 mètres en fait la quatrième plus haute de France. Nous franchisons le cloître, lui aussi classé aux monuments historiques depuis 1914. Nous pénétrons dans la cathédrale. Les filles en profitent pour faire une prière à la vierge Marie. Nous nous échappons à l’extérieur sans faire de bruit.
— Tu penses que Julia fait une prière pour pouvoir t’épouser, ce serait vraiment merveilleux aussi bien pour toi que pour nous. Après cette visite, nous allons aller à la maison pour que vous preniez vos nouveaux quartiers, nous avons un appartement attenant, vous serez chez vous, en tout cas ça me fait vachement plaisir de vous voir.
Les filles nous ont rejoints dans le passage de l’Ancre. Nous sommes de retour sur la place de la mairie. Nous pouvons voir une exposition sous terre de la voie Domitia construite en 118 av. J.-C. pour relier l’Italie à l’Espagne. Comme dit le proverbe, toutes les routes mènent à Rome.
Nous arrivons aux voitures, Julia s’est endormie dans mes bras. Je la dépose en douceur sur son siège, mais je suis obligé de la réveiller pour l’attacher. Elle se rendort aussitôt.
— Bien, Alain, tu me suis, nous serons à la maison dans une dizaine de minutes, si tu me perds, appelle-moi, aller en avant.
Nous prenons la direction des plages vers la cité balnéaire de Narbonne Plages. Après avoir traversé les grandes zones commerciales, nous attaquons une montée qui nous conduit dans le massif de la Clape. Je bifurque sur un petit chemin qui nous amène en pleine pinède de pins, encore quelques mètres et nous sommes arrivés. Je pénètre dans la propriété et me gare devant l’entrée, Alain en fait de même.
Les invités descendent de la voiture et passent un long moment pour contempler le paysage. Le vent berce délicatement les branches en faisant tomber des aiguilles de pin dans les cheveux des filles, la petite est excitée, elle demande à Julia de la suivre pour découvrir sa chambre, nous emboîtons le pas et arrivons dans la maison.
Je demande à Alain de venir avec moi, je lui montre l’appartement en lui demandant de faire comme chez lui. Nous déposons les valises et retrouvons les filles dans le salon. La petite Julia est heureuse avec sa marraine qui joue avec elle. Nous prenons le café sur la terrasse baignée par le soleil qui commence sa descente vers d’autres lieux. Les croassements des corbeaux qui rentrent vers leurs nids brisent le silence, la brise marine commence à nous rafraîchir. Nous revenons à l’intérieur. Alain me remercie, il me dit :
— Vous êtes bien installés ici, nous serons bien chez vous, mais nous ne souhaitons pas taper l’incruste, il va falloir nous mettre à la recherche d’une maison pour nous. Tu connais peut-être des locations dans le coin ?
— Tu plaisantes, vous êtes ici chez vous, en plus l’appartement est toujours vide, donc vous restez là, et si tu y tiens vraiment, vous partagerez les frais avec nous, comme ça, tu ne pourras pas dire que vous êtes logés gratuitement. Si cela vous convient ?
Alain et Julia sont aux anges, ils acceptent notre offre. Marie et la petite sont, elles aussi, très heureuses d’avoir nos amis avec nous.
Le soleil frôle les collines au loin. L’ombre de la nuit commence à recouvrir les plaines de l’Ouest. Nos invités sont fatigués de leur retour de Cuba, le décalage horaire commence à avoir raison d’eux. Ils s’excusent et nous laissent, ils vont se coucher pour récupérer. Nous sommes seuls à présent dans le salon. Marie a couché la petite qui s’est endormie après cette journée épuisante. Elle me rejoint dans le canapé, elle pose sa tête sur mes genoux.
— Je suis heureuse qu’ils aient accepté notre hospitalité, ça va me faire du bien d’avoir ma meilleure amie avec moi, nous pourrons parler du pays, et puis la petite va prendre du plaisir avec nous tous. Je t’aime mon amour, nous allons passer de bons moments.
Nous rejoignons notre chambre, nous en profitons pour prendre une douche afin d’enlever le sable et le sel de nos corps après cette balade en bord de mer. Nous nous posons sur le lit, rapidement le sommeil nous gagne vers de beaux et doux rêves. Une sonnerie me tire de mes songes.
J’allume la lumière, je me dirige vers le bureau. Le papier du fax se déroule doucement de la machine, une page en sort, je reconnais le logo de la boîte, apparemment, il va falloir reprendre du service. Le bip de fin me signale que le message est terminé, j’arrache la feuille et j’en prends connaissance.
Salut, Richard. Nous allons avoir besoin de tes services. Le ministère des Affaires étrangères souhaite que nous intervenions rapidement concernant une série de meurtres sur des personnes de type africain de sexe féminin. Des corps mutilés ont été retrouvés dans différentes régions de notre pays, le dernier en date dans la ville de Carcassonne et comme tu es sur place, je souhaiterais que tu interviennes auprès des autorités. Merci de me contacter demain à la première heure pour plus d’informations.
Le Crabe
Les affaires reprennent, depuis notre dernière mission qui nous avait conduits en Grèce, il est vrai que la boîte ne m’avait mis sur aucun dossier depuis mon retour de Cuba. Je retourne me coucher, Marie en a profité pour prendre plus de place dans le grand lit, je la pousse doucement pour qu’elle me laisse un bout de matelas. Je me recouche, mais je pense que pour moi ma nuit est finie.
Le jour qui pénètre lentement à travers la grande baie vitrée est pâle, et la brume recouvre la plaine. La fatigue a eu raison de mes pensées et je me suis endormi paisiblement. Je retrouve tout le monde dans la grande cuisine, le sommeil réparateur a fait son effet, les visages sont plus détendus et souriants. J’embrasse mon petit ange qui dévore une tartine de pain beurré, je caresse les longs cheveux de ma chérie en saluant nos convives.
— Mon chéri, tu as passé une mauvaise nuit, je t’ai entendu te lever, et quand tu es revenu dans le lit conjugal, tu avais du mal pour trouver le sommeil. Tu aurais pu me faire un câlin, tu as vraiment une sale tête ! va te réveiller sous la douche, je te prépare ton petit-déj.
