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Encyclopaedia Universalis

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La République argentine occupe la majeure partie du cône sud. Avec 2 780 000 km² (sans compter 11 400 km² des îles Malouines et 996 000 km² de l'Antarctique, espaces que revendique l'Argentine), elle est, par sa superficie, le deuxième pays de l'Amérique du Sud, après le Brésil qui lui est frontalier au nord-est...

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Universalis, une gamme complète de resssources numériques pour la recherche documentaire et l’enseignement.

ISBN : 9782852298798

© Encyclopædia Universalis France, 2019. Tous droits réservés.

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Argentine

Introduction

La République argentine occupe la majeure partie du cône sud. Avec 2 780 000 km2 (sans compter 11 400 km2 des îles Malouines et 996 000 km2 de l’Antarctique, espaces que revendique l’Argentine), elle est, par sa superficie, le deuxième pays de l’Amérique du Sud, après le Brésil qui lui est frontalier au nord-est. Étendue depuis le tropique du Capricorne jusqu’à la Terre de Feu, les autres pays qui lui sont contigus sont l’Uruguay à l’est, la Bolivie au nord-ouest et le Chili tout au long de son flanc ouest.

Argentine : drapeau. Argentine (1816). Bleu pâle et blanc étaient déjà les couleurs du régiment « Patricios » au début du XIXe siècle, ainsi que de la cocarde portée le 25 mai 1810 par les manifestants pour l'indépendance ; c'est depuis cette date que le « soleil de Mai » est considéré comme l'emblème national (d'or, il doit réglementairement compter 32 rayons de même longueur, alternativement droits et flamboyants). Symboles de liberté, couleurs et soleil du drapeau argentin ont été repris par certains États d'Amérique du Sud également libérés du joug espagnol (cf. Uruguay).N.B. Selon l'ambassade, s'il fut un temps où seul le drapeau de guerre pouvait porter le « soleil de Mai », il ne reste plus aujourd'hui qu'un seul pavillon national, qui comporte toujours le soleil flamboyant sur sa bande blanche, seul le pavillon de commerce ne le porte pas.

Son territoire est en majorité composé de plaines pampéennes, mais comprend également de vastes forêts tropicales ainsi que de hauts massifs andins. La Pampa fournit les ressources principales du pays, à travers l’élevage et l’agriculture du grain qui sont exportés sur les marchés mondiaux. L’industrie se concentre fortement le long du littoral fluvial, dans la région de Buenos Aires.

Sa population comptait 40 millions d’habitants au recensement de 2010, dont plus d’un tiers dans la seule province de Buenos Aires. Elle est en grande majorité issue des vagues d’immigration européenne de la fin du XIXe et du début du XXe siècle, principalement espagnole et italienne. Même si les Indiens sont pratiquement absents du pays depuis la brutale conquête de leurs territoires durant le dernier quart du XIXe siècle, l’usage des langues indiennes perdure, principalement dans le Nord-Ouest, et les métissages sont nombreux. Mais les Argentins se pensent comme Blancs.

Le pays oscille entre la fascination et le rejet de l’Occident avec la certitude d’avoir une identité et un destin propres d’où émerge une « argentinité » revendiquée avec vigueur. Si bien que la recherche d’une « amitié » ou d’une dépendance vis-à-vis d’une puissance tutélaire – le Royaume-Uni durant les années 1930 et les États-Unis dans les années 1990 – s’accompagne d’une sorte de traumatisme lié aux impérialismes qui se sont succédé au cours de son histoire. Aussi, le nationalisme argentin revêt généralement un discours de libération, se focalisant sur le thème de la « seconde indépendance » (la première indépendance ayant eu lieu, face à la couronne espagnole, durant le premier quart du XIXe siècle). À travers ce prisme se comprend le succès du péronisme, tant celui de la première présidence de Perón (1946-1955) qui appelle au rétablissement de la souveraineté nationale et à la recherche d’une troisième voie (ou non-alignement), que celui à l’œuvre sous la présidence de Néstor Kirchner (2003-2007) et sous celle de son épouse, Cristina Kirchner (élue en 2007) qui présente le remboursement de la dette publique au F.M.I. comme une mesure permettant de reconquérir une autonomie qui aurait été perdue au profit des instances financières internationales.

