Entre deux - Tome 1 - Chris Hangel - E-Book

Entre deux - Tome 1 E-Book

Chris Hangel

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Beschreibung

Julie, autrefois timide et réservée, se lance dans une nouvelle aventure en poursuivant ses études à Aix-en-Provence. La vie trépidante de cette ville dynamique bouscule sa tranquillité d’antan. Entre jalousie, trahison et exploration de plaisirs, elle devra trouver en elle le courage nécessaire pour surmonter ces défis. Y arrivera-t-elle ?


À PROPOS DE L'AUTEUR

Chris Hangel trouve en la littérature un havre de paix, un outil pour surmonter le défi émotionnel engendré par la perte de son père. "Entre deux – Tome I – La valse des sentiments" est une invitation à découvrir cette perspective réconfortante.


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Chris Hangel

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Entre deux

Tome I

La valse des sentiments

Roman

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

© Lys Bleu Éditions – Chris Hangel

ISBN : 979-10-422-0868-4

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

À toi, ma belle Étoile, partie beaucoup trop tôt.

À toi, ma belle Étoile, qui m’as transmis l’amour des mots

ainsi que le goût de la lecture.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les hommes veulent toujours être le premier amour d’une femme. C’est leur vanité maladroite. Les femmes ont un instinct plus subtil sur les choses : ce qu’elles aiment, c’est être la dernière romance d’un homme.

 

O. Wilde

 

 

 

 

 

Prologue

 

 

 

Il y a encore un an de cela, j’étais une adolescente comme toutes les autres, à quelques exceptions près. J’avais de grands yeux gris, quelques taches de rousseur parsemaient mon visage, des cheveux bruns incontrôlables et j’étais un peu rondelette. Vous vous doutez bien que je ne faisais pas partie de ces filles populaires du lycée sur qui les regards se retournaient, qu’on invitait à toutes les superbes soirées délirantes ou bien même à sortir. Non, j’étais plutôt le vilain petit canard qui rougissait à chaque fois qu’on lui adressait la parole et qui n’osait pas regarder les autres, droit dans les yeux. Je baissais fréquemment la tête, rasais les murs et faisais tout pour rester invisible de sorte qu’on ne puisse pas se moquer de moi. Mes seuls amis étaient ceux de mon club d’échecs. Je vous mentirais de manière éhontée si je vous disais que ces années de lycée ont été les plus belles années de ma vie. Je faisais donc partie de ces élèves impopulaires qui avaient de très bonnes notes, les félicitations de ses professeurs, de ses parents mais j’avais une vie sociale inexistante.

 

Ma vie se résumait à étudier et à faire du baby-sitting pendant mon temps libre afin de pouvoir mettre de côté de l’argent pour la fac. Mes seules folies consistaient à m’acheter les romans d’Emma Green que je dévorais et qui me faisaient croire au grand amour. Vous voyez ce grand amour qui fait chavirer votre cœur en un seul regard, celui qui vous fait perdre pied, celui qui balaie tout sur son passage tel un ouragan de passion ? Vous vous dites peut-être que je suis trop fleur bleue ou bien trop naïve mais moi, j’y crois à ce grand amour. J’y crois d’autant plus que mon grand amour, je le connais depuis que je suis en âge de rêver aux princesses et princes charmants et il porte le doux nom d’Alex.

 

Alex est l’homme parfait : beau, drôle, sportif. Il est mon amour secret, il est celui qui vient me rejoindre dans mes rêves la nuit mais il est surtout et avant tout inaccessible. Le propre de l’Homme n’est-il pas de désirer ce qu’il ne peut avoir, ce qu’il ne peut atteindre ? Oui, je rêve d’être avec cet homme qui ne sera jamais pour moi et qui, de toute façon, me regarde à peine. En grande romantique que je suis, je me contente d’imaginer ce que pourrait être ma vie avec lui.

 

Ah oui, j’ai oublié de vous dire ! Je m’appelle Julie. Je ne sais pas pourquoi mes parents m’ont donné ce prénom car depuis aussi longtemps que je m’en souvienne, tout le monde m’appelle Jules. J’ai un frère jumeau également. Le jour de notre naissance, mes parents ont fait dans l’originalité puisqu’ils l’ont appelé Julien. Eh oui, vous avez bien lu ! Nous sommes donc les jumeaux Julie/Julien dont je suis l’aînée de deux minutes. Mais lorsqu’on nous voit l’un à côté de l’autre, on a du mal à se l’imaginer. Julien est à l’opposé de moi : il est drôle, blond, yeux bleus, bien bâti et surtout populaire. Il joue dans l’équipe de foot de notre lycée qui a gagné la coupe l’année dernière. Bon nombre de filles espèrent pouvoir sortir avec lui et depuis notre entrée en seconde, j’ai arrêté de tenir le compte de l’ensemble de ses conquêtes.

 

Julien est toujours accompagné de son meilleur ami Alex. Le voilà, mon prince charmant ! Il a de magnifiques yeux verts couleur émeraude, un teint mat qui lui vient de sa mère d’origine haïtienne, des cheveux bruns et est aussi musclé que mon frère. Lui aussi a à son actif de nombreuses conquêtes à côté desquelles je ne peux malheureusement pas rivaliser. À ses yeux, je suis et resterai Jules, la petite sœur de Julien. La sœur qu’on aime énerver en mettant le volume de la télé très fort les soirées de révisions, en criant devant un match de foot ou bien en lui tirant les couettes. Parfois, il peut, cependant, se montrer gentil et attentionné envers moi. Lorsqu’il attend Julien à la maison, il nous arrive de discuter ensemble. Il me demande comment se comportent les enfants que je garde, si ce n’est pas trop pénible, quel film j’ai été voir au cinéma récemment ou bien si mes cours se passent bien. Il me raconte aussi les dernières blagues qu’il a entendues, me parle de son dernier match de foot ou bien de ses projets d’études. J’aime ces moments-là, ils me transportent et me font espérer que j’existe malgré tout à ses yeux. J’aime quand il s’intéresse à ce que je fais, à ce que je suis. Lors de ces conversations, je suis sur mon nuage mais en redescends bien vite car dès que Julien apparaît, je deviens à nouveau transparente, inexistante.

 

Alex représente pour moi le gars inaccessible qui hante mes nuits, berce mes rêves et c’est bel et bien l’été dernier que tout a basculé pour moi, car il est celui qui m’a fait vivre mon premier orgasme en solitaire.

 

Comme chaque été, les gars ont passé du temps autour de notre piscine à rire, chahuter pendant que moi, je commençais à lire le programme scolaire pour préparer au mieux mon année de terminale. Alex est arrivé un après-midi chez nous. Il est passé devant moi et m’a à peine regardée pour me saluer. Il a rejoint mon frère et a ôté son t-shirt. Là, je n’arrivais pas à défaire mon regard de son torse. Sur ce corps bien bâti, apparaissaient de chaque côté des dragons : l’un lançait des flammes d’un côté et de l’autre de la glace. Ils étaient magnifiques ! Leurs queues allaient prendre fin sous son slip de bain. Je me suis mise à avoir très chaud et à me lécher les lèvres en pensant très fort que j’aimerais bien voir où ces queues s’arrêtent. Je me suis précipitée dans la cuisine pour prendre un grand verre d’eau très fraîche et suis montée rapidement dans ma chambre pour tenter d’oublier tout cela.

