Algérie - Encyclopaedia Universalis - E-Book

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Encyclopaedia Universalis

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En 1962, les fées ont été particulièrement nombreuses à se presser autour de l'Algérie. L'« exemplarité » de la lutte de libération nationale, longue et violente, ravissait ceux qui ne voient de progrès humain que dans l'action de l'« accoucheuse de l'histoire » et en attendent la destruction du vieux monde...

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ISBN : 9782852299337

© Encyclopædia Universalis France, 2019. Tous droits réservés.

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Algérie

Introduction

En 1962, les fées ont été particulièrement nombreuses à se presser autour de l’Algérie. L’« exemplarité » de la lutte de libération nationale, longue et violente, ravissait ceux qui ne voient de progrès humain que dans l’action de l’« accoucheuse de l’histoire » et en attendent la destruction du vieux monde. La finesse diplomatique dont avaient témoigné les dirigeants du Front de libération nationale pour négocier avec la France laissait bien augurer, pour d’autres, de leur pragmatisme et de leur sens des réalités. Une volonté anti-impérialiste et socialiste, réaffirmée sans défaillance, rangeait l’Algérie dans le camp « progressiste » de ceux qui ne pactiseraient pas avec le néo-colonialisme ni ne se laisseraient voler leur révolution par une « nouvelle classe » ; mais un nationalisme ombrageux et résolument non-aligné, une coopération heurtée mais continue avec l’ancien colonisateur, une propension intérieure à jouer du contrôle semi-autoritaire plutôt que de l’embrigadement idéologique et de la répression politico-policière éloignaient l’Algérie du camp des « totalitaires ». L’état des relations internationales justifiait aussi ces perspectives : la bipolarité mondiale garantissait la possibilité d’un jeu stratégique idéologique où le « camp socialiste » faisait contrepoids aux pressions « impérialistes » et incarnait un projet séculier de modernisation par l’État dont la réalisation hantait les élites arabes depuis la fin de l’Empire ottoman ; la région arabe, où le nassérisme et le baasisme apparaissaient encore comme les forces montantes, offrait à l’Algérie l’espoir d’une intégration l’ancrant dans cette « nation arabe » qui confortait son identité ; en Afrique et au Maghreb, l’Algérie développerait son rôle de puissance régionale ; la France, au nom de sa politique arabe et du fait de contraintes historiques, ne pouvait se permettre de s’éloigner de l’Algérie, comme on le fait habituellement après une guerre terminée par un retrait ou une évacuation, ce qui garantissait une coopération suivie et un accès à l’Europe ; enfin, la rente des hydrocarbures allait pour longtemps fournir les moyens d’investir sans avoir à épargner ni à trop emprunter.

Algérie : drapeau. Algérie (1962). Le vert du guindant tout comme le croissant et l'étoile rouges évoquent l'islam, le blanc du battant la paix et la pureté (drapeau vraisemblablement dessiné par Messali Hadj en 1928).

L’État algérien a été le moteur d’un développement social considérable. Il ne trouvait pas en face de lui une société avec des groupes sociaux fortement organisés et dotés de pouvoirs importants – grands propriétaires fonciers, gros commerçants, bourgeoisie industrielle ou classe ouvrière – non plus que des groupes intellectuels à forte influence idéologique : professions libérales, avocats, juristes, journalistes, voire ulémas. Les clercs (religieux ou idéologiques) s’accommodèrent fort bien, dans un premier temps, d’un État de « patriotes révolutionnaires », soucieux de développer l’islam comme religion de l’État et le socialisme (c’est-à-dire le contrôle étatique des grands moyens de production et l’allocation des ressources sur la base de principes de justice distributive et par des moyens bureaucratiques) comme but et méthode d’organisation de la société. Les résultats ne sauraient être tenus pour négligeables : extension constante de l’effort social en matière d’éducation, de politique sociale et sanitaire, baisse modérée du taux de chômage (jusqu’en 1980) dans un pays à expansion démographique vertigineuse que l’État n’a pas eu les moyens, ni le désir, de modérer, constitution d’un appareil productif, à vrai dire coûteux et peu efficace. Les échecs sont également évidents : peu de progrès dans la production agricole et accroissement de la dépendance alimentaire, explosion urbaine et dégradation de la qualité des services publics, pénurie (essentiellement en matière de distribution) de produits de qualité convenable, crise du logement, développement d’une économie parallèle : tout cela donne à une population aux demandes croissantes, et plus portée à exiger son dû qu’à accepter avec fatalisme les malheurs du temps, le sentiment qu’une nouvelle caste de profiteurs a su détourner des biens qui devraient être accessibles à tous. La combinaison de l’arrêt de la mobilité sociale ascendante avec la crise de confiance dans les institutions d’un régime jugé peu démocratique favorise la transformation de l’insatisfaction en mise en accusation. C’est ce qui a conduit à l’éclatement de la formule politique dans les années 1980.