Je salue mes amis, je vais écouter les conseils de ma chérie en espérant que la douche va être salvatrice. Je reviens vers eux, toujours la tête dans le cul, mais je suis un peu plus à l’écoute d’Alain qui me parle.
— J’ai passé une excellente nuit, quel calme, vous êtes complètement dans un havre de paix. Se faire réveiller par le champ des oiseaux au lever du soleil, que du plaisir, en plus à côté de la plus belle, nous allons nous plaire chez vous.
Je bois mon café en espérant revenir sur terre. J’interpelle mon ami en lui disant que j’ai du neuf et que c’est arrivé en pleine nuit, Marie me regarde inquiète de mes dernières paroles. J’invite Alain à me suivre dans le bureau. Nous prenons place, je lui montre le fax reçu durant la nuit. Il en prend note et se retourne vers moi.
— Bien, je crois que les vacances sont terminées, nous allons reprendre du service.
Je lui confirme en prenant le téléphone pour appeler le Crabe en direct. La liaison se fait rapidement.
— Salut, Stéphane. Je reviens vers toi suite à ton message de cette nuit, Alain vient de me rejoindre, je t’écoute si tu peux nous en dire plus.
— Salut, à vous deux, je suis désolé de vous prendre au saut du lit. Bonjour Alain, je suis au courant de ton retour, je ne pensais pas te retrouver avec Richard, mais c’est tant mieux, je vais pouvoir vous expliquer de quoi il en retourne.
— Vas-y, je te mets sur haut-parleur, nous sommes avec toi.
Un petit moment de silence, nous entendons le bruit de froissement des feuilles, Stéphane reprend la parole.
— Voilà, nous avons en ce moment des féminicides de femmes de couleur sur notre territoire. Les filles sont toutes jeunes et très belles, apparemment le modus operandi est toujours le même : les victimes sont tuées par balle dans la tête, et leurs corps sont découpés en plusieurs parties, de plus les reins ont été prélevés. Il s’avère qu’aujourd’hui, nous sommes en présence de six meurtres, et ce, dans la région d’Occitanie pour la plupart. Deux autres corps ont été trouvés en Provence-Alpes-Côte d’Azur, comme je te l’ai signalé, la dernière victime a été trouvée à Carcassonne. La dépouille est en ce moment à l’institut médico-légal de Toulouse. Je souhaiterais votre présence en premier sur les lieux du crime et par la suite auprès du médecin légiste. Le fait d’avoir reconstruit le binôme est une chance pour nous. Je vous fais parvenir l’adresse pour la visite sur place, ainsi que le nom du médecin. Je compte sur vous, je reste à votre disposition pour tout autre complément. Bonne journée, j’attends de vos nouvelles prochainement, salut.
Le silence retombe dans le bureau. Nous nous regardons sans ouvrir la bouche, mon téléphone vibre par l’arrivée d’un texto. Je l’ouvre aussitôt et note sur une feuille l’adresse du rendez-vous. Nous revenons à la cuisine pour retrouver nos femmes. Marie et Julia, à voir nos têtes, se doutent bien que nous allons leur annoncer une mauvaise nouvelle, et c’est à moi de le faire.
— Mes chéries, je suis désolé, nous venons d’être missionnés pour une nouvelle affaire. Nous devons partir pour Carcassonne, le temps de se préparer, encore désolé, mais le devoir nous appelle.
Nous prenons la direction de nos chambres pour nous préparer pour le départ. Marie est venue m’aider à faire mon sac, elle ne pose pas de questions inutiles, elle sait que je ne peux pas lui répondre. J’ouvre le coffre et récupère de l’armement, ainsi que ma carte de police. Nous bouclons les affaires toujours dans le silence. Alain et moi nous retrouvons dans le hall, je fais un gros baiser sur le front de la petite Julia comme à mon habitude. J’embrasse Marie et me rends à la voiture dans laquelle j’attends Alain qui ne tarde pas. Direction Carcassonne par l’autoroute.
La circulation est paisible à cette époque, seuls de nombreux poids lourds sillonnent le grand ruban. Nous sommes sur place en moins d’une heure, le rendez-vous est rue Cros Mayrevielle. Je stationne la voiture sur le parking, nous franchissons le pont-levis de la porte narbonnaise, nous prenons la direction de l’adresse, nous arrivons enfin devant une vieille maison aux murs de pierre. La porte d’entrée est gardée par deux policiers, nous présentons nos cartes et accédons dans la demeure.
Une senteur caractérisée par cette odeur métallique due au fer contenu dans le sang flotte dans l’air, le sol est taché de liquide de vie. Les rubalises jaunes nous empêchent de pénétrer sur la scène de crime, les plots relevant les indices sont encore sur place. L’officier de police judiciaire nous a rejoints, nous lui montrons nos cartes, je lui demande l’accès au dossier et s’il peut nous en dire plus.
— Bonjour messieurs, nous avons été prévenus de votre visite, voici un double du dossier, les techniciens de la INPS, l’institut national de la police scientifique ont effectué les relevés d’indices, ils ont nettoyé entièrement la scène. Les prélèvements ont été envoyés dans les laboratoires afin de rechercher des traces d’ADN ou d’empreintes pouvant nous orienter vers un potentiel suspect. Je vous ai noté l’adresse et les contacts au laboratoire du SNPS de Toulouse, sinon la victime était âgée plus ou moins d’une vingtaine d’années, originaire probablement de la Centrafrique. Son corps a été démembré en cinq parties, une pour le tronc avec la tête, deux pour les bras et deux pour les jambes. Aux premières constatations, les gestes opératoires ont été faits post mortem d’où une absence d’abondance de sang. Aucun témoin, le dossier est vide à cette heure.
Alain regarde le dossier ainsi que les photos prises avant le nettoyage de la scène, il fait des grimaces en regardant les clichés du corps. Je remercie le policier, nous allons retrouver notre voiture pour continuer en direction de Toulouse. Prochain arrêt, l’Unité Médico-Judiciaire du CHU de Rangueil.
Nous rejoignons l’autoroute A61. Au bout d’une grosse demi-heure, nous arrivons enfin devant le Centre Hospitalier Universitaire de Rangueil.
