Drame en Morbihan - Séverine Le Corre-Mongin - E-Book

Drame en Morbihan E-Book

Séverine Le Corre-Mongin

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Beschreibung

En plein été, un horrible drame frappe un groupe de généalogistes en herbe... Qui se cache derrière le meurtre d'une enfant innocente ?

Début juillet, lors du pardon du Guelhouit à Melrand, en Centre-Bretagne, des internautes passionnés de généalogie ont pris l’habitude de se retrouver sur la terre de leurs ancêtres pour échanger leurs informations. Leur dernière réunion tourne au drame : la benjamine du groupe est retrouvée morte dans un ruisseau, près de la propriété de leur hôte. Que s’est-il passé après leur départ dans la nuit ?

Plongez dans ce polar, suivez pas à pas une enquête palpitante au cœur de la Bretagne et découvrez l'univers des passionnés de généalogie !

EXTRAIT

Dimanche 9 juillet, 5 heures 45 - Melrand.

Le jour se levait doucement sur la campagne. Au village de Talroc’h, une brume montait des hautes herbes et bientôt, la rosée habillerait de ses perles la
végétation que le soleil viendrait faire scintiller. Alignées sous les pins, trois longues tables de jardin et leurs chaises sagement empilées attendaient
les convives. La nuit avait été douce et avait difficilement fait baisser la température de ce second week-end de juillet. La journée s’annonçait chaude et ensoleillée, ce qui était parfait pour le pardon du Guelhouit, la petite chapelle située à cinq cents mètres de la propriété. Tout à l’heure, une messe y serait célébrée, suivie d’une procession, puis d’un feu de joie, et surtout il y aurait le banquet avec cornemuseux et des jeux pour passer le reste de la journée.

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

Éditions Bargain, le succès du polar breton. - Ouest France

À PROPOS DE L'AUTEUR

C’est avec cette première enquête que Séverine Le Corre-Mongin vous invite à faire la connaissance de Gaby et Romain, les deux jeunes officiers
de la brigade de Lorient, chargés de démêler cette surprenante enquête.

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Cet ouvrage de pure fiction n’a d’autre ambition que de distraire le lecteur. Les événements relatés ainsi que les propos, les sentiments et les comportements des divers protagonistes n’ont aucun lien, ni de près ni de loin, avec la réalité et ont été imaginés de toutes pièces pour les besoins de l’intrigue. Toute ressemblance avec des personnes ou des situations existant ou ayant existé serait pure coïncidence.

À Julienne, mon ancêtre.

« Se glorifier de ses ancêtres, c’est chercher, dans les racines, des fruits que l’on devrait trouver dans les branches. »

Manon Rolland

REMERCIEMENTS

- À Bernard sans qui je n’aurais jamais osé écrire,

- À Tristan et sa harpe,

- À Tof, mon cousin gendarme, trop tôt disparu,

- À Lionel, pour sa patience et son dévouement,

- À mes parents, pour leur soutien,

- À mes collègues du forum de généalogie, Dom, Cath, Lydia et les autres,

- À Florian mon mari pour sa persévérance

- À Zélen témoin privilégié de cette aventure.

I

« C’est un trou de verdureoù chante une rivière… »Arthur RIMBAUD (1854-1891)

Dimanche 9 juillet, 5 heures 45 - Melrand.

Le jour se levait doucement sur la campagne. Au village de Talroc’h, une brume montait des hautes herbes et bientôt, la rosée habillerait de ses perles la végétation que le soleil viendrait faire scintiller.

Alignées sous les pins, trois longues tables de jardin et leurs chaises sagement empilées attendaient les convives.

La nuit avait été douce et avait difficilement fait baisser la température de ce second week-end de juillet. La journée s’annonçait chaude et ensoleillée, ce qui était parfait pour le pardon du Guelhouit, la petite chapelle située à cinq cents mètres de la propriété. Tout à l’heure, une messe y serait célébrée, suivie d’une procession, puis d’un feu de joie, et surtout il y aurait le banquet avec cornemuseux et des jeux pour passer le reste de la journée. Une occasion de retrouver, dans la bonne humeur, ses voisins, ses amis. C’était une longue journée qui attendait Yves et ses amis bénévoles, une journée à régler les petits riens qui font la réussite d’une telle fête.

