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Julie, autrefois timide et réservée, se lance dans une nouvelle aventure en poursuivant ses études à Aix-en-Provence. La vie trépidante de cette ville dynamique bouscule sa tranquillité d’antan. Entre jalousie, trahison et exploration de plaisirs, elle devra trouver en elle le courage nécessaire pour surmonter ces défis. Y arrivera-t-elle ?
À PROPOS DE L'AUTEUR
Chris Hangel trouve en la littérature un havre de paix, un outil pour surmonter le défi émotionnel engendré par la perte de son père. "Entre deux – Tome I – La valse des sentiments" est une invitation à découvrir cette perspective réconfortante.
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Seitenzahl: 1070
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Chris Hangel
Entre deux
Tome I
La valse des sentiments
Roman
© Lys Bleu Éditions – Chris Hangel
ISBN : 979-10-422-0868-4
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
À toi, ma belle Étoile, partie beaucoup trop tôt.
À toi, ma belle Étoile, qui m’as transmis l’amour des mots
ainsi que le goût de la lecture.
Les hommes veulent toujours être le premier amour d’une femme. C’est leur vanité maladroite. Les femmes ont un instinct plus subtil sur les choses : ce qu’elles aiment, c’est être la dernière romance d’un homme.
O. Wilde
Prologue
Il y a encore un an de cela, j’étais une adolescente comme toutes les autres, à quelques exceptions près. J’avais de grands yeux gris, quelques taches de rousseur parsemaient mon visage, des cheveux bruns incontrôlables et j’étais un peu rondelette. Vous vous doutez bien que je ne faisais pas partie de ces filles populaires du lycée sur qui les regards se retournaient, qu’on invitait à toutes les superbes soirées délirantes ou bien même à sortir. Non, j’étais plutôt le vilain petit canard qui rougissait à chaque fois qu’on lui adressait la parole et qui n’osait pas regarder les autres, droit dans les yeux. Je baissais fréquemment la tête, rasais les murs et faisais tout pour rester invisible de sorte qu’on ne puisse pas se moquer de moi. Mes seuls amis étaient ceux de mon club d’échecs. Je vous mentirais de manière éhontée si je vous disais que ces années de lycée ont été les plus belles années de ma vie. Je faisais donc partie de ces élèves impopulaires qui avaient de très bonnes notes, les félicitations de ses professeurs, de ses parents mais j’avais une vie sociale inexistante.
Ma vie se résumait à étudier et à faire du baby-sitting pendant mon temps libre afin de pouvoir mettre de côté de l’argent pour la fac. Mes seules folies consistaient à m’acheter les romans d’Emma Green que je dévorais et qui me faisaient croire au grand amour. Vous voyez ce grand amour qui fait chavirer votre cœur en un seul regard, celui qui vous fait perdre pied, celui qui balaie tout sur son passage tel un ouragan de passion ? Vous vous dites peut-être que je suis trop fleur bleue ou bien trop naïve mais moi, j’y crois à ce grand amour. J’y crois d’autant plus que mon grand amour, je le connais depuis que je suis en âge de rêver aux princesses et princes charmants et il porte le doux nom d’Alex.
Alex est l’homme parfait : beau, drôle, sportif. Il est mon amour secret, il est celui qui vient me rejoindre dans mes rêves la nuit mais il est surtout et avant tout inaccessible. Le propre de l’Homme n’est-il pas de désirer ce qu’il ne peut avoir, ce qu’il ne peut atteindre ? Oui, je rêve d’être avec cet homme qui ne sera jamais pour moi et qui, de toute façon, me regarde à peine. En grande romantique que je suis, je me contente d’imaginer ce que pourrait être ma vie avec lui.
Ah oui, j’ai oublié de vous dire ! Je m’appelle Julie. Je ne sais pas pourquoi mes parents m’ont donné ce prénom car depuis aussi longtemps que je m’en souvienne, tout le monde m’appelle Jules. J’ai un frère jumeau également. Le jour de notre naissance, mes parents ont fait dans l’originalité puisqu’ils l’ont appelé Julien. Eh oui, vous avez bien lu ! Nous sommes donc les jumeaux Julie/Julien dont je suis l’aînée de deux minutes. Mais lorsqu’on nous voit l’un à côté de l’autre, on a du mal à se l’imaginer. Julien est à l’opposé de moi : il est drôle, blond, yeux bleus, bien bâti et surtout populaire. Il joue dans l’équipe de foot de notre lycée qui a gagné la coupe l’année dernière. Bon nombre de filles espèrent pouvoir sortir avec lui et depuis notre entrée en seconde, j’ai arrêté de tenir le compte de l’ensemble de ses conquêtes.
