Vivre avec un SEAL - Jesse Itzler - E-Book

Vivre avec un SEAL E-Book

Jesse Itzler

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  • Herausgeber: Nimrod
  • Kategorie: Ratgeber
  • Sprache: Französisch
  • Veröffentlichungsjahr: 2024
Beschreibung

Chanteur de rap puis entrepreneur à succès, Jesse Itzler est prêt à tout pour innover, sortir des sentiers battus et ne pas tomber dans la routine. Aussi, quand il croise la route d'un athlète hors pair lors d'un ultra-marathon auquel il participe lui-même, Jesse Itzler décide de l'embaucher en qualité de coach sportif, logé à son domicile pour une durée de 31 jours. Cet athlète, alors inconnu du grand public, n'est autre qu'un ancien Navy SEAL qui accepte la mission à une seule condition : que Jesse Itzler fasse tout ce qu'il lui sera demandé de faire, sans jamais rechigner, sinon le contrat s'arrêtera sur-le-champ… Jesse Itzler donne son accord, mais il est loin de se douter qu'il vient de recruter comme coach celui qu'on surnommera bientôt « l'homme le plus résistant au monde ». Au cours des 31 jours qui vont suivre, Jesse Itzler va apprendre à vivre au rythme infernal de David Goggins. Chaque journée sera une nouvelle épreuve, aussi épuisante qu'enrichissante. Au fil du temps, les deux hommes vont apprendre à se connaître, mais Jesse Itzler va surtout découvrir combien il est essentiel de sortir de sa « zone de confort » – un terme à jamais banni de l'univers de David Goggin




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Couverture

Page de titre

Ce livre est dédié à ma mère et à mon père, qui m’ont soutenu lors de chaque match, chaque événement et chaque grand moment de ma vie. À mon épouse également, qui continue de m’enseigner ce qu’est le soutien inconditionnel et l’amour.De plus, elle a la patience de me supporter.

CLAUSE DE NON-RESPONSABILITÉ

Cette histoire est basée sur mes souvenirs et, dans certains cas, elle a été résumée afin de mieux transmettre ce qui s’est passé ou ce qui s’est dit. J’ai essayé de conserver le fil narratif dans l’ordre, mais il est tout à fait possible que certains événements se soient en réalité produits plus tôt ou plus tard qu’ils ne surviennent dans ce récit. Bien que je ne rapporte que des entraînements qui ont réellement eu lieu, il est important de souligner que je ne vous recommande pas de réaliser ou de tenter de reproduire les exercices de ce livre. Tout d’abord, je ne voudrais pas que quelqu’un se blesse. Ensuite, je n’ai aucune envie qu’on me fasse un procès.

Comme n’importe quelle autre activité dépendant de facteurs externes, impliquant des notions de vitesse ou d’endurance et l’usage d’équipements spécifiques, les exercices décrits dans Vivre avec un SEAL peuvent entraîner de sérieuses complications. Tous les lecteurs devraient avoir à l’esprit leur propre sécurité et connaître leurs limites. En sa qualité de coach, SEAL connaissait son boulot et, pour chacun des exercices auxquels il m’a soumis, il a tenu compte de mon niveau d’expérience, de mon aptitude et de mon entraînement – tout en sachant jusqu’à quel point je pouvais le supporter.

J’ai tenu un journal quotidien de mes activités passées avec SEAL, journal qui s’est instantanément transformé en blog. Il était initialement destiné à mes amis et à ma famille, mais à mesure que la folie de mes exercices quotidiens croissait, l’audience s’élargissait. Tout cela a donné naissance à ce livre.

Vous remarquerez que je ne fais référence à cette personne avec laquelle je me suis entraîné que par le terme « SEAL ». Il m’a demandé de ne pas divulguer son nom. Et il n’a pas ajouté « S’il te plaît ».

INTRODUCTION

Les gens me demandent pourquoi j’ai embauché un SEAL. Voici l’une de mes réponses : dès lors qu’il s’agit d’entretenir ma forme physique, j’ai tendance à verser dans la routine. J’imagine que par rapport à la plupart des personnes de mon âge, je suis en excellente forme et plutôt très à l’aise dans ma vie personnelle. À cette époque, j’étais marié à une femme formidable (je le suis toujours) et nous avions un magnifique garçon âgé de 18 mois (deux autres ont suivi depuis). J’ai commencé à courir en 1992, juste après avoir été diplômé de l’université. À de rares exceptions près, je n’ai jamais cessé de courir au quotidien. J’ai participé à dix-huit marathons de New York consécutifs, et je n’ai jamais changé ma manière de faire. Ni l’entraînement – le même circuit à chaque fois. Ni la boutique dans laquelle j’achète des bananes la veille de la course – la même. Ni la pizza Patsy que je commande pour dîner la veille de la course – encore la même.

J’aime la routine.

Et la routine peut être une bonne chose, surtout quand il s’agit d’entraînement. Mais une routine peut également se révéler stérile.