L’Argentine renoue ainsi avec une volonté de trouver une place propre sur la scène internationale, option qui avait été mise à l’écart sous la présidence de Carlos Menem (1989-1999) en faveur d’une alliance économique et stratégique avec les États-Unis. Mais cette place propre s’articule désormais avec une politique d’intégration économique régionale sur le modèle de l’Union européenne, le Mercosur (Marché commun du Sud). Cette alliance régionale est en voie de consolidation depuis que l’Argentine a délaissé ses velléités de détenir le leadership régional devant son voisin brésilien. À défaut d’obtenir la suprématie, Buenos Aires aspire à ce que cette coopération régionale se poursuive et lui permette de développer des relations politiques et commerciales sur un pied d’égalité avec les autres puissances mondiales. La grande crise économique, sociale et politique déclenchée en décembre 2001 qui a failli engloutir la nation argentine a profondément marqué le pays qui est décidé à ne plus se laisser tenter par le « mirage occidental ».

Jérémy RUBENSTEIN

1. Géographie

• Le cadre physique

Un pays de grandes plaines

Une structure de socle a marqué l’Argentine : le bouclier brésilien fournit le soubassement de la Pampa et du Chaco mais, brisé et effondré, il n’affleure que sur les bords. La plaine pampéenne couvre près de 600 000 km2 et se prolonge, sans solution de continuité autre que bioclimatique, sur les 300 000 km2 de la partie argentine de la plaine du Chaco. Cet immense ensemble vient buter sur le massif andin au nord-ouest, les blocs soulevés des sierras de Córdoba et de San Luis au centre, et l’avant-pays basaltique du secteur méridional des Andes de Mendoza au sud-ouest. Au sud, la transition avec les plateaux de Patagonie est d’abord d’ordre climatique, cependant que la tectonique profonde fait affleurer quelques vieilles échines, presque ennoyées sous les dépôts éoliens dans la sierra del Tandil (500 m) et sur la rive nord du Colorado, mieux dégagées dans le massif déjà puissant de la Ventana (1 243 m).

Dans son ensemble, c’est un domaine d’épaisses accumulations continentales qu’interrompent quelques séries sédimentaires marines ou lacustres au long du tracé actuel de l’estuaire et du río Paraná. L’ampleur des formations superficielles donne au modelé une incontestable originalité : du río Pilcomayo, qui constitue la frontière du Paraguay, au río Colorado qui coule aux lisières de la Patagonie, l’aréisme est la dominante du Chaco et de la Pampa. Trois rivières seulement, descendues des Andes tropicales bien arrosées, réussissent à traverser le Chaco : le Pilcomayo, le Bermejo et le Juramento Salado. Le seul cours d’eau pampéen pérenne, le Salado de Buenos Aires, n’acquiert quelque consistance que par l’intervention de l’homme qui dirige vers lui un réseau de canaux de drainage. Les rivières qui naissent dans les sierras occidentales se perdent en de vastes épandages semi-palustres ; la dépression de Mar Chiquita absorbe les eaux du Saladillo et des deux ríos. Les puissants torrents des Andes de San Juan et Mendoza disparaissent dans la plaine que le Desaguadero, souvent à sec, ne draine que de façon sporadique en direction du río Colorado.