Julien est toujours accompagné de son meilleur ami Alex. Le voilà, mon prince charmant ! Il a de magnifiques yeux verts couleur émeraude, un teint mat qui lui vient de sa mère d’origine haïtienne, des cheveux bruns et est aussi musclé que mon frère. Lui aussi a à son actif de nombreuses conquêtes à côté desquelles je ne peux malheureusement pas rivaliser. À ses yeux, je suis et resterai Jules, la petite sœur de Julien. La sœur qu’on aime énerver en mettant le volume de la télé très fort les soirées de révisions, en criant devant un match de foot ou bien en lui tirant les couettes. Parfois, il peut, cependant, se montrer gentil et attentionné envers moi. Lorsqu’il attend Julien à la maison, il nous arrive de discuter ensemble. Il me demande comment se comportent les enfants que je garde, si ce n’est pas trop pénible, quel film j’ai été voir au cinéma récemment ou bien si mes cours se passent bien. Il me raconte aussi les dernières blagues qu’il a entendues, me parle de son dernier match de foot ou bien de ses projets d’études. J’aime ces moments-là, ils me transportent et me font espérer que j’existe malgré tout à ses yeux. J’aime quand il s’intéresse à ce que je fais, à ce que je suis. Lors de ces conversations, je suis sur mon nuage mais en redescends bien vite car dès que Julien apparaît, je deviens à nouveau transparente, inexistante.
Alex représente pour moi le gars inaccessible qui hante mes nuits, berce mes rêves et c’est bel et bien l’été dernier que tout a basculé pour moi, car il est celui qui m’a fait vivre mon premier orgasme en solitaire.
Comme chaque été, les gars ont passé du temps autour de notre piscine à rire, chahuter pendant que moi, je commençais à lire le programme scolaire pour préparer au mieux mon année de terminale. Alex est arrivé un après-midi chez nous. Il est passé devant moi et m’a à peine regardée pour me saluer. Il a rejoint mon frère et a ôté son t-shirt. Là, je n’arrivais pas à défaire mon regard de son torse. Sur ce corps bien bâti, apparaissaient de chaque côté des dragons : l’un lançait des flammes d’un côté et de l’autre de la glace. Ils étaient magnifiques ! Leurs queues allaient prendre fin sous son slip de bain. Je me suis mise à avoir très chaud et à me lécher les lèvres en pensant très fort que j’aimerais bien voir où ces queues s’arrêtent. Je me suis précipitée dans la cuisine pour prendre un grand verre d’eau très fraîche et suis montée rapidement dans ma chambre pour tenter d’oublier tout cela.
Mais la nuit venue, ce fut peine perdue. Je tombais à peine dans un sommeil profond, que je voyais ses beaux yeux verts se poser sur moi. Il se penchait lentement vers moi pour couvrir mon front de baisers avec une infinie tendresse. Sa bouche poursuivait son chemin vers mes tempes pour glisser sur mes joues qu’il parsemait également de baisers. Il plongeait ensuite ses yeux dans les miens et je pouvais y lire tout ce que j’attendais depuis tant d’années : j’existais enfin et il me désirait. Il nichait alors sa tête dans mon cou qu’il léchait de manière sensuelle, quasi érotique. Sa langue dérivait vers le lobe de mon oreille dont il s’emparait avec sa bouche pour le mordiller, réveillant ainsi une multitude de papillons en bas de mon ventre. Ses mains, quant à elles, caressaient mes hanches pour remonter lentement et sensuellement vers mes seins dont il frôlait les tétons du bout de ses doigts faisant ainsi recouvrir ma peau de frissons. J’en voulais plus et l’attirais à moi en le saisissant par la nuque et en collant mon bassin à lui. Mes doigts serraient les draps tellement le plaisir était fort. Je ne tenais plus et lui demandais d’enlever son boxer. Il me regardait intensément tout en faisant descendre lentement ce maudit bout de tissu qui me séparait de sa virilité. Je me mordillais les lèvres tellement j’avais hâte de voir enfin où se terminaient ses sublimes queues de dragons.