Nous sommes nombreux à vivre en pilotage automatique. Nous agissons de la même manière tous les jours ; nous nous levons, nous allons au travail, nous rentrons chez nous, nous dînons. Et nous recommençons. J’avais le sentiment de prendre cette direction. C’était comme si j’avais enclenché mon pilotage automatique et que je n’évoluais plus. Je voulais me sortir de cette situation ; je voulais bousculer les choses sans prendre de gants. Ce dont j’avais besoin pendant un certain temps, c’était de croiser (faire percuter, devrais-je dire) ma vie cossue de Central Park West et la vie itinérante il-ne-sera-pas-fait-de-prisonnier d’un SEAL. Cela pourrait déboucher sur quelque chose d’inattendu, d’unique. Ce serait quelque chose de complètement cinglé (je veux bien l’admettre), mais la recherche montre qu’échapper à la routine est excellent pour le corps et l’esprit… et pour le cerveau également. Mélangez tout ! Faites l’impensable, sortez des clous ! La vie est courte, alors pourquoi pas ? Comme le dit si bien SEAL, « La vie n’est pas une répétition générale, enfoiré ! »

Bien qu’il s’agisse du récit du mois que nous avons passé ensemble, il s’agit également de l’histoire de deux personnes qui ont choisi de quitter leur zone de confort. SEAL et moi. Il était aussi mal à l’aise avec les portiers, les chefs cuisiniers et les chauffeurs de maître que je pouvais l’être à l’idée de dormir sur une chaise ou de me réveiller de manière délibérée au beau milieu de la nuit afin d’aller courir dehors dans les pires conditions météo qui soient. Son approche de l’entraînement physique sans rime ni raison a apporté énormément de clarté dans ma vie.

SEAL avait quelque chose que je désirais avoir, mais je n’étais pas certain de ce que ça pouvait être. Et je voulais en avoir le cœur net. Vous vous rappelez M. Miyagi dans Karaté Kid ? Il a une approche très peu orthodoxe de l’entraînement. Daniel LaRusso, interprété par Ralph Macchio, rêve d’apprendre les arts martiaux, mais M. Miyagi lui demande seulement de l’aider en lui confiant des corvées ménagères. Et Daniel, sans le savoir, finit par apprendre des techniques défensives grâce à la mémoire musculaire, mais il apprend également bien plus que les arts martiaux. C’est un peu ce que j’avais à l’esprit quand j’ai demandé à SEAL de venir s’installer chez moi et de m’entraîner. Je voulais renforcer à la fois mon corps et mon esprit. La différence, c’est que je ne cherchais pas à m’entraîner pour pouvoir me protéger ou obtenir une récompense. Ni pour conquérir une fille – j’étais déjà marié. Je voulais simplement devenir une meilleure version de moi-même.

Et puis j’ai toujours eu une approche très particulière des affaires et de la vie en général. Et cela ne m’a jamais desservi. Je ne crois pas aux CV dans le sens traditionnel du terme. Je crois aux parcours de vie. Il faut faire plus. Il faut se créer des souvenirs. Ce n’est que lorsque je regarde en arrière et contemple mes échecs ou mes réussites que je suis capable de relier les points entre eux. Je n’aurais jamais pu imaginer ou planifier qu’après avoir été rappeur sur MTV dans les années 1990, je finirais par posséder et diriger ma propre compagnie de location de jets privés. Ma normalité a toujours été anormale.

Je ne sais pas si je songeais à ma propre mortalité, si je me tracassais au sujet du nombre de belles années qu’il me restait à vivre ou un truc de ce genre. Je savais juste que c’était une période aussi propice que n’importe quelle autre pour tout changer. Vous savez, en finir avec ce sentiment de routine qui s’installe.

Je suis persuadé que les meilleures idées sont celles qui ne demandent pas trop de réflexion. Le temps que j’ai passé avec SEAL était de cet ordre et j’ai reçu bien plus que je n’en espérais. La plupart de mes réussites dans la vie viennent de ce que j’ai appris à être confortable avec l’inconfortable. Comme je l’ai dit auparavant, je veux juste devenir meilleur.

Fais chaque jour quelque chose qui te met en difficulté.

– SEAL

PROLOGUE

SEAL s’est installé chez moi en décembre 2010. Cet hiver-là a battu des records en termes de chutes de neige. Des aéroports ont dû fermer. Les trains ont accumulé d’importants retards. Une tempête venant du nord-est a fait tomber plus de 50 centimètres de neige sur New York en une seule journée. Les vents étaient si puissants qu’ils ont formé des congères de plus d’un mètre vingt. Des conducteurs de bus de la ville ont été contraints d’abandonner leur véhicule au milieu de la rue. Des automobilistes aussi. Les chasse-neiges n’ont pas pu dégager les rues pendant plusieurs jours. J’étais persuadé que ma mission avec SEAL était compromise. Mais ça, c’était avant de le connaître.

JOUR 1L’ARRIVÉE

Je suis entraîné à disparaître.– SEAL

New York

– 10°C

06h38

Je verse des flocons d’avoine dans un bol, remplis la bouilloire avec de l’eau, allume la gazinière et règle l’alarme. J’appuie sur le bouton marche de la télécommande et installe Lazer, mon fils de 18 mois, devant son émission Baby Einstein. Je jette un coup d’œil dans la chambre d’ami pour m’assurer que le lit a été préparé. Mon fils pouffe de rire, ce qui me rassure. Je m’enquiers de mon épouse, Sara, qui dort encore, et je vérifie une fois de plus que tout est au carré dans la chambre d’ami, ou quel que soit le terme qu’ils emploient dans la Navy. J’entends l’alarme sonner. Je coupe quelques bananes et verse du miel liquide dessus. Je jette un coup d’œil à l’horloge du micro-ondes : 6h38.

Temps d’arrivée estimé : dans 22 minutes.

Je suis plein d’énergie et de nervosité.