Les idéologues de l’État algérien (les rédacteurs des chartes nationales) avaient exprimé dans leurs textes un projet simple : construire une société moderne, « association libre de citoyens libres [...], artisans libres, conscients et volontaires de la société moderne » au sein d’une collectivité archaïque qui ne bénéficiait pas des « énormes acquis » de la société bourgeoise (Charte nationale de 1976). Faire des producteurs à partir d’une société non productive, des citoyens à partir d’une culture politique reposant sur l’autoritarisme et la résistance à l’autorité, tel était le but que se fixaient (ou qu’affichaient) le « noyau patriotique révolutionnaire » et ses porte-parole. Pour cela, il convenait de développer la division du travail économique (par l’industrialisation) et politique (par la mise en place des institutions), tout en conservant sous contrôle les formes de mobilisation qui pouvaient en découler : un secteur privé mais pas trop générateur d’inégalités sociales ni surtout de pluralisme, des collectivités locales mais ne servant pas de canal aux particularismes régionaux, des militants politiques mais soucieux de l’Algérie avant de l’être de la langue berbère (et des intérêts kabyles) ou de la religion musulmane conçue comme subversion de l’État. L’Algérie devait être avant tout nationaliste, socialiste et musulmane : tel était le triangle symbolique, soutenu par un triangle politique reliant l’armée, l’État et le parti sous l’égide du chef de l’État, chef des armées et secrétaire général du parti. Le premier triangle s’est défait dans la décennie 1980. Le nationalisme a éclaté en trois branches : « islamiste » incarné in fine par le Front islamique de salut national (F.I.S.) après que le parti unique eut songé à devenir plus islamiste, « autoritaire » (ce qui restait de l’appareil du (F.L.N.) et « démocrate » (un groupe social flottant sans représentation politique sauf quand il est relayé par l’ethnicité kabyle). Le second triangle a implosé à partir de la fin de 1988 : la nouvelle Constitution de 1989 instaure une démocratie pluraliste sans référence au « gouvernement par le parti » ; l’armée ne participe plus au parti, dont le président de la République n’est plus ni le secrétaire général ni le président ; enfin, en janvier 1992, l’armée a déposé le président.

