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« J’évoquerai des moments de ruptures, des équilibres précaires quand survient l’instant du prélèvement. Pourtant, ce geste transcende une existence, une perspective différente sur ce que l’on croit être une fusion, une interprétation de notre choix de demeurer, rester dans notre pays, vivants, sereins. Toutes ces aubes, multiples et si différentes, où les terres se rencontrent, nous offrent une empreinte, des empreintes. La trace, présente ou absente, nous guide vers d’autres vies, des territoires, des substances. À partir de là, le chien et la meute nous entraînent vers l’inconfort d’émotions, vers des vérités, vers des survies ou vers des absolus indispensables, des sons, des images, des compréhensions, peut-être des doutes aussi, jusqu’à ce face à face somptueux, irréprochable, nécessaire avec le sanglier, dans sa masse, sa puissance, son irréversibilité dont il faudra bien s’extraire. La façon de l’appréhender, d’appréhender cette chasse, peut devenir ou être une passerelle entre chasseurs et non-chasseurs raisonnables, mais un gouffre vis-à-vis des antichasse, une passerelle entre hier et aujourd’hui, entre nature et artificialité, entre passion et désespoir. Étant une nécessité, nous considérons faire implicitement partie de notre écosystème. » Yves Michaud, avril 2024
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Yves Michaud
Chasseur de sanglier
Essai
© Lys Bleu Éditions – Yves Michaud
ISBN : 979-10-422-3192-7
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La Creuse profonde et ses vieux copains les petits matins brumeux, les labours d’automne traversés avec les rapprocheurs, les feuilles qui tombent, le gel qui pique les oreilles et qui craque sous les vieilles chaussures que d’images, que d’odeurs champêtres, que de clameurs au plus profond des bois pour raconter Yves Michaud, ce magicien des mots, ce troubadour du chien courant si excessif dans ses passions et si fidèle dans ses amitiés.
Que dire de plus ? Laissons-le vivre et rêver d’un ailleurs idéal, d’ailleurs il est déjà parti vers d’autres collines avec ses chiens autour de lui.
Claude Deschryver,
Ex-rédacteur en chef de la revue « Chasseur de Sanglier »
Comment traduire une Amitié
Chassons pour que leurs libertés glissent encore dans les silences de la nuit, prélevons pour que reste encore quelque imaginaire glacé, névrosé, prélevons pour que les gènes d’ensauvagement subsistent et que l’on puisse admirer cette capacité à mourir. Je ne m’inquiéterai ni de vos haines, ni de vos incompréhensions, ni de vos fausses amitiés, je me contente des moins, des moins que rien, ou bien de tous mes plus, tous mes inconforts et cela ne concerne que moi, sans toi, sans ces autres, puisque je fus là pour dire ma terre, dire mon pays, dire des joies et des peines, dire le choix d’être resté tout près d’ici. Les mots civilisants, sécurisants ne traduisent rien, le sens n’est pas ici, là, tout de suite des mots que ne saurait tenir un écologiste, un chasseur, plutôt les mots d’un bougnat, ailleurs, autrement, autre part, et pourtant, des mots pour les uns et les autres, des passerelles, des passerelles des temps, pas forcément des rigueurs.
Né en pleine ruralité, à côté ou à l’opposé, voire en dehors, là où l’on n’ose pas aller, là où l’on n’ose pas rester, quelque chose à voir avec le destin, quelque chose à laquelle on ne s’attend pas, à laquelle on n’est pas préparé, d’où forcément des regards ailleurs, autre part, et puis on s’en va, mais on revient, on reste.
Chasser les grands animaux pour les connaître, pour les savoir libres, pour les pousser vers leurs libertés, les engager sur ce qu’ils sont, vers leurs beautés, vers leurs élégances, vers leur véritable. Nos profusions d’empathies, nos connaissances fausses et présumées à leur encontre ne sont que des erreurs, des mal connaissances, nous nous projetons, nous nous identifions, nous mimétisons dans tous les sens, pour nous réassurer, pour contrôler ce quelque part ailleurs qui nous échappe. Nous n’avons rien compris, nous n’avons rien compris à l’animal qui n’a nul besoin de nos fourbes sollicitudes. Il ne peut qu’être, être l’erreur est l’essai de transposition de ce que l’on croit être la liberté pour laquelle nous opterions pour l’animal n’est pas notre liberté, c’est sa liberté, nous restons dans l’intuition permanente de la vie et de la mort, totalement acceptée par certains, repoussée jusqu’aux limites par d’autres, serions-nous plus libres ensauvagés plutôt que sociabilisés.
Si nous lui signifions nos joies, nos craintes, nos envies, c’est sans correspondance. L’animal et la vie, sa vie et pratiquement, sa survie, se nourrir, se reproduire, se protéger, mourir. Peut-on lui attribuer ces sentiments qui nous sont si chers, la peur, la révolte, la souffrance, l’incompréhension ? Pas certain. Il s’agit d’un état construit sur des gènes millénaires ou l’acquis n’est plus que substantiel, alors oui, un état, un qui-vive permanent, aux écoutes de la nature et, anticiper, anticiper. Bien sûr, la notion du danger, de l’urgence, de l’absolu, de souffrance, de stress, de dernière limite, mais ne redoutant pas la fin. D’où notre respect mêlé d’envie face à cet absolu qu’il nous est impossible de concevoir. Ce sont ces attitudes-là, ces dignités qui en rendent les approches si tentantes, si dévoilantes d’un univers où l’homme n’est en nul cas assimilé.
Bien sûr, ces libertés-là ne concernent pas nos hontes avec le petit gibier pour références et ces chasses dites économiques. Nous nous postons en fin du cycle, comme prédateurs nécessaires et utiles du grand gibier, sans citer, pour réguler dans des buts sanitaires, de protection de l’environnement, de protection des usagers de la route. Peut-être pouvons-nous dire que nous faisons survivre leurs gènes de défense, activer leur propension à s’en aller, autre part, ailleurs, pour découvrir d’autres territoires, d’autres libertés. Exacerbons-nous toutes leurs vigilances, leurs instincts, maintenons-nous ce nécessaire déséquilibre entre l’inné et l’acquis ?
Chasser contribue aux élégances, aux dignités des animaux trouvant leur source dans l’inné et l’impondérable, leur conférant tous leurs espaces, leurs distances, leurs mystères.
Contrairement aux animaux zoofiés, zoofigès à l’inné fortuit, ensevelit, avachis, avilis, enlaidis auxquels nous jetons en pâture des déchets sociétaux, fausses terres de libertés, un monde à abolir, d’aucuns incertains voulant béatement nous faire croire à un rapprochement peut-être être physique entre eux et nous, mais nous, nous ne serons jamais libres et nous ne nous accaparerons jamais, jamais leurs libertés, des fuyants inaccessibles et, remarquez, dans leur regard, puisqu’un animal vous regarde toujours, vous avez à encaisser toutes les subjectivités miroir de ce face à face, avec vos propres conclusions et à appréhender le mot – fin – la mort animale reste un point de rupture, nos identifications benoîtes d’outredépasser notre culpabilité. L’utopie de domestication devrait être inversement proportionnelle à notre degré de socialisation, l’idéal n’étant pas qu’un cerf ou un sanglier vienne vous murmurer à l’oreille, l’idéal est qu’il conserve son identité, ses mystères et ses voies d’indépendances intimement liées à la terre, à la nuit, à l’espace, pour que, quelque part, nous ayons besoin, nous aussi de nous en aller, aller vers, au fond d’un rêve, pour une apparition dans le sens de la création plutôt qu’une banale constatation, là où le néorural parlerait des affres des sillons, des affres de la ruralité, nous, nous évoquons la liberté, le bonheur du bois, l’authenticité de l’étant liés à l’animal.