Mais la nuit venue, ce fut peine perdue. Je tombais à peine dans un sommeil profond, que je voyais ses beaux yeux verts se poser sur moi. Il se penchait lentement vers moi pour couvrir mon front de baisers avec une infinie tendresse. Sa bouche poursuivait son chemin vers mes tempes pour glisser sur mes joues qu’il parsemait également de baisers. Il plongeait ensuite ses yeux dans les miens et je pouvais y lire tout ce que j’attendais depuis tant d’années : j’existais enfin et il me désirait. Il nichait alors sa tête dans mon cou qu’il léchait de manière sensuelle, quasi érotique. Sa langue dérivait vers le lobe de mon oreille dont il s’emparait avec sa bouche pour le mordiller, réveillant ainsi une multitude de papillons en bas de mon ventre. Ses mains, quant à elles, caressaient mes hanches pour remonter lentement et sensuellement vers mes seins dont il frôlait les tétons du bout de ses doigts faisant ainsi recouvrir ma peau de frissons. J’en voulais plus et l’attirais à moi en le saisissant par la nuque et en collant mon bassin à lui. Mes doigts serraient les draps tellement le plaisir était fort. Je ne tenais plus et lui demandais d’enlever son boxer. Il me regardait intensément tout en faisant descendre lentement ce maudit bout de tissu qui me séparait de sa virilité. Je me mordillais les lèvres tellement j’avais hâte de voir enfin où se terminaient ses sublimes queues de dragons.

 

Un bruit venu de l’extérieur me tira de ce rêve avec une grande frustration. J’avais chaud, mon souffle était haletant et je sentais mes mains posées sur mon sexe. Il fallait absolument que j’évacue ce trop-plein d’excitation. Alors je fis ce que les filles de mon âge font : je finis par me donner seule mon plaisir en pensant à cet homme que je ne pourrai jamais avoir, à ses beaux yeux, à son corps parfait et à son joli sourire.

 

C’est ainsi qu’Alex est celui qui m’a fait vivre mon premier orgasme en solitaire et qui fut le premier d’une longue série…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Une histoire d’amitié

 

 

 

 

 

Rencontres et frissons

 

 

 

Le grand jour est arrivé ! Aujourd’hui, un nouveau roman de ma vie s’écrit car je rentre enfin à l’université. Julien et moi quittons le nid douillet de nos parents pour rejoindre la grande et prestigieuse université d’Aix-en-Provence où je vais pouvoir suivre le cursus réputé en psychologie. Cela fait trois ans que je me prépare pour ce grand événement. Julien va intégrer le droit dans le but de devenir un jour un grand avocat de renom qui défendra de grandes et belles causes. Moi, je rêve de devenir pédopsychiatre.

 

Je m’affaire à essayer de faire entrer mes derniers livres dans ma valise pendant que mon frère ne cesse de me crier de me dépêcher car nous avons une longue route devant nous. Lorsque je descends enfin, munie de ma dernière valise, je vois Julien en train de taper nerveusement du pied, n’écoutant que d’une oreille distraite les dernières recommandations de mes parents. Il me lance un regard lourd de reproches et me fait signe, en pointant sa montre, que je suis très en retard. Je croise ensuite les yeux de ma mère. Elle fond en larmes et se blottit dans les bras de mon père qui essaie tant bien que mal de la réconforter. J’ai toujours eu une relation très forte avec ma mère. Elle est ma confidente et depuis mon enfance, j’ai partagé avec elle de jolis moments de complicité. Même si cela me peine de devoir m’éloigner d’elle, je ne peux m’empêcher d’être excitée par cette perspective de partir pour réaliser enfin mon rêve.

 

 

Je les regarde encore quelques instants, serrés l’un contre l’autre. C’est comme s’ils ne faisaient qu’un. J’ai toujours été admirative de l’amour qu’ils se portent et rêve de vivre un jour un amour aussi fort et solide que le leur. Mon père lâche doucement ma mère pour venir m’aider à porter ma dernière valise et la mettre dans le coffre.

 

Alex est déjà installé côté passager car lui aussi va suivre le même cursus que Julien et ils vont même partager la même chambre. De vrais inséparables ces deux-là ! Il porte des lunettes de soleil ; très certainement pour cacher ses yeux fatigués de leur grande fête d’hier à laquelle je n’étais pas invitée ; un jean usé et un t-shirt noir qui moule à merveille ses muscles. Depuis mon rêve torride de l’année dernière, je n’ose plus le regarder dans les yeux et rougis atrocement dès qu’il m’adresse la parole. Ma mère nous serre fort dans ses bras. Elle ne cesse de nous répéter qu’elle nous aime très fort, que nous sommes et serons toujours ses bébés. Elle nous dit également qu’elle est très fière de nous et qu’elle a hâte d’être à Noël pour nous revoir. Mon père, quant à lui, nous embrasse tendrement et nous demande de ne pas oublier de les appeler.

 

Une fois nos adieux faits, je m’installe confortablement à l’arrière du véhicule. Je mets mes écouteurs pour ne pas avoir à écouter les discours salaces de Julien et Alex sur les filles qui étaient avec eux hier soir. Et voilà, la grande aventure peut enfin commencer ! Je ferme les yeux, bercée par la musique et pense aux cours passionnants qui m’attendent au bout de ce long trajet. Je suis cependant inquiète à l’idée de devoir partager ma chambre avec deux inconnues. Je n’ai jamais vécu en collectivité. J’espère que nous arriverons à nous entendre. Je pense également au job d’étudiant que je vais devoir me trouver si je veux continuer à être indépendante et à aider mes parents dans mes frais de scolarité.

 

Trois heures plus tard, nous arrivons à destination. Toute une foule s’affaire sur le parking et les pelouses. Des parents serrent tendrement leurs enfants tout en versant quelques larmes, certains étudiants sont assis à l’ombre d’un arbre, un livre à la main, d’autres sont en train de chahuter pour fêter leurs retrouvailles. Devant nous se dresse un magnifique bâtiment, mélange d’une architecture nouvelle et ancienne, qui sera le théâtre de mes futures années d’études trépidantes. Pendant que je suis à ma contemplation, Julien et Alex sortent leurs valises et cartons et lorsque je me retourne enfin vers eux, Julien me lance les clés :

— Tiens Jules, tu la fermeras une fois que tu auras pris tes affaires !
— Eh, les gars, vous ne voulez pas m’aider ? demandé-je désespérément en voyant les valises devant moi qu’il me serait impossible de porter seule.
— Dans tes rêves, ma vieille ! me répond Julien.
— Allez, Julien, fais au moins une fois un effort pour ta petite sœur. Tu vois bien qu’elle est beaucoup plus chargée que nous, le houspille Alex en me faisant un clin d’œil qui me fait rougir de la tête aux pieds.
— M... m... merci Alex, j’arrive enfin à articuler péniblement.

 

Et c’est ainsi qu’ils m’accompagnent à ma chambre située au troisième étage de la résidence universitaire pour filles. Nous arrivons enfin devant la chambre 314. Au moment où j’ouvre la porte, je suis frappée par le désordre qui y règne. Deux filles sont en train de déballer leurs affaires. L’une d’elles se retourne lorsque je franchis le seuil. Elle porte un short en jean court qui met bien en valeur ses longues jambes fines et un débardeur blanc transparent à tel point que l’on peut voir le soutien-gorge en dentelle rouge vif qu’elle porte en dessous. Elle a un piercing à la lèvre inférieure, ses cheveux sont mi-longs noirs avec des mèches violettes et a de jolis yeux noisette mis en valeur par ses longs cils. Elle s’avance vers nous en louchant bien entendu sur les deux gars qui m’accompagnent.