Un bruit venu de l’extérieur me tira de ce rêve avec une grande frustration. J’avais chaud, mon souffle était haletant et je sentais mes mains posées sur mon sexe. Il fallait absolument que j’évacue ce trop-plein d’excitation. Alors je fis ce que les filles de mon âge font : je finis par me donner seule mon plaisir en pensant à cet homme que je ne pourrai jamais avoir, à ses beaux yeux, à son corps parfait et à son joli sourire.
C’est ainsi qu’Alex est celui qui m’a fait vivre mon premier orgasme en solitaire et qui fut le premier d’une longue série…
Rencontres et frissons
Le grand jour est arrivé ! Aujourd’hui, un nouveau roman de ma vie s’écrit car je rentre enfin à l’université. Julien et moi quittons le nid douillet de nos parents pour rejoindre la grande et prestigieuse université d’Aix-en-Provence où je vais pouvoir suivre le cursus réputé en psychologie. Cela fait trois ans que je me prépare pour ce grand événement. Julien va intégrer le droit dans le but de devenir un jour un grand avocat de renom qui défendra de grandes et belles causes. Moi, je rêve de devenir pédopsychiatre.
Je m’affaire à essayer de faire entrer mes derniers livres dans ma valise pendant que mon frère ne cesse de me crier de me dépêcher car nous avons une longue route devant nous. Lorsque je descends enfin, munie de ma dernière valise, je vois Julien en train de taper nerveusement du pied, n’écoutant que d’une oreille distraite les dernières recommandations de mes parents. Il me lance un regard lourd de reproches et me fait signe, en pointant sa montre, que je suis très en retard. Je croise ensuite les yeux de ma mère. Elle fond en larmes et se blottit dans les bras de mon père qui essaie tant bien que mal de la réconforter. J’ai toujours eu une relation très forte avec ma mère. Elle est ma confidente et depuis mon enfance, j’ai partagé avec elle de jolis moments de complicité. Même si cela me peine de devoir m’éloigner d’elle, je ne peux m’empêcher d’être excitée par cette perspective de partir pour réaliser enfin mon rêve.
Je les regarde encore quelques instants, serrés l’un contre l’autre. C’est comme s’ils ne faisaient qu’un. J’ai toujours été admirative de l’amour qu’ils se portent et rêve de vivre un jour un amour aussi fort et solide que le leur. Mon père lâche doucement ma mère pour venir m’aider à porter ma dernière valise et la mettre dans le coffre.
Alex est déjà installé côté passager car lui aussi va suivre le même cursus que Julien et ils vont même partager la même chambre. De vrais inséparables ces deux-là ! Il porte des lunettes de soleil ; très certainement pour cacher ses yeux fatigués de leur grande fête d’hier à laquelle je n’étais pas invitée ; un jean usé et un t-shirt noir qui moule à merveille ses muscles. Depuis mon rêve torride de l’année dernière, je n’ose plus le regarder dans les yeux et rougis atrocement dès qu’il m’adresse la parole. Ma mère nous serre fort dans ses bras. Elle ne cesse de nous répéter qu’elle nous aime très fort, que nous sommes et serons toujours ses bébés. Elle nous dit également qu’elle est très fière de nous et qu’elle a hâte d’être à Noël pour nous revoir. Mon père, quant à lui, nous embrasse tendrement et nous demande de ne pas oublier de les appeler.
Une fois nos adieux faits, je m’installe confortablement à l’arrière du véhicule. Je mets mes écouteurs pour ne pas avoir à écouter les discours salaces de Julien et Alex sur les filles qui étaient avec eux hier soir. Et voilà, la grande aventure peut enfin commencer ! Je ferme les yeux, bercée par la musique et pense aux cours passionnants qui m’attendent au bout de ce long trajet. Je suis cependant inquiète à l’idée de devoir partager ma chambre avec deux inconnues. Je n’ai jamais vécu en collectivité. J’espère que nous arriverons à nous entendre. Je pense également au job d’étudiant que je vais devoir me trouver si je veux continuer à être indépendante et à aider mes parents dans mes frais de scolarité.