Je m’assieds avec mon fils, lui fais avaler son petit déjeuner et regarde la fin de Baby Einstein avec lui. Les bananes demeurent intouchées dans mon bol. Je n’ai pas faim. Je me rends dans la salle de bains et me regarde dans le miroir. Je repousse mes cheveux en arrière. Je souris à mon reflet afin d’inspecter mes dents. Elles sont propres.

Je retourne dans le salon.

Je fais autant de pompes que je m’en sens capable. Vingt-deux.

Je jette un coup d’œil à ma montre. 6h44.

Et s’il avait eu du mal à trouver un taxi ? D’ailleurs, est-ce qu’il arrive même à un type comme lui de prendre un taxi ? Peut-être qu’il va venir jusqu’à chez moi en courant ? Son avion a peut-être eu du retard ? Il pourrait aussi avoir changé d’avis ? Peut-être que je devrais lui téléphoner. Qu’est-ce que je raconte ? Ce mec s’est sans doute infiltré dans des pays étrangers en sautant en parachute. Il doit bien avoir une idée de la manière de se rendre chez moi en temps et en heure. Pas vrai ?

Pourtant, il ne m’a JAMAIS demandé mon adresse. Il n’a JAMAIS demandé ce qu’il fallait apporter. Il n’a JAMAIS voulu me donner ses horaires d’avion et N’A PAS SOUHAITÉ que je lui envoie un chauffeur. RIEN. En réalité, la seule chose que m’a dite le bonhomme, c’est : « J’arriverai à 0700. » Une expression militaire pour indiquer 7 heures du matin.

*

J’ai vu « SEAL » pour la première fois à une course-relais de 24 heures à San Diego. Après avoir couru plusieurs marathons, c’était là mon premier « ultra ». Je faisais partie d’une équipe de six ultra-marathoniens devant se relayer par étapes de 20 minutes. Objectif : enquiller plus de kilomètres que les autres équipes en 24 heures.

Les équipes qui s’étaient inscrites étaient originaires de tout le pays. Vous pouvez imaginer le truc : des amis venant concourir ensemble pour se mesurer physiquement et mentalement. En revanche, SEAL n’avait aucune équipe avec lui. Il n’avait pas d’amis. Il allait effectuer toute la course… seul.

Cet événement ne payait pas de mine, son budget était vraiment très modeste. Tout le tracé de la course consistait en une boucle de 1,6 kilomètre dessinée sur un parking dépourvu d’éclairage à proximité du zoo de San Diego. Il s’agissait d’une course sans logistique, ce qui impliquait qu’il fallait venir avec son propre ravitaillement. Vous étiez responsable de tout ce dont vous pouviez avoir besoin.

Mon équipe et moi avions fait le déplacement en avion la veille afin d’être prêts pour le départ. En arrivant sur place, nous avions repéré le tracé et mis au point notre stratégie. Avant d’aller nous coucher, nous avions préparé notre équipement et notre ravitaillement afin d’être opérationnels dès le réveil. Des bouteilles d’eau. Du Gatorade. Des bananes. Des barres énergétiques. Des pansements. Nous étions au taquet.

Avant le départ, nous prîmes le temps de pratiquer des étirements en formant un cercle sur la pelouse. J’étais à la fois nerveux et excité, mais je ne pus m’empêcher de remarquer ce type bizarre qui se trouvait à quelques mètres de distance. Dire qu’il sortait du lot serait un euphémisme. Pour commencer, il était le seul Afro-Américain de la course. Ensuite, il devait peser près de 120 kg là où la plupart des coureurs pesaient entre 60 et 70 kg. Enfin, alors que tout le monde semblait plutôt sociable et enjoué, ce type paraissait plutôt énervé. Je veux dire par là qu’il avait même l’air très en colère.

Il était assis seul sur une chaise pliante, les bras croisés sur la poitrine, attendant que la course démarre. Pas d’étirement, pas d’échauffement, pas de belles baskets aux pieds, aucun camarade de course. Zéro sourire. Il se contentait de rester assis en arborant un air de faites-pas-chier. Son ravitaillement pour vingt-quatre heures : une boîte de biscuits apéritifs crackers et des bouteilles d’eau. C’était tout. Il les avait alignées près de sa chaise.

Ce gars était un croisement entre un gladiateur et une figurine G.I. Joe telle que mon fils pouvait en avoir, mais de taille humaine. Il avait l’air indestructible. Aguerri. Dangereux. Seul. Déterminé.

Même la manière dont il crachait était flippante. S’il vous touchait au passage, vous ne vous en sortiez pas sans cicatrice. Il était intimidant. Sur le plan physique, le gars donnait l’impression d’avoir des muscles peints sur tout le corps. Affûté. Sans le moindre défaut.

Une fois la course commencée, et entre deux segments individuels de 20 minutes, nous prenions le temps de nous étirer et de nous hydrater afin d’éviter la moindre blessure, tout en nous appliquant de la vaseline. Comme le dit un de mes amis, « Mon pote, les ultras, ça chauffe ! » Mais tandis que la course continuait et que j’acclamais mes camarades pour les encourager, je ne pouvais m’empêcher de garder un œil sur ce type qui courait seul. Qui pouvait-il bien être ?