— Salut ! Moi, c’est Zoé ! Tu dois être Julie, me dit-elle en me tendant la main avec un magnifique sourire. Je suis très heureuse de partager cette chambre avec toi et notre nouvelle camarade Samantha ! Je sens qu’on va bien s’amuser toutes les trois et encore plus si tu nous ramènes toujours des beaux gosses avec toi !

 

Elle reluque sans aucune gêne Julien et Alex qui lui sourient bêtement. Julien me donne une tape dans le dos, ce qui me fait trébucher.

— Eh bien, Jules, tu ne nous présentes pas à ta nouvelle camarade de chambre ?
— Euh… Zoé, je te présente mon frère Julien et son copain Alex. Ils rentrent eux aussi à l’université et m’aident gentiment à porter mes affaires.
— Enchantée, Julien, dit-elle en lui serrant la main plus longuement qu’il n’aurait fallu.

 

Elle salue ensuite Alex en lui faisant une accolade comme s’ils se connaissaient depuis longtemps déjà. Ce dernier se laisse faire même s’il ne lui rend pas son accolade en retour. Le comportement de cette fille provoque en moi une certaine colère. Mais qu’est-ce qui me prend de ressentir ce genre de choses ? Ce n’est pas comme si je n’avais pas l’habitude de le voir coller à des filles. Allez, mes hormones, on se calme un peu. Alex est grand, il fait ce qu’il veut avec qui il veut et surtout, il ne m’appartient pas ! L’un comme l’autre lui font leur plus beau sourire de tombeur et je ne peux m’empêcher de lever les yeux au ciel en soufflant. Ce qu’ils peuvent m’énerver quand ils se comportent ainsi !

 

Mon autre compagne de chambre s’avance pour les saluer. Elle est de taille moyenne et a de superbes yeux marron. Elle porte une jupe bohémienne, un haut violet qui met en valeur sa poitrine et un fichu fleuri qui retient ses magnifiques longs cheveux blonds. Elle me tend la main chaleureusement et salue, avec un signe de tête, mes deux accompagnateurs. J’entends dans sa voix un accent du nord.

 

— Bonjour Julie ! Comme tu peux le constater, nous avons commencé à installer nos affaires. Il te reste le lit près de la fenêtre mais si tu préfères le mien, pas de souci.
— Non, non ! Cela ira très bien comme ça. De toute façon, je ne pense pas que je passerai beaucoup de temps dedans.
— Ah bon ? Tu comptes, toi aussi, participer à toutes les fêtes étudiantes ? m’interroge Zoé avec des yeux pétillants de malice.
— Euh non. En fait, je voulais surtout dire que j’allais passer pas mal de temps à étudier pour mes cours.
— Quoi ! Mais Julie ! Nous sommes jeunes et belles, nous devons profiter de la vie ! Et si nous ne le faisons pas maintenant alors que plein de beaux mecs, des soirées délirantes s’offrent à nous, quand le ferons-nous ? me dit-elle d’un air catastrophé en se tournant vers Julien et Alex pour appuyer ses propos.
— Ne fais pas attention à elle, elle se calmera une fois qu’elle passera ses premiers partiels et qu’elle se rendra compte qu’il faut qu’elle bosse un peu si elle veut s’en sortir, me dit Samantha en pointant un doigt vers Zoé.
— Bon, allez, Jules, on va te laisser t’installer maintenant que toutes tes affaires sont bien arrivées dans ta chambre car nous, nous avons encore du travail. Tu n’as plus besoin de tes esclaves. On se revoit plus tard sur le campus, me dit Julien tout en m’embrassant sur le front.

 

Je déteste quand il fait ça car c’est comme s’il me prenait encore pour un bébé. Alex, quant à lui, s’approche de moi et me salue d’un baiser sur la joue qui me semble durer une éternité ou bien est-ce tout simplement mon imagination qui me joue des tours. À ce moment-là, mon corps tout entier est parcouru de frissons et je sens son parfum enivrant, un mélange de citron et d’orange, qui met tous mes sens en éveil. Il faut que je me calme si je ne veux pas finir par me jeter sur lui sauvagement. Il se recule pour mon plus grand bien et l’espace de quelques secondes, je crois lire de la nervosité dans ses yeux.

— À plus, Jules, et fais bien attention à toi sur le campus. Ne te laisse pas embarquer par n’importe qui et n’importe où, me conseille-t-il en appuyant longuement son regard sur Zoé.
— Promis, le beau gosse, je ferai bien attention à ta petite princesse. Aucun stress, répond Zoé en levant les bras comme si elle voulait se défendre.

 

Il secoue la tête et me regarde une dernière fois avant de quitter la chambre. Les gars enfin partis, nous nous retrouvons toutes les trois. Samantha retourne au rangement de ses affaires pendant que je commence à ouvrir mes valises. Zoé, elle, s’allonge sur son lit en ne prêtant aucune attention à ses habits éparpillés dessus.

— Oh les filles ! J’ai comme l’impression que cette année va être démente ! Dis-moi, Julie, tu sais si ton frère a quelqu’un en ce moment car j’en ferais bien mon quatre heures ? De toute façon, avec l’autre, je n’ai aucune chance vu les regards qu’il te lançait.
— Quoi, qu’est-ce que tu racontes Zoé ? Il n’y a rien entre Alex et moi, je réponds très rapidement tout en continuant de ranger mes habits dans l’armoire la tête baissée afin qu’elle ne se rende pas compte du rouge qui me montent aux joues.

 

Samantha qui était restée jusque-là très silencieuse me dit d’un ton très posé :

— Moi, ce que j’ai pu observer, c’est que ce gars ne regardait que toi malgré la manière dont est fringuée notre Zoé.
— Quoi ? Qu’est-ce qu’elles ont mes affaires ?
— Rien. Disons juste qu’elles te mettent bien en valeur, lui répond Samantha avec son joli sourire.
— Ah, je préfère ça ! Bon, les filles ! Que diriez-vous de finir de ranger tout cela pour ensuite aller faire un tour afin de découvrir tout ce que cette jolie ville a à nous offrir pour ces prochaines années ? Nous pourrions en profiter pour manger dans un endroit sympa et faire plus ample connaissance ? demande Zoé.

 

Samantha et moi acceptons sa proposition avec enthousiasme. Il nous a fallu plus d’une heure pour pouvoir tout ranger. Mes collègues de chambre ont été impressionnées par le nombre de livres que j’ai emportés avec moi et ont réellement compris que je n’étais pas là pour m’amuser mais bel et bien pour travailler. Zoé se lamente en se disant qu’elle aura beaucoup de travail avec moi pour me sociabiliser avec la vie étudiante et tout en riant de cette remarque, Samantha me dit que j’ai du souci à me faire avec Zoé. Même si nous sommes à l’opposé les unes des autres, je peux dire que malgré tout, j’apprécie mes nouvelles camarades de chambre.

Il est dix-huit heures quand nous sortons enfin. Dans les couloirs règne une agitation euphorique. On entend des cris de joie et des rires. Pour atteindre la sortie, nous devons slalomer entre différents groupes. Une fois sorties du bâtiment, nous rejoignons le centre à pied. Nous ne sommes que le premier jour de la semaine et pourtant les rues sont comme des fourmilières. Les terrasses de cafés sont envahies soit par des gens qui sortent du travail et qui s’attardent au soleil avant de retourner à leur quotidien dans leur paisible foyer, soit par des étudiants qui, comme nous, ont décidé de s’accorder une sortie. C’est fou l’agitation qu’il peut y avoir ! Cela me change énormément de notre petite ville bien tranquille et je me sens tout à coup intimidée.