L’hôtesse d’accueil nous indique l’accès du service de médecine légale. Nous empruntons les grands couloirs blancs sous les lumières des néons blafards, enfin, nous arrivons devant le bureau.
Il y a un monde fou dans cet univers souterrain, nous en sommes les premiers surpris. Je demande à une infirmière de faire appeler le docteur Simon, c’est le nom qui est noté dans mon dossier, elle nous demande de patienter. L’odeur d’antiseptique et de formol me monte à la gorge, j’espère que notre attente ne va pas être trop longue.
En patientant, je regarde le dossier, c’est vrai que les photos sont repoussantes. Le visage de cet enfant, est d’une rare beauté, quel est le salop qui a pu massacrer cette personne, et pourquoi découper ainsi son corps. Quelle en est la signification ?
L’infirmière me signale que la docteure Simon nous attend dans son bureau au numéro 34, elle nous montre la direction à suivre. Nous arrivons rapidement devant la porte. Je toque et nous patientons dans le couloir. La porte s’ouvre sur une charmante jeune femme d’une trentaine d’années qui nous invite à rentrer.
— Je vous en prie, prenez place, je suis sur le dossier depuis ce matin, l’autopsie est terminée et nous attendons les résultats des analyses toxicologiques que nous devrions avoir dans la matinée de demain. Ce que je peux vous dire, c’est que cette personne était en pleine santé et que je n’ai rien découvert de spécial durant mes examens.
— Merci docteur, nous attendrons les résultats demain si vous le voulez bien. Est-ce que vous pouvez nous en dire plus sur les démembrements de cette malheureuse, que pouvez-vous nous apprendre ?
Elle ouvre son dossier et tourne plusieurs pages. Elle me présente des photos que j’ai du mal à regarder, je les fais passer à Alain qui de nouveau fait la grimace lui aussi. il les remet à madame Simon, la docteure range les photos dans le dossier.
— Comme nous avons pu le constater sur le lieu du crime, la séparation des membres a été faite post mortem, heureusement pour la victime, mais ce que je peux vous certifier c’est que cet acte n’a pas été le fait d’un professionnel, ni de médecine, ni d’un découpeur-désosseur ; les coupes ne sont pas franches et il ou elle a dû s’y reprendre à plusieurs reprises. Les dégâts sont importants. J’ai pu noter aussi qu’une néphrectomie a été faite, autrement dit les reins ont été retirés par acte chirurgical, cependant dans de meilleures conditions. Vous pourrez en lire plus sur mon rapport, voici ce que je peux vous dire à ce jour. Nous y verrons mieux peut-être plus tard.
Elle me donne le dossier et elle reprend la parole.
— Je suis obligée de vous laisser, car d’autres patients m’attendent, ils ne sont pas pressés, mais moi oui. Nous traitons six cents cas par an donc vous devez vous douter qu’il faille aller de l’avant, je vous raccompagne. Vous pouvez prendre le premier dossier à l’accueil, je vous transmets le reste dès que possible. Si vous voulez bien me suivre.
La docteure nous raccompagne vers la porte, nous nous saluons et prenons congé. Un crochet par le bureau des entrées, nous récupérons le dossier initial en attendant demain. De retour à la voiture, j’appelle le Crabe pour le mettre au courant.
— Salut, c’est Richard et Alain, nous sortons de l’IML de Toulouse, rien de nouveau pour l’instant, nous devons attendre demain pour les retours d’analyses. Il faut que tu me fasses passer les trois autres dossiers qui concernent notre région, et demande à d’autres personnes de te faire un topo sur les deux dossiers de la région PACA, cela nous évitera le déplacement. Que faisons-nous, on rentre ou nous restons à Toulouse ?
— Restez sur place et retournez à l’IML. Les trois autres corps ont été découverts en Ariège, dans le Tarn et à Toulouse, c’est le même institut qui a traité les victimes, aucun lien n’a été fait jusqu’à aujourd’hui. Il faut regrouper les dossiers et commencer les recherches dans ce sens. Je contacte la direction pour que les trois dossiers vous soient remis demain matin lors de votre visite au légiste qui s’occupe du cas de Carcassonne. Vous pourrez en discuter entre vous et voir s’ils sont concordants, je pense qu’il s’agit du même tueur. Tenez-moi au courant demain, bonne soirée.
Nous retournons dans l’hôpital et demandons à revoir la docteure Simon. Nous patientons dans le couloir, la praticienne revient vers nous, elle est vêtue d’une blouse blanche pas très nette. Un peu énervée de nous revoir, elle s’adresse à nous.
— Messieurs, je vous ai dit que j’étais débordée. Quelle est votre demande à présent ? Je suis désolée, mais mon temps est précieux, je vous écoute.
Je me lève et la prends par le haut de l’épaule en serrant mes doigts autour de l’articulation. Elle me regarde, l’air étonné.
— Écoutez, docteure, nous aussi notre temps est précieux, le vôtre pour vous occuper des morts, et le nôtre pour éviter qu’il n’y en ait plus. Il nous faut trois dossiers concernant des morts similaires récentes dans votre région, une en Ariège, une dans le Tarn et une dans votre ville. Est-ce que vous pouvez nous aider ?
La docteure tire son épaule en arrière pour me faire lâcher prise. Elle nous propose de la suivre jusqu’à la réception, par la suite, elle demande à la secrétaire de faire la recherche concernant les dossiers demandés. Elle se tourne vers nous.
— Merci de patienter ici, vos dossiers vont arriver, je vous donne rendez-vous demain matin à neuf heures, nous connaîtrons les retours des analyses et nous pourrons discuter de ces autres cas. Je vous souhaite une bonne fin de journée.
Elle me tend la main et nous nous les serrons. Elle en profite pour me planter ses ongles dans le poignet, nos regards se défient. Elle relâche son étreinte et part retrouver ses patients. Sacré bout de femme.
La secrétaire revient vers nous avec des pochettes. Elle nous les dépose sur la banque en nous signalant que les dossiers sont là, et que nous pouvons les récupérer. Nous reprenons la direction du parking.
— Nous allons étudier les dossiers ensemble, il est certain que les meurtres sont reliés, regardons les dossiers d’autopsie.