Dans la maison, un joli désordre régnait. Meublée de bric et de broc, elle avait ce charme des maisons de famille où l’on vient pour les vacances et que l’on restaure au fur et à mesure. Depuis plusieurs années, un certain confort s’installait. Entre les ouvertures remplacées, le sol carrelé et l’installation des sanitaires, des éléments modernes tels qu’un réfrigérateur et une cuisinière électrique, avaient trouvé leur place, de chaque côté de la cuisine. Seuls une cafetière et un antique poste de radio étaient venus les rejoindre. Ici, la vie prenait un autre rythme, loin de la frénésie de la ville et de ses bruits. Talroc’h était un havre de paix où l’on pouvait aisément communier avec les éléments. Se ressourcer.

La table de la cuisine avait retrouvé un semblant d’ordre. La vingtaine de généalogistes qui s’étaient retrouvés la veille dans le jardin et qui avaient fini la journée par une soirée grillades, avaient donné un petit coup de propre avant de partir. Envahissants mais bien élevés, ces joyeux drilles formaient une bel le équipe. Ils s’étaient quittés à la nuit noire, avec la promesse de se revoir le lendemain, au pardon, et de continuer, pour les plus accros, leurs échanges généalogiques dans ce même lieu bucolique.

La tête un peu lourde, Yves qui était l’heureux propriétaire de la maison et qui l’occupait occasionnellement à la belle saison, vint ouvrir à son chien Végas. Celui-ci ne tenait plus et grattait à la porte, il était grand temps qu’il aille faire son petit tour, pas de réverbère à arroser ici, mais un grand choix d’arbres et d’arbustes. Pour Yves, la nuit avait été cour te et il devait penser à tant de choses pour cette grosse journée à venir… Hier, il avait pu passer un peu de temps avec ses amis généalogistes, mais aujourd’hui ils devraient l’excuser. Il endosserait une autre casquette, celle d’organisateur du pardon et de la fête situés à quelques centaines de mètres de là. Il n’était même pas sûr de déjeuner du tout, alors avec eux, c’était encore plus improbable. Pour commencer cette longue journée, un bon café bien serré et quelques tartines en prévision d’une diète forcée étaient fortement recommandés.

Sous le jet de la douche, avec la radio en sourdine, Yves ressassait toutes les tâches qui l’attendaient quand les aboiements du chien le sortirent de sa réflexion. Il ferma l’arrivée d’eau et tendit l’oreille. Le chien insistait. D’ordinaire très calme et n’aboyant que rarement, quelque chose d’important devait le contrarier. N’écoutant que son instinct, Yves s’essuya prestement et enfila les premiers vêtements qu’il trouva. Un bon vieux survêtement élimé ferait l’affaire. À cette heure matinale, il ne risquait pas le ridicule d’un face-à-face avec sa voisine et puis, même si elle était déjà levée, il n’était pas en tenue d’Adam. Donc pour le moment, ce serait jogging, il s’habillerait mieux tout à l’heure, avant de partir à la chapelle. En attendant, il fallait aller voir ce qui perturbait le chien.

Sortant de la maison, il appela Végas qui continuait à donner de la voix. Hormis les aboiements, le jardin était paisible. Le soleil caressait timidement de ses rayons les pierres, réveillant les liserons cachés dans les interstices des murs. Ne voyant rien d’anormal, il se dirigea vers les jappements de Végas. Le labrador était debout sur le côté de la maison, le museau dirigé vers le ruisseau, les quatre pattes tendues. À l’approche de son maître, il cessa d’aboyer, amorça un léger frétillement de la queue et s’assit. Son appel avait été entendu. Yves, lui donna une tape affectueuse.

— Qu’est-ce que tu as, mon beau ? lui demanda-t-il, tout en regardant vers le ruisseau qui paraissait tant intriguer le chien.

— Nom de Dieu ! Grenouille !

Un flot de bile lui emplit la bouche et vint s’échouer au pignon de la maison. Un corps, la tête ensanglantée, gisait en contrebas, sur la pierre lavoir. La main appuyée au mur, Yves reprit son souffle et ses esprits. Il descendit jusqu’au corps inerte et posa sans conviction deux doigts sur la carotide. Ce qu’il voyait lui donnait peu d’espoir sur l’état de la victime. Se saisissant de son téléphone portable qui ne le quittait pas, il composa le numéro des secours.

Rapidement, une opératrice lui répondit :

— Centre de secours, je vous écoute…

— Bonjour, Grenouille est morte.

— Attendez, Monsieur calmez-vous, je prends note. Quel est votre nom ?