Sa colère avait une aura magnétique. Je discernais quelque chose sous son air sombre sans vraiment réussir à mettre le doigt dessus. Peut-être s’agissait-il du sens de l’honneur ou de l’intégrité ? Ou du sentiment d’avoir une mission à accomplir. Oui, ce devait être cela. Il courait avec un sens du devoir que je n’arrivais pas réellement à comprendre. Il courait comme si des vies en dépendaient, comme s’il s’agissait de courir dans une maison en feu pour sauver quelqu’un, un chaton ou une vieille femme. Chacune des foulées qu’il imprimait dans le sol semblait provoquer un mini-tremblement de terre, mais il ne se départait jamais de son allure parfaite. Il avait le regard braqué devant lui et affichait une concentration aussi acérée qu’une pointe de diamant. Il ne faisait que courir… Vérifiait de temps en temps son chrono sur sa montre… et il courut ainsi 160 km d’affilée.

La course de 24 heures achevée, j’étais carbonisé. Mes cuisses étaient si raides que je pouvais à peine enchaîner deux pas. Tandis que mes amis et moi rassemblions nos baskets de rechange, nos chaises pliantes et nos affaires personnelles, je le remarquai à nouveau, ce bloc d’acier au carbone de 120 kg, qui se faisait aider par une femme (dont je découvrirais plus tard qu’il s’agissait de son épouse) et qui donnait l’impression d’avoir survécu à un crash d’avion.

J’en conclus deux choses.

1. Je n’avais jamais vu une personne comme lui.

2. Il fallait que je le rencontre.

De retour à la maison, après avoir mené l’enquête et fait quelques recherches Google, je fus en mesure de dégager quelques faits pertinents à son sujet, dont le fait qu’il s’agissait d’un Navy SEAL, un SEAL plusieurs fois décoré, même. Je me mis en quête d’un numéro de téléphone pour le contacter et je l’appelai au débotté. Il habitait sur la côte Ouest.

C’est une habitude que j’ai. Quand je vois ou lis quelque chose au sujet de quelqu’un d’intéressant, je l’appelle et lui demande, en gros, s’il veut devenir mon ami. Mon épouse dit que cela lui rappelle l’école primaire, quand on tendait un morceau de papier à quelqu’un sur lequel était écrit : « Veux-tu devenir mon ami ? Coche la case oui ou non ». Eh bien, j’imagine que je n’ai jamais dépassé ce stade.

« Ouais ? répondit-il.

– Est-ce que vous êtes bien SEAL ?

– Ça dépend qui le demande », dit-il.

Je n’avais pas été aussi nerveux depuis le jour où j’avais appelé Sue, en terminale, pour lui proposer d’être ma partenaire au bal de fin d’année. Je commençai à lui parler de la course et à déblatérer jusqu’à ce que je réalise, au beau milieu de mon verbiage, que je ressemblais à quelqu’un au nez de qui j’aurais aimé raccrocher. En réalité, je n’étais même pas certain qu’il n’avait pas déjà raccroché – il y avait un silence glacial de son côté de la ligne.

C’était bien pire que le coup de fil à Sue.

« Vous êtes toujours là ?

– Ouais.

– Accordez-moi quinze minutes de votre temps afin que je puisse vous rencontrer en personne et vous proposer quelque chose, finis-je par dire. J’habite à New York, mais je peux prendre l’avion et être là demain. »

Silence.

« Vous êtes là ? »

Silence.

« SEAL ? »

Silence.

Enfin : « Vous voulez venir ? … C’est vous qui voyez… », dit-il.

Vingt-quatre heures plus tard, j’atterrissais en Californie.

Nous nous retrouvâmes dans un restaurant de San Diego. Après une conversation qui se résuma à un monologue de ma part tandis qu’il gardait le silence, je l’invitai à venir s’installer chez moi pour qu’il puisse m’entraîner.

Il me fixa d’un œil froid et inexpressif. Impossible de dire s’il pensait que j’étais cinglé ou s’il était en train de se demander si je valais bien la peine qu’il me consacre son temps. Il était en train de me jauger.

Une minute s’écoula, puis encore une autre.

« OK, je vais le faire, mais à une condition », lâcha-t-il sur le ton moyennement motivant d’un sergent instructeur psychopathe. « Vous ferez tout ce que je vous dirai de faire.

– Oui.

– Et par là, j’entends vraiment TOUT.

– OK.

– Je pourrai vous réveiller à n’importe quelle heure. Je pourrai vous pousser au-delà de vos limites.

– Hummm…

– RIEN ne me sera interdit. RIEN.

– Eh bien…

– Quand j’en aurai fini avec vous, vous serez capable de faire mille pompes par jour.

– Mille ? »

Je songeai aussitôt que tout ça n’aurait rien à voir avec un bal de fin d’année…

*

À 7 heures précises, on frappe à ma porte.

Il n’a AUCUN bagage. AUCUNE valise. AUCUNE expression faciale. Bien qu’on soit en décembre et qu’il gèle à pierre fendre, il ne porte AUCUN manteau. AUCUN bonnet. AUCUN gant. Et il n’y a AUCUN échange de formules de politesse.

Il déclare seulement : « Tu es prêt ? »

C’est tout ? Pas de discours de motivation pour s’échauffer ? Pas même un « Bonjour, content de te revoir » ? Pas plus de « Fait rudement froid dehors, hein ? » Peut-être un petit mot gentil et encourageant avant de commencer ? Au lieu de cela, j’ai l’impression de me prendre une balle de Mariano Rivera1.

« Je suis heureux de vous voir ici, dis-je. Si vous avez besoin de quoi que ce soit, n’hésitez pas à vous servir. Vous êtes ici chez vous. Ma maison est votre maison.

– Non, mec, pas vraiment. C’est ta maison. Je n’ai pas de maison. »

Je laisse échapper un rire.

SEAL ne rit pas du tout.