Trois heures plus tard, nous arrivons à destination. Toute une foule s’affaire sur le parking et les pelouses. Des parents serrent tendrement leurs enfants tout en versant quelques larmes, certains étudiants sont assis à l’ombre d’un arbre, un livre à la main, d’autres sont en train de chahuter pour fêter leurs retrouvailles. Devant nous se dresse un magnifique bâtiment, mélange d’une architecture nouvelle et ancienne, qui sera le théâtre de mes futures années d’études trépidantes. Pendant que je suis à ma contemplation, Julien et Alex sortent leurs valises et cartons et lorsque je me retourne enfin vers eux, Julien me lance les clés :
Et c’est ainsi qu’ils m’accompagnent à ma chambre située au troisième étage de la résidence universitaire pour filles. Nous arrivons enfin devant la chambre 314. Au moment où j’ouvre la porte, je suis frappée par le désordre qui y règne. Deux filles sont en train de déballer leurs affaires. L’une d’elles se retourne lorsque je franchis le seuil. Elle porte un short en jean court qui met bien en valeur ses longues jambes fines et un débardeur blanc transparent à tel point que l’on peut voir le soutien-gorge en dentelle rouge vif qu’elle porte en dessous. Elle a un piercing à la lèvre inférieure, ses cheveux sont mi-longs noirs avec des mèches violettes et a de jolis yeux noisette mis en valeur par ses longs cils. Elle s’avance vers nous en louchant bien entendu sur les deux gars qui m’accompagnent.
Elle reluque sans aucune gêne Julien et Alex qui lui sourient bêtement. Julien me donne une tape dans le dos, ce qui me fait trébucher.
Elle salue ensuite Alex en lui faisant une accolade comme s’ils se connaissaient depuis longtemps déjà. Ce dernier se laisse faire même s’il ne lui rend pas son accolade en retour. Le comportement de cette fille provoque en moi une certaine colère. Mais qu’est-ce qui me prend de ressentir ce genre de choses ? Ce n’est pas comme si je n’avais pas l’habitude de le voir coller à des filles. Allez, mes hormones, on se calme un peu. Alex est grand, il fait ce qu’il veut avec qui il veut et surtout, il ne m’appartient pas ! L’un comme l’autre lui font leur plus beau sourire de tombeur et je ne peux m’empêcher de lever les yeux au ciel en soufflant. Ce qu’ils peuvent m’énerver quand ils se comportent ainsi !
Mon autre compagne de chambre s’avance pour les saluer. Elle est de taille moyenne et a de superbes yeux marron. Elle porte une jupe bohémienne, un haut violet qui met en valeur sa poitrine et un fichu fleuri qui retient ses magnifiques longs cheveux blonds. Elle me tend la main chaleureusement et salue, avec un signe de tête, mes deux accompagnateurs. J’entends dans sa voix un accent du nord.
Je déteste quand il fait ça car c’est comme s’il me prenait encore pour un bébé. Alex, quant à lui, s’approche de moi et me salue d’un baiser sur la joue qui me semble durer une éternité ou bien est-ce tout simplement mon imagination qui me joue des tours. À ce moment-là, mon corps tout entier est parcouru de frissons et je sens son parfum enivrant, un mélange de citron et d’orange, qui met tous mes sens en éveil. Il faut que je me calme si je ne veux pas finir par me jeter sur lui sauvagement. Il se recule pour mon plus grand bien et l’espace de quelques secondes, je crois lire de la nervosité dans ses yeux.
Il secoue la tête et me regarde une dernière fois avant de quitter la chambre. Les gars enfin partis, nous nous retrouvons toutes les trois. Samantha retourne au rangement de ses affaires pendant que je commence à ouvrir mes valises. Zoé, elle, s’allonge sur son lit en ne prêtant aucune attention à ses habits éparpillés dessus.
Samantha qui était restée jusque-là très silencieuse me dit d’un ton très posé :
Samantha et moi acceptons sa proposition avec enthousiasme. Il nous a fallu plus d’une heure pour pouvoir tout ranger. Mes collègues de chambre ont été impressionnées par le nombre de livres que j’ai emportés avec moi et ont réellement compris que je n’étais pas là pour m’amuser mais bel et bien pour travailler. Zoé se lamente en se disant qu’elle aura beaucoup de travail avec moi pour me sociabiliser avec la vie étudiante et tout en riant de cette remarque, Samantha me dit que j’ai du souci à me faire avec Zoé. Même si nous sommes à l’opposé les unes des autres, je peux dire que malgré tout, j’apprécie mes nouvelles camarades de chambre.