L’État est ainsi victime de son succès... partiel. Il a bâti des usines, créé des emplois, favorisé (ou accepté) la croissance démographique, multiplié l’enseignement et les services sociaux, mais tout cela ne fait pas une société autoentretenue. Au contraire, on a vu apparaître, à la base, une société de masse où l’interconnaissance personnelle entre résidents et entre générations est remplacée par la méfiance et l’incertitude de l’avenir, et partout un sentiment de vulnérabilité auquel n’échappent que ceux qui ont une notabilité et un patrimoine légitimes et autonomes par rapport à la faveur politique et aux aléas de la spéculation. L’industrialisation n’a pas créé une économie, d’où les débats autour du développement du secteur privé. Les luttes sociales peuvent alors s’exaspérer, car l’institutionnalisation n’a pas créé une cité politique capable de s’autoréguler, pas plus que l’éducation n’a créé une culture, un langage commun dans lequel pourraient s’exprimer les luttes de classes. Ce que manifeste l’islamisme de contestation opposé à la religion de l’État (même s’il existe des passerelles entre les tenants idéologiques des deux camps), c’est la mise en cause des jeux symboliques et des agencements pratiques de ce qui fut la République algérienne démocratique et populaire. L’État algérien se trouve ainsi confronté à la triple rébellion d’un social qu’il a contribué à produire : rébellion de l’économique avec ses exigences de profit, de rentabilité et corrélativement de grèves et de conflits sociaux ; de l’ethnoculturel avec ses exigences de pluralisme linguistique (qui peut mettre en danger l’arabe moderne et faire reculer la culture arabe savante, exacerbant la revendication islamiste) et de libertés démocratiques ; du religieux, enfin, avec ses exigences de purification et d’épuration, son rejet des médiations offertes par l’État moderne et son appareil spécialisé, son anti-occidentalisme sans compromis. Le social qui se rebelle ainsi est un social « brut », peu enclin à accepter les normes de la participation bureaucratique ou celles d’une société civile. Sans la concurrencer, il a sapé la formule politique algérienne.

Les luttes pour la recomposer et la transformer ont été d’autant plus complexes qu’elles mêlaient différents enjeux : sauvegarde de positions personnelles, maintien d’habitudes de pensée et d’action, intérêts de groupes, souci d’intérêts généraux et de paix civile. De 1988 à 1991, le président soutint une politique de réforme économique et financière libérale et d’ouverture politique pluraliste, au détriment de l’ancien parti unique, ce qui permit au F.I.S. de s’assurer, aux élections municipales de 1990, une forte majorité relative qu’il conserva malgré un certain recul au premier tour des élections législatives de décembre 1991. L’armée intervint alors pour interrompre le processus et renvoyer le président. De ce jour, l’Algérie se voit confrontée à trois défis : comment rompre avec l’ancien régime avec l’aide des membres de celui-ci ? Comment éviter qu’un processus démocratique n’entraîne la victoire d’un nouveau parti autoritaire ? Comment mener des réformes économiques supposant une légitimité politique que leur mise en œuvre peut affaiblir ? Dans un pays exposé à une fracture culturelle dont témoignent les islamistes, en dépit (ou plutôt à cause) de son exposition à l’économie internationale et à la culture occidentale, la question de la formation de coalitions sociales exprimées par des forces politiques susceptibles de s’affronter sans se faire la guerre reste primordiale.

Jean LECA

1. Géographie

L’Algérie est un vaste pays de 2 381 741 kilomètres carrés (plus de quatre fois la France métropolitaine), le plus grand d’Afrique. Elle se trouve en position médiane dans le Maghreb, frontalière dans sa partie occidentale avec le Maroc, la Mauritanie et le territoire du Sahara occidental ; alors que dans sa partie orientale, elle est voisine de la Tunisie et de la Libye dans sa frange saharienne. Quant à sa frontière méridionale, elle s’ouvre, au-delà du Sahara, sur des pays d’Afrique subsaharienne (le Mali et le Niger), avec lesquels elle partage une partie de la communauté touarègue.

Pays maghrébin, mais aussi méditerranéen et arabe, l’Algérie a renoué avec la culture arabo-musulmane dès son indépendance en 1962, tout en composant avec sa diversité berbère et ses relations avec l’Europe. Ainsi, l’Algérie conserve des liens très étroits, à la fois économiques et humains, avec ses partenaires européens de la rive nord de la Méditerranée, et principalement avec la France, même si ces relations restent ambiguës et passionnelles, souvent brouillées par des considérations historiques, confirmant que les relations postcoloniales ne sont jamais simples.