— Yves Le Goff.

— D’où appelez-vous ?

— Village de Talroc’h en Melrand.

— Que se passe-t-il ?

— Sur la pierre lavoir, il y a le corps de Grenouille.

— Grenouille ? C’est quoi votre blague ?

— Euh… oui… non… c’est son surnom, Grenouille. C’est Manon Lesker, elle ne respire plus et il n’y a pas de pouls. Elle s’est fracassé la tête sur la pierre, il y a du sang partout.

— D’accord, savez-vous ce qui s’est passé ?

— Non, je viens de découvrir le corps, c’est le chien qui m’a averti.

— Ne touchez à rien, monsieur Le Goff, je vous envoie une équipe.

Pour le jeu du casse-bouteilles de la fête, les copains venaient toujours lui réclamer quelques bouteilles vides. Ils savaient qu’Yves leur dégoterait bien quelques cadavres à ajouter à leur collection, quelques vestiges d’une soirée arrosée. La veille, il avait certes éclusé quelques flacons avec ses amis, mais là, il y avait un cadavre de trop dans son jardin…

Qu’est-ce qui avait bien pu se passer dans la nuit ?

Manon était partie en même temps que les autres, sa voiture n’était plus là. Le film de la soirée lui revenait péniblement en mémoire. L’image du cadavre de la jeune femme s’interposait. Son visage souillé de sang coagulé, ses longs cheveux blonds rougis, ce regard figé. D’un geste paternel, il avait fermé les paupières de Manon. De beaux yeux verts qui brillaient encore la veille de l’éclat des émeraudes. La tête d’Yves bourdonnait. Lui et ses comparses avaient commencé la soirée par un sympathique petit apéro, suivi de salades de crudités préparées en commun, puis de grillades dont Alexis s’était occupé. Adeline avait, cette fois encore, échappée à la corvée des pommes de terre. Elle avait pourtant promis de faire les pluches cette année. Elle s’entendait bien avec Manon. Comment allait-il lui annoncer le drame ainsi qu’aux autres ?

II

Talroc’h - 6 heures 54.

Assis sur le banc, en haut de la berge, le chien à ses pieds, Yves se leva au bruit des véhicules de secours. Traversant au pas de course le terre-plein, il se dirigea vers la brèche qui ouvrait sur le jardin pour signaler l’endroit où ils devaient intervenir. Le véhicule des pompiers entra en premier, suivi d’une ambulance et du fourgon des gendarmes. Après avoir dirigé les secours vers le ruisseau et la pierre lavoir où se trouvait le corps, très vite, Yves fut pris en charge par un infirmier. La découverte d’un cadavre dans son jardin n’étant pas commune, Yves, bien que résistant et d’un caractère assez dur, se trouvait mal. L’arrivée des secours le soulageait, les dernières vingt minutes lui avaient paru une éternité. Impuissant devant ce spectacle morbide, il était resté prostré sur le banc.

De son côté, le chef de corps des pompiers, rompu aux découvertes macabres, comprit immédiatement que, cette fois, il était face à une mort suspecte. Des chutes, il en avait vu de toutes sortes, avec des résultats variables au niveau des blessures. Dans ce cas précis, il imaginait mal comment la victime aurait pu s’ouvrir le devant du crâne en tombant en arrière ; la position du corps éliminait d’office l’hypothèse d’une chute accidentelle. Sur le dos, les jambes à demi repliées sur le côté, une main fermée posée sur le ventre et l’autre dont le bras positionné en arrière trempait dans le ruisseau, les doigts emmêlés aux cheveux flottant dans le courant. Rien n’indiquait dans cette position qu’elle ait tenté de se rattraper dans sa chute, ce qu’en principe tout être ferait dans pareille situation.

L’évidence montrait également qu’elle avait été frappée à la tête. Une autopsie éclaircirait la raison du décès. Le médecin des secours, en présence des deux gendarmes et du chef de corps des pompiers, dressa le certificat de décès en indiquant ses premières constatations. La suspicion d’homicide étant claire ment définie, les gendarmes prévinrent le procureur de la République.