« C’est une expression, je réponds. Vous êtes ici chez vous, c’est une expression.

– Je ne fais pas dans les expressions, mec. Je fais dans l’action. Que cela soit bien clair entre nous, c’est compris ? lance-t-il.

– OK.

– Hummm ?

– Oui… Monsieur ?

– J’ai été entraîné à disparaître. Tu ne sauras JAMAIS quand je suis vraiment chez toi.

– OK.

– Parfait. Passons aux choses sérieuses. Retrouve-moi ici dans 9 minutes. Et épargne-moi tes expressions à la con. »

Mes expressions à la con ?

Je pars me changer pour enfiler ma tenue de sport par temps froid, laquelle se compose de deux couches de sweat-shirts, deux bonnets et une paire de gants. Je reprends ensuite le chemin de la porte d’entrée, où SEAL se trouve déjà, surveillant sa montre. Il fait -10 °C dehors et ça pèle. Pourtant, il ne porte qu’un short, un T-shirt et un bonnet de laine. Rien d’autre.

« Mec, je vais peut-être avoir besoin de t’emprunter des gants, dit SEAL.

– Vous allez peut-être avoir besoin de gants ?

– Ouais, ou un genre de mitaines, ou une connerie comme ça.

– C’est tout ? Rien d’autre que des gants ?

– C’est tout.

– Il fait -10 °C dehors, fais-je remarquer.

– Il fait -10 °C dehors pour toi car tu te dis qu’il fait -10 °C.

– Non, il fait vraiment -10 °C. C’est vraiment la température qu’il fait dehors. C’est ce qu’indique mon ordinateur. »

SEAL marque un temps d’arrêt, comme si je l’avais déçu. « Ton ordinateur, hein ? »

Il éclate de rire, mais d’un rire angoissant, comme celui de Count von Count, le Muppet de 1, rue Sésame.

« La température est celle que tu décides qu’elle sera, mon pote, pas celle que ton ordinateur affiche. Si tu décides qu’il fait -10 °C, alors il fait -10 °C. Moi, perso, je dirais plutôt que la température tourne autour des 10 °C. »

Plutôt que de chercher à argumenter – après tout, nous commençons à peine à faire connaissance –, je me contente de répondre :

« OK, j’ai compris.

– Tu as déjà passé du temps dans l’eau glacée, Jesse ? », me demande SEAL.

Je pense en moi-même : genre, exprès ? Mais je réponds par un simple « non ».

« Eh bien, est-ce que ça caille vraiment, ou est-ce que c’est ton mental qui te dit que ça caille ? Lequel des deux ? – Il éclate à nouveau de rire. – Contrôle ton mental, Jesse.

– Compris. (Je vais devoir noter ça sur la liste des choses à faire : contrôler son mental.)

– Exactement. Apprends à apprécier cette merde. Si tu veux qu’il fasse 21 °C avec un beau soleil… alors il fera 21 °C avec un beau soleil. Contente-toi de courir. La météo, c’est dans ta tête. Je ne regarde jamais quelle température il fait quand je pars courir. Qu’est-ce qu’on en a à foutre de ce que l’ordinateur peut dire ? Ce n’est pas l’ordinateur qui va courir, si ? »

Il n’a pas tort pour le coup, mais plutôt que répondre encore « Compris », je fais en sorte qu’il continue à parler.

« Est-ce que ça marche aussi avec la chaleur ? Je veux dire, s’il fait 35 °C dehors, est-ce que votre mental peut prétendre qu’il neige ?

– Non, mec, ça ne fonctionne que dans un sens. De froid à chaud seulement. Quand il fait chaud dehors… il fait juste chaud. »

Si l’un de mes amis avait essayé de me convaincre de cette logique, je lui aurais ri au nez, mais venant de la bouche de SEAL, je suis à deux doigts de le croire. Je sens cependant un courant d’air froid provenant de la fenêtre et je me contrefiche de ce que peut bien affirmer SEAL – il fait vraiment -10 °C dehors.

« Et alors, dans ce cas-là, quelle doit être la stratégie quand il fait chaud ?

– Par une chaleur extrême, c’est un état d’esprit totalement différent, mon pote. Tu dois faire preuve de rusticité. Apprivoise la chaleur ! Serre les dents ! Songe à la manière dont les autres doivent souffrir. Apprécie la souffrance.

– La nôtre ou la leur ? »

SEAL me foudroie du regard.

« Les deux », répond-il. Puis il m’adresse un hochement de tête, le signal qu’il est temps d’y aller.

Nous prenons la direction de Central Park et nous courons sur 10 kilomètres à la vitesse de 10,5 km à l’heure. J’imagine que SEAL veut me tester. Si je suis un marathonien expérimenté, je n’ai jamais été un coureur rapide. Je peux courir à une vitesse de 14 kilomètres à l’heure, mais j’aime autant éviter. J’aime prendre mon temps ; ma foulée est plutôt du genre on-peut-discuter-avec-un-ami-tout-en-courant. Je trouve cela plus agréable. Je m’épanouis plus dans l’endurance que dans la vitesse. J’estime que courir en mettant son endurance à l’épreuve tient plus du challenge mental que du défi physique, et je me débrouille plutôt pas mal quand il s’agit de lutter contre l’ennui et la souffrance sur de longues distances.

La vitesse à laquelle nous courons me convient cependant. Je pense en moi-même que je peux y arriver.