Adoptant une orientation socialiste au cours des deux premières décennies de son indépendance, pour marquer sa rupture avec la période coloniale, l’Algérie a longtemps fait figure de modèle de développement pour les pays du Tiers Monde, notamment sous la présidence du colonel Houari Boumediene (1965-1978) qui a pris le pouvoir en renversant, le 19 juin 1965, le gouvernement d’Ahmed Ben Bella, premier président de la République algérienne indépendante. L’ère Boumediene, caractérisée par le renforcement de l’armée, de la sécurité militaire et du parti unique du F.L.N. (Front de libération nationale) est paradoxalement celle où les choix politiques ont eu les répercussions socio-spatiales et économiques les plus significatives avec la récupération des richesses minières, l’industrialisation, les réformes agraires, la construction des logements sociaux, de l’habitat rural, des infrastructures éducatives et sanitaires. Toutefois, après la décennie noire des années 1990 et les difficultés économiques inhérentes à la guerre civile, l’Algérie s’engage dans d’importantes réorientations, avec l’ouverture à l’investissement privé et au capital étranger dans une conjoncture marquée par la mondialisation des échanges.

• De la Méditerranée au Sahara, des milieux naturels très contrastés

L’Algérie est un pays contrasté qui présente, du nord au sud, toutes les transitions entre un milieu méditerranéen humide et un milieu saharien hyperaride. Les gradients, à la fois biogéographiques et pluviométriques, ainsi que les conditions topographiques exercent une influence sur la répartition humaine et la mise en valeur des territoires.

Les conditions physiques sont largement dépendantes de la configuration du relief et de son histoire géologique. L’Algérie est un pays constitué de hautes terres dans sa frange nord qui, par le passé, avait été désignée comme une île (Djazira en arabe, d’où le nom du pays El Djazaïr) par rapport à la Méditerranée et à la plate-forme saharienne, toutes deux plus basses. Ainsi, on a coutume de distinguer trois domaines physiques en Algérie : tellien, atlasique et saharien. Ce dispositif morpho-structural est le résultat de la collision entre les plaques européenne et africaine, une collision dont les effets tectoniques se ressentent encore de nos jours dans la partie la plus septentrionale de l’Algérie, qui connaît des séismes par rejeu de failles dans les zones littorales d’effondrement. La ville d’El Asnam (anciennement Orléansville) a connu deux violents séismes particulièrement destructeurs, l’un en 1954 et l’autre en 1980. Parmi les séismes les plus violents de la décennie 2000, celui du 21 mai 2003, qui a touché de nombreuses villes côtières de la région algéroise (autour de Boumerdès), a causé des dégâts importants, quelque deux mille morts et plus de dix mille blessés. Ce fort séisme d’une magnitude de 7,3 sur l’échelle de Richter a été ressenti jusqu’aux îles espagnoles de Majorque et d’Ibiza.

Algérie : relief et climat. Relief et climat.

Au nord, le Tell correspond à un ensemble diversifié composé de bourrelets de petites et moyennes montagnes dont l’orogenèse est marquée par des phases paroxysmales au Carbonifère à l’Éocène moyen, à l’Oligocène supérieur, au Miocène moyen et supérieur, au Plio-quaternaire. Ces mouvements ont permis aux couches sédimentaires d’être exondées et plissées à partir d’une première fosse, puis chevauchées par des nappes de charriage durant la période oligocène à partir des matériaux d’une seconde fosse. La ligne de hauts fonds, située entre les deux fosses qui ont donné naissance aux reliefs actuels, est constituée du bourrelet liminaire du socle africain et dont les reliques sont encore présentes (Le Chenoua, les massifs de Collo et de l’Edough). Le Tell, dans sa partie littorale, est quelquefois interrompu par des plaines littorales (Mitidja, Annaba) et sublittorales (sillons du Chélif et vallée de la Soummam, plaine d’Oran...) ou enserre, dans sa partie médiane, de grands bassins intérieurs, bien individualisés à l’ouest (plaines de la Mekerra autour de Sidi Bel Abbès et d’Eghris autour de Mascara) ou plus étroits et discontinus dans le centre et l’est du pays (bassins d’Arib entre Aïn Defla et Miliana, bassins de Constantine et de Guelma). Les reliefs du Tell intérieur, de la partie occidentale et centrale du pays (monts de Tlemcen, Dhaya, Saïda et Frenda), laissent place aux Hautes Plaines algéro-oranaises, annonçant le début du domaine atlasique. Celles-ci sont des unités faiblement inclinées qui permettent la formation de chotts sur les gouttières synclinales (chotts Ech-Chergui, Zahrez et el Hodna). Leurs semblables de la partie orientale, plus proches du littoral, sont enserrées entre les reliefs des Biban, Babor et les monts de Constantine au nord et, au sud, par les bourrelets des djebels de Bellezma et des Aurès.