Ce dernier, monsieur Colas, était attablé devant un délicieux plateau de croissants, brioches et confitures. Il s’apprêtait à déguster une première viennoiserie lorsque le téléphone sonna. La teneur des propos du gendarme qui était à l’autre bout du fil le fit changer de couleur. Ses projets d’un copieux petit-déjeuner le fuirent d’un seul coup. La description que faisait le gendarme du cadavre trouvé dans la rivière aurait coupé l’appétit à moins délicat que Monsieur le procureur. Habitué à lire des rapports d’autopsie et voir des scènes de crime, il s’était endurci, mais ce matin, il n’était pas enclin à entendre cela. Toutefois, professionnel, il nota les éléments que lui transmettait son interlocuteur. Le corps n’ayant pas été déplacé, il rappela au gendarme de sécuriser le périmètre. Il allait immédiatement dépêcher sur place les Techniciens de l’Identité Criminelle, autrement appelés TIC.

* * *

À la brigade de recherche départementale basée à Lorient, les TIC de permanence étaient déjà partis sur une affaire sordide. Un retour de noces qui commençait bien mal. La jeune mariée, à peine épousée, était déjà veuve, moins de vingt-quatre heures après la cérémonie. Son époux venait d’être découvert dans le parc du château où se déroulait la fête, un couteau à pain planté dans l’abdomen. Apparemment, descendre à la cuisine en pleine nuit pour finir les plats n’était pas une très bonne idée ; quelqu’un d’autre, ayant eu la même, n’avait pas souhaité partager les reliefs des festivités. Était-ce réellement la nourriture la source du conflit qui avait amené à poignarder le jeune marié ? C’est ce qu’allaient tâcher de découvrir les gendarmes. Les techniciens, contactés sur les lieux du drame, avaient pour instruction de se rendre, dès qu’ils auraient fini leurs relevés, sur la commune de Melrand où une autre scène de crime les attendait. Les enquêteurs, quant à eux, restaient sur place pour les premiers interrogatoires. Ils avaient un couteau comme arme du crime et du pain sur la planche. Les invités du mariage étaient nombreux et n’étaient rien d’autre que le gratin du canton. Ils allaient devoir procéder avec délicatesse. C’est donc à une équipe de repos que l’on fit appel pour se charger de l’affaire de Melrand.

III

Lorient - 7 heures 38.

L’adjudant Gabriel Caro était au lit quand son téléphone portable sonna et, pour un dimanche matin, cela n’avait rien d’anormal. La mélodie spécifiquement associée à son correspondant lui disait d’oublier les projets de sa journée de repos.

À l’autre bout du fil, c’était son binôme, l’adjudant-chef Romain Fouller, qui lui annonçait qu’ils étaient réquisitionnés avec les TIC pour se rendre dans le nord du département et qu’il passait le prendre dans quinze minutes.

Quand Romain arriva chez son collègue, ce dernier quasiment prêt, enfilait ses chaussures. Il en ferait le laçage sur le trajet. Romain se doutait que son coéquipier serait de méchante humeur, car passionné de cyclisme, Gaby avait prévu de se rendre sur le parcours du Tour de France. Pour une fois qu’il était libre, le jour où la grande boucle passait à quelques kilomètres de chez lui, il fallait qu’on les réquisitionne ! Ils n’étaient quand même pas les seuls officiers sur le département ! Gaby rageait de devoir sacrifier son escapade cycliste, mais comme son travail le passionnait tout autant, en bon petit soldat, il ferait son devoir. Peut-être pas avec un grand sourire durant cette journée, mais avec rigueur et efficacité. Depuis six ans maintenant, il était OPJ à la brigade de Lorient. Avec Romain, il s’entendait bien, tous deux la trentaine, férus d’informatique et de nouvelles technologies, ils faisaient partie de cette génération “Game Boy”, pour laquelle, durant l’enfance, Mario Bross et Pac Man avaient été les héros virtuels. Ils avaient grandi et mûri mais, pour décompresser du travail et des horreurs qu’ils pouvaient rencontrer, ils s’accordaient des soirées jeux vidéo. Des soirées mémorables où le temps ne comptait plus. Rivés à leur manette de jeu, plus rien n’existait, leurs épouses se posaient même la question du nombre d’enfants dont elles devaient s’occuper. Encore en bas âge, les petits Caro étaient arrivés coup sur coup et la même année de surcroît. L’un en janvier, l’autre en décembre. Pour le moment, ils découvraient le monde qui les entourait, mais dans quelques années, il y aurait certainement de la bagarre avec leur père pour jouer avec la PlayStation. Chez les Fouller, une petite fille était née en juin de l’année passée, juste entre les deux garçons de la famille Caro. Les deux jeunes papas avaient donc en dehors de leurs enquêtes et des jeux vidéo, un autre sujet en commun, les joies de la paternité et de pénibles et longues nuits à endormir leur progéniture brailleuse.