Sur les lisières du sens, des crédibilités, des constats, là où tout le monde peut se tromper, pour une faille, un mauvais passage, un grain et je n’ai pas trop touché à la nature, à mon naturel, c’est lui, mon Pays qui a cherché cette conjugaison, cet aller ensemble, pour m’emmener, me faire toucher, le faire écouter, sentir vers ces plus profonds, là où combien se seraient perdus, pris en otage par ce sensoriel, je suis allé sur tous ces chemins, ceux ayant entraîné, emmené combien d’aïeux, pour suivre une trace, aussi imperceptible fût-elle, menant vers des vies libres aussi, vous entraînant un peu vers ces lointains, pour au bout, peut-être, une rencontre, une attitude, une certitude, ou bien des fuites, des pensers différemment. Je me berce de cette enfance là où finalement il n’y avait pas de hiatus, où tout était partagé, sans excès, voire avec bienveillance pensée monolithique peut-être, surannée peut-être, mais ce n’est pas cette dernière qui a empuanti le monde.
Contrairement aux gens venant d’autre part, notre chasse paysanne reste empathique, nous connaissons notre faune pour tous nos équilibres, nous devons prélever ce qui sous-tend un véritable respect pour l’animal. Cela nous rend des libertés pour des approches peut-être illusoires, loin des autres, de leurs langages et de leurs épouvantails. Pour que des libertés nocturnes ne deviennent pas des illusoires diurnes, pour que les nuits demeurent mystérieuses, invisibles pour que seules, des traces demeurent.
Justement, chasseur d’ici, justement, connaissant notre territoire, nos terres, nos embruns passés, côtoyant la vie, la survie, justement, tous ces matins, dans ces levers, ces présomptions du jour, tous ces matins, je n’ai fait que naître.
Ils sont quelques-uns. Ils ont entre soixante-neuf ans et soixante-dix ans. Ils n’ont rien d’autre pour domicile qu’une petite commune de deux mille deux cents hectares, au centre de la France, au centre de la Creuse. Dans notre pays loin de tout. Mais là où nous sommes, nous, nous chassons. Dans un milieu de rêve, entre le châtaignier et le chêne, entre le hêtre et le sapin, entre le fourré et bientôt la jachère, nous chassons. D’un méplat à un monticule, d’une ombre à une lumière, d’un chant à un silence, d’un vide à une absolue plénitude. Je veux vous dire que pour nous, tout ne peut être que rien, ou bien rien devient tout, selon la façon dont on le regarde, dont on le vit. Tout dépend de nos yeux, de notre cœur. Mes copains et moi voyons la même chose, pour chasser, il faut voir, écouter, connaître, aimer, sentir et surtout ressentir. Pour notre chasse au sanglier, il ne faut pas essayer d’être, à l’instar des gens de la ville, enfin, il faut faire partie intégrante d’une terre, de la terre, de notre terre. Pour savoir, pour connaître un passage, il faut connaître sur dix ou vingt mille hectares, chaque arbre, chaque terre et chaque chose. Pour le reconnaître, il faut savoir chaque feuille levée, chaque brindille salie ou brisée. Il faut savoir la qualité, la matière du terrain entre son élasticité et sa compacité. Il faut savoir le temps, entre un temps de printemps et un temps d’hiver. Il faut savoir les odeurs, effluves particuliers de la nature. Il faut savoir oublier le temps pour n’être qu’en lui. Être dans les choses, dans ces moments magiques où la pensée est gérée par le sentiment et l’action, nous faisons partie de l’acte lui-même, nous impliquant totalement. Il faut connaître nos chiens, ces grands Bleus de Gascogne qui m’aident à vivre, à comprendre et à regarder. Vivre la chasse à travers eux, à travers leurs instincts, ces choses innées ou acquises, leurs qualités propres ou leurs défauts, il faut savoir leur faire confiance, sachant que quelque part, un jour, à un moment, leurs menées seront géniales. Mes copains m’offrent la mémoire du temps, la mémoire de l’être libre. Il me semble, avec eux, participer à un inconscient collectif, où à tout moment, tout est sagesse, sagacité, respect. Liberté d’être et de chasser. Liberté liée à la qualité de la vie et à son respect. Qualité le plus souvent perdue, car aujourd’hui, devant ce manque de respect des êtres et des choses, on oublie l’essentiel, on oublie la vie. Ainsi, certaines A.C.C.A. deviennent des communes poubelles, où le moi est placé avant le nous, où la viande est placée avant le plaisir et la convivialité. Communes où il faut des caractères répressifs pour pallier le mal-être. Pour mes vieux copains, la chasse reste une qualité de territoire, de biotope, une qualité dans la façon d’être ensemble, une qualité de gestion et de responsabilité. Nous nous sentons responsables de ce que nous avons, de ce que nous tuons et de ce que nous faisons vivre. Nous connaissons notre cheptel. Pour nous, l’essentiel est de discuter, d’avoir des idées sur la vie, pas sur la mort, de savoir que là, quelque part, s’anime une vie. L’essentiel est de savoir, en tout temps, pendant la chasse ou hors la chasse, que tel ou tel animal va mettre bas, que tel ou tel animal s’est déplacé de là à là. L’essentiel est de savoir que nous faisons partie d’un ensemble et l’essentiel n’est surtout pas de s’approprier cet ensemble. Partant de ce principe de respect d’autrui, de l’animal et de sa gestion, la place de l’écologiste des villes n’existe pas et n’a pas à exister. Chez nous, le vert n’existe pas. Seules l’herbe (souvent ingrate et difficile pour nos paysans), la ronce, la feuille et l’épine existent. Et ni à gauche, surtout pas à gauche ni à droite, mais au sol et en l’air.
Mes copains ont eu le temps de savoir et comprendre. Ils n’ont même pas à être, ils sont. Pas comme ces autres d’ailleurs, cherchant à être, à grand renfort d’idées, de concepts ou de préjugés, non, ils sont tout simplement participant à la vie de leur région. Chasse, chasse. Notre plaisir de faire les pieds, le plaisir de découpler sur un pied de la nuit, le plaisir d’être en vie et de sentir la vie. Être avec eux, sachant que là-bas, quelque part, l’un ou l’autre au poste, le cœur vibrant et entendant, participe à mon action de chasse, même s’ils ne la voient pas. Et moi, collé à mes chiens, les guidant sur la passée, eux m’apprenant, tout va de plus en plus vite, de plus en plus fort, de plus en plus loin. La voix des chiens commence à se mêler à la mienne. Pour que la leur, en cette fin de rapprocher, mettant le cochon sur pied, devienne rauque, déchirante et démesurée pour qu’éclatent ensemble dans un ultime assaut au sein d’un fourré, ce son de ces dix voix se rencontrant et se répondant à l’infini. Alors, dans la qualité du silence brisé, la vie et la mort alterneront, ce sera peut-être un chien, peut-être un sanglier. Mais c’est notre vie, elle a un sens et nous y tenons. La chasse se déroulera à nulle autre pareille, toujours vivante, oscillante, déferlante, d’un mouvement de soleil à un autre. Mes copains et moi nous nous rencontrerons peut-être, devant ou derrière les chiens, dans un geste, un regard. J’irai au bout de l’effort, dans le vide du bien-être total, me retrouvant aux pieds de mes chiens, avec mes copains pour partager ce reste d’instant, pour sentir cette vie propre nous appartenant. Alors notre mémoire s’enrichira de ce nouvel acte et chaque lieu est ainsi riche de mille et mille souvenirs, qui ont fait notre passé et qui ont fait de nous ce que nous sommes.