Cette absence de drainage organisé est à coup sûr le trait le plus marquant du modelé pampéen. Les nappes d’inondation temporaires, les marécages et les étangs du Chaco et de la Pampa atlantique, ainsi que les chapelets de lacs de la Pampa moyenne révèlent les difficultés de l’écoulement. Les dépôts éoliens de l’époque glaciaire ont donné, sous un climat relativement équilibré, des sols fertiles qui sont à l’origine de la proverbiale richesse agricole et pastorale de la Pampa. Ces plaines pampéennes ne présentent cependant que rarement l’uniformité et la platitude que l’imagination voudrait leur attribuer : vallonnements verdoyants du bas Paraná auxquels fait suite un ample domaine de prairies inondées au sud-est de Buenos Aires, vastes constructions de piémont au contact des sierras, plaine limoneuse parsemée d’étangs de la Pampa moyenne, hautes surfaces encroûtées du Sud-Ouest, étendues dunaires du secteur central et véritables ergs du Grand Ouest, regs pierreux du secteur intermédiaire coupés de longues et profondes dépressions, autant de paysages distincts, de milieux naturels divers ou opposés qui ont largement déterminé les styles de peuplement et de mise en valeur. La plaine du Chaco par l’épaisseur des accumulations d’éléments fins limoneux ou sableux, par sa parfaite platitude et la masse forestière qui la recouvre, représente au nord du Salado une unité originale, en rapport avec sa position en latitude. À ces plaines structurales on peut rattacher les terres basses de la Mésopotamie, entre les fleuves Uruguay et Paraná. Sur la rive gauche du Paraná, le socle affleure : bas plateau recouvert de limons dans le Sud et disséqué en minces collines quand il se relève, l’Entre Ríos est relayé au Nord par la haute plaine de Corrientes, noyée sous les apports alluviaux anciens du Paraná qui y construisit son premier delta. Celui-ci est à l’origine d’un paysage d’étangs et de marécages. Les Misiones, enfin, font partie des hauts plateaux du Sud brésilien à couverture basaltique, vigoureusement entaillés par de multiples rivières qui évacuent vers les deux fleuves profondément encaissés les précipitations abondantes de ce domaine déjà tropical.

Au sud du río Colorado, la Patagonie est loin de présenter la simplicité des lignes et des surfaces qu’on lui prête volontiers. Il est possible cependant de retenir en première analyse l’image d’une mosaïque de hauts plateaux mal ajustés : sur un empilement de couches sédimentaires s’étendent d’amples épanchements basaltiques ou encore des nappes de cailloux roulés d’âge préglaciaire ou glaciaire, surfaces rugueuses ou pierreuses battues par le vent ; vers le Centre, les chaînons crétacés des Patagonides bousculent quelque peu ce schéma. La structure et le modelé offrent pourtant une double chance à la vie humaine. L’exploitation des réserves de pétrole et de gaz emprisonnées dans les sédiments secondaires et tertiaires a créé ou développé un paysage industriel et une vie urbaine précisément dans les régions climatiquement les plus défavorisées. De plus, cinq larges vallées, calibrées au moment des grandes décharges fluvio-glaciaires, recoupent le dispositif de plateaux. Celles du Nord, et particulièrement le río Negro, ont attiré un peuplement dense sur des vignobles et des vergers irrigués. Au sud, la rigueur du climat n’autorise plus de telles spéculations et les vallées n’ont d’autre intérêt que d’assurer le ravitaillement en eau des troupeaux et d’offrir à leur embouchure de médiocres sites de ports. Cette Patagonie méridionale est déjà un avant-pays andin. La nécessité y apparaît plus évidente qu’ailleurs de présenter ces vastes ensembles de plaines et de plateaux en rapport avec la puissante barrière montagneuse à laquelle ils s’adossent à l’ouest.

La barrière des Andes

La Cordillère des Andes est l’élément le plus marquant d’un ensemble de hautes et moyennes montagnes, de hauts plateaux et de bassins fermés, barrière élevée et massive qui isole l’Argentine du Pacifique et détermine sa vocation de pays des plaines atlantiques. La Cordillère elle-même, surgie en plusieurs phases au Tertiaire, s’allonge du 27e parallèle au détroit de Magellan. On y relève jusqu’à la latitude de Mendoza les plus hautes altitudes d’Amérique proches de 7 000 m (Aconcagua, 6 960 m), mais la chaîne s’abaisse rapidement en Patagonie, où elle ne dépasse pas 3 774 m au volcan Lanin et 3 375 m au Fitzroy. Une précordillère ourle les Grandes Andes jusqu’au río Mendoza. Il s’agit d’un vieux massif primaire porté à plus de 3 000 m, basculé et fracturé par le contrecoup de l’orogenèse andine. Cet ensemble constitue le domaine des Andes sèches. Leur modelé témoigne de l’ampleur de l’érosion et des constructions alluviales sous des climats successivement chauds et froids, humides et secs. L’aridité actuelle immobilise, et en quelque sorte révèle par la nudité des formes, ce double héritage morphologique.