Il est dix-huit heures quand nous sortons enfin. Dans les couloirs règne une agitation euphorique. On entend des cris de joie et des rires. Pour atteindre la sortie, nous devons slalomer entre différents groupes. Une fois sorties du bâtiment, nous rejoignons le centre à pied. Nous ne sommes que le premier jour de la semaine et pourtant les rues sont comme des fourmilières. Les terrasses de cafés sont envahies soit par des gens qui sortent du travail et qui s’attardent au soleil avant de retourner à leur quotidien dans leur paisible foyer, soit par des étudiants qui, comme nous, ont décidé de s’accorder une sortie. C’est fou l’agitation qu’il peut y avoir ! Cela me change énormément de notre petite ville bien tranquille et je me sens tout à coup intimidée.
Sans m’en rendre compte, je me laisse distancer par Zoé et Samantha. C’est alors que je suis brutalement percutée par quelqu’un dans le dos. Je manque de tomber la tête la première tellement la force de l’impact est importante mais suis aussitôt rattrapée par deux bras musclés. Je me retourne et me trouve face à une chemise blanche. J’entends une voix suave et chaude qui me demande si ça va, si je n’ai pas mal. Oh ! Comme j’aime le son de cette voix ! J’ai l’impression d’être comme envoûtée par ses intonations. Après avoir bloqué ma respiration suite au choc, je respire le doux parfum de yuzu et de cannelle qui se dégage de cette chemise en fermant les yeux quelques secondes ; histoire de graver à tout jamais cette odeur dans ma mémoire. Je me force à ouvrir les yeux à nouveau et suis subjuguée par ce torse qui me donne envie de me blottir tout contre pour sentir la force qu’il s’en dégage. Je relève enfin ma tête vers le visage de mon agresseur et je manque de me noyer dans de superbes et grands yeux bleus, couleur lagon. Je suis comme hypnotisée.
Je secoue la tête de gauche à droite en étant incapable d’articuler le moindre mot. J’ai l’impression que ma voix a disparu avec ce choc ou bien est-ce dû à ce géant avec ses yeux si bouleversants. C’est alors que l’homme à qui appartiennent ces beaux yeux claque des doigts devant moi pour que je reprenne pied avec la réalité.
Vous connaissez l’expression « chassez le naturel, il revient au galop » ? Non ? Eh bien, moi, elle fait partie de mon quotidien car je me mets à rougir outrageusement et baisse la tête de honte. L’homme aux yeux bleu lagon se baisse pour se trouver à ma hauteur et me dit d’une voix plus douce, voix qui me fait frissonner de tout mon être, qu’il ne voulait pas me faire rougir ainsi mais m’aider à mieux m’acclimater aux habitudes et dangers de cette ville. Il accompagne ses paroles d’un sourire désarmant qui fait briller ses yeux de manière encore plus intense. Leur intensité m’ensorcelle et me laisse à nouveau sans voix. C’est comme si le temps s’était arrêté et que j’étais seule avec lui dans cette rue. Je ne vois plus que lui et ses yeux. Mes bras sont encerclés par ses mains et je ressens comme des picotements sur ma peau à l’endroit où il me touche. Ce moment magique est interrompu, bien trop vite à mon goût, par des voix qui crient mon nom. Mon bel inconnu recule en secouant la tête et je me sens comme désemparée de ne plus le sentir près de moi. Il y a comme un vide qui se crée en moi.
Et c’est ainsi que l’homme aux beaux yeux bleus s’éloigne de moi, de ma vie pendant que Zoé et Samantha s’installent de chaque côté de moi. Je suis encore troublée par ce qui vient de se passer mais avant tout, par tout ce que j’ai pu ressentir au contact de cet inconnu.
Et c’est ainsi que nous avons déambulé dans les rues en nous extasiant sur des choses différentes devant les vitrines de prêt-à-porter. Une chose est sûre, niveau code vestimentaire, nous avons pu nous rendre compte que nous n’avions pas du tout les mêmes goûts et on s’est promis de se planifier prochainement un après-midi shopping.
Vers dix-neuf heures, les devantures commencent à abaisser leur rideau de fer et c’est à ce moment-là que nous décidons qu’il est temps de prendre un rafraîchissement. Nous nous installons à la terrasse d’un café qui est remplie de monde. Samantha et moi commandons un diabolo fraise pendant que Zoé prend une bière à base de téquila. Une fois servies, Samantha lève son verre.