* * *

En moins d’une heure, ils arrivèrent à Melrand. Sur les lieux du drame, les gendarmes locaux avaient installé un cordon de sécurité, comme indiqué. Les deux officiers, après avoir consulté le chef des pompiers et découvert la scène, laissèrent l’équipe technique prendre place et faire leurs relevés. Effectivement, la thèse de l’accident était peu plausible. Gaby et Romain félicitèrent le chef de corps et les gendarmes de leur décision de ne pas faire déplacer la victime. Des éléments d’importance seraient peut-être relevés par les techniciens de l’identification criminelle et permettraient de résoudre rapidement cette enquête.

Retournant à leur véhicule, Gaby et Romain élaboraient la stratégie à adopter en de telles circonstances. Tout d’abord, interroger celui qui avait découvert le corps et identifier la victime. Ensuite, il faudrait prévenir les proches de la jeune femme de son décès, une tâche délicate dont ils se seraient bien gardés. Monsieur Le Goff étant, selon le médecin des secours qui s’était occupé de lui, apte à répondre aux deux gendarmes, ils décidèrent de l’interroger sur-le-champ.

Ils s’installèrent dans la maison, sur un coin de la table de la cuisine. Gaby, en face de l’ordinateur portable, allait saisir le procès-verbal et Romain, diriger l’interrogatoire. Celui-ci prit la parole et enchaîna les questions :

— Bien, nous nous sommes déjà présentés à notre arrivée. Nous sommes les officiers Caro et Fouller de la brigade de recherche départementale de Lorient, en charge de l’enquête sur le décès suspect d’une jeu ne femme sur votre propriété. Déclinez-nous votre identité complète…

— Yves Le Goff, 62 ans, veuf, retraité de l’Arsenal.

— Où demeurez-vous ?

— Ici, à la belle saison, mais pas tout le temps, je fais des allers-retours entre ici et mon autre domicile à Lorient, rue de Larmor, au 24.

— Propriétaire à vos deux adresses ?

— Oui, ici c’est la maison de mes parents, elle date de 1946, j’en ai hérité à leur décès. À Lorient, c’est un appartement que nous avons acheté avec mon épouse en 1978.

— Quand êtes-vous arrivé de Lorient ?

— Hier, en fin de matinée, sinon je suis passé vendredi après-midi tondre la pelouse et régler quelques détails pour le pardon.

— Le pardon ?

— Pour le pardon de la chapelle du Guelhouit, qui a lieu aujourd’hui. La chapelle se trouve à cinq cents mètres après le pont en continuant la route. Je fais partie des bénévoles de l’Association des Amis du Guelhouit et il fallait monter les tentes, le barnum…

L’émotion envahit Yves Le Goff, il se prit la tête entre les mains et chuchota :

— Grenouille… Je ne comprends pas, ce qui s’est passé, elle rayonnait hier soir… et ce matin…

— Calmez-vous, Monsieur, nous sommes là justement pour essayer de comprendre ce qui s’est passé. Connaissiez-vous bien la victime ?

— Oui et non.

— Expliquez-nous, dites-nous ce que vous savez de cette jeune femme, d’où elle vient, comment vous l’avez rencontrée…

Après avoir réfléchi un instant à ce qu’il allait dire, Yves se lança :

— J’organise, mais c’est un bien grand mot, les Rencontres melrandaises. Nous sommes un groupe de généalogistes qui communiquons via Internet durant l’année et voilà quatre ans maintenant que nous nous retrouvons chez moi le week-end du pardon. Grenouille, enfin je veux dire Manon, est venue pour la première fois, l’année dernière. Elle n’était présente que le samedi, si je me souviens bien… C’est une réunion amicale, chacun vient selon son désir et ses possibilités. Au début, nous n’étions qu’une petite dizaine, aujourd’hui, nous dépassons la vingtaine ; tous ne restent pas dîner et ne reviennent pas le dimanche pour la fête.

— Et sur Manon, que pouvez-vous nous dire de plus ? interrompit Romain qui voyait son homme partir dans un long discours.

— Ben, pas grand-chose, on la surnomme « Grenouille », elle s’appelle Lesker et habite Guénin.

— Avez-vous son adresse à Guénin ?

— Non, on ne communique que par le Net.

— Comment est-elle venue ? Seule ? En voiture ?