 

Sans m’en rendre compte, je me laisse distancer par Zoé et Samantha. C’est alors que je suis brutalement percutée par quelqu’un dans le dos. Je manque de tomber la tête la première tellement la force de l’impact est importante mais suis aussitôt rattrapée par deux bras musclés. Je me retourne et me trouve face à une chemise blanche. J’entends une voix suave et chaude qui me demande si ça va, si je n’ai pas mal. Oh ! Comme j’aime le son de cette voix ! J’ai l’impression d’être comme envoûtée par ses intonations. Après avoir bloqué ma respiration suite au choc, je respire le doux parfum de yuzu et de cannelle qui se dégage de cette chemise en fermant les yeux quelques secondes ; histoire de graver à tout jamais cette odeur dans ma mémoire. Je me force à ouvrir les yeux à nouveau et suis subjuguée par ce torse qui me donne envie de me blottir tout contre pour sentir la force qu’il s’en dégage. Je relève enfin ma tête vers le visage de mon agresseur et je manque de me noyer dans de superbes et grands yeux bleus, couleur lagon. Je suis comme hypnotisée.

— Mademoiselle, est-ce que vous allez bien ? Je ne vous ai pas fait mal ?

 

Je secoue la tête de gauche à droite en étant incapable d’articuler le moindre mot. J’ai l’impression que ma voix a disparu avec ce choc ou bien est-ce dû à ce géant avec ses yeux si bouleversants. C’est alors que l’homme à qui appartiennent ces beaux yeux claque des doigts devant moi pour que je reprenne pied avec la réalité.

— Vous allez bien ? Vous voulez vous asseoir un peu pour reprendre vos esprits ?
— Non, non, je vais bien, j’arrive enfin à articuler péniblement en secouant la tête pour me remettre les idées en place.
— Vous êtes sûre ? J’ai cru l’espace d’un instant que vous alliez perdre connaissance à ne plus parler comme vous l’avez fait ! Vous devez être nouvelle dans cette ville. Alors si vous voulez un conseil, évitez de freiner le pas en plein milieu d’un trottoir si vous ne voulez pas vous faire percuter à nouveau, me dit cet homme avec ses beaux yeux bleus rieurs.

 

Vous connaissez l’expression « chassez le naturel, il revient au galop » ? Non ? Eh bien, moi, elle fait partie de mon quotidien car je me mets à rougir outrageusement et baisse la tête de honte. L’homme aux yeux bleu lagon se baisse pour se trouver à ma hauteur et me dit d’une voix plus douce, voix qui me fait frissonner de tout mon être, qu’il ne voulait pas me faire rougir ainsi mais m’aider à mieux m’acclimater aux habitudes et dangers de cette ville. Il accompagne ses paroles d’un sourire désarmant qui fait briller ses yeux de manière encore plus intense. Leur intensité m’ensorcelle et me laisse à nouveau sans voix. C’est comme si le temps s’était arrêté et que j’étais seule avec lui dans cette rue. Je ne vois plus que lui et ses yeux. Mes bras sont encerclés par ses mains et je ressens comme des picotements sur ma peau à l’endroit où il me touche. Ce moment magique est interrompu, bien trop vite à mon goût, par des voix qui crient mon nom. Mon bel inconnu recule en secouant la tête et je me sens comme désemparée de ne plus le sentir près de moi. Il y a comme un vide qui se crée en moi.

— Ah, je crois qu’on vous cherche, jeune demoiselle, si j’en crois les deux jeunes filles qui s’avancent à vive allure vers nous. Je vous laisse donc et vous souhaite la bienvenue à Aix, Julie, la belle timide.

 

Et c’est ainsi que l’homme aux beaux yeux bleus s’éloigne de moi, de ma vie pendant que Zoé et Samantha s’installent de chaque côté de moi. Je suis encore troublée par ce qui vient de se passer mais avant tout, par tout ce que j’ai pu ressentir au contact de cet inconnu.

— Mince, Julie ! Tu nous as fait peur ! On ne te voyait plus. Nous nous sommes inquiétées, me dit Samantha avec une voix complètement paniquée et en serrant mon bras très fort.
— Et en fait, on s’aperçoit que c’était absolument inutile car tu étais en très bonne compagnie ! Tu sais qui est ce beau spécimen ? Et d’ailleurs, comment tu as fait pour le rencontrer en si peu de temps ? On te laisse seule quelques secondes, et toi, tu en profites pour draguer un superbe mec ! Mais dis-moi, comment tu fais ? Tu es sûre que ta priorité ce sont tes études ? me bombarde Zoé pendant quelques secondes.
— Du calme, Zoé ! Reprends ton souffle ! J’ai ralenti le pas un instant et cet homme m’est rentré dedans. Mais étant donné la carrure qu’il avait, le choc a été un peu brutal. Il a juste voulu savoir comment j’allais et me donner quelques conseils de navigation sur ces trottoirs pour éviter que ce genre de choses ne se reproduise.
— Ouais, en tout cas ma vieille, je pense qu’avec toi on n’a pas fini de s’ennuyer ! me répond Zoé en me prenant le bras à son tour et en me disant que cette fois-ci ni elle ni Samantha ne me lâcheraient plus.

 

Et c’est ainsi que nous avons déambulé dans les rues en nous extasiant sur des choses différentes devant les vitrines de prêt-à-porter. Une chose est sûre, niveau code vestimentaire, nous avons pu nous rendre compte que nous n’avions pas du tout les mêmes goûts et on s’est promis de se planifier prochainement un après-midi shopping.

 

Vers dix-neuf heures, les devantures commencent à abaisser leur rideau de fer et c’est à ce moment-là que nous décidons qu’il est temps de prendre un rafraîchissement. Nous nous installons à la terrasse d’un café qui est remplie de monde. Samantha et moi commandons un diabolo fraise pendant que Zoé prend une bière à base de téquila. Une fois servies, Samantha lève son verre.

— Mesdames, je vous propose de lever notre verre et de porter un toast à cette année universitaire qui commence, à notre rencontre, à notre future cohabitation, à nos futures longues heures d’étude et enfin, à notre amitié naissante.
— Et moi, je rajouterais : à tous ces beaux gosses qui n’attendent que nous, à nos futures soirées délirantes, nous dit Zoé avec un clin d’œil.

 

Et c’est dans un grand éclat de rire que nous faisons tinter nos verres en l’honneur de tous ces toasts portés. Pendant que nous buvons tranquillement notre verre, Zoé, qui est bien entendu la plus bavarde de nous trois, commence à nous raconter sa vie. Elle est originaire de Nice où elle a passé ses dix-huit dernières années. Elle vit dans une grande villa dont elle nous montre des photos qui surplombe la mer avec son père, sa belle-mère et son petit frère de dix ans. Elle nous explique que sa mère est morte alors qu’elle n’avait que huit ans d’un long et douloureux cancer. Quand elle nous raconte ce tragique épisode de sa vie, je peux voir ses yeux se brouiller de larmes mais très vite elle se reprend en affichant un joli sourire sur son visage. Je pense que c’est à ce moment-là que je me suis prise d’affection pour cette amoureuse de la vie. Elle nous raconte que son père est un riche industriel qui a réussi dans le textile et qu’il part, de ce fait, très fréquemment en déplacements. Derrière tous ces mots, je ne peux m’empêcher d’être triste pour elle car je comprends qu’elle n’a jamais eu réellement une vie de famille après le décès de sa mère. Tout comme moi, elle veut venir en aide aux enfants en difficulté et apprends très vite que nous allons suivre le même cursus universitaire.