Je vous remercie, vous, mes vieux copains à l’âge rassurant, car d’autres, plus jeunes, ont-ils envie d’être ensemble par nécessité pour tuer ou par envie, envie de vivre la nature différemment ? Pour ne pas briser le rêve de l’enfant qui voit au bout de chaque chose la VIE.
NOUS N’AVONS PAS À SUBIR L’IRE PAYSANNE.
Postulat 1 : Il est du devoir de chacun de respecter le travail d’autrui, a fortiori le travail paysan et encore plus pour ceux qui vivent en ce même Pays. Devant certains dégâts causés par le Sanglier, nous ne pouvons avoir que des regrets.
Postulat 2 : Nous formons un tissu social, nous sommes faits pour vivre ensemble, chez NOUS et si, pour la plupart, nous n’avons pas de territoire, la Terre nous est aussi acquise.
Postulat 3 : Nous ne CRÉONS pas le Sanglier, nous le chassons. Et, si autrefois, cette chasse-là participait à notre plaisir, aujourd’hui, nous chassons pour rendre service à la société, aux agriculteurs d’une part, aux usagers de la route d’autre part.
Et parfois, j’ai envie de raisonner par l’absurde si nous, nous n’avons rien ou presque, et si eux ont tout ou presque, le sanglier évolue et vit chez eux, il existe grâce à eux. Non ???
Et même si, même si, les agriculteurs profitent à juste titre d’un système qui nous fait hurler, ont-ils la légitimité de nous interdire l’accès à leur territoire, l’indécence étant à son paroxysme lorsqu’ils créent des zones de non-chasse. Pourquoi ? On nous disait, il se disait, qu’ils touchaient des aides de l’état quoi de plus logique, dans une société assistée, il faut bien aider les gens à exister, MAIS l’écouter dire et voir les sommes s’afficher noir sur blanc, le choc est immense. Donc avec l’argent public, avec notre argent, des terres sont louées, achetées, des hectares et des hectares, avec notre aide, l’aide de tous et ils nous INTERDISENT l’accès à ce que nous avons contribué à acquérir ??? Vous sentez le hiatus, vous écoutez ce hiatus-là, cette forme originelle d’indécence ???
Pour être pragmatique et imager, d’aucuns me disent : « Nous n’allons pas dans ta salle à manger. » Non, et heureusement. Mais, si ma salle à manger avait été subventionnée à hauteur de leurs primes, elle serait immense et j’y inviterais beaucoup d’amis. Il me semble que certains lieux de notre patrimoine mis en valeur par l’argent public se doivent de devenir accueillants ??? Non ???
Je me méfie, et il faut se méfier de ces toutes petites choses, ces espèces « d’insidiosités ». La Propriété, l’Argent, le Pouvoir rendent parfois arrogant, voire méprisant. Il ne faudrait pas que ces gens-là finissent par glisser vers l’inculture.
Mais il ne s’agit là que de mon interrogation personnelle, ce n’est qu’une perception, un sentiment, mais quelque part je ressens une grande irrationalité, une grande injustice. Alors que je demande simplement que nous puissions vivre ensemble.
Et voilà, nous allons occuper les espaces, les territoires 7 mois et demi sur 12. 7mois et demi sur 12… pour satisfaire les exigences d’un monde exilé, un monde à part doté a priori d’indemnités et de surfaces, mais dont nous devons reconnaître et respecter le travail, nous le devons aussi à tous les usagers de la route. Et nous sommes déjà hors saison, 7 mois et demi sur 12… et je ne parle que de la chasse en battue… nous commençons mi-août bien sûr, le temps des vacances, sans doute le temps des autres aussi chez nous, le temps des soleils, pour a priori chasser dans les cultures, logique, même si nous sommes à contre sens ou plutôt à contre voie puisque le sentiment animalier est très faible. Alors, nous sortons, nous sortons les maillots de bain, éventuellement les carabines, éventuellement, les chiens, au risque de crises d’urée, d’incompréhension, voire de découragement de leur part, mais il faut bien marquer notre solidarité, bien que j’en soupçonne d’aucuns de déjà vouloir remplir les congélateurs déjà pleins, dans cette période sans évocation, sans résonance, sans rien finalement… et tant pis si avec ces quelques coups de pétards, ces récris sporadiques et transitoires, mais avec cette cohorte de 4/4, nous passons déjà pour des mécréants.
7 mois et demi sur 12… forcément, forcément, octobre, novembre, décembre, ces mois qui nous entraillent, ces mois jaunis puis noircis, puis sombres qui nous aspirent dans leurs pluies, leurs froids, leurs dépouillements, ces mois où autre fois, ces soirées d’hiver, ces empreintes de mémoires collectives puisque nous sommes nés d’ici et que bien sûr, nous ne pouvons qu’être imprégnés du naturel… alors, oui, nous chassons, pour réguler, j’allais dire aussi pour rendre sa liberté et sa dignité à cette faune sauvage, forcément, pour relever ces traces où les voies sont plus sereines, plus amples et leur donner vie, pour être à l’écoute de tout un monde vivant, forcément. Ce temps qui fut le nôtre, nos origines, nos enfances, le temps qui nous fût imparti. Nous sommes ni plus ni moins, nous sommes.
7 mois et demi sur 12… janvier, février, les congélateurs débordent. Le temps dépassé, le temps dépassé pour boucler des bracelets n’intéressant personne, du temps pour nous assurer d’une espèce de notoriété invalide, faire mieux que son voisin, pour se convaincre enfin que l’on est un chasseur… sans trop se soucier de la qualité du gibier prélevé. En cette période, nous n’avons pas besoin d’être ancrés, on peut être n’importe qui, on n’a pas besoin de racines, de valeurs, pourvu que l’on fasse partie du groupe, les gens bien sûr venant d’ailleurs excluant tout risque de gestion, tout lien avec le biotope. Et depuis cette année, mars en plus, mars en trop, en insupportablement trop. Les espérances de certains doivent elles correspondre aux désespérances des autres, l’ensemble vide pour certains est une aberration pour ceux qui ont la certitude que notre nature est l’unique bien de tous. Jamais l’on ne tient compte des autres usagers de nos natures. Aussi, que traduit le fait de porter une arme, une force, une faiblesse, une distanciation, une appropriation d’un territoire, d’une mentalité ??? Tout comme quel droit, quel pouvoir donne le groupe, ou bien même ces propriétés étatisées ???
Le mois de trop pour satisfaire les premiers cités. Le temps qui n’est plus un temps, mais un temps cicatrisant, cicatrisant les blessures, les immortelles blessures, le temps des paix, le temps des vies renouvelables, le temps des mises bas. Le temps où la nature doit se rééquilibrer et d’ailleurs certains misent sur ce temps pour faire d’une pierre quatre, six, voire dix coups, un marcassin pour dix kilos de poids vif, et une balle peut suffire. La politique du vide n’est plus une politique décente, tous nos prétendus jugements sont à restaurer et doivent redevenir vivants.
Bien sûr une surpopulation entraîne des désordres, des risques sanitaires, des comportements anormaux, des sangliers en zones péri urbaines, mais qui est à la place de qui ? Et pourquoi chasser 4 mois, avec des chasses bien organisées ? Avec des gens responsables, cela est suffisant. Faut-il transmettre… Faut-il transmettre ?
Tant pis pour ces mots qui ne sont que des trous dans tous ces silences.