— Avec sa voiture, une Clio blanche.

— Vous me paraissez bien sûr de vous, pour le modèle de son véhicule…

— Oui, ma fille a la même. J’ai cru que c’était elle qui venait me faire une surprise. J’aurais été heureux de présenter l’artiste au groupe…

— L’artiste ? demanda Gaby sortant de sa réserve.

— Ma fille Célia a réussi le casting pour participer à une comédie musicale à Paris, elle est chanteuse lyrique, répondit Yves qui allait se lancer dans des explications.

— Effectivement, revenons à Manon, comment vous a-t-elle paru hier ? reprit Romain qui se fichait éperdument de la fille d’Yves. Il avait un problème bien plus délicat à résoudre que de connaître le nombre d’octaves nécessaires pour être Castafiore…

— En pleine forme et avec le moral, fit Yves.

— Que voulez-vous dire par « avec le moral » ?

— Elle nous a laissé entendre qu’elle venait de se séparer de son compagnon. Mais je n’en sais pas plus, il faudrait demander cela aux filles, elle avait l’air proche d’Adeline, elle en saura peut-être un peu plus… précisa Yves.

— OK, établissez-nous une liste des personnes présentes hier avec leurs coordonnées. On va devoir les interroger, demanda Romain.

— Je peux vous donner les noms, mais pour les coordonnées, cela va être plus compliqué, comme je vous le disais, à part les adresses mail, je ne sais pas grand-chose de chacun et je ne connais pas personnellement tous les invités de cette réunion. J’ai lancé l’invitation sur le forum où nous nous sommes tous rencontrés et venait qui voulait. Je ne souhaite pas institutionnaliser la chose, même si c’est la quatrième fois que l’on se retrouve…

L’arrivée du légiste les interrompit.

— Nous allons nous arrêter pour l’instant. Vous restez à notre disposition car nous aurons d’autres questions à vous poser tout à l’heure…

Au même moment, le portable d’Yves se mit à sonner.

— Je peux répondre ? demanda-t-il timidement, c’est le président de l’association, il doit se demander ce que je fais, j’avais rendez-vous à neuf heures à la chapelle.

— Oui, faites, dites-lui que vous êtes malade et que vous ne pouvez pas aller au rendez-vous, lui intima Gaby.

— Vous êtes drôle vous, avec la cavalerie qu’il y a dans mon jardin, s’il s’est rendu sur le site par cette route, il doit bien se douter qu’il se passe quelque chose de grave, lui répondit Yves.

— Je me suis mal exprimé, soyez simplement discret, je ne veux pas affoler la population ni attirer les curieux.

— Oui, je comprends, fit Yves en prenant la communication et en s’éloignant des gendarmes.

Gaby se tournant alors vers le légiste.

— Alors, Dédé Réclame, que te raconte la demoiselle ?

— Vicks, tu me l’as déjà faite combien de fois, celle-là ?

— Quand on aime, tu le sais bien, on ne compte pas.

À son arrivée à Lorient, Gaby avait eu en charge une délicate affaire où les autopsies avaient été nombreuses et sa consommation de pommade mentholée importante.

C’est à cette occasion qu’il avait rencontré André Rodier, praticien passionné de la médecine légale, qui ne lui avait épargné aucun des détails les plus nauséeux de ses explorations. C’était le bizutage façon André Rodier, avec un petit nom en prime, Vicks. Pas dupe du stratagème, Gaby l’avait surnommé Dédé Réclame en rapport à son identité. Deux marques pour un même homme et qui l’habillent des pieds à la tête, fallait trouver ! En plus, André avait cette fâcheuse habitude de nommer les choses par leur marque et non par leur nom générique. Son surnom lui collait doublement à la peau, comme l’odeur mentholée avait collé à Gaby pendant cette fameuse enquête.

Redevenu sérieux, Dédé commença ses explications :

— L’autopsie nous en dira plus, mais pour le moment, je situe le décès entre minuit et une heure. Le coup asséné à la tête lui a été fatal et vu la réception de la chute je crois qu’elle aurait eu de grosses difficultés à vivre si elle en avait réchappé. C’est peut-être mieux ainsi, même si c’est extrêmement violent comme mort…

— As-tu trouvé des papiers sur le corps ? De quoi l’identifier ? demanda Gaby.

— Non, aucun document, mais le papy sait peut-être qui c’est… émit André.

— Il est un peu secoué.

— Tu m’en diras tant !