Et c’est dans un grand éclat de rire que nous faisons tinter nos verres en l’honneur de tous ces toasts portés. Pendant que nous buvons tranquillement notre verre, Zoé, qui est bien entendu la plus bavarde de nous trois, commence à nous raconter sa vie. Elle est originaire de Nice où elle a passé ses dix-huit dernières années. Elle vit dans une grande villa dont elle nous montre des photos qui surplombe la mer avec son père, sa belle-mère et son petit frère de dix ans. Elle nous explique que sa mère est morte alors qu’elle n’avait que huit ans d’un long et douloureux cancer. Quand elle nous raconte ce tragique épisode de sa vie, je peux voir ses yeux se brouiller de larmes mais très vite elle se reprend en affichant un joli sourire sur son visage. Je pense que c’est à ce moment-là que je me suis prise d’affection pour cette amoureuse de la vie. Elle nous raconte que son père est un riche industriel qui a réussi dans le textile et qu’il part, de ce fait, très fréquemment en déplacements. Derrière tous ces mots, je ne peux m’empêcher d’être triste pour elle car je comprends qu’elle n’a jamais eu réellement une vie de famille après le décès de sa mère. Tout comme moi, elle veut venir en aide aux enfants en difficulté et apprends très vite que nous allons suivre le même cursus universitaire.
Alors que nous entamons notre deuxième verre, Samantha nous raconte à son tour sa vie. Elle vient d’un petit village situé à côté de Lille et nous explique donc que c’est de là que lui vient son horrible accent. Zoé et moi lui disons que nous le trouvons adorable et que cela lui donne un certain charme. Elle nous remercie chaleureusement. Son père est comptable et sa mère secrétaire. Ils se sont rencontrés sur leur lieu de travail et vont fêter, l’année prochaine, leurs trente ans de mariage. Elle a deux grandes sœurs : Sarah est vétérinaire, mariée récemment à un expert en assurances du nom de Pierre et sa deuxième sœur, Sophie, est une vraie Desperate Housewife puisqu’elle s’occupe de ses deux merveilleux enfants qu’elle a eus avec son mari Éric qui travaille dans la publicité. On voit dans son regard qu’elle est très fière d’être la tante de ces deux enfants qu’elle nomme affectueusement « mes chenapans ». Elle nous apprend également qu’elle a un petit ami du nom de Marc qui a deux ans de plus qu’elle et qui est à Lille pour suivre ses études de médecine. À ce moment-là, une lueur de tristesse apparaît dans ses yeux. Zoé, qui jusqu’à présent était restée très calme, lui demande d’un air catastrophé :
Samantha nous regarde à tour de rôle et en baissant la tête et nous avoue qu’ils n’ont encore jamais fait l’amour.
Nous nous précipitons sur elle pour l’empêcher de continuer de parler car dès qu’elle s’est écriée, bon nombre de nos voisins se sont retournés vers nous. Elle réussit cependant à se libérer et poursuit, mais cette fois-ci, sur un ton beaucoup plus bas.
Sam et moi partons dans un énorme fou rire et Zoé nous dit qu’elle est heureuse de pouvoir nous faire rire autant après cette terrible conversation mais qu’elle ne perd pas espoir de faire changer Samantha d’avis. Cette dernière nous informe également qu’elle s’est inscrite en histoire de l’art dans le but par la suite de pouvoir suivre des études en architecture.
Une fois notre verre terminé, nous décidons d’aller manger et après une longue discussion animée, optons pour un restaurant mexicain dont je suis la seule à n’avoir jamais goûté à cette cuisine. Parfois, il faut savoir vivre dangereusement ! Au bout de quinze minutes de marche, nous arrêtons notre choix devant un restaurant du nom de « La Plaza de Santa Fe ». En entrant, je suis happée par l’atmosphère conviviale et chaleureuse qui y règne. À l’intérieur, tout est très coloré et une musique typique du Mexique s’échappe des baffes installées un peu partout sur les murs. Les serveurs sont vêtus de l’habit classique du pays et portent le célèbre sombrero. Sur certains murs sont accrochés des tentures à l’effigie du Mexique ainsi que plusieurs tableaux représentant des photos de lieux cultes de là-bas et des guirlandes toutes aussi colorées les unes que les autres. Un serveur qui semble avoir notre âge nous accompagne à une table située à l’étage car le bas est déjà complet. Une fois installées, il nous remet les cartes tout en précisant qu’il reviendra dans dix minutes pour prendre nos commandes. L’étage est aussi chaleureux que le rez-de-chaussée. Chaque table est habillée d’une nappe rouge sur laquelle trônent un lampion et un mini cactus.