Yves Michaud
Je suis un demeuré, mais pour l’image que renvoie le chasseur, n’est-ce pas un pléonasme ??? Que voulez-vous, bornés dans nos attitudes, bornés dans nos préjugés, concepts, acquis, ou autres attitudes, sommes-nous capables de nous remettre en question ??? Dans ce vaste programme, j’inclus le monde agricole, nos chambres consulaires et l’ensemble que nous sommes ou faisons semblant d’apparaître.
En fait, je suis un peu lassé des critiques que nous recevons, essentiellement du monde agricole et forestier, peu importe les autres, puisque nous ne nous comprendrons jamais. Sortir de rythmes, de traditions, implique une forte dose d’inadaptation, de recul, peut-être une certaine vision, ou tout au moins, une forme d’espoir en opposition à ces d’aucuns entérinés dans leurs éternités.
Pour en revenir donc au cueilleur/payeur. Mais Monsieur, la plupart des chasseurs ne possèdent rien, ni terre ni bois, si ce n’est cette sensation de liberté, cette passion de la vie qui pour beaucoup sert d’exutoire. Ne possédant rien, pourquoi payerions-nous pour ceux qui ont tout ??? Et qui permettent à la faune sauvage de vivre et d’exister en fournissant la nourriture et l’abri ??? Pourquoi ??? Voudraient-ils dès lors se l’approprier ??? Ils n’en ont pas les moyens, ni les droits, n’oubliez pas, nous appartenons à cette Terre, ce n’est pas elle qui nous appartient, nous existons en fonction d’elle, et le gibier est la propriété de tous et là, nous intervenons en tant que gestionnaires en tant qu’existants naturels, en tant qu’enracinés dans notre pays et de ce droit, nous ne pouvons en être dépourvus. La loi Verdeille nous permettait cette liberté, quelque peu remaniée, elle autorise des droits de non-chasse, toujours au détriment du petit propriétaire, puisque tout est fait pour supprimer la parcellisation en augmentant de façon exponentielle les déjà grandes propriétés qui, je le rappelle, sont le plus souvent acquises à l’aide de subventions, soit d’argent public, soit le nôtre.
Est-il naturel que cette terre sur laquelle nous vivons corresponde à des propriétés exclusives où tout passage ressemblerait à une intrusion, faisant ainsi culpabiliser l’individu lambda passant sur ces terrains, sachant bien sûr et c’est la condition sine qua non de respecter le travail d’autrui ??? Reviendrions-nous au temps des seigneurs ???
Alors, forcément, si, autrefois, la parcellisation correspondait à nos chasses traditionnelles, seul ou en groupes restreints, cela permettait le mixage des populations, favorisait l’entente et le dialogue, la compréhension et finalement le bien être. Aujourd’hui, les propriétés étant de plus en plus vastes renforcent le sentiment de bien-fondé, de pouvoir, voire d’autorité et d’inaltérabilité. Et en face, notre monde renforcé par le système de battues, renforcé par l’esprit du groupe, ces deux mondes ne sont plus issus du même milieu, n’ont plus les mêmes problèmes sociétaux et ces deux mondes sont en opposition et aujourd’hui, hélas, par faute de connaissance des uns et des autres, puisque se rajoutent les gens venus d’autre part, hors milieu, au lieu de débattre, nous ne pouvons que nous supporter.
Puisque vous ne vous y trompez pas, ce sont nous les aidants, nous ne sommes redevables en rien, nous existons désormais, bien sûr, pour la joie du chien, cette simulation de liberté et pour essayer de maintenir cet équilibre si fragile entre l’homme et la faune sauvage et, nous n’avons pas à indemniser qui que ce soit, d’ailleurs, ne serait-ce pas nous qui devrions être rétribués, songeant fortement aux propriétaires de chiens ??? Il serait temps de réfléchir à un nouveau mode d’indemnisation solidaire.
L’évidence aussi. La désertification des campagnes, le vieillissement de la population, l’enfermement des jeunes devant leurs tablettes font que nous ne serons, que vous ne serez jamais assez nombreux pour réguler. D’où les permis bradés, les cartes bradées, des produits low cost, en contradiction avec nos budgets, puisque les ACCA devront compenser les dégâts, mais, à quel titre et cette augmentation des coûts malgré tout dissuadera d’aucuns et ces dernières sont vouées à la faillite.
Que personne ne se méprenne non plus, nous sommes à un virage culturel, collectif de la compréhension et de la préhension du naturel trop de pression sur notre nature pour revenir à une autre forme que nous ne concevons même pas, nous allons vers un respect plus vrai pour celle-ci, vers d’autres formes de pensées et personne ne peut dire jusqu’où nous existerons.
Il ne s’agit pas d’un essai humoristique (quoique), mais, convaincu que certains non-dits ne doivent plus être tus, que beaucoup d’ambiguïtés doivent être gommées, que certaines expériences hors cadre (juridiques, humaines) doivent être vécues, il me semble nécessaire de vous faire vivre un procès en plein cœur.
Un fait. Simple et banal, mais ô combien réel ! Sur notre commune, un matin de novembre 2002, nous avions pris connaissance d’une compagnie de sangliers. Comme il ne restait plus de bracelet, entre responsables, nous décidions de ne pas les chasser. Point. Mais d’aucuns de chez nous crurent pertinent d’autoriser des gens d’ailleurs à découpler sur notre ACCA. À notre insu, sur et en dehors de notre territoire, douze sangliers furent tués.
Dans ce contexte surprenant, je découplais moi-même sur sept sangliers vus. L’un, mortellement blessé par des gens de chez nous, tombait à cent mètres en deçà de nos limites. Ce sanglier de cent soixante livres fut transporté sur sept cent cinquante mètres avec un véhicule pour recevoir un bracelet de secours. Il fut reconnu (sans doute), avoir été tué par un membre de la commune voisine et donc bagué par celle-ci. Mes chiens arrivant naturellement à la mort, le président de cette commune me gratifia d’une part essentielle de venaison.
Mais pour l’avoir transporté, nous étions fort logiquement répréhensibles suivant les articles 228-16, 225-10, 225-12 et réprimés suivant les articles L 428-9, 428-10, 428-14 du code rural. Nous étions cinq concernés (six, en principe avec le responsable de battue, où était-il ????). Mais l’enquête révélera une foule d’infractions attribuées à une multitude d’individus, l’enquête elle-même ayant pris effet TROIS mois après les faits (anodins en eux-mêmes, seulement digne d’une histoire de chasse) pour des a priori et des susceptibilités de fonctionnaires froissées et surtout des dénonciations bien sûr anonymes empreintes de la pire veulerie.
Nous comparûmes à trois, au lieu de trente et plus encore. Nous étions bien et j’en suis convaincu trois vrais faux coupables, les authentiques étant ceux qui ont permis de chasser sur notre commune.