Le passage du domaine atlasique au désert saharien est assuré par la présence d’un chapelet de reliefs orientés sud-ouest - nord-est qui se rapproche de l’Atlas tellien au fur et à mesure qu’on avance vers l’est du pays avant de rejoindre la dorsale tunisienne. Formé de reliefs discontinus, l’Atlas saharien (monts des Ksour, Djebel Amour, Ouled Naïl et les Ziban) est le résultat de plissements de structure plus simples et de moindre envergure que ceux de l’Atlas tellien, dont la principale déformation s’est effectuée à l’Éocène formant des versants dissymétriques et dont les sommets furent parfois élevés au début du Quaternaire. Ces unités sont séparées par de vastes surfaces, glacis d’érosion et plaines de remblaiement, où les eaux ruissellent et s’infiltrent. Leurs altitudes, plus élevées à l’ouest (2 236 m au Djebel Aïssa) s’abaissent jusqu’à 1 000 mètres à l’est, et sont, dans l’ensemble, atténuées par celles des Hautes Plaines et du piémont saharien. L’accident sud-atlasique, daté du Villafranchien, fracture cet ensemble dans sa partie sud et marque la limite méridionale du domaine atlasique. Au-delà commence l’immensité du désert, composé d’unités généralement peu élevées mais très diversifiées : Hammada du Guir, piedmonts encroûtés interrompus au centre par le plateau du Mzab, grandes accumulations dunaires (Ergs oriental et occidental), grandes cuvettes à l’est (du Melrhir) et à l’ouest (Gourara-Touat), se terminant dans l’extrême sud par le plateau du Tadmaït et le massif cristallin et métamorphique du Hoggar. Ainsi, la partie désertique est une plate-forme tabulaire. Dans sa partie septentrionale, sauf au niveau de l’échine crétacée du Mzab, deux grands bassins d’atterrissement, celui de l’oued Saoura incliné nord-sud et celui du Melrhir en pente sud-nord, sont les témoins du passage d’une période plus humide à une période plus sèche où les accumulations et l’érosion éolienne sont particulièrement importantes : désert de pierres (reg) et accumulations dunaires (ergs oriental et occidental) sont les paysages les plus saisissants de ces contrées sahariennes.

Ces unités morpho-structurales connaissent des variations climatiques importantes. Parmi les facteurs climatiques les plus discriminants, mis à part les températures qui opposent le littoral (17,4 0C en moyenne à Alger) à l’intérieur du pays (24,3 0C à Adrar), la pluviométrie reste, malgré tout, le principal facteur des différences régionales. Le nord-est, plus arrosé avec au moins 700 mm/an de pluie et parfois jusqu’à 1 000 mm/an (Jijel, Constantine, Annaba...) est le pays où forêt et arboriculture sont les plus présentes. Son arrière-pays, au-delà des chaînes telliennes littorales, se caractérise par le couple céréales-cultures fourragères, particulièrement dans les Hautes Plaines du Constantinois. Le nord-ouest, de climat semi-aride du fait de sa position d’abri par rapport aux reliefs du Rif marocain, qui font barrage aux dépressions venant du nord-ouest, reste plus favorable à la viticulture et aux cultures céréalières. Les cultures maraîchères ou d’arboriculture fruitière exigent par conséquent un complément par irrigation, la pluviométrie n’excédant que très rarement 400 mm/an. Quant au sud-ouest, qui appartient au domaine atlasique, de nature plus sèche voire aride avec moins de 200 mm/an et des écarts thermiques importants ainsi que des températures estivales particulièrement élevées, il ne présente qu’une végétation basse de type steppique (alfa et armoise). C’est le pays des parcours et de l’élevage ovin.