Une heure plus tard…

Après avoir pris une douche chaude et avoir répondu à quelques mails professionnels, je fais rapidement visiter mon appartement à SEAL. Nous vivons au 15 Central Park West, dans l’Upper West Side, à Manhattan. Cet immeuble a fait l’objet de nombreux articles dans des magazines ou des blogs en raison de son architecture, de la vue incroyable qu’il offre et de ses résidents. De nombreux chefs d’entreprise, athlètes ou artistes y vivent.

J’ai convaincu Sara il y a deux ans de nous y installer car l’immeuble bénéficie d’une piscine. « Nous pourrions nager tous les jours, ma chérie. » Nous avons acheté l’appartement, mais nous n’avons encore jamais nagé dans la piscine.

Bien que nous ne nous considérions pas comme des gens chics, l’immeuble, lui, l’est indéniablement. En fait, quand nous avons emménagé, le garçon d’ascenseur (pas le technicien de l’ascenseur, non, un vrai liftier) m’a demandé de bien vouloir sortir de l’ascenseur, celui-ci étant « réservé aux résidents ». J’imagine que je n’avais pas trop l’allure d’un résident de l’immeuble avec mon bonnet de ski et mon short.

Je commence le tour du propriétaire en expliquant à SEAL comment utiliser les télécommandes de la télévision. Je me dis que c’est là quelque chose d’important à expliquer à un invité qui va demeurer un mois avec nous, pas vrai ?

« Voici comment allumer la télévision, dis-je tout en désignant le bouton marche/arrêt.

– On ne va pas beaucoup regarder la télévision, m’interrompt-il.

– OK… Alors on passe à la suite. »

Je repose la télécommande et le conduis dans la cuisine. Si nous n’allons pas regarder la télévision, j’imagine que nous prendrons bien le temps de manger. J’ouvre un premier tiroir.

« Alors voici le tiroir des couverts, toutes les fourchettes, les cuillères et les couteaux sont là, dis-je.

– Je n’utiliserai pas vos couverts », répond-il.

Ah bon ? Je referme le tiroir.

J’aurai peut-être plus de chance avec la buanderie.

Alors que je m’apprête à lui montrer comment fonctionnent la machine à laver et le sèche-linge, il m’interrompt à nouveau.

« OK, mec, tu peux t’épargner ce tour du propriétaire à la con. Dis-moi juste comment on se rend à la salle de gym. »

OK. La visite est officiellement finie et nous prenons la direction de la salle de gym.

Là, pour la première fois, je découvre la dentition de SEAL alors qu’un sourire commence à se dessiner sur son visage. Il est aux anges ; je peux voir son changement d’expression quand nous entrons dans la salle de gym. J’ai un peu l’impression de regarder pour la première fois Le Magicien d’Oz, quand l’image passe du noir et blanc à la couleur. C’est un monde nouveau qui semble s’ouvrir. Il se dirige vers la barre de traction, bondit, saisit la barre et s’y suspend. Il commence à faire des tractions, encore des tractions, d’autres tractions, puis se laisse retomber au sol. J’imagine que l’installation lui a plu car son sourire s’est encore élargi.

« C’est parfait. T’es prêt ? me demande-t-il.

– Prêt pour quoi ?

– Tes tractions.

– Vous voulez dire tout de suite ?

– Tu m’en fais dix. Tu descends tout en bas et tu remontes bien au-dessus du menton. On va voir comment tu te débrouilles. »

Je saute pour attraper la barre et hisse mes 90 kg jusqu’à ce que mon menton dépasse bien de la barre. « Une. »

Je redescends. Quand j’arrive à la huitième traction, je commence à pédaler des pieds afin d’essayer de trouver un peu d’élan. Il me faut absolument hisser mon menton au-dessus de la barre, mais j’en suis incapable. Je me laisse retomber au sol. SEAL m’ordonne de faire une pause de 45 secondes avant d’essayer à nouveau.

Quarante-cinq secondes plus tard, je saute à nouveau et empoigne la barre. Je n’ai jamais été très bon en tractions. En réalité, je déteste ça. Je ne sais pas trop comment, j’arrive à en enquiller six de plus avant de me laisser retomber. Cette fois-ci, je pense en avoir fini. SEAL m’ordonne de faire une nouvelle pause de 45 secondes et de recommencer.

Quarante-cinq secondes s’écoulent à nouveau et je suis cette fois-ci capable d’en enchaîner trois de plus avant de me laisser retomber. Et chaque fois que je retombe au sol, mes jambes me soutiennent un peu moins bien. Je viens de faire 17 tractions. J’en ai ma claque. Je suis littéralement lessivé. Je ne pense pas avoir jamais fait 17 tractions aussi rapidement, et je ne pense d’ailleurs pas avoir jamais fait 17 tractions. Je serre mon biceps gauche de la main droite et mon biceps droit de la main gauche et je presse. J’ai l’impression d’avoir des clous plantés dans les muscles.

« Dix-sept ! Super, c’est mon maximum. Je n’aurais jamais pensé pouvoir le faire. C’est étonnant ! Allez, on remonte à l’appartement ! »

Alors que je m’apprête à repartir, SEAL me fixe de son regard inexpressif… Impassible. « Nous allons rester ici jusqu’à ce que tu en fasses cent. »

Quoi ?

« Je ne peux pas en faire cent, c’est impossible, je réponds.

– Tu ferais mieux de trouver un moyen d’y arriver, me dit-il sur le ton qu’emploierait un père pour ordonner à son fils de ranger sa chambre. Je trouve ton attitude déplorable. »

Je refais une traction et me laisse à nouveau retomber au sol.