Je donne une pochette à Alain, concernant la victime du département de l’Ariège, je consulte celui du Tarn. Nous tournons les feuilles pour finir sur les photographies des victimes. Nous refermons les dossiers.
Alain, en silence, me regarde en me montrant des yeux la chemise du dernier cas, la victime de Toulouse. Je l’ouvre et nous vérifions les conclusions du légiste. Il est confirmé que les victimes, jeunes et très belles, représentantes des origines africaines, ont été massacrées par le même agresseur. Le modus operandi est le même. Une balle dans la tête et le démembrement du corps en cinq parties identiques, ainsi que l’ablation des reins. Je referme le dossier.
— Bien, il ne nous reste plus qu’à attendre le rapport du docteur Simon concernant la dernière victime, mais nous savons déjà que vu le corps, c’est le même cas. Je ne sais pas par où commencer, allons prendre une chambre pour la nuit, nous verrons demain matin.
Je démarre la voiture et nous prenons en direction de Ramonville pour rejoindre notre hôtel. La nuit tombe tranquillement sur la ville, les bouchons traditionnels du soir bloquent la circulation, nous sommes à l’arrêt dans le flot des voitures. Alain brise le silence.
— Cette affaire est compliquée, à part la région du sud de la France, nous n’avons rien de plus pour commencer nos investigations. Trois points communs, l’origine des victimes, le démembrement et la disparition des reins, ce n’est vraiment pas lourd. Bon, mets-nous un coup de deux tons, il me tarde de prendre une douche, j’ai l’odeur de cadavre sur la peau.
J’actionne la sirène et enclenche le gyrophare. Les véhicules qui nous précèdent s’écartent de la route pour nous faciliter le passage. Nous arrivons enfin au parking de l’hôtel, nous récupérons les clefs de nos chambres en nous donnant rendez-vous pour 19 heures dans la salle de restauration.
Alain a raison, la douche me fait un bien fou, je me pose sur le lit pour téléphoner à Marie, elle décroche rapidement.
— Allô, ma chérie, comment allez-vous, nous restons à Toulouse pour la nuit, avez-vous passé une belle journée ?
— Tout va bien mon amour, oui, la journée est passée très vite, nous avons profité d’être entre filles. Faites bien attention à vous et revenez-nous rapidement, je t’embrasse, rappelle-moi demain, je t’aime, bisous.
Je reprends les dossiers pour regarder les conclusions des légistes sur les dissections. Il est noté que les coupures au niveau des articulations n’ont pas été faites par un instrument chirurgical, plutôt avec un élément tranchant, mais pas coupant, ce qui laisse apparaître des lésions sur les tissus, tendons et os. En conclusion, la séparation des membres aurait été faite à l’aide d’un couteau de type chasse, que l’on peut trouver dans n’importe quel commerce spécialisé. Les reins, eux, ont été retirés par un acte chirurgical de précision, laissant démontrer que cet acte a été fait par un professionnel, nous voici bien avancés. On tape à ma porte, je dépose le dossier sur le lit et me dirige vers la porte pour ouvrir. Je tombe sur Alain.
— Tu viens, on va boire un apéro avant de manger, et laisse le boulot sur le lit, tu as la nuit pour réfléchir. Je t’attends en bas.
Alain referme la porte, je me change et descends au bar afin de le retrouver. Il est en pleine discussion avec la barmaid, je me pose à ses côtés en lui tapotant l’épaule pour lui couper la parole. Je commande un Cuba libre, et me tourne vers lui.
— Tu ne changeras pas, je te laisse deux minutes et je te retrouve en pleine drague, je croyais que tu comptais épouser Julia. Tu as changé d’avis ?
La serveuse dépose le verre sur le comptoir, elle s’éloigne après avoir entendu ma remarque, elle baisse la tête tout en essuyant ses verres. Alain me répond.
— Je discute gentiment avec cette jeune fille pour faire connaissance, et toi, tu en tires tout de suite des conclusions. Je peux être poli sans sauter sur tout ce qui bouge, et puis tu sais que je suis fou de Julia, en plus comme tu dis, j’ai fait ma demande, j’attends toujours sa réponse, mais ce n’est pas pour cela que je vais la tromper. J’ai changé, comme toi. Tu veux que je te rappelle ta vie ? Bon, on trinque, santé à nos belles.
Nos verres se touchent, nous levons nos verres à notre santé et à toutes les femmes. Le visage de la serveuse est devenu rouge, elle reste le dos tourné en prenant le temps de ranger délicatement les verres sur les étagères. Alain la rappelle.
— Coucou, ma belle, vous pouvez nous remettre une tournée s’il vous plaît ? Ne soyez pas timide, comme vous pouvez le voir, nous sommes un vieux couple.
Elle se tourne, elle nous regarde droit dans les yeux à tour de rôle. Elle remplit à nouveau deux verres et nous les dépose sur le comptoir, elle nous répond sans nous quitter des yeux.
— C’est vrai que vous faites vieux couple, c’est bien dommage, je me serais bien mise entre vous deux pour la nuit, tant pis pour vous. Je vous souhaite une bonne soirée.
Elle se retourne en direction de la caisse, tout en faisant rouler son petit cul sous sa jupette. Alain me fait signe de prendre la direction du restaurant toujours en regardant le petit lot, il s’essuie le front faisant mine de transpirer. Il est juste qu’il y a quelque temps, il ne serait pas passé à côté.
Après avoir traversé la salle, nous prenons place à une table pour commander le repas. Nous discutons de la serveuse un petit moment tout en rigolant, puis nous reprenons le cours de notre mission. Alain me donne son avis.
— C’est vraiment tordu, cette histoire, se retrouver avec des corps de très belles jeunes filles de couleur, démembrées et sans reins d’une façon, je dirais, rituelle par au moins deux individus. Apparemment un sans expérience médicale qui découpe les corps, et un autre professionnel de santé qui effectue l’ablation des reins, en tout cas, nous sommes bien en présence de tueurs en série. Les deux corps de la région PACA montrent des similitudes, mais pas encore reliés, cependant avec la dernière victime de Carcassonne, nous sommes passés au-dessus de trois cadavres, et ce, en quatre lieux différents. Il va nous falloir de l’aide, sinon nous allons tourner dans toute la région, et ce n’est pas pour cela que nous avancerons. Qu’en penses-tu ?