 

Alors que nous entamons notre deuxième verre, Samantha nous raconte à son tour sa vie. Elle vient d’un petit village situé à côté de Lille et nous explique donc que c’est de là que lui vient son horrible accent. Zoé et moi lui disons que nous le trouvons adorable et que cela lui donne un certain charme. Elle nous remercie chaleureusement. Son père est comptable et sa mère secrétaire. Ils se sont rencontrés sur leur lieu de travail et vont fêter, l’année prochaine, leurs trente ans de mariage. Elle a deux grandes sœurs : Sarah est vétérinaire, mariée récemment à un expert en assurances du nom de Pierre et sa deuxième sœur, Sophie, est une vraie Desperate Housewife puisqu’elle s’occupe de ses deux merveilleux enfants qu’elle a eus avec son mari Éric qui travaille dans la publicité. On voit dans son regard qu’elle est très fière d’être la tante de ces deux enfants qu’elle nomme affectueusement « mes chenapans ». Elle nous apprend également qu’elle a un petit ami du nom de Marc qui a deux ans de plus qu’elle et qui est à Lille pour suivre ses études de médecine. À ce moment-là, une lueur de tristesse apparaît dans ses yeux. Zoé, qui jusqu’à présent était restée très calme, lui demande d’un air catastrophé :

— Comment peux-tu rester avec un mec aussi longtemps à ton âge alors que la vie nous offre plein de jolis spécimens au quotidien ? Et elle appuie ses propos en balayant la foule autour de nous d’un geste de la main.
— Tu ne comprends pas Zoé que depuis que je l’ai rencontré, plus aucun homme n’existe à mes yeux ?
— Quoi ? s’écrie Zoé en recrachant la bière qu’elle venait d’avaler ? Mais comment peux-tu dire ça ? Tu es jeune ! Nous sommes jeunes ! Nous devons vivre tout un tas d’expériences avant de nous caser définitivement avec le grand amour !
— Je pense que tu comprendras un jour ce que je veux dire, lui répond Samantha avec une voix pleine de sagesse.
— Ouais, ouais, ouais… C’est bien beau tout ça mais en attendant, vous allez faire comment pour avoir une relation intime ? Vous allez faire l’amour par téléphone ? Cela dit à notre époque c’est assez fréquent ce genre de chose. Cela me rappelle la fois où j’étais partie en camp de vacances en laissant mon petit ami de l’époque seul à Nice. Mais bon ça c’est une autre histoire que je vous raconterai un jour si vous êtes sages !

 

Samantha nous regarde à tour de rôle et en baissant la tête et nous avoue qu’ils n’ont encore jamais fait l’amour.

— Quoi ! s’exclame de nouveau Zoé en aspergeant notre pauvre table de sa bière. Cela fait deux ans que vous êtes ensemble, et tu n’as encore jamais joui avec lui ?

 

Nous nous précipitons sur elle pour l’empêcher de continuer de parler car dès qu’elle s’est écriée, bon nombre de nos voisins se sont retournés vers nous. Elle réussit cependant à se libérer et poursuit, mais cette fois-ci, sur un ton beaucoup plus bas.

— Mais comment cela peut-il être encore possible à notre époque ?
— Marc et moi avons décidé de prendre notre temps, de fonder notre relation sur des bases saines et solides qui ne sont pas parasitées par des pulsions, disons… sexuelles.
— Ah ça, pour prendre votre temps, vous le prenez ! Mais Sam, tu sais que la locomotive à vapeur a disparu pour laisser place au TGV ? lui dit Zoé.
— Quoi ? Je ne comprends rien à ce que tu dis !
— Ce que je veux dire, ma belle Sam, c’est qu’il faut vivre avec son temps et le progrès. Des personnes extraordinaires ont inventé la pilule ainsi que le préservatif et nous devons profiter pleinement de ces fabuleuses inventions ! Mais bon, si c’est votre trip, je peux faire l’effort de comprendre bien que je reste intimement persuadée que vous passez à côté de quelque chose de formidable ! Mais souviens-toi cependant de ce que je vais te dire : ce n’est pas parce que tu t’entends bien avec une personne au quotidien que cela veut dire que tu vas obligatoirement t’éclater au lit avec elle. Si ça se trouve, quand vous vous déciderez enfin à passer à l’acte, tu seras tellement déçue par sa prestation que tu te sentiras bien frustrée de ne pas avoir atteint la jouissance extrême ; celle qui te fait perdre pied à tel point que tu ne sais plus où tu es, ni même qui tu es et tu te diras bien tristement que tu as perdu quelques années de ta vie avec ce gars. Enfin, je dis ça mais je ne dis rien moi ! Après tout, c’est votre choix à tous les deux !
— Ne l’écoute pas Sam ! Moi, je trouve que vous avez tout à fait raison de prendre votre temps, dis-je en posant ma main sur la sienne pour la rassurer.
— Merci beaucoup, Julie, c’est très gentil de ta part.
— Oui, bon allez, Sam ! Même si cela m’énerve de te voir gâcher ta jeunesse comme cela et que cela me coûte de te le dire : j’accepte ton choix mais… mais cela ne veut pas dire que je le comprends et cautionne, loin de là. Oh mon dieu ! Plus on avance dans le temps et plus je me rends compte que je vais avoir beaucoup de travail à faire avec vous, se plaint Zoé tout en se prenant la tête entre ses deux mains et en affichant une expression digne des comédies dramatiques.

 

Sam et moi partons dans un énorme fou rire et Zoé nous dit qu’elle est heureuse de pouvoir nous faire rire autant après cette terrible conversation mais qu’elle ne perd pas espoir de faire changer Samantha d’avis. Cette dernière nous informe également qu’elle s’est inscrite en histoire de l’art dans le but par la suite de pouvoir suivre des études en architecture.

 

Une fois notre verre terminé, nous décidons d’aller manger et après une longue discussion animée, optons pour un restaurant mexicain dont je suis la seule à n’avoir jamais goûté à cette cuisine. Parfois, il faut savoir vivre dangereusement ! Au bout de quinze minutes de marche, nous arrêtons notre choix devant un restaurant du nom de « La Plaza de Santa Fe ». En entrant, je suis happée par l’atmosphère conviviale et chaleureuse qui y règne. À l’intérieur, tout est très coloré et une musique typique du Mexique s’échappe des baffes installées un peu partout sur les murs. Les serveurs sont vêtus de l’habit classique du pays et portent le célèbre sombrero. Sur certains murs sont accrochés des tentures à l’effigie du Mexique ainsi que plusieurs tableaux représentant des photos de lieux cultes de là-bas et des guirlandes toutes aussi colorées les unes que les autres. Un serveur qui semble avoir notre âge nous accompagne à une table située à l’étage car le bas est déjà complet. Une fois installées, il nous remet les cartes tout en précisant qu’il reviendra dans dix minutes pour prendre nos commandes. L’étage est aussi chaleureux que le rez-de-chaussée. Chaque table est habillée d’une nappe rouge sur laquelle trônent un lampion et un mini cactus.