Je fais les cent pas dans le gymnase en essayant de retarder l’inévitable. Mes bras pendent le long de mon corps tandis que SEAL m’observe. Je ne peux pas procrastiner plus longtemps. Je retourne à la barre. J’en fais encore une et retombe au sol. Je fais un nouveau tour de la salle de gym et retourne à la barre. Je me laisse retomber. Un nouveau tour… Une traction… Je retombe… Un tour… Une traction… Je retombe…

Quatre-vingt-dix minutes plus tard, j’en suis à ma quatre-vingt-dix-septième traction.

Il n’y a pas à dire, l’entraînement a vraiment commencé.

Total de l’entraînement : 10 km et 100 tractions

1 Joueur de baseball, célèbre pour son lancer de balle rapide à la trajectoire déviante.

PAS DE NOVOCAÏNE

J’aime m’asseoir et apprécier la souffrance. Je l’ai méritée.– SEAL

J’ai grandi sur Long Island, à Roslyn, État de New York, avec deux sœurs plus âgées et un grand frère. J’étais le plus jeune de cinq ans. Banlieue typique, Roslyn alignait des lotissements tous semblables, reliés les uns aux autres par des jardins qui étaient patrouillés par une armée de gamins de mon âge. Ma mère possédait une sonnaille, cette cloche que l’on attache au cou d’une vache. Je pouvais me trouver à six ou sept maisons de distance et ainsi entendre ma mère m’appeler en sonnant la cloche pour que je rentre. J’avais été dressé à la manière d’une vache, ce qui était légèrement embarrassant. La règle stipulait : fais tes devoirs et tu pourras sortir, mais quand tu entends la cloche, tu ferais mieux de revenir dans les cinq minutes. Ma mère était la mère la plus aimante inconditionnellement, mais c’était également une dure à cuire. Personne ne voulait s’embrouiller avec elle. Je ne l’ai jamais entendue proférer le moindre juron, mais elle avait ce regard qui vous clouait sur place : sa marque de fabrique. Le silence. Ça fonctionnait avec moi à chaque fois.

Ma mère était également une sorte de dichotomie pour tout ce qui concernait l’hygiène de vie de ses enfants. D’un côté, elle me laissait manger des cheeseburgers, du bacon, des glaces ou des biscuits Oreo, tout ce que je voulais, même de manière excessive, mais elle était terrifiée par les appareils de radiologie, le fluor et la novocaïne. Elle estimait qu’il n’y avait pas eu de recherches et d’expérimentations suffisamment poussées sur certains produits dans les années 1970 et elle ne voulait pas que je serve de cobaye. Je n’ai passé ma première radiographie qu’après l’invention de cette imposante veste de plomb qu’il fallait enfiler, et elle pensait que le fluor était ce qu’il y avait de plus toxique au monde. Ne pas avoir de rayons X ou de fluor dans ma vie était une chose facile à accepter. Ce qui était plus difficile, c’était de devoir se passer de novocaïne.

Mon dentiste s’appelait Henry Schmitzer et son cabinet se trouvait à environ quarante-cinq minutes de route de notre maison. J’imagine que c’était le seul dentiste à la ronde que ma mère avait pu dénicher pour jouer de la roulette dans la bouche d’un enfant en se passant d’analgésique. Je ne suis pas loin de croire qu’Henry avait servi de modèle au personnage interprété par Laurence Olivier dans le film Marathon Man.

Ainsi, tandis que tous mes copains respiraient du gaz hilarant, avalaient des analgésiques ou recevaient des sucettes chez leur dentiste de quartier, je me retrouvais pour ma part assis à l’arrière du véhicule familial pour quarante-cinq minutes de trajet tout en contemplant le paysage, en sueur, songeant : on part au bout du monde pour une séance de torture. Ce bruit de roulette, et cette odeur, semblable à celle d’un os carbonisé ! L’anticipation de ce qui allait se produire était épuisante, pour ne pas dire plus. C’était une véritable odyssée à mes yeux. Le trajet depuis le parking jusqu’au cabinet faisait à chaque fois naître en moi l’idée et l’envie de m’enfuir en courant de toute la vitesse de mes jambes. Cela n’empêchait pas ma mère de m’adresser un sourire désarmant en ouvrant la porte du cabinet – elle était vraiment persuadée d’agir au mieux.

À l’intérieur du cabinet, Schmitzer, cet enfoiré, s’en donnait à cœur joie avec sa roulette (je me tiens littéralement la mâchoire alors que j’écris ces mots). Un goût de brûlé, un son strident, une souffrance insupportable, et l’impression d’avoir une bouche à tout jamais douloureuse. C’était de la folie furieuse. On aurait pu croire que cela m’incitait à mieux me brosser les dents, mais tout semblait indiquer que j’avais au minimum une carie à chaque visite.

Mon père avait un caractère à l’opposé de ma mère, dans le genre suivons-le-mouvement. Il possédait un magasin d’accessoires de plomberie à Mineola et travaillait six jours par semaine (une demi-journée le samedi). En dépit du temps qu’il passait au travail, c’était un papa poule. Il venait assister à chacun de mes matches, à chacun des événements auxquels je participais, et il mettait un point d’honneur à rentrer dîner chaque soir.