Amis chasseurs, surtout, n’ayez pas à comparaître. Vous n’êtes alors plus des êtres, vous êtes de pouilleux, des mécréants, des vilains. Quel que soit votre argutie, votre bien-fondé, vous ne serez pas entendu, pire, vous avez été condamné avant d’être jugé. Bien que notre aimable juge s’en soit défendue, nous avons eu droit à un discours anti-chasse bien lisse, bien ajusté, bien anti-nus. Pour corroborer cette étrangeté, la personne ayant effectué le transport était assistée de son avocat, ce dernier arguant du fait que ce sanglier-là fut chargé dans son véhicule à l’insu de son plein gré !!! Nul ne fut dupe, certainement pas le procureur qui nous mit sur un pied d’égalité. Notre amende : 300 euros. Cela ne signifie rien en soi, mais comparons aux autres cas jugés ce jour-là, certains mettant en cause l’intégrité physique d’autres personnes qui n’écopèrent au vu de leurs ressources que de 100 euros, voire des relaxes cela veut dire et je le dis, votre amende est modulée en fonction de vos ressources. N’allez pas devant un tribunal en tant que chasseur. Tuez, volez, pillez, vous serez défendu, écouté, mais, ne touchez pas à l’animal, si vous touchez à ce dernier, cela relève pour nos détracteurs de la barbarie, de l’inconcevable, l’image de l’homme prédateur doit être tue, sacrifiée. Alors, j’ai découvert la haine, le mépris pour son prochain, la volonté surtout de ne pas communiquer. Si nous, chasseurs et armés, avions autant de haine, quelles seraient nos frontières ??? Il faut alors croire que les choses les plus vraies, les plus authentiques, les plus proches de la nature nous apportent plus de sagesse qu’une vie de ville. Je suis sorti renforcé de mille incompréhensions portant sur des effets de puissance, de liberté et de non-liberté, convaincu aussi de notre incapacité à communiquer, non pas pour nous justifier, mais pour simplement faire savoir ce que nous sommes, nés de nature, pour vivre en…
Un peu plus tard, je continue mon propos avec quelque écœurement et un peu d’indignation.
Deux amis ont été verbalisés pour non-port du gilet de sécurité. Dans les deux cas, il n’y avait plus action de chasse. Pour l’un, la battue était terminée, pour l’autre, il y avait recherche des chiens. Bon qu’ils soient verbalisés, d’accord. Je n’ai même pas envie de m’attarder sur le manque de discernement de l’agent. Mon propos n’est pas celui-ci. Mais pour ce simple défaut, vous êtes convoqué à la gendarmerie où vous subissez une véritable inquisition puis vous êtes convoqué au tribunal. Et que dit-on aux voyous, aux pilleurs ? Rien. N’oublions pas que toutes ces mesures de sécurité, nous en sommes à juste raison à l’origine, nous sommes les premiers concernés, n’oublions pas que nous, chasseurs, faisons partie d’un tissu local vivant, j’entends par vivant, honorant une certaine part d’impôt permettant à certains de vivre (des branle manettes ?????).
Yves Michaud, 26.05.2014
Nous pourrions entre gens responsables en sourire. Mais voilà, l’acte, l’acte en lui-même pouvant paraître innommable a été qualifié de « mise en danger de la vie d’autrui ».
De quoi s’agit-il ?
Simplement du non-respect de la vie agricole et à travers elle, du non-respect d’un jeune responsable agricole. Chasseur dans les tréfonds et souvent, je le sais, nous sommes indécrottables, indéfendables. C’est le cas.
Et pour cause. Ce jour-là, à moins de cent cinquante mètres des habitations (dans ce périmètre précis, le terrain n’est plus inclus d’ans l’ACCA) une horde de 4/4, de chiens, de poursuiteurs, de gens, libres, puisque tout paraissant libre, la permitude, la plupart des chasseurs étant étrangers à la commune, forts et provocants de par l’effet de groupe sur route et dans un champ où paissent des génisses, paraissent poursuivre un sanglier.
D’où le très fort agacement de monsieur C., sa surprise et son incompréhension, puisque chez lui (même si l’effet prime s’insinue dans quelque réflexion où l’on pourrait accroire que tout le monde est un peu partout chez lui). Les mots s’insinuant et montant de part et d’autre, pourtant, le dernier mot aurait dû revenir à monsieur C. D’où l’irrespect, l’agression verbale.
Mr C., plus pour faire face à son propre désarroi, à son incompréhension, à sa solitude sort finalement d’un vieux grenier, d’une vieille armoire, une vieille pétaudière à poudre noire et tire en l’air.
Et alors ???
Et forcément sans intimider, sans rien.
L’ACCA intelligemment porte plainte, les quatorze poursuiveurs aussi. Procès, trois mois de prison avec sursis, quatre cent trente-quatre euros pour chacun des quatorze « chasseurs » avant l’Appel..
Qu’en conclure ???
La moindre des politesses est de respecter le travail d’autrui.
La moindre des responsabilités est de rester dans un cadre déontologique et sécuritaire.
Mais ces gens d’ailleurs ne connaissent ni les frontières ni les limites. Au contraire, leur sacerdoce est de prouver à ceux d’ici qu’ils sont « efficaces » et donc « utiles ». FAUX hormis cette distance géographique, cette distance humaine, le lien social n’existe plus, ce qui signifie que les intérêts des uns par rapport aux autres n’existent. Le lien à la terre n’existe pas non plus. Et de toute cette somme de méconnaissances et de la non-participation à la vie locale, il n’y a aucune fierté à retirer.
Vous savez, dans ce milieu passionnel, les ego souvent inaudibles ou surbruyants font des ravages. Les jalousies s’exacerbent. Par rapport à un étranger, la jalousie n’est qu’une, elle ne concerne que la chasse, entre gens d’ici, elle est multiple, elle est sociétale, pour se rassurer, les gens vont vers ce qui les dérange le moins, vers ce qu’ils connaissent le moins.
Mais ajoutez aux chasseurs poursuiteurs les suiveurs, les gens sans permis. Ne participent-ils pas au déni de toutes les règles ??? Je veux bien, nous chassons avec de grands chiens, le territoire moyen d’une commune de deux mille hectares est vite franchi, je sais bien, mais si nous laissons le courre, au moins, saluons et respectons avec l’aval des autres.
Je requalifierais cet acte de salutaire, il démontre nos limites et nos incapacités à nous gérer.
Je veux bien aussi. Nos responsables ont peut-être fait preuve d’amateurisme, voire d’immaturisme sachant que le schéma de chasse en Creuse n’a pas été accepté. Et comme il englobe les données sécuritaires, le doute et le flou sont créés. Jusqu’à l’accident ???
Il faut dire aussi qu’une ACCA sans figure charismatique devient vite une poubelle où ni le territoire, ni les individus, ni la faune ne sont respectés. En ces moments migratoires, les accueillis devraient fortement s’imprégner des couleurs. J’ai envie de dire « chacun chez soi et les Sangliers seront bien gardés ».
Pour un chien, l’offre et la demande, rien d’autre. Mais pourquoi des prix pouvant paraître prohibitifs ? Jusqu’à 6000 euros, un chien ? D’aucuns iraient-ils plus loin encore ? Quand on sait que les piqueurs sont d’ici, de chez vous, qu’ils sont restés au pays pour vivre une passion, ils n’ont pas forcément de revenu, leur budget souvent absorbé par l’entretien de la meute, mais parfois, si un chien vous manque, alors, le désarroi et l’appel à quelque économie.
Forcément, nous restons dans le subjectif, l’irrationnel et surtout le passionnel. Si vous, vous avez un ou plusieurs rapprocheurs, les vendriez-vous ??? Non, non et non. Par essence, ils font partie de votre moi, de votre ego et de vos raisons d’être.
Une demande existe et si un particulier ne cède pas de très bons chiens, puisque l’on veut être dans l’excellence, nous sommes obligés de nous tourner vers des professionnels. Déjà, souvenez-vous de la probable fragilité d’un chien (une route, un sanglier, un vol, une maladie, les sources d’accidents sont multiples, sans oublier le temps qui passe. Vite). Ne faites rien dans la précipitation, déplacez-vous, regardez, écoutez, ne vous laissez pas convaincre si vous n’avez pas un début d’intime conviction. Ayez une attention particulière sur la souche, allez vers 2 ou 3 générations d’ascendants, regardez le comportement du chien, jugez-le sur des voies réelles, par sur des voies factices, jugez le en parc, seul, sans un autre chien pouvant l’entraîner, et surtout, prenez le à l’essai sur votre territoire avec un nécessaire temps d’adaptation, regardez s’il convient à vos attentes et surtout, n’hésitez pas à le rendre, quelque soient les mimiques.