 

J’ouvre la carte et reste dubitative quant aux différents plats que j’y lis. Zoé et Samantha, elles, ne savent pas du tout quoi prendre tellement il y a du choix et que tout leur fait envie. Comme promis, le serveur revient au bout de ces dix minutes qui m’ont donné l’impression de ne durer que quelques secondes car je n’ai toujours pas fait mon choix. Samantha choisit des papadzules tandis que Zoé opte pour des tacos. Le serveur me demande donc ce que j’ai choisi. Je lui réponds que je n’y connais vraiment rien, que c’est ma première fois et l’invite à me conseiller sur le choix à faire. Il me suggère des tanales en m’expliquant que ce sont des pains garnis de viande, de poissons, de légumes ou de fromage cuits dans des feuilles de bananier, de maïs. Me fiant donc à sa suggestion, je commande des tanales à base de légumes. Zoé décide qu’il faut également m’initier à l’alcool mexicain et commande donc trois verres de téquila straight.

 

Quelques minutes plus tard, le serveur revient avec nos verres qu’il dépose devant nous.

— Tenez mesdemoiselles. Voici vos commandes accompagnées de frijoles refritos pour vous faire patienter, gentiment offertes par la maison, nous annonce-t-il tout en me faisant un clin d’œil pas du tout discret.
— Euh, euh merci. C’est vraiment très gentil de votre part mais ce n’était pas nécessaire, je réponds en rougissant.
— Oh, ce n’est rien du tout et considérez cela comme un cadeau de bienvenue dans notre restaurant. Et qui sait ? Ce cadeau vous donnera peut-être envie de revenir chez nous ? Pour ma part, je serais ravi de vous compter à nouveau parmi nos clients et de pouvoir vous servir rien que pour le plaisir de mes yeux, ajoute-t-il en appuyant son regard sur moi. Bonne dégustation mesdemoiselles.
— Alors là ma vieille, à partir de maintenant, dès que j’irai au restaurant, tu viendras avec moi ! Je suis trop jalouse, on ne me l’a jamais faite celle-là ! s’exclame Zoé.
— Je suis également partante pour ce genre de plan. C’est dément ! rajoute Samantha.
— Bon allez les filles, on se calme. C’est juste un cadeau de bienvenue, rien de plus.
— Mais bien sûr. Le superbe clin d’œil pas du tout discret et le regard de braise, ça aussi c’était un cadeau de bienvenue ? demande Zoé. Il semblerait que notre Julie ait tapé dans l’œil de notre serveur. Tu ne crois pas que cela fait beaucoup pour toi, toute seule ?
— Quoi ? Qu’est-ce que tu racontes ?
— Bah oui. Il y a d’abord eu ce bel apollon avec qui nous t’avons surprise en grande conversation et maintenant, ce gentil serveur avec des fesses bien musclées soit dit en passant.
— Zoé, tu racontes n’importe quoi ! Pour tout à l’heure, je te rappelle que cet « apollon », comme tu aimes si bien l’appeler apparemment, m’a percutée violemment et il voulait juste s’assurer que j’allais bien. Quant au serveur, c’est juste par gentillesse et rien de plus. Je suis sûre qu’ils font cela pour tous les nouveaux clients, histoire qu’ils reviennent.
— Ouais, ouais… En tout cas, je vais finir par être jalouse de toi si tu les attires tous comme ça ! Ceci étant, ce n’est peut-être pas plus mal car qui sait, ils ont peut-être des copains aussi mignons qu’eux.
— Zoé, tu es vraiment incorrigible ! lui dit Samantha. Allez, les filles, levons notre verre en l’honneur de ces frijoles.

 

J’avale une gorgée de notre boisson et me mets à tousser violemment tellement je sens l’alcool me brûler la gorge ce qui a le don de faire rire mes deux amies.

— Oh, oh, je crois que notre Julie n’a pas l’habitude de boire ce genre de chose, dit Samantha tout en riant joyeusement.

 

En attendant notre plat, nous discutons de la faculté, de ce qui nous attend dans une semaine lorsque les cours démarreront. Notre serveur nous apporte nos assiettes et grâce à Zoé, nous apprenons qu’il s’appelle Mathieu.

— Allez, Julie ! Zoé et moi avons parlé de nous. À ton tour maintenant de nous en dire un peu plus sur toi.
— Oh, il n’y a pas grand-chose à dire.
— Permets-nous d’en douter un peu ma vieille avec tout ce qui t’est arrivé aujourd’hui ! me dit Zoé la bouche pleine.
— Ok, ok. Jusqu’à présent, j’ai vécu avec mes parents et mon frère, Julien que vous avez rencontré cet après-midi. Mon père est responsable de production dans une entreprise automobile et ma mère est assistante sociale. C’est d’elle dont me vient mon envie d’aider les enfants en difficulté. Julien est mon frère jumeau.
— Ah ça, pas besoin de le dire ! On ne peut que le remarquer !
— Qu’est-ce que tu racontes, Zoé ? On est complètement à l’opposé, physiquement, lui et moi. Et je ne parle même pas du caractère.
— Tu rigoles, ton frère est aussi canon que toi ! La seule différence qu’il y a entre lui et toi, c’est qu’il est blond et toi brune.
— Tu racontes n’importe quoi ! Bon bref ! Mes années au lycée, on peut les qualifier d’enfer car je n’avais pas vraiment d’amis. Les seules personnes que je côtoyais étaient celles de mon club d’échecs.
— Bah, pourtant quand on te regarde, on a du mal à se l’imaginer. J’aurais plutôt parié que tu étais du côté des « populaires » ? s’étonne Samantha.
— Oh, oh… Attendez une minute ! Avec tout ce que tu nous racontes, moi je comprends surtout que tu n’as jamais eu de petit ami ! C’est ça Julie ?

 

Je baisse la tête car je n’ose affronter leurs regards.

— Eh, me dit doucement Samantha. Tu n’as pas à en rougir ou à en avoir honte. Ce n’est pas un drame contrairement à ce que pourrait dire notre chère amie Zoé ici présente. N’est-ce pas Zoé ?

— Hein ? Quoi ? Pas un drame ! Mais comment on peut avoir vécu dix-huit ans sans ça ? Que faisais-tu de tes soirées, ma vieille ? Du bénévolat ? Du baby-sitting ? Tu donnais des cours de soutien scolaire ?

 

En voyant mon visage, Zoé comprend qu’elle a visé juste.