Je regarde Alain dans les yeux tout en réfléchissant à son analyse. Il est bien vrai que nous ne savons pas où commencer nos recherches, les indices sont pratiquement nuls, à part le retour du médecin légiste et la façon dont les corps ont été mutilés, nous ne savons rien de plus. Mon téléphone vibre sur la table, je décroche.
— Allô, le Crabe, salut, je t’écoute.
— Bonsoir à vous deux, je reviens vers vous pour savoir si vous avez du nouveau de votre côté. Pour moi, j’ai de nouvelles informations ; entre autres les analyses balistiques des balles utilisées pour l’assassinat de ces jeunes personnes. Il s’agit bien de la même arme utilisée pour les six féminicides. C’est du calibre 7.65, de plus les filles viennent toutes du Soudan, principalement de la région de Kerma, une grande cité en bordure du Nil, non loin de la frontière égyptienne. Les autorités réfléchissent afin d’envoyer une équipe sur place pour avoir plus d’informations, et essayer de remonter la filière de passage vers l’Europe. Bien, c’est tout pour moi, je vous écoute.
— De notre côté rien de nouveau, nous verrons demain ce que va nous apprendre la légiste, sinon nous n’avons rien pour commencer. Justement, nous étions en train de nous consulter, et nous pensons qu’il va nous falloir du renfort. Je pense que Paul pourrait nous être utile pour commencer des recherches sur la toile afin de faire un regroupement sur les victimes, ainsi que sur le trafic d’organes. Je te confirme qu’il serait aussi utile d’envoyer une équipe de renseignement sur place au Soudan si la situation actuelle le permet. C’est tout pour nous, désolé, on refait un point demain dès que nous avons des infos, bonne soirée à demain.
Je repose le téléphone sur la table, et nous reprenons notre conversation. Je donne les nouvelles informations à Alain.
— Les victimes ont bien été tuées avec la même arme, il est donc certain que les meurtres sont en rapport avec une seule personne, voire d’un groupe de personnes. Mais est-ce que les meurtres ne cachent pas un trafic d’organes ? Les filles sont toutes originaires du Soudan, il va falloir remonter la source des migrants illégaux ou des visas pour études, elles sont jeunes. J’ai demandé l’aide de Paul qui peut nous être utile dans les recherches. Le Crabe de son côté va envoyer une équipe sur place pour enquêter sur les familles, je t’ai tout dit, nous ne sommes pas plus avancés sauf sur l’origine et le pays des filles.
Le repas terminé, nous nous dirigeons vers nos chambres, la nuit porte conseil, du moins je l’espère.
Le soleil blafard me tire du lit, direction la douche pour finir le réveil.
Je rentre les dossiers dans ma serviette et rejoins Alain pour le petit déjeuner. Nous nous retrouvons à une table. La salle est remplie de personnes qui se restaurent dans le silence.
— Alors bien dormi, pas de rêves sur le merveilleux pays du Soudan, le paradis pour les femmes, tu m’étonnes qu’elles décident de quitter ce havre de paix. Bien, il est huit heures, on ne va pas tarder, nous avons rendez-vous avec le docteur Simon, en espérant que nous allons découvrir de nouveaux éléments.
Alain finit son café, il mange une viennoiserie, il me regarde les yeux fatigués.
— J’ai regardé les dossiers des filles, et crois-moi, j’ai très mal dormi, ce n’est pas de la lecture de fin de soirée, bref, à part le démembrement, la balle dans la tête et l’opération ainsi que l’origine des victimes, on n’a pas le cul sorti des ronces, comme ils disent ici. Nous n’avons rien pour avancer, il faut contacter Paul de toute urgence.
Le petit déjeuner terminé, nous sortons de l’hôtel et prenons la voiture en direction de l’IML de Rangueil. Une grosse demi-heure plus tard, nous sommes dans le bureau du légiste. Croissons les doigts pour de nouvelles informations.
— Bonjour messieurs. Comme je vous l’ai dit hier, j’ai du nouveau. En effet, après votre départ mouvementé, si je peux dire, j’ai repris l’ensemble des dossiers et effectivement, je peux vous confirmer que les dissections des membres ont été faites par, je pense, la même personne, vu les dégâts occasionnés, et par le même objet tranchant. Les traces laissées sur les os sont identiques, il s’agit d’un couteau du genre de couteau de plongée, du moins une arme avec une face tranchante et une face crantée. Pour la néphrectomie, je vous confirme que c’est bien un acte chirurgical de précision.
Je la coupe pour la remercier.
— Merci, docteur, je vous demande encore de m’excuser pour hier, nous avons une grosse pression de la part de nos supérieurs. Il est vrai que ma demande était un peu autoritaire, continuez.
Elle se replonge dans son dossier, et reprend.
— Merci pour vos excuses que j’accepte volontiers, bien, reprenons, en ce qui concerne les balles, elles sont identiques et d’après l’analyse balistique, nous avons affaire à un même calibre et vraisemblablement à la même arme.
Elle me regarde et je lui confirme d’un hochement de tête. Elle continue sa lecture.
— Voici les résultats des analyses toxicologiques, nous avons trouvé des traces de méthamphétamine, donc ces personnes étaient toutes quatre sous l’effet de drogue. Cette substance a été injectée en intraveineuse et non par inhalation, en conséquence, je ne peux pas vous confirmer s’il s’agit d’une prise volontaire ou sous contrainte. De ma position et suite à l’autopsie, je dirais que ces jeunes filles étaient en bonne santé, et que, si elles se droguaient régulièrement, j’aurais constaté une détérioration des dents ainsi appelée « bouche de méth ». Des risques de maladies cardiaques ou d’AVC, maigreur extrême, ce qui n’est pas le cas. Je peux donc vous assurer qu’avant leur mort, elles étaient en excellente santé du point de l’organisme et du point nutritif. Je peux vous confirmer qu’elles ont été droguées de forces, voici mon rapport.
