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Dans "Voyage autour de ma chambre", Xavier de Maistre propose une œuvre à la croisée de l'essai, du récit de voyage et de la réflexion philosophique. Écrite alors qu'il était confiné dans sa chambre à Turin pendant un mois en 1790, cette œuvre se distingue par son style délicat et introspectif, mêlant ironie et contemplation. À travers une série de réflexions sur les objets qui l'entourent et les souvenirs qui les habitent, l'auteur transforme sa contrainte physique en une exploration imaginative, questionnant les notions de liberté et d'errance intellectuelle dans un format pseudo-narratif. Ce livre s'inscrit dans le courant romantique, où la subjectivité et l'intimité de l'expérience personnelle prennent une place centrale. Xavier de Maistre, aristocrate savoyard, est né dans un contexte turbulent marqué par les bouleversements politiques de son temps. Son expérience militaire, marquée par une période d'isolement, a nourri sa réflexion sur la solitude et la nature humaine. Cet itinéraire introspectif peut être perçu comme une réaction à la rationalité des Lumières, cherchant à rétablir l'importance de l'imaginaire et de l'intuition dans la compréhension du monde. Son talent pour le style et sa capacité à trouver la beauté dans la banalité sont révélateurs d'un auteur sensible aux résonances psychologiques et existentiellement riches de son environnement. Je recommande vivement "Voyage autour de ma chambre" à quiconque s'intéresse à la littérature introspective et lyrique. Ce texte, à la fois léger et profond, invite le lecteur à réfléchir sur sa propre existence, tout en découvrant la richesse de la pensée de Maistre. Sa capacité à transcender les limites physiques et à créer un voyage intérieur d'une grande profondeur fait de cette œuvre un classique intemporel, offrant une source d'inspiration et de méditation sur le quotidien.
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Qu'il est glorieux d'ouvrir une nouvelle carrière, et de paraître tout-à-coup dans le monde savant, un livre de découvertes à la main, comme une comète inattendue étincelle dans l'espace!
Non, je ne tiendrai plus mon livre in petto; le voilà, messieurs, lisez. J'ai entrepris et exécuté un voyage de quarante-deux jours autour de ma chambre. Les observations intéressantes que j'ai faites, et le plaisir continuel que j'ai éprouvé le long du chemin, me faisaient désirer de le rendre public; la certitude d'être utile m'y a décidé. Mon cœur éprouve une satisfaction inexprimable lorsque je pense au nombre infini de malheureux auxquels j'offre une ressource assurée contre l'ennui, et un adoucissement aux maux qu'ils endurent. Le plaisir qu'on trouve à voyager dans sa chambre est à l'abri de la jalousie inquiète des hommes; il est indépendant de la fortune.
Est-il en effet d'être assez malheureux, assez abandonné, pour n'avoir pas un réduit où il puisse se retirer et se cacher à tout le monde? Voilà tous les apprêts du voyage.
Je suis sûr que tout homme sensé adoptera mon système, de quelque caractère qu'il puisse être, et quel que soit son tempérament; qu'il soit avare ou prodigue, riche ou pauvre, jeune ou vieux, né sous la zone torride ou près du pôle, il peut voyager comme moi; enfin, dans l'immense famille des hommes qui fourmillent sur la surface de la terre, il n'en est pas un seul;—non, pas un seul (j'entends de ceux qui habitent des chambres) qui puisse, après avoir lu ce livre, refuser son approbation à la nouvelle manière de voyager que j'introduis dans le monde.
Je pourrais commencer l'éloge de mon voyage par dire qu'il ne m'a rien coûté; cet article mérite attention. Le voilà d'abord prôné, fêté par les gens d'une fortune médiocre; il est une autre classe d'hommes auprès de laquelle il est encore plus sûr d'un heureux succès, par cette même raison qu'il ne coûte rien.—Auprès de qui donc? Eh quoi! vous le demandez? C'est auprès des gens riches. D'ailleurs de quelle ressource cette manière de voyager n'est-elle pas pour les malades? Ils n'auront point à craindre l'intempérie de l'air et des saisons.—Pour les poltrons, ils seront à l'abri des voleurs; ils ne rencontreront ni précipices, ni fondrières. Des milliers de personnes qui avant moi n'avaient point osé, d'autres qui n'avaient pu, d'autres enfin qui n'avaient pas songé a voyager, vont s'y résoudre à mon exemple. L'être le plus indolent hésiterait-il à se mettre en route avec moi pour se procurer un plaisir qui ne lui coûtera ni peine ni argent?—Courage donc, partons.—Suivez-moi, vous tous qu'une mortification de l'amour, une négligence de l'amitié, retiennent dans votre appartement, loin de la petitesse et de la perfidie des hommes. Que tous les malheureux, les malades et les ennuyés de l'univers me suivent!—Que tous les paresseux se lèvent en masse!—Et vous qui roulez dans votre esprit des projets sinistres de réforme ou de retraite pour quelque infidélité; vous qui, dans un boudoir, renoncez au monde pour la vie; aimables anachorètes d'une soirée, venez aussi: quittez, croyez-moi, ces noires idées; vous perdez un instant pour le plaisir sans en gagner un pour la sagesse: daignez m'accompagner dans mon voyage; nous marcherons à petites journées, en riant, le long du chemin, des voyageurs qui ont vu Rome et Paris;—aucun obstacle ne pourra nous arrêter; et, nous livrant gaîment à notre imagination, nous la suivrons partout où il lui plaira de nous conduire.
Il y a tant de personnes curieuses dans le monde!—Je suis persuadé qu'on voudrait savoir pourquoi mon voyage autour de ma chambre a duré quarante-deux jours au lieu de quarante-trois, ou de tout autre espace de tems; mais comment l'apprendrais-je au lecteur, puisque je l'ignore moi-même? Tout ce que je puis assurer, c'est que, si l'ouvrage est trop long à son gré, il n'a pas dépendu de moi de le rendre plus court; toute vanité de voyageur à part, je me serais contenté d'un chapitre. J'étais, il est vrai, dans ma chambre avec tout le plaisir et l'agrément possibles; mais, hélas! je n'étais pas le maître d'en sortir à ma volonté; je crois même que, sans l'entremise de certaines personnes puissantes qui s'intéressaient à moi, et pour lesquelles ma reconnaissance n'est pas éteinte, j'aurais eu tout le tems de mettre un in-folio au jour, tant les protecteurs qui me faisaient voyager dans ma chambre étaient disposés en ma faveur!
Et cependant, lecteur raisonnable, voyez combien ces hommes avaient tort; et saisissez bien, si vous le pouvez, la logique que je vais vous exposer.
Est-il rien de plus naturel et de plus juste que de se couper la gorge avec quelqu'un qui vous marche sur le pied par inadvertance, ou bien qui laisse échapper quelque terme piquant dans un moment de dépit, dont votre imprudence est la cause, ou bien enfin qui a le malheur de plaire à votre maîtresse?