Les conditions topographiques et climatiques qui impriment aux paysages algériens ces importants contrastes, tout en accordant une large place aux espaces semi-arides et arides, ont inéluctablement des répercussions sur les ressources en eau du pays.

• La faiblesse des ressources en eau et les politiques hydrauliques

L’Algérie est un pays aux ressources en eau très limitées, une situation qui est aggravée par la faiblesse des précipitations, l’insuffisante mobilisation de cette ressource et la forte concurrence entre les différentes consommations (domestique, industrielle et agricole).

La soixantaine de barrages algériens existants, qui ont un taux moyen de remplissage de 66 p. 100, permet une réserve d’eau de 3,8 milliards de mètres cubes. Cette capacité offre un ratio tout juste équivalent à 1 000 m3/an/habitant. Le taux de remplissage des barrages de l’ouest est plus faible (57 p. 100), alors que ceux du centre et de l’est du pays sont remplis à 71 p. 100. Par ailleurs, la faiblesse des précipitations, surtout à l’ouest et au sud du pays, et l’envasement de nombreux barrages ne permettent que difficilement d’augmenter les capacités actuelles. Cette mobilisation apparaît donc comme nettement insuffisante par rapport aux 12,4 milliards de mètres cubes de ressources en eau de surface qu’offrent les bassins hydrographiques algériens et particulièrement ceux de l’est et du centre du pays qui, en théorie, permettent un prélèvement de plus de 75 p. 100 du total des ressources d’eau de surface. Selon une étude du Conseil national économique et social, il faudrait disposer de 15 à 20 milliards de mètres cubes de ressources en eau mobilisables, dont 70 p. 100 réservés à l’agriculture, pour atteindre une sécurité alimentaire satisfaisante. Le défi est énorme quand on sait que l’Algérie ne mobilise que 5 milliards de mètres cubesd’eau à partir des barrages et des eaux souterraines situées dans le nord du pays.

Si dans cette région un réel effort est fourni pour construire des infrastructures hydrauliques capables de mobiliser l’eau afin de la redistribuer aux usagers, il faut préciser que dans le sud du pays, là où les contraintes du milieu sont les plus fortes, il est plutôt question de déstockage et de transfert d’eau à partir de la nappe albienne, profondément enfouie sous le Sahara, ressource non renouvelable et partagée avec les pays riverains (Tunisie et Libye). Il est, par exemple, prévu d’acheminer l’eau de Aïn Salah à Tamanrasset, deux villes sahariennes distantes de 750 kilomètres, à l’aide d’une double canalisation. Deux autres programmes sont en cours d’exécution dans le sud algérien, l’un pour l’acheminement de l’eau d’El Goléa vers Djelfa et le sud de Tiaret (du Sahara central au sud de Ghardaïa jusqu’aux Hautes Plaines steppiques) sur 470 kilomètres ; l’autre pour le transfert d’eau d’Ouargla (au sud-est de Ghardaïa) à Biskra, sur 400 kilomètres, et vers le sud de Batna sur une distance à peu près équivalente. Ces projets de grande envergure permettent à terme de développer l’agriculture en milieu steppique et saharien, là où le déficit hydrique est le plus important. Ces infrastructures lourdes, aux investissements très coûteux, sont réalisées parallèlement à des actions destinées à la préservation des systèmes traditionnels de mobilisation et de distribution des eaux (les foggaras