C’est à l’extrême fin du Tertiaire et au début du Quaternaire que se sont élaborés en deux étages les extraordinaires glacis des piémonts de San Juan, de Mendoza ou de San Rafael. Mais les profondes vallées qui entaillent la montagne et son piémont et, en contrebas, les vastes épandages alluviaux fins de la plaine datent des grandes décharges fluvio-glaciaires. Ils correspondent aux pulsations climatiques du Pléistocène, cependant que les limons fins qui recouvrent les glacis ainsi que les lœss transportés jusque sur la Pampa orientale ont été mis en place au cours des phases sèches et froides qui terminent chaque crise glaciaire. Cette remarquable combinaison de formes et de dépôts superficiels et l’englacement actuel de la haute chaîne expliquent que les hommes aient pu créer et développer au pied des Andes de Mendoza de très vastes et très belles oasis.

Plus au nord, le dessin d’ensemble se complique. L’Argentine possède le fragment le plus méridional de l’Altiplano andin ; cette puna du Nord-Ouest apparaît comme un immense bassin d’altitude (plus de 4 000 m), découpé en vastes compartiments. Dans le fond des cuvettes où s’accumulent les débris produits par une intense désagrégation mécanique se logent les solitudes désolées des salares. Sur le flanc est, l’orogénie tertiaire a soulevé de vigoureux massifs, qui culminent entre 5 000 et 6 000 m et possèdent quelques gîtes de minerais non métallifères, moins riches cependant que ceux de Bolivie. Une seconde série de reliefs, qui cette fois ne dépassent guère 2 000 m, s’aligne au contact du long piémont qui mène à la plaine du Chaco. Dans ces sédiments secondaires, plissés et bousculés au Tertiaire, sont emprisonnées d’intéressantes réserves de pétrole et de gaz naturel qui se prolongent dans les bas pays de l’Est bolivien. L’aridité glacée de la puna, les formidables entailles des quebradas qui y donnent accès, comme celle de Humahuaca qui permet de gagner le plateau bolivien, les amples vallées d’effondrement qui séparent les contreforts de la puna des sierras subandines, la vigoureuse opposition climatique que l’on observe entre les bas versants orientaux de ces chaînes couverts d’une belle livrée forestière et la sécheresse des vallées de l’intérieur, tous ces traits confèrent au Nord-Ouest argentin des caractéristiques communes aux pays andins tropicaux. Dans le secteur méridional se déploie, sous un climat sec, un dispositif en bassins fermés, les bolsones, encombrés de sédiments continentaux et de produits d’accumulation fluvio-éolienne. Ils se prolongent vers le sud et vers l’ouest en un vaste no man’s land désertique où s’étalent d’immenses salares.

En avant de cet ensemble se détachent quelques massifs imposants. Les plus connues de ces « sierras pampéennes » sont celles de Córdoba (2 900 m) et de San Luis (2 150 m). Les géologues argentins y rattachent volontiers aussi bien l’Aconquija, dont les 5 000 m dominent Tucumán, que la sierra de Fatamina (6 000 m), qui se déprend à peine du rebord méridional de la puna. Ce sont donc de puissantes montagnes, faites de roches anciennes arasées au Primaire et fragmentées par la surrection andine en gros blocs soulevés et basculés face à l’Ouest. Parfois couronnées de volcans, les vieilles surfaces granitiques dominent par de véritables murailles d’amples fossés où s’accumulent les alluvions anciennes. À l’est, le contact avec la Pampa se fait généralement par une série de gradins dont le dernier est enfoui sous les matériaux de piémont, eux-mêmes masqués par les apports éoliens. De petits blocs de direction nord-ouest - sud-est jalonnent encore le bord occidental et méridional du socle pampéen : de maigres échines parfois empâtées de dépôts éoliens courent sur la plaine, puis quelques rochers isolés pointent dans le prolongement des sierras de Córdoba et de San Luis. Au sud de la Pampa, enfin, on a déjà mentionné les reliefs des sierras de la Ventura et de Tandil. Les premiers dominent Bahia Blanca, tandis que les ultimes vallonnements de Tandil ont fixé le site de la célèbre station balnéaire de Mar del Plata.