Elle me tend le dossier que je récupère en la remerciant. Nous avons de nouvelles informations, il nous faut les regrouper et commencer de nouvelles recherches. Nous saluons madame Simon et prenons congé, en souhaitant nous revoir le plus tard possible. Je lui demande si elle peut transférer le rapport sur une clef USB, afin de le transmettre. Elle nous raccompagne jusqu’à sa secrétaire, elle lui demande de copier le fichier informatiquement. Peu après elle me remet le support que je glisse dans ma poche, en même temps, elle me donne sa carte de visite.
— Voilà, c’est fait, je retourne à mes occupations, si vous souhaitez me contacter, appelez-moi à ce numéro et laissez-moi un message, bonne journée.
Elle nous laisse et disparaît dans les longs couloirs blafards. Je demande à la secrétaire de transmettre le fichier à mes supérieurs en lui donnant une adresse mail. Une fois l’envoi confirmé, nous retournons à notre voiture et attendons l’appel du bureau. Cela ne tarde pas, le téléphone sonne.
— Salut, les gars. Je viens de recevoir votre rapport, c’est bien, nous avons du nouveau. J’ai pris de nouvelles dispositions, je vous fais passer le numéro de Paul, vous pouvez le contacter et le mettre sur l’affaire, il est déjà informé des grandes lignes. Nous avons aussi mis une équipe de renseignements en place pour investiguer dans la ville de Kerma, elle est prête et va partir de Djibouti, elle sera sur place demain dans la matinée. Je vous recontacte dès que j’ai du nouveau. Il vous faudrait partir en PACA pour vérifier si les deux autres cas sont similaires et voir s’ils sont plus anciens ou plus récents que le dernier. Vous vous mettez en rapport avec l’IML de la Timone à Marseille, ils vous attendent. Merci pour tout, bonne journée.
La nouvelle ne nous réjouit pas, c’est officiel, nous sommes sur l’affaire et nous devons continuer vers d’autres cieux. Nous reprenons l’autoroute des deux mers en direction du sud, nous en profiterons pour faire un arrêt à Narbonne pour saluer nos belles. Le fait de retrouver mes amours me donne des ailes et nous sommes rapidement rendus à la maison non sans avoir été pris en photo le long du trajet. Je me gare devant le perron, la petite Julia arrive en courant, pour nous rejoindre, elle me saute dans les bras.
— Mon papa chéri, te voilà enfin de retour à la maison, tu m’as manqué.
Elle passe ses petits bras autour de mon cou et me serre très fort à en perdre la respiration. Marie et Julia sont à présent sur les marches de l’entrée en attendant notre arrivée. Nous prenons nos belles dans nos bras, les retrouvailles nous font le plus grand bien. Le repas est servi et avec la douceur de l’été indien, nous prenons place sur la terrasse baignée par un pâle soleil. La petite sur mes genoux, nous commençons le repas dans la bonne humeur. Marie nous questionne sur notre enquête.
— Alors, est-ce que nos hommes sont de retour à la maison, ou vous êtes seulement de passage ?
Elle connaît déjà la réponse, mais elle espère que nous sommes vraiment de retour. Je ne peux hélas pas la rassurer.
— Nous ne sommes que de passage mon amour, nous devons repartir dans le Sud-est afin de continuer nos recherches. Cette affaire est très compliquée, je suis désolé, mais nous n’allons pas pouvoir rester auprès de vous, profitons de l’instant présent.
Ma chérie se lève, elle me donne un baiser en passant près de moi.
— Je m’en doutais, nous avons préparé vos sacs, tout est prêt, comme ça, nous pourrons profiter un peu plus de vous.
La fin du repas s’éternise, il va falloir reprendre la route. La séparation est dure pour la petite, mais elle comprend bien que nous n’avons pas le choix. Le moment est venu, nos belles nous accompagnent à la voiture et après de grandes embrassades, nous reprenons la route en direction de la cité phocéenne. Le silence présent dans la voiture est brisé par Alain.
— Nous avons quand même des femmes extraordinaires, elles savaient bien que nous allions repartir, nous préparer les sacs pour gagner du temps en restant près de nous. Il me tarde que cette mission s’achève, je pense que nous allons nous installer dans votre belle région, et profiter au mieux de la vie.
— Je te l’ai proposé, vous pouvez rester chez nous, c’est avec plaisir, et puis les filles sont tellement heureuses d’être ensemble.
— Je ne voudrais pas abuser, et puis vous avez besoin d’intimité, mais nous resterons chez vous le temps de trouver notre nid, bien, nous n’allons pas tarder. Le Crabe va faire la gueule avec tous les PV qu’il va recevoir, vas-y, tu as une place là-bas.
Je stationne la voiture sur le grand parking de l’hôpital de la Timone. Nous nous dirigeons en direction du bâtiment médico-légal, le jour se lève sur la ville. Arrivé à l’accueil, je demande à être reçu par le docteur Marcel, la secrétaire repose le téléphone, elle nous demande de le rejoindre dans son bureau au second sous-sol. Je ne sais pas si c’est pour habituer les corps à l’obscurité, mais les cadavres sont toujours gardés sous terre, ou alors c’est pour cacher la mort aux vivants. Je toque à la porte qui s’ouvre rapidement, un jeune homme en blouse blanche nous reçoit dans son bureau.
— Entrez, messieurs, je vous attendais, je vous ai préparé les dossiers concernant les deux victimes. Les corps sont encore en chambre froide, nous pourrons leur rendre visite par la suite, je vous écoute.
Je récupère les dossiers sur le bureau et j’en donne un à Alain. J’ouvre le mien, je commence par les photos, le résultat est identique. Des jeunes filles de couleur, très belles, une balle au niveau de la tête, le corps démembré en cinq parties. Je repose les documents, et questionne le jeune docteur.
— Merci d’avoir tout préparé pour notre arrivée. Nous arrivons de Toulouse, où nous avons été mis face aux mêmes meurtres, apparemment, nous pouvons faire le constat qu’à première vue, ces féminicides sont identiques. Si vous pouvez nous en dire plus, peut-être, pourrons-nous confirmer cette opinion ?