— Oh, ce n’est pas vrai les filles ! Je vais avoir toute une éducation à faire avec vous ! Cela dit, c’est très excitant. Il va falloir que je vous fasse un programme personnalisé à chacune. L’élaboration de vos programmes respectifs devrait me prendre pas mal de temps mais je pense pouvoir m’en sortir. Oh, comme j’ai hâte de me mettre au travail avec vous !
— Zoé ! m’exclamé-je, en même temps que Samantha.
— Bon d’accord, je vous laisse tranquilles pour l’instant mais ce n’est que partie remise. Je t’en prie Julie, continue. J’ai hâte de connaître la suite. Mais dis-moi, tu as déjà embrassé quelqu’un au moins ?
— Oui, une fois.
— Oh, alléluia ! On ne va pas partir de zéro ! Tu as aimé ça au moins ?
— Hum, hum, je réponds en secouant la tête de gauche à droite. C’était une personne de mon club d’échecs et quand il a introduit sa langue dans ma bouche, je n’avais qu’une seule envie : rentrer très vite chez moi pour me brosser les dents et c’est d’ailleurs ce que j’ai fait. Après cela, je n’ai jamais plus voulu renouveler l’expérience.
— Ok, on va dire tout simplement que tu n’es pas tombée sur la bonne personne et on va faire en sorte de te faire changer d’avis. N’est-ce pas Sam ?
— Sur ce coup-là, je suis partante !
— On se calme les filles ! Si ça se trouve, tout ça, ce n’est tout simplement pas pour moi. Peut-être que je ne suis pas normale après tout.
— N’importe quoi ! répondent en chœur Zoé et Samantha.
— Et cet Alex qui accompagnait ton frère, tu peux nous en dire plus ? m’interroge Sam.
— Oh lui, dis-je dans un soupir rêveur.
— Ah là, on tient quelque chose de croustillant, Sam, dit Zoé en se frottant les mains.
— Non, il n’y a absolument rien à dire ! je réponds en m’emportant. Pour Alex, je suis tout simplement Jules, la grande sœur de Julien. Il ne me voit pas. J’ai l’impression que je n’existe pas pour lui.
— Et pourtant, tu aimerais bien que cela soit différent ? demande Samantha avec une voix chargée de compréhension.
— Oh que oui mais je sais que c’est complètement impossible !
— Quoi ? Qu’est-ce que j’entends ? J’ai bien entendu le mot « impossible » ? Jules, dis-toi bien que ce mot ne fait pas partie de mon vocabulaire. Sam et moi allons tout mettre en œuvre pour changer cela. De toute façon, cela ne devrait pas être bien compliqué étant donné la manière dont il te regardait…
— Allez, c’est bon, arrête, s’il te plaît.
— Mais non, je te jure que c’est vrai ! Sam, dis-lui toi aussi !
— Je déteste dire ce genre de chose mais là, elle n’a pas tort Jules, confirme Samantha.
— Bon maintenant que tout doute est écarté, il va nous falloir réfléchir à un plan d’action pour que cet Alex ose franchir le pas. Mais avant d’entamer quoi que ce soit avec lui, il va falloir que tu t’entraînes un peu et j’ai déjà ma petite idée là-dessus, dit Zoé tout en mettant un doigt devant sa bouche.
— Laissez tomber les filles, ça ne sert à rien tout cela. De plus, je n’ai pas du tout le temps pour ça car entre mes études et le travail que je vais trouver, j’aurai très peu de temps pour les distractions.
— Tu vas travailler ? Mais où ? me demande Samantha.
— Je ne sais pas encore. Mais oui, il va falloir que je travaille car deux enfants aux études, pour mes parents, c’est un peu lourd à gérer et de toute façon, depuis que je suis en âge, j’ai toujours eu l’habitude de travailler.
— T’inquiète, on le trouvera ce temps pour séduire ton beau gosse, me dit Zoé.

 

Une fois le repas terminé, nous payons notre addition et laisse un pourboire au serveur. Après avoir fait quelques mètres, on entend quelqu’un courir derrière nous et crier :

— Eh ! Attends !

 

Nous nous retournons et voyons notre serveur s’arrêter à bout de souffle devant nous.

— Je voulais juste te donner mon numéro de téléphone. Si jamais tu as envie que je te fasse visiter un peu la ville, n’hésite surtout pas à m’appeler. Je serais ravi de te servir de guide et peut-être qu’après, je pourrais t’inviter à dîner.
— Oh, merci beaucoup mais je ne pense pas…

 

Je suis brutalement interrompue par Zoé qui se précipite pour prendre le morceau de papier qu’il me tend.

— C’est très sympa de ta part et nous ne manquerons pas de t’appeler. Enfin, Jules surtout, dès qu’elle le pourra !
— Ok. Bon bah Jules, c’était vraiment sympa de te rencontrer. Appelle-moi surtout !
— Bonne soirée à toi, Mathieu, je réussis juste à articuler.

 

Nous reprenons notre route et je dois admettre que je suis un peu chamboulée par ce qui vient de se passer.

— Et voilà ! Qu’est-ce que je disais ? On ne va vraiment pas s’ennuyer avec toi, Jules. Et ce numéro de téléphone tombe à pic. Je vais pouvoir l’intégrer à mon plan que j’ai intitulé « Sauvons Jules » !
— Bon courage, me dit Samantha en me frottant le dos. Je suis de tout cœur avec toi.
— Oh mais ma jolie Sam, je ne t’oublie pas pour autant. Te concernant, j’ai intitulé mon plan d’action « En route vers la jouissance ».
— Oh non pas ça ! s’exclame Samantha.

 

Et nous partons toutes les trois dans un grand éclat de rire. Sur le chemin du retour, j’en profite enfin pour appeler mes parents. Ma mère me dit qu’elle était très inquiète de ne pas avoir eu de mes nouvelles plus tôt. Je m’excuse auprès d’elle en lui expliquant que mon installation m’a pris beaucoup de temps. Elle me demande comment est le campus, ma chambre ainsi que les personnes avec qui je la partage. Je réponds à toutes ces questions de manière positive et enthousiaste. Je lui dis de ne pas s’inquiéter pour moi. Elle me demande ensuite si j’ai des nouvelles de mon frère car il ne l’a pas encore appelée. Mais elle comme moi, nous nous doutons bien qu’elle ne fait pas partie de ses priorités. Je raccroche en lui promettant de la rappeler très prochainement, en lui demandant d’embrasser mon père et en lui disant que je l’aime ainsi que papa.

 

Nous arrivons dans notre chambre et nous nous affalons lamentablement sur notre lit, fatiguées par cette folle journée. Au bout de quelques minutes, nous nous extirpons péniblement de notre lit en rassemblant le peu de force qu’il nous reste pour nous préparer à aller dormir. Au bout de vingt minutes, nous sommes prêtes à rejoindre les doux bras de Morphée.

 

 

 

 

 

Gênes, échecs et essai

 

 

 

Le lendemain matin, je me réveille l’esprit encore embrumé par tous ces rêves étranges que j’ai pu faire. Je décide de ne pas me laisser perturber par tout cela et de rester concentrée sur mon objectif du jour ; à savoir trouver un travail. Je me lève donc rapidement afin de pouvoir prendre ma douche avant Sam et Zoé qui dorment encore profondément. Je saute dans la douche et établis mon programme de guerrière tout en chantant du Patrick Fiori ; chanteur que je ne cesse d’écouter au grand damne de mes parents et de mon frère. Je ne loupe aucun de ses concerts lorsqu’il passe dans notre région et possède tous ses albums. Bref, vous l’aurez compris, je suis une vraie fan et je l’assume pleinement. D’ailleurs pour mes dix-sept ans, mes parents m’ont offert un t-shirt où il est écrit « Pas besoin de thérapie, j’écoute Patrick Fiori ! ». J’étais folle de joie lorsque j’ai ouvert mon paquet et je l’ai même emmené avec moi dans mes valises.

 

Une fois sortie de la douche, j’enfile une jupe courte noire mais pas trop, en toile légère, accompagnée d’un chemisier blanc à manches courtes non transparent. Bref, tout ce qu’il faut pour trouver un travail : classique, sobre, professionnel. J’essaie de dompter mes cheveux avec un chignon dont je laisse échapper quelques mèches. Je me regarde une dernière fois dans le miroir. Pas besoin de maquillage, cela fera très bien l’affaire. Surtout, rester naturelle. Enfin prête, je sors de la salle de bain et me retrouve nez à nez avec Sam qui me salue d’un air encore endormi. Zoé a mis son oreiller sur la tête et nous grogne dessus :

— Bon sang, les filles ! On est encore en vacances, je vous rappelle. Vous êtes malades toutes les deux de vous lever aussi tôt !
— T’inquiète, Zoé, tu peux encore dormir. Moi, je vais arpenter les rues pour me trouver un petit boulot.