Vendre des chiens, cela implique une quantité, et qui dit quantité dit une part de déchets, d’où votre vigilance. Forcément, si vous êtes moins en situation d’urgence vous pouvez prendre des chiots, mais quelle que soit l’origine, il peut y avoir le gène du hasard, mais pour un prix moins prohibitif, cela peut être une solution.
Un prix élevé peut se justifier pour régénérer votre sang en améliorant les qualités de vos chiens et pour gommer certains défauts, mais faites attention aux chiens qui pourraient ne plus être en mesure de reproduire.
Puisque nous pouvons nous trouver démunis. Notre plus grande souffrance n’est-elle pas de trouver un pied sans pouvoir relever la voie, l’élever au niveau de la vie, créant un vide, une impuissance destructive, alors que la vie est là, toute proche et tout à coup si loin et si impossible, entraînant peut être la non-chasse de tous vos autres chiens.
Un seul chien peut vous manquer, le plus important étant sans doute le rapprocheur, mais cela peut être le cas pour un chien tenant les abois, entraînant les autres par mimétisme, le cas pour un chien un peu agressif, un peu rancunier pouvant mettre les animaux debout, tout comme il peut vous manquer un chien de tête emmenant les animaux bien au-delà.
Bien sûr, vous avez des amis, le plus souvent d’ailleurs des pseudos amis qui peuvent vous dépanner, mais suivant quel code moral ou pas sachant bien sûr qu’en plus, nul n’est prophète en son pays où tant de jalousies, de sournoiseries demeurent et demeurent. Donc à chaque chien son prix, à chaque relation maître/chien son prix. Nous trouvons bien sûr des professionnels passionnés par le chien, de bon conseil, mais comme nous sommes dans le passionnel et le très personnel, tout a un sens différent et le ratio prix/qualité peut devenir vite élevé.
Mais le prix le plus élevé à payer n’est-il pas celui de l’absence et ceci ne justifie-t-il cela ?
Rêve imaginé. Nous avons le même vécu, j’allais dire les mêmes choses innées suivies du même acquis, c’est dire que vous ne chassez pas et pourtant vous n’êtes pas hors saison, pour l’inatteignable ou pas plus l’un que l’autre où l’autre prendrait, découplerait ses chiens, pas plus, mais ni moins que moi, dans une saine et édifiante projection majeure, nous découple rions, vous moi, ensemble, la meute libérée. Pour le même quitus, pour la même dénonciation des mots ou bien pour tous ces mots gratifiants. Après être nés ensemble dans le même projet de vie qui se traduirait par le même ressenti à la chasse. Sans envies par rapport à vous, sans aigreurs, sans no man’s land, sans sous ou surévaluer, simplement en étant nous. Comme de très Vieux Copains ayant les mêmes valeurs, les mêmes gestes, les mêmes sons, les mêmes regards surenchérissants, là où les mêmes actions feraient naître les mêmes sentiments de joie ou de détresse, puisque tout part du chien, seulement et uniquement du chien. Pour que Toi et moi, Vous et Eux ayez ce même regard partagé, sans envies, sans craintes, sans peurs, où seul existerait ce jour qui se lève. Pour que la défaillance ne soit pas une tare, un rejet, un défaut, mais un fait existant essentiel de vie.
La chasse d’hier serait une demeure, notre construction, quelle qu’elle fût, indissolue et indissoluble, une partie de nous. Alors qu’aujourd’hui, toute chasse venant d’être vécue fait déjà partie du passé et hors mémoire, elle doit s’oublier, sans souvenir dans une permanente remise en cause, une permanente incertitude, pour prouver, toujours prouver, dans une nécessité absolue de résultat.
Chasser avec eux serait comme chasser avec mes autres Vieux Copains, mes authentiques, mes libertés, ceux qui n’ont jamais « mouru », mais qui ne sont plus et à qui il est ridicule de rendre hommage puisqu’ils nous ont permis de nous réaliser, de nous extraire en nous donnant sans contrepartie leurs mémoires, leurs sagesses, avec un regard, une poignée de main, un mot invulnérable, ou justement, trop vulnérable. Où le respect prévalait, où il n’y avait nul besoin de responsable désigné puisque nous étions tous responsables.
Pour une chasse sereine, sans compétitivité inavouée ou susceptibilité insongée ? Où tous les pas retrouvés seraient un domaine de joie et non sujets à suspicion, où la reconnaissance n’aurait pas à être due ou à être implorée puisqu’il suffirait d’être ensemble, pour un même chemin, là où les jalousies, les mauvaises susceptibilités seraient absoutes, dissoutes dans notre commun, loin du dédain, de cette nécessité de juger, de déformer, dans des carcans de subjectivité abjecte dans le but de détruire, de dévaloriser par rapport à son propre moi gonflé d’orgueil, par manque d’introspection, de culture ou de connaissance. Ce n’est pas un reproche, mais une amertume insistante, dépassée, outredépassée tant il s’agit d’une passion ; puisque je ne peux plus rêver, puisqu’en réalité, les différences sociales, culturelles fourbissent des armes relatives d’un désamour complet où les rancœurs confirment ces différences, je ne peux rêver de destins unis, voire d’amitiés ne serait-ce que provisoires ; puisque trop souvent, l’ego, le moi surdimensionné écrasent et achèvent les plaisirs les plus naturels, les plus simples, où les jouissances particulières et le pochon de plastique prévalent sur l’idée sans faille ou de l’espérance absolue de la grande Écoute, vers cette menée immense, vers ce travail vertigineux des chiens, pour qu’un jugement, une fausse appréciation soient rendus d’après une mise à mort ou pas. Mes Amis auraient-ils pu connaître ce grand désert affectif s’ils avaient chassé, où l’écho, voire les échos, les traductions, les interprétations, tous comme les ressentis auraient été les mêmes ???
Aujourd’hui, j’ai l’impression que chacun est à la recherche incertaine d’un fœtus compensatoire pour essayer de grandir où les « je » prévaudraient sur les « nous ».
Mais après tout, puisqu’aujourd’hui, il ne faut pas aller vers le communautarisme, mais vers le multiculturalisme, adaptons-nous ou finissons d’exister si la solitude paraît être un fardeau qui se porte seul plutôt qu’à plusieurs.
Mais avec eux, oui, j’aurais aimé.
Pour la plupart d’entre nous, la Chasse est née de racines enchevêtrées, d’une liberté, d’un sanctuaire de vie, d’une émotion. Et ce n’est ni vous, ni moi et surtout pas l’être humain qui suscitons cette émotion. Ce sont nos Chiens, font-ils resurgir de nos mémoires ensevelies cet instinct de ces autres jours tellement lointains, pour leurs vérités liées à la nature, pour ce lien si secret pour nous et qui perdure au-delà des peuples et des extrémités technologiques ? (et moralement, n’en sommes-nous pas restés à ce stade-là, qui que nous fussions et où que nous soyons ?) Le chien, bien sûr, mais aussi l’animal de chasse qui lui aussi, au-delà de tous les temps a su conserver toutes ses élégances et toutes ses dignités, véhiculant ses mythes les plus historiques.
Puisque nos chiens grandissent dans la voie du Sanglier.
Regardez, ne serait-ce que leurs noms évocateurs, grands rapprocheurs ou grands meneurs, ou les deux à la fois, quelle empreinte ne laissent-ils pas dans nos mémoires, cette mémoire si collective et si sélective, entraînant dans leur ombre la forme de leur maître, dans un transfert de laisser-courre réciproque, lui avec eux, eux avec lui, ou lui avec lui, pour des histoires de couples ou de meutes à l’unisson des voix et dans la voie.