— D’après les résultats des autopsies, voici les éléments que je peux vous donner. Nous sommes en présence de deux corps d’origine africaine, les victimes sont âgées de plus ou moins une vingtaine d’années, disons entre vingt et trente ans maximum, en bonne santé. Les analyses toxicologiques nous ont démontré la présence de drogues à base d’amphétamine. Nous n’avons pas pu donner de nom à cette substance, ce qui est certain, c’est que la drogue a été injectée par intraveineuse et que ces personnes n’étaient pas des accros à ce stimulant. Nous n’avons pas trouvé de facteurs indiquant de fortes doses dans l’organisme. Concernant la séparation des membres, celle-ci a été faite avec un objet tranchant, mais pas vraiment taillant, en effet je peux vous confirmer que ce n’est pas un professionnel qui a effectué cette dissection. Nous trouvons des traces d’arrachements au niveau des tendons et des muscles. Des traces de dents au niveau des os, donc le couteau ou autre est un ustensile tranchant et cranté. A contrario l’opération concernant l’ablation des reins n’a pas été effectuée par la même personne. Nous sommes en présence d’un vrai acte de chirurgie, pour finir, la balle trouvée dans la boîte crânienne et d’après l’analyse balistique est de calibre 7.65, mais je crois que vous avez été informés de ce dernier élément. Si vous le voulez bien, allons voir les corps, vous vous ferez une idée plus claire sur place.
— Je vous remercie pour votre analyse docteur. Vos déductions sont effectivement les mêmes que votre homologue toulousain, nous sommes bien en présence de cas similaires découverts dans le Sud-ouest. Merci de me mettre vos rapports au format informatique afin que je le transmette en haut lieu. Allons rendre visite à ces patientes, mais je crains que nous ne soyons pas plus avancés, nous vous suivons.
Le docteur nous précède dans les grands couloirs, après plusieurs centaines de mètres, nous arrivons enfin devant une porte nous signalant la salle d’autopsie. Nous enfilons la tenue réglementaire, une charlotte, une blouse, des surchaussures et un masque FFP2. Le docteur nous tend un baume à appliquer sous le nez. Nous rentrons dans la pièce froide.
Nous découvrons les corps étendus sur deux tables d’autopsie. Les cadavres sont identiques aux précédents. Le médecin nous explique ses observations concernant la découpe des membres, ainsi que la cicatrice dans le dos. En continuant, il nous demande de nous rapprocher de la tête d’une victime. Il nous explique les caractéristiques typiques de l’orifice d’entrée de la balle et que l’empreinte tégumentaire arrondie autour de cet orifice d’entrée du projectile est compatible avec le canon d’une arme à feu à bout touchant. Les conclusions sont les mêmes sur l’autre corps. Nous sortons dans le couloir et déposons nos protections dans une poubelle. Nous arrivons dans le bureau du légiste.
— Comme je vous l’ai dit, docteur, le modus operandi est confirmé, c’est la même personne qui a pratiqué ces meurtres. Je vous remercie pour vos explications claires et concises, je vous laisse nos coordonnées si vous avez du nouveau, ou si d’autres cas similaires vous parviennent.
Je récupère la clef USB contenant les copies des dossiers, nous laissons là le corps médical et revenons à notre véhicule. Je connecte mon ordinateur et expédie le fichier informatique, par la suite, je joins le Crabe par téléphone.
— Salut, nous sortons de l’IML de la Timone, je t’ai fait passer les fichiers concernant les dossiers des filles. Nous sommes bien en présence du ou des mêmes tueurs, mais nous n’avons aucun débouché pour l’instant. Est-ce que tu as du nouveau de ton côté afin de nous faire avancer ?
— Bonjour à vous deux, oui, j’ai du nouveau. L’équipe de renseignement envoyée sur place à Kerma a pu facilement avoir des informations. En effet, une quinzaine de filles ont disparu de la région, toutes jeunes et belles, entre une vingtaine et une trentaine d’années. Elles travaillaient pour une compagnie de croisières qui transportent les touristes de Kerma jusqu’en Égypte. Les parents pensent qu’elles ont migré pour trouver une vie meilleure, mais nous savons maintenant que ce n’est pas le cas. J’ai envoyé tout ce que j’ai à Paul, il va vous rejoindre à Marseille. Je vous ai attribué une de nos planques dans le quartier de Saména, je vous fais passer l’adresse dès que je raccroche. Il faut trouver la porte d’entrée de ces filles sur notre territoire et remonter vers les assassins. Je compte sur vous, bonne fin de journée.
Le silence se pose dans la voiture. Le tintement de la réception d’un texto se fait entendre, Alain et moi, nous regardons. Je prends la parole.
— Bon, mon grand, je confirme, nous sommes bien en mission, il va falloir appeler nos chères et tendres pour leur annoncer la nouvelle. Elles ne vont pas être ravies, j’ai cru voir dans leurs regards, une lueur d’espoir pour un retour ce soir à la maison. Allons rejoindre notre QG, on avisera pour la suite.
Je rentre la nouvelle adresse de notre destination dans le GPS. Nous prenons le boulevard Jean-Moulin jusqu’au Parc du 26e centenaire, de là, nous bifurquons sur le boulevard Rabatau. Notre route longe le centre d’entraînement et le stade Vélodrome, après le rond-point du Prado, nous descendons l’avenue du même nom pour arriver enfin en bord de mer au pied du rond-point de la statue de David. Nous longeons la plage sur notre droite le long de l’avenue Pierre-Mendès-France, sur notre gauche le parc Borely et son hippodrome. Ce retour à Marseille nous rappelle notre première mission ensemble lors de mon « Périple au bord de l’eau ».
— Tu te souviens de notre affaire à Marseille, il y a presque deux ans déjà, le temps passe vite. Nous avons quand même bien voyagé depuis, et nous avons tout de même eu de bons résultats depuis que nous travaillons ensemble. Le « soleil bleu », c’était pas mal non plus, la rencontre de Jade, Paul et Iris, que de bons souvenirs. Nous allons peut-être les revoir, qui sait vers quels nouveaux lieus va nous mener cette enquête. En tout cas, nous avons fait une sacrée route ensemble.
Nous continuons notre chemin, en longeant la plage de la Vieille Chapelle pour arriver à la plage de la Pointe Rouge. Sur l’avenue de Montredon, nous laissons le bord de mer. Une fois engagés sur cette avenue, notre destination se rapproche, notre chemin se poursuit sur l’avenue de la Madrague de Montredon en passant dans le centre-ville. En sortant de l’agglomération, nous bifurquons sur le Chemin des Goudes, en pleine nature, nous arrivons enfin dans la Calanque de l’Escalette près du petit port. Notre destination se trouve là, tout près de la mer, il y a peu de monde en cette période d’après saison. Je gare la voiture devant la maison et sonne à la porte. Un jeune homme vient nous ouvrir.