À la maison, il avait tout l’air d’un savant fou – il avait aménagé un atelier dans le sous-sol et en avait fait son repaire. Il n’aimait pas regarder la télévision ou traîner avec des amis ; il aimait inventer. Quand le film Retour vers le futur est sorti, où l’on voit « Doc » inventer le Condensateur de Flux, je me suis dit : « Mais c’est mon père ! »

Je me rappelle une journée à l’école primaire où il nous avait fallu créer un diorama. La consigne était simple : prenez une boîte à chaussures et reproduisez votre propre maison. Eh bien, après que mon père m’eut aidé, mon diorama disposait de l’eau courante et de l’électricité. Il était également possible d’appuyer sur un bouton et de voir la petite porte de garage du diorama s’ouvrir.

Je suis persuadé que mon père a été la source de ma créativité. Et pour autant que je le sache, il n’a rien contre la novocaïne, mais il n’avait malheureusement pas la responsabilité de me conduire chez le dentiste.

La partie de moi qui m’inciterait plus tard à embaucher un Navy SEAL, celle-là, elle venait du côté de ma mère.

JOUR 2LE GATORADE DE LA NATURE

Les surprises, c’est moi qui les fais, c’est pas à moi qu’on les fait.– SEAL

De New York à Boston

De -9 °C à -7 °C

0700

J’ai éprouvé quelques difficultés à trouver le sommeil cette nuit. C’était à la fois un mélange de nervosité et d’excitation couplé au fait que mes biceps étaient niqués à la suite des tractions. Ils sont douloureux au toucher. Je ne pense pas qu’ils aient bougé de la position à 90 degrés dans laquelle ils sont restés coincés toute la nuit.

Côté nervosité, je me sens inhabituellement nerveux pour l’heure. Ce n’est pas le genre de nervosité que l’on pourrait éprouver avant un entretien de recrutement ou un truc du genre, mais c’est un stress lié au fait que je ne voudrais pas décevoir SEAL en étant incapable d’exécuter ses exercices. J’ai commencé à ressentir cette nervosité avant même qu’il n’arrive. Et la crainte de me blesser me hante à la manière d’une musique qui jouerait dans ma tête en fond sonore. C’est un peu le genre de stress que je pourrais ressentir avant de prendre le départ d’un marathon. L’incertitude de ce qui se produira ou pourrait se produire. Sans compter que la manière dont SEAL s’attendait hier à ce que je fasse 100 tractions était à la limite de la folie. Et il a refusé de quitter la salle de gym tant que je n’en avais pas terminé.

Ça m’a vraiment fait peur.

Quoi qu’il en soit, avant que nous n’allions nous coucher hier soir, SEAL m’a demandé de régler mon réveil sur 0630 (6h30) pour que nous puissions partir courir à 0700 (7 heures)… PRÉCISES.

Eh bien, il n’y a pas eu besoin d’une alarme de réveil puisque dès 6 heures j’entends quelqu’un marcher dans l’entrée de l’appartement. Non pas sur la pointe des pieds, mais comme s’il s’agissait de marcher d’une manière suffisamment bruyante pour me réveiller. J’entends quelqu’un qui se racle la gorge de manière excessive… une porte qui claque… et une musique poussée au volume maximum.

Quel connard.

J’attrape deux sweat-shirts, deux bonnets et mes gants. SEAL porte les mêmes vêtements d’été qu’hier, avec en prime cette fois-ci une vieille paire de gants que je lui ai prêtée. Nous sortons de l’appartement.

Quand nous passons devant la réception au rez-de-chaussée, je devine que les portiers sont curieux de savoir qui peut être SEAL. Je crois même entendre l’un d’eux demander à l’autre s’il ne s’agirait pas de Jerry Rice, le célèbre footballeur.

« Nan, ce mec est bien plus grand que Jerry Rice », répond l’autre.

Nous courons dans Central Park sur le même parcours qu’hier, au même rythme de 10,5 km à l’heure. Aucune parole n’est prononcée. Aucune blague n’est échangée. Nous ne communiquons absolument pas. Je ne suis plus vraiment certain que ce type souhaite devenir mon ami… et je ne suis plus vraiment certain de vouloir devenir le sien.

Mes bras me font souffrir en raison des tractions de la veille, mais je ne dis rien. Je me contente de calquer ma foulée sur la sienne. J’ai déjà couru sur de longues distances au cours de ma vie, mais quand je ne m’entraîne pas au quotidien, un parcours de 10 kilomètres me semble être une vraie plaie. C’est long et ça peut vraiment être ennuyeux. Quelle que soit la manière dont vous abordiez la chose, 10 kilomètres vont me prendre entre 50 et 60 minutes. Ça fait un long moment passé à courir.

N’importe quel coureur vous dira qu’une séance de jogging peut, certains jours, filer à la vitesse de l’éclair et même être agréable. Et à d’autres moments, cette même séance de jogging sur le même parcours s’apparentera à une séance de torture et semblera durer une éternité. Aujourd’hui, les aiguilles du chrono paraissent tourner au ralenti. Peut-être est-ce dû à l’étrangeté qu’il y a à courir avec un inconnu. Courir avec quelqu’un que vous ne connaissez pas et qui ne vous adresse pas la parole est vraiment très bizarre. Le silence est dérangeant. C’est un peu comme courir avec quelqu’un qui parlerait dans une langue inconnue… à cette différence près que ce quelqu’un est très intimidant et doit encore vivre chez vous pendant trente jours. Quoi que cela puisse être, cette séance de jogging me semble durer deux fois plus longtemps que la précédente.

Quand nous rentrons à l’appartement, je me prépare rapidement un milkshake, prends une douche, puis pars au travail.

Trois heures plus tard…