En révélant les voies, en les élevant, ils élèvent l’absence au niveau de la présence, l’inconsistant, le non palpable, non représentable au niveau du concret, du presque touchable, ils nous rendent l’inaudible perceptible, l’incertain ou le presque certain en clause péremptoire, l’instinct brut en chose raisonnée, concevable, les silences en chants vibrants, en vagues inarticulées ou bien les souffles en vents tempétueux.
Jusqu’où nous emmèneront-ils, puisqu’ils nous ouvrent des espaces et le temps, l’aléatoire nous fait vivre ce chien plus fort encore, jusqu’où irons-nous ensemble ? Ils nous renvoient à nous-mêmes en permanence, renvoient l’homme à l’homme.
Chaque chasse est une création, une nouveauté, une ouverture où vous découvrez, où vous apprenez, avec vos chiens, ce n’est ni hier ni demain, c’est ce moment-là, précis, le présent occulte le temps, votre temps. Nos chiens nous emmènent dans ces instants où l’individu vous échappe, vous devenez réalité, vous êtes dans la réalité.
Nos chiens, leur force, leur envie deviennent les nôtres, écoutez ces menées sourdes, amples, rocailleuses, ne rejoignent-elles pas sur quelque courbe sinusoïdale des sommets décuplant à l’infini nos propres sentiments ? Des sons, des partages, des ivresses intimes.
Ils révèlent des sentiments, des liaisons si ce n’est contradictoire, tout au moins non linéaires. Un jour, ils peuvent vous faire naître et vivre, un autre jour, ces mêmes chiens peuvent vous faire remettre en question devant des méconnaissances absolues, devant aussi des jalousies absolues. Ils peuvent refléter votre force, votre sentiment d’absolument être, votre sentiment de puissance à travers eux tout comme votre immense fragilité.
Et puis, regardez-les, ne vous ont-ils pas enseigné l’humilité, puisque dans ce nécessaire contexte de rentabilité, quel chien n’a pas failli, même le meilleur, devant une mauvaise lune ou un mauvais vent du sud ? Et lorsque vous perdez l’un de vos meilleurs chiens, c’est votre univers qui disparaît vraiment.
Toujours, ils nous éloignent de nos soucis tant vous êtes seulement et uniquement dans la meute et finalement, ils rendent notre existence possible. Ils nous divulguent nos propres apparences dans nos choix de race, du nombre, le type de chasse et ce lien si aigu avec la nature. Et où que nous allions ou sombriions, ils nous font nous relever à chaque fois, toujours, tous les jours, tant notre motivation de vie est d’être debout, vivant. Un refuge, et qui que vous soyez, vieux, jeune, con ou malotrus, toujours, le chien vous livrera sa particularité, son amitié et sa fidélité. Pour des valeurs de toujours, non dissoutes dans tous ces temps et qui nous ancrent sur nos terres. Et puis, vous le savez bien, on peut médire sur votre entourage (quoique), mais si l’on dénigre vos chiens, c’est la répulsion assurée.
Voyez ainsi à quel point vous vous identifiez à eux puisque vous vous sentez agressé et c’est là où l’on se rend compte qu’ils touchent à ce que vous voulez paraître ou pas.
Ne nous apprennent-ils pas jusqu’à l’ultime instant, cette maturité, leur maturité face à la mort, regardez-les partir et songez à ce que peut être (ou pas), toute une vie.
Ces chiens qui nous ont ouvert au bois, à la nature. Avec eux, nous connaissons mille temps, mille hivers ou automnes, mille sentiers, mille vies. Et je garde le plus beau de mes souvenirs comme un immense souvenir, mais aussi et surtout des souvenirs partagés avec mes Vieux Copains, pour rester debout encore un peu.
Tout travail est respectable et nous respectons, nous respectons les cultures, nous respectons les clôtures, nous respectons ce qui appartient et nous sommes désolés au regard de certains dégâts tant il est vrai que certains ne sont pas supportables. Mais, nous ne créons pas le Sanglier, au contraire, nous le chassons, nous rendons SERVICE et tous devraient nous en être gréés.
Trop de sangliers n’est supportable pour personne, mais où commence le surnombre. Des tirs d’été dans certains cas ne suffisent pas, des battues de dispersion ne dispersent rien dans la mesure où l’on sait que le sanglier n’est pas erratique, il est nécessaire de faire des battues de destruction, comme il est nécessaire d’abattre tout animal au comportement anormal, mais là, j’ouvre vraiment une très large parenthèse puisqu’un comportement peut être très largement modifié par l’absorption de désherbant mélangé à des granulés pour bovins et si cela n’est pas un insensé perturbateur endocrinien, je me demande de quoi il s’agit. Car dites-vous bien que certains agriculteurs ne supportent pas la naturalité, pour ceux-là, la nature doit être un ensemble vide simplement bourré de primes et de pesticides et avec cette minorité, nous ne nous comprendrons jamais, mais ce n’est qu’une minorité. Bien sûr aussi, les dégâts ne sont pas proportionnels aux surfaces et celui qui a peu de cultures peut se sentir bafoué.
Clôturer est un début de solution, mais pas une fin en soi, combien de sangliers sont enfermés dans des cultures, combien franchissent les fils tendus, ne seraient que des marcassins forcément suivis par la laie. Sachons-le, le plus puissant répulsif reste l’odeur des chiens, 3 ou 4 passages suffiraient à détourner les sangliers.
Il est nécessaire d’ajouter que les parcelles cultivées devenant de plus en plus vastes, le nombre de chasseurs diminuant, beaucoup d’ACCA n’ont plus les moyens humains et matériels pour clôturer, et surtout, les Fédérations n’auront plus les moyens de verser des indemnités.
Nous n’avons pas en tant que chasseurs à clôturer, si certains le font, il ne faut pas que ce soit un dû, c’est aussi un service, car nous aidons les paysans, nous les aidons tant et tellement à travers les primes, grâce à celles-ci, leurs territoires s’étendent, leur ego et leur sentiment de propriétaire s’étendent de la même façon et inversement, leur faculté à tolérer se détériore.
RES NULLIUS, RES NULLIUS, « ce qui n’appartient à personne ». J’ai écouté dire « vos » sangliers. Certainement pas, Monsieur. Le Sanglier est un bien (ou un mal) naturel et il ne se chasse pas dans les prairies, ni dans les récoltes, mais en forêt j’ai écouté dire : « vous nourrissez les sangliers », dois-je m’émouvoir ??? Je m’explique avec l’exemple de ma commune ou ACCA nous distribuons 200 kg de maïs à peine goûtés par les blaireaux, les oiseaux et les sangliers, 200 kg !!! Considérons dès lors que sur cette commune de 2000 hectares nous ayons à minima 50 hectares de blé et de maïs avec un rendement moyen 6,7 tonnes pour le blé et de 8,9 tonnes l’hectare pour le maïs, en considérant des surfaces égales, cela donne une récolte de 390 tonnes, soit un pourcentage ridicule de 0,051 % !!! Ainsi, il faudrait 1950 ACCA comme la nôtre pour équivaloir à cette production. Ce qui en clair signifie que ce ne sont pas les chasseurs qui nourrissent les sangliers, puisqu’ils n’ont rien, mais bien les paysans, à cela, bien sûr s’ajoutent les fruits naturels qui heureusement sont dans nos bois très parcellisés (si ce n’était pas le cas, des regroupements se mettraient en place et il n’existerait plus que des chasses privées).
Encore une fois, est-il naturel que cette terre sur laquelle nous sommes nés, avons grandi cette terre nourricière n’appartiennent qu’à des privilégiés.