 

C’est à ce moment-là que Sam sort de la salle de bain comme une furie pour nous dire qu’il est hors de question que je parte sans prendre un petit déjeuner et que cela est non négociable. Elle précise bien que nous allons le prendre toutes les trois et sur ces paroles, se renferme aussitôt.

— Ma pauvre Zoé, tu peux dire au revoir à ta grasse matinée ! Tu n’as plus qu’à te lever maintenant car Madame la Chef a parlé.
— C’est bon, je me lève. De toute façon avec tout ce bruit que vous faites, je vais être incapable de me rendormir. Dis-moi Jules, je voulais juste m’assurer d’un truc. C’était bien du Fiori que tu chantais sous ta douche ?
— Oui, pourquoi ?
— Oh mince, même ta culture musicale est à refaire !
— Là, ma vieille, impossible car je suis The Fan. Mais t’inquiète, je suis sûre que toi aussi tu finiras par l’être !
— Ouais, c’est ça ! Quand les poules auront des dents.
— Si j’étais toi, je ne parierais pas là-dessus !

 

Samantha sort de la salle de bain maquillée, habillée, coiffée et invite, de manière autoritaire, Zoé à prendre le relais. Cette dernière traîne des pieds et bougonne. Avant de claquer la porte, elle nous traite de malades ainsi que de tortionnaires sans cœur. Pendant qu’elle se prépare, j’ai le temps d’établir mon planning. Je liste dans un premier temps tous les magasins de vente en prêt-à-porter dans un périmètre de quinze à vingt minutes à pied autour de la fac. N’ayant pas de voiture, car Julien ne me prêtera jamais la sienne, cela limite mon périmètre d’action. Puis, je liste les boulangeries-pâtisseries et enfin, les salons de thé en me disant que de toute façon, je n’aurai pas besoin d’utiliser cette longue liste. Je range mes CV dans une pochette et suis fin prête pour ma recherche.

 

Zoé, enfin habillée, nous prenons la direction du restaurant universitaire pour prendre notre petit déjeuner. Il y a déjà pas mal d’étudiants attablés. Je prends un café au lait, un croissant et un verre de jus d’orange et là, je vois Samantha me regarder d’un air désapprobateur :

— Et tu comptes tenir la matinée avec uniquement cela dans le ventre avec tout ce programme que tu t’es préparé ?
— Allez Maman Sam, c’est bon, laisse-la tranquille !
— Et toi, tu ne prends qu’un yaourt ?
— Ben quoi ? Moi, je n’ai pas de marathon à faire aujourd’hui, se défend Zoé.
— Non mais ça ne va pas toutes les deux ! Vos parents ne vous ont jamais appris que le petit déjeuner est le repas le plus important de la journée ?

 

Zoé et moi nous la regardons en haussant les épaules.

— Oh mais ce n’est pas vrai ! Là-dessus, ça va être à moi de faire votre éducation et on ne râle pas s’il vous plaît. Si toi, Zoé, tu veux faire notre éducation, disons… sentimentale, je peux bien me permettre de faire votre éducation « alimentaire ».

 

Zoé, dont le cerveau fonctionne déjà à cent à l’heure, s’écrie :

— Youpi ! Cela veut dire que tu acceptes que je fasse ton éducation et je parlerais plutôt d’éducation sexuelle !
— Chut Zoé. Tu peux parler un peu moins fort s’il te plaît ? nous nous écrions ensemble, Samantha et moi.
— Bah quoi ? Je ne parle que de choses banales pour des filles de notre âge !

 

Quelques secondes plus tard, Sam a ajouté sur mon plateau un yaourt, quelques céréales et du fromage. Quoi ? Du fromage ! Mais quelle horreur ! Comment peut-elle m’imposer cela ? Zoé éclate de rire en voyant ma tête mais s’arrête très vite lorsque Sam lui met à son tour un verre de jus d’orange, des céréales, du fromage et un verre de lait.

— Voilà, mesdames, nous dit-elle fièrement. Nous allons pouvoir maintenant nous installer et déjeuner copieusement avant d’attaquer cette belle journée.

 

Nous nous installons à une table et commençons à manger. J’ai à peine touché à mon plateau que je me demande déjà comment je vais pouvoir faire pour manger tout cela et en voyant la tête de Zoé, je parie qu’elle pense la même chose que moi.

— Les filles ! Juste un petit conseil : mélangez vos céréales dans votre yaourt, ajoute Samantha.

 

Nous la regardons en la fusillant du regard tandis qu’elle éclate de rire face à nos regards meurtriers.

— Toi, ma vieille, tu ne perds rien pour attendre. Je te jure que je me vengerai, la menace dangereusement Zoé avec sa petite cuillère.

 

Pendant que nous poursuivons notre repas dans la bonne humeur, je sens une main se poser sur mon épaule.

— Tiens ! Mais c’est notre petite Jules qui est là !

Pas besoin de me retourner. Au son de la voix, je reconnais mon frère. Je sens en même temps près de lui, un parfum que je reconnaîtrais parmi tant d’autres ; celui d’Alex. Et là, croyez-le ou non mais toute la belle assurance que j’ai pu accumuler depuis mon réveil disparaît en l’espace de quelques secondes rien qu’en respirant ce parfum. Mes mains deviennent moites et je n’ose plus regarder les filles après tout ce que je leur ai dit hier soir. Zoé qui se rend compte très rapidement de mon malaise se met alors à parler :

— Eh salut les gars ! Vous vous souvenez de nous ? Moi, c’est Zoé et le bourreau assis en face de moi, c’est Sam.
— Oh, c’est bon ! Je ne suis pas un bourreau quand même ! Jules, dis quelque chose s’il te plaît !
— Là, je vous laisse régler ça entre vous les filles, dis-je en levant les mains en l’air.

 

En fait, on peut vraiment compter sur Zoé pour détendre l’atmosphère et mettre de l’animation. Je ne peux que la remercier de me sortir de ce malaise. Note à moi-même : lui apporter une pâtisserie à mon retour.

— Je vois que vous vous amusez bien toutes les trois, dit Julien.
— Oui, comme tu peux le constater, on s’éclate comme des folles devant ce petit déjeuner gargantuesque que nous a préparé Maman Sam.
— C’est bon, lâche-moi un peu ! Tu ne comprends pas que si je fais tout cela, c’est pour votre bien ?
— Oui bah maman Sam, tu auras intérêt, lorsque ce sera ton tour, d’accepter de faire tout ce que je te dis car comme tu l’as si bien dit, « ce ne sera que pour ton bien », si tu vois ce que je veux dire ! dit-elle en sourcillant.

 

Inutile d’en dire plus. En un regard, nous nous sommes comprises et partons dans un énorme fou rire. Les gars, restés à côté de nous, nous regardent abasourdis, ne comprenant rien à notre conversation et à notre soudain éclat de rire.

— Eh bien, quelle ambiance ce matin ! lâche Alex.
— Mais, je vous en prie, Messieurs, joignez-vous à nous. Notre petit déjeuner n’en sera que plus agréable, leur dit Zoé en appuyant son regard sur Julien.
— Ok, répond ce dernier qui s’empare en même temps d’une chaise pour s’installer face à Zoé.
—