Les Andes de Patagonie ont un tout autre style. Éventrées de toutes part par les glaciers du Quaternaire, elles présentent un modelé alpin. L’ampleur extraordinaire des lacs surcreusés derrière leur barrage morainique, le cadre prestigieux des sombres et vigoureuses forêts de type « austral » attirent les touristes au Parc national de Nahuel Huapí. Plus au sud, les plus hardis peuvent admirer des glaciers qui s’effondrent dans de grands lacs. À cette latitude, celle du lac de Buenos Aires et des aiguilles du Fitzroy, la frontière traverse un véritable inlandsis ; la chape de glace recouvre le batholite granitique. À l’ouest, le Chili abondamment arrosé offre un paysage de fjords, cependant qu’à l’est l’Argentine ne présente, au-delà des forêts et des herbages du piémont andin, que les plateaux arides de la Patagonie. Les incertitudes du drainage dans les vallées et sur le pourtour des lacs d’origine glaciaire ont entraîné des difficultés pour le tracé de la frontière qui n’a pu suivre la ligne de partage des eaux comme l’avaient imaginé les diplomates.

Cette rapide vue d’ensemble du cadre montagneux montre combien l’Argentine des plaines est liée à ces massifs dont elle se détourne. Le modelé même des plaines ne s’explique que par l’ampleur extraordinaire de l’érosion préglaciaire opérant sur un volume montagneux considérable. Elle mit en mouvement des masses énormes de matériaux plus ou moins fins qui vinrent se déposer, avec des styles différents selon les temps et les lieux, dans les terres basses du Chaco ou de la Pampa. De toute manière, cette sédimentation a dû presque toujours s’effectuer en deux étapes, les vents d’ouest sud-ouest reprenant aux périodes sèches du Quaternaire froid les sables et limons transportés à moyenne distance des massifs occidentaux par les grandes crues des rivières au cours d’époques plus humides. À l’est, les grands vents couvrirent la plaine, et même les fragments du socle qui la surmontaient, sous d’épais manteaux de lœss ou de limons. Vers le nord-est, ces formations superficielles ont pu être remaniées par des écoulements en nappe d’inondation ; dans le Sud et l’Ouest, elles se sont encroûtées lorsqu’à une phase humide succédait une phase sèche et froide.

Par la suite, ces croûtes glaciaires (tosca) ont été tantôt recouvertes, tantôt décapées, si bien que le sol qu’elles portent est tour à tour profond ou squelettique.

Le Paraná, quant à lui, n’a guère participé à l’évolution de la Pampa. Après la construction de son delta intérieur sur les assises gréseuses de Corrientes, il s’est contenté, en aval, de creuser, au cours des périodes humides de l’époque glaciaire, un large chenal dans lequel purent se déposer durant les séquences sèches les alluvions que le fleuve ne parvenait plus à évacuer jusqu’à l’Atlantique. Les précipitations de l’Holocène ont permis la construction d’un vaste delta. La transgression flandrienne, en envahissant le Río de la Plata, a maintenu ce delta au fond de l’estuaire. Il est recoupé par le profond chenal du río Uruguay qui, beaucoup plus rapide, a toujours pu évacuer ses alluvions fines.

En définitive, le Paraná a surtout construit près de sa confluence avec le Paraguay, créant au long du Chaco un domaine semi-aquatique large d’une trentaine de kilomètres, où s’enchevêtrent des îles, des chenaux, des levées de terre et des marécages, qu’un flot d’inondation comme celui de mars 1966 recouvre totalement.