J’ouvre la carte et reste dubitative quant aux différents plats que j’y lis. Zoé et Samantha, elles, ne savent pas du tout quoi prendre tellement il y a du choix et que tout leur fait envie. Comme promis, le serveur revient au bout de ces dix minutes qui m’ont donné l’impression de ne durer que quelques secondes car je n’ai toujours pas fait mon choix. Samantha choisit des papadzules tandis que Zoé opte pour des tacos. Le serveur me demande donc ce que j’ai choisi. Je lui réponds que je n’y connais vraiment rien, que c’est ma première fois et l’invite à me conseiller sur le choix à faire. Il me suggère des tanales en m’expliquant que ce sont des pains garnis de viande, de poissons, de légumes ou de fromage cuits dans des feuilles de bananier, de maïs. Me fiant donc à sa suggestion, je commande des tanales à base de légumes. Zoé décide qu’il faut également m’initier à l’alcool mexicain et commande donc trois verres de téquila straight.
Quelques minutes plus tard, le serveur revient avec nos verres qu’il dépose devant nous.
J’avale une gorgée de notre boisson et me mets à tousser violemment tellement je sens l’alcool me brûler la gorge ce qui a le don de faire rire mes deux amies.
En attendant notre plat, nous discutons de la faculté, de ce qui nous attend dans une semaine lorsque les cours démarreront. Notre serveur nous apporte nos assiettes et grâce à Zoé, nous apprenons qu’il s’appelle Mathieu.
Je baisse la tête car je n’ose affronter leurs regards.
— Eh, me dit doucement Samantha. Tu n’as pas à en rougir ou à en avoir honte. Ce n’est pas un drame contrairement à ce que pourrait dire notre chère amie Zoé ici présente. N’est-ce pas Zoé ?
— Hein ? Quoi ? Pas un drame ! Mais comment on peut avoir vécu dix-huit ans sans ça ? Que faisais-tu de tes soirées, ma vieille ? Du bénévolat ? Du baby-sitting ? Tu donnais des cours de soutien scolaire ?
En voyant mon visage, Zoé comprend qu’elle a visé juste.
Une fois le repas terminé, nous payons notre addition et laisse un pourboire au serveur. Après avoir fait quelques mètres, on entend quelqu’un courir derrière nous et crier :
Nous nous retournons et voyons notre serveur s’arrêter à bout de souffle devant nous.
Je suis brutalement interrompue par Zoé qui se précipite pour prendre le morceau de papier qu’il me tend.
Nous reprenons notre route et je dois admettre que je suis un peu chamboulée par ce qui vient de se passer.
Et nous partons toutes les trois dans un grand éclat de rire. Sur le chemin du retour, j’en profite enfin pour appeler mes parents. Ma mère me dit qu’elle était très inquiète de ne pas avoir eu de mes nouvelles plus tôt. Je m’excuse auprès d’elle en lui expliquant que mon installation m’a pris beaucoup de temps. Elle me demande comment est le campus, ma chambre ainsi que les personnes avec qui je la partage. Je réponds à toutes ces questions de manière positive et enthousiaste. Je lui dis de ne pas s’inquiéter pour moi. Elle me demande ensuite si j’ai des nouvelles de mon frère car il ne l’a pas encore appelée. Mais elle comme moi, nous nous doutons bien qu’elle ne fait pas partie de ses priorités. Je raccroche en lui promettant de la rappeler très prochainement, en lui demandant d’embrasser mon père et en lui disant que je l’aime ainsi que papa.
Nous arrivons dans notre chambre et nous nous affalons lamentablement sur notre lit, fatiguées par cette folle journée. Au bout de quelques minutes, nous nous extirpons péniblement de notre lit en rassemblant le peu de force qu’il nous reste pour nous préparer à aller dormir. Au bout de vingt minutes, nous sommes prêtes à rejoindre les doux bras de Morphée.
Gênes, échecs et essai
Le lendemain matin, je me réveille l’esprit encore embrumé par tous ces rêves étranges que j’ai pu faire. Je décide de ne pas me laisser perturber par tout cela et de rester concentrée sur mon objectif du jour ; à savoir trouver un travail. Je me lève donc rapidement afin de pouvoir prendre ma douche avant Sam et Zoé qui dorment encore profondément. Je saute dans la douche et établis mon programme de guerrière tout en chantant du Patrick Fiori ; chanteur que je ne cesse d’écouter au grand damne de mes parents et de mon frère. Je ne loupe aucun de ses concerts lorsqu’il passe dans notre région et possède tous ses albums. Bref, vous l’aurez compris, je suis une vraie fan et je l’assume pleinement. D’ailleurs pour mes dix-sept ans, mes parents m’ont offert un t-shirt où il est écrit « Pas besoin de thérapie, j’écoute Patrick Fiori ! ». J’étais folle de joie lorsque j’ai ouvert mon paquet et je l’ai même emmené avec moi dans mes valises.