— Bonjour messieurs, je me présente Jérôme, je ne vous attendais pas aussi rapidement. Je vous en prie, entrez.
Nous serrons la main de notre hôte et nous présentons.
Nous pénétrons dans la demeure, une maison banale, rien de superflu, arrivé dans le salon, nous découvrons un centre informatique avec un écran au mur relié à un ordinateur. Des téléphones posés sur la table, la routine. Par la suite, nous allons dans nos chambres et déposons nos bagages. Nous nous retrouvons dans la cuisine devant un café.
— Jérôme, est-ce que vous avez d’autres équipements pour nous ?
— Oui, commandant, vous trouverez vos équipements dans le sous-sol. Si vous le voulez, je vous accompagne ?
Nous le suivons en descendant l’escalier qui nous conduit dans la cave. Une grande table est remplie de diverses armes et autres matériels. Jérôme nous fait l’inventaire.
— Comme nous a dit Monsieur le Crabe, vous trouverez ici vos armes habituelles : vous avez ici les armes de poing, ici d’épaule et de hanche, les munitions sont rangées dans les armoires qui se trouvent au mur. De ce côté, le matériel d’écoute et de surveillance, et ici la téléphonie. J’espère que j’ai bien répondu à vos attentes.
Alain émet un long sifflement en se dirigeant vers la grande table.
— C’est Noël avant l’heure, que de beaux cadeaux !
Il récupère un Sig Sauer E2022-9-BSS, le regarde de près, il éjecte le chargeur et le repositionne dans la crosse, il le repose sur la table. Il prend un pistolet-mitrailleur Sig Sauer MPX 9-TSBR calibre neuf millimètres parabellum, il continue l’inventaire.
— Le Crabe nous connaît bien, il y a tout ce qu’il faut, en espérant s’en servir le moins possible, mais c’est très bien.
Nous remontons vers l’appartement, quand la sonnette retentit. Nous nous regardons en questionnant Jérôme du regard, il nous répond en hochant la tête négativement, il n’attend personne à part nous. Nous reculons dans la cuisine à l’abri du regard. Il ouvre la porte, une voix féminine arrive à nos oreilles.
— Bonjour monsieur, c’est la voisine. J’ai vu qu’une voiture s’est garée devant la maison, j’ai préféré vérifier, on ne sait jamais, avec cette racaille qui tourne après la saison, mais je vois que vous avez ouvert la porte normalement. Très bien, si vous avez besoin de quelque chose, vous pouvez venir toquer chez moi, je suis seule, vous pourrez me tenir compagnie.
— Merci, madame, vous avez raison, il faut rester prudent de nos jours, mais je vous remercie, j’ai tout ce qu’il me faut. Mes amis sont arrivés, nous sommes ici pour finaliser l’écriture d’un livre. Un roman policier, nous allons avoir besoin de beaucoup de calme, c’est pour cela que nous avons choisi cet endroit, donc si vous pouvez respecter notre calme nous vous en serions gréés. Si des besoins se font sentir, nous n’hésiterons pas à vous rendre visite. Bonne fin de journée.
— Ho peuchère, un roman policier, avec un héros et des filles, des cadavres et tout le reste, qu’est-ce que c’est excitant, bien. J’ai compris, je vous laisse tranquille, mais je passerais vous voir de temps. Je suis si seule en ce moment, et puis vous savez, nous les Marseillaises il nous faut parler à du monde, sinon on a la citrouille qui explose. Les mots qu’on ne peut pas dire, ils se stockent dans le cerveau, après ça gonfle et paf ça pète, bon, aller je vous laisse, en tout cas, vous êtes charmant. Venez me rendre visite un soir, je vous ferais découvrir les calanques, une petite marche ne peut que vous faire du bien. Je me sauve, bonne fin de journée.
Jérôme referme la porte, il nous rejoint dans la cuisine.
— La voisine, apparemment, elle fait péter l’œil, il va falloir rester discret, et en plus d’être mignonne, elle a l’air chaude. Je pense que je vais accepter la promenade au clair de lune.
Nous regardons par la fenêtre la fille qui retourne chez elle, c’est vrai qu’elle est charmante. J’espère qu’elle ferme la bouche quand elle fait l’amour, car avec le bagou qu’elle a, ça doit te couper la chique.
Je me tourne vers Jérôme.
— En tout cas, ton idée d’écriture de bouquin est pas mal, parce que je pense que nous la reverrons, elle n’est pas du genre à rester chez elle. Bien, une autre personne doit nous rejoindre, nous ne savons pas quand. Est-ce que tu restes avec nous ?
— Non, je repars à Marseille, mais je demeure à votre disposition en cas de besoin. Voici mes coordonnées, vous appelez, j’arrive, vous commandez, j’exécute. Je vous laisse, n’hésitez pas. Bonne fin de journée, je vais rendre visite à la voisine avant mon départ.
Jérôme nous laisse, et effectivement, il se rend chez la charmante voisine, nous les voyons ressortir ensemble pour prendre les chemins qui longent les calanques. Je pense que la balade au clair de lune va être courte.
Mon téléphone sonne, je décroche et écoute mon interlocuteur. Le sourire me vient aux lèvres, pendant qu’Alain me demande qui est à l’appareil. Je raccroche.
— C’est le petit, Paul nous attend à l’aéroport de Marignane, il vient d’arriver de Paris, je vais le chercher. Tu viens avec moi ?
— Non, vas-y tout seul, je vais continuer l’inventaire et me poser un moment, je suis un peu crevé, et puis je vais appeler Julia. Je vous attends, je prépare la bouffe, c’est bon, tu peux y aller.
Je sors de la maison et je me dirige vers la voiture. Le vent marin me porte d’étranges sons. J’arrête de marcher pour les écouter, des gémissements arrivent de derrière la colline qui nous sépare de la mer. Je pense que la voisine et Jérôme prennent du bon temps, pas farouche la fille.