Agrainer quelque peu n’est pas une provocation, c’est une nécessité. Si les sangliers passent 5 min sur ces points d’agrainage, c’est 5 min de moins dans les cultures, cela nous facilite la connaissance du cheptel et, il faut bien le dire, nous facilite l’approche.
RES NULLIUS, « cette chose qui n’appartient à personne », nous n’appartenons pas aux agriculteurs, nous ne leur devons rien. Verser des indemnités ou bien clôturer nous positionne quelque peu vers une petite dose de culpabilité et de dépendance. Encore une fois, nous vivons ensemble dans notre pays, nous nous supportons à travers une forte mémoire collective, le seul facteur extérieur pouvant être dérangeant peut être l’apport de personnes extérieures ne connaissant ni le milieu social ni les limites de notre biotope et pouvant être dans la provocation. Nous serions coupables et irresponsables si nous lâchions des sujets, ce n’est pas le cas, nous sommes responsables puisqu’en dépit des difficultés, nous gérons et régulons, et cela, toujours pour rendre service.
Pour toutes ces raisons, nous sommes arrivés au terme d’un système favorisé par le surcroît de sangliers, par l’évolution des cultures, par l’obtention systématique d’indemnités, par le moi, le je veux toujours plus et le je veux être intouchable, chez moi, partout autour. Nous devons tout remettre à plat, redéfinir les rôles, le principe des aides, aller vers des fonds communs hors chasseurs, en tout cas, aller vers une transfiguration pour que le chasseur devienne un facteur reconnu et incontournable, même si nous sommes au 21e siècle.
RES NULLIUS, « cette chose qui n’appartient à personne », et qui en quelque sorte nous oblige à vivre ensemble, puisque de toute façon, nous nous connaissons. Et un peu, hors ces colères passées, reconnaissons que beaucoup d’agriculteurs prennent en charge la protection de leurs récoltes, comme nous le faisons tous dans notre vie quotidienne, assument les dégâts, demandent des indemnités sans exagération, sans fausse posture et à la fin, nous avons un réel plaisir à partager la venaison avec eux ; et notre PAYS.
Bonne saison 2013/2014 !
Nous vivons de plus en plus dans un monde virtuel, bourré de technologies, d’images et de misère aussi, déconnectés des autres, déconnectés de nous-mêmes. Un énorme décalage existe entre l’image que veut s’approprier la société et le monde de la chasse. Il nous suffit de regarder ce décalage si significatif entre notre moi social et notre nous chasseur. Serions-nous deux êtres si dissociés, à la fois si hors nature et si naturels, comment concilier les deux ? Et paradoxalement, dans ce monde si chargé de communication, c’est cette dernière qui nous fait cruellement défaut, mais, avons-nous envie de communiquer, de montrer, de prétendre être ce que nous sommes ??? N’avons-nous pas au fond de nous envie de garder cet intime privilège, ou plutôt cette intime relation avec notre environnement ???
Pourtant, ce moi social nous permet de prendre du recul par rapport au moi chasseur. Constatons-le, pour la plupart d’entre nous, en tant qu’individu, nous sommes non seulement coupés de notre milieu géographique, mais nous sommes également coupés du tissu social qui nous accueille, je songe à cette distance vis-à-vis des agriculteurs. L’agriculteur chasseur existe-t-il encore, n’a-t-il, face à la désertification des campagnes laissé trop de place, par défaut au citadin cueilleur qui oublie la terre, qui oublie les gens d’ici et qui se méprends sur son rapport avec le naturel, le prélèvement naturel ne devient-il pas un prélèvement compensatoire ?
Alors, pourquoi chasser encore, pourquoi. Attention, je ne suis pas persuadé qu’il faille parler d’instinct, de précarité intellectuelle, de volonté de puissance, de s’approprier, d’ériger son moi phallique à travers une arme, pas plus que de résurgences insolubles, ou d’un vaste exutoire, justement par rapport à son moi social. Je vous assure, il s’agit de bien autre chose. Mais oui, rejoindre quelque vérité, quelque temps éloigné, cet autrefois, dans un no man’s land naturel, pour s’y être perdu dans un âge, un rêve, une abstraction où les choses et les espaces vous paraissaient immenses, pour des fins sans limites, s’être rapproché des choses les plus simples, les plus brutes. Se sentir profondément en harmonie dans un milieu, chez soi, presque à soi, sur des terres et des sols mille fois foulés dans l’enfance, puis plus tard aussi, en se liant aux choses, aux phénomènes naturels, aux vents qui passent, aux pluies d’automne, aux frimas intimes de l’hiver. Sentir cet autour, savoir, pouvoir y participer, être et faire partie d’une atmosphère, se sentir libre, libre, vivant. Toujours, cette simplicité, sentir sous ses pas la souplesse d’un sol labouré, sa richesse, ses promesses intimes, sentir sous ses pas la rudesse d’un sol raboté, s’enfoncer dans un bois, s’y perdre, savoir aller contre un arbre. Prendre conscience physiquement de la pluie, du vent, du froid, aller aux essentiels, savoir marcher sans qu’aucun son ne se brise, savoir écouter au-delà des bruits, savoir discerner avant de comprendre.
Pour moi, chasser, c’est être en paix, en dehors de toute autre chose et en accord avec toute chose, c’est être dans la conformité de ce qui m’entoure, c’est être à l’écoute, s’identifier à une réalité sereine. C’est être en harmonie avec ces gens d’autrefois, mes Vieux Copains qui ont laissé tant de pas, tant de regards, tant de sourire, tant d’acharnement têtu, ceux qui ne sont plus, plus jamais, mais avec lesquels j’ai eu le privilège immense de partager les magies des lieux, les magies des odeurs, l’extraordinaire fréquence des sons, ces sons, les voix de nos chiens, ces images au-delà des bruits, au-delà des suspicions, des survivances. Faire ces mêmes gestes, les refaire de nouveau, réassurants, vous attachant inlassablement, comme tous ceux qui les ont faits, tous les hommes d’hier à aujourd’hui, non pas pour chercher à en comprendre la finalité, mais pour en éprouver une fois encore le ressenti, l’essentiel.
Chasser encore, c’est être dans un espace, affleurant ou effleurant le temps, affleurant les absences, s’émouvoir, s’y déplacer, courir encore avec aisance, aller au bout de soi, vers des limites sauvages, participer à son propre effort, être en plutôt qu’en dehors, avec, toujours, cette notion d’espace, le fait, le sentiment de pouvoir s’en aller, partir, s’en aller, et j’allais dire, mourir.
Et puis, bien sûr, le Chien, toujours, le chien. Le chien et la vie, le chien et sa magie. Ce chien qui élève une voix, rendant l’invisible, l’impensable multiforme et multicolore, sensible en y attachant sa certitude, s’attachant aux tréfonds de l’intuitif jusqu’à l’absurde, pour retrouver en permanence cette connivence, liaison forte et ostentatoire avec l’animal de chasse, ce chien faisant grandir les bois, grandir la forêt, vous élevant à la fois, à force d’aller contre, tout contre. Chaque chien reste pour moi une création, un devenir, mon devenir à travers lui, le naturel se dévoile alors, ne se désiste pas et toujours, pour des voies croisées, des chemins de traverse entre lui et moi, ce prodige de la vie, au fil des effluves, du temps de ma vie.
Et en évoquant la magie du chien vécue comme une création, voire une révélation permanente, on pourra, nous sommes obligés de l’associer à l’animal chassé, blessé, dénaturé, tué. Oui, bien sûr, mais nous autres, piqueux, nous ne voyons et ne sentons que la vie où parfois la mort elle-même est en conformité avec cette vie.