Une fois sortie de la douche, j’enfile une jupe courte noire mais pas trop, en toile légère, accompagnée d’un chemisier blanc à manches courtes non transparent. Bref, tout ce qu’il faut pour trouver un travail : classique, sobre, professionnel. J’essaie de dompter mes cheveux avec un chignon dont je laisse échapper quelques mèches. Je me regarde une dernière fois dans le miroir. Pas besoin de maquillage, cela fera très bien l’affaire. Surtout, rester naturelle. Enfin prête, je sors de la salle de bain et me retrouve nez à nez avec Sam qui me salue d’un air encore endormi. Zoé a mis son oreiller sur la tête et nous grogne dessus :
C’est à ce moment-là que Sam sort de la salle de bain comme une furie pour nous dire qu’il est hors de question que je parte sans prendre un petit déjeuner et que cela est non négociable. Elle précise bien que nous allons le prendre toutes les trois et sur ces paroles, se renferme aussitôt.
Samantha sort de la salle de bain maquillée, habillée, coiffée et invite, de manière autoritaire, Zoé à prendre le relais. Cette dernière traîne des pieds et bougonne. Avant de claquer la porte, elle nous traite de malades ainsi que de tortionnaires sans cœur. Pendant qu’elle se prépare, j’ai le temps d’établir mon planning. Je liste dans un premier temps tous les magasins de vente en prêt-à-porter dans un périmètre de quinze à vingt minutes à pied autour de la fac. N’ayant pas de voiture, car Julien ne me prêtera jamais la sienne, cela limite mon périmètre d’action. Puis, je liste les boulangeries-pâtisseries et enfin, les salons de thé en me disant que de toute façon, je n’aurai pas besoin d’utiliser cette longue liste. Je range mes CV dans une pochette et suis fin prête pour ma recherche.
Zoé, enfin habillée, nous prenons la direction du restaurant universitaire pour prendre notre petit déjeuner. Il y a déjà pas mal d’étudiants attablés. Je prends un café au lait, un croissant et un verre de jus d’orange et là, je vois Samantha me regarder d’un air désapprobateur :
Zoé et moi nous la regardons en haussant les épaules.
Zoé, dont le cerveau fonctionne déjà à cent à l’heure, s’écrie :
Quelques secondes plus tard, Sam a ajouté sur mon plateau un yaourt, quelques céréales et du fromage. Quoi ? Du fromage ! Mais quelle horreur ! Comment peut-elle m’imposer cela ? Zoé éclate de rire en voyant ma tête mais s’arrête très vite lorsque Sam lui met à son tour un verre de jus d’orange, des céréales, du fromage et un verre de lait.
Nous nous installons à une table et commençons à manger. J’ai à peine touché à mon plateau que je me demande déjà comment je vais pouvoir faire pour manger tout cela et en voyant la tête de Zoé, je parie qu’elle pense la même chose que moi.
Nous la regardons en la fusillant du regard tandis qu’elle éclate de rire face à nos regards meurtriers.
Pendant que nous poursuivons notre repas dans la bonne humeur, je sens une main se poser sur mon épaule.
Pas besoin de me retourner. Au son de la voix, je reconnais mon frère. Je sens en même temps près de lui, un parfum que je reconnaîtrais parmi tant d’autres ; celui d’Alex. Et là, croyez-le ou non mais toute la belle assurance que j’ai pu accumuler depuis mon réveil disparaît en l’espace de quelques secondes rien qu’en respirant ce parfum. Mes mains deviennent moites et je n’ose plus regarder les filles après tout ce que je leur ai dit hier soir. Zoé qui se rend compte très rapidement de mon malaise se met alors à parler :
En fait, on peut vraiment compter sur Zoé pour détendre l’atmosphère et mettre de l’animation. Je ne peux que la remercier de me sortir de ce malaise. Note à moi-même : lui apporter une pâtisserie à mon retour.
Inutile d’en dire plus. En un regard, nous nous sommes comprises et partons dans un énorme fou rire. Les gars, restés à côté de nous, nous regardent abasourdis, ne comprenant rien à notre conversation et à notre soudain éclat de rire.