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Des envahisseurs qui vous obligent à ingurgiter des dizaines de faux cafés, qui vous enfoncent dans la bouche des aliments de plastique à longueur de journée et vous « scalpent » le cuir chevelu en voulant vous coiffer… Seules les assistantes maternelles peuvent s’y habituer. Mais à propos, savez-vous ce qu’il se passe derrière leur porte ? Dans un récit truffé d’anecdotes, l’une d’entre elles raconte son quotidien auprès d’enfants et dévoile les comportements surprenants de leurs parents, rendant un tendre hommage à la petite enfance et à sa spontanéité.
À PROPOS DE L'AUTRICE
En 2012,
Sylvie Conte nourrit le projet de rendre hommage à la petite enfance et se donne dix ans pour écrire un ouvrage. Pendant ce temps, elle s’immerge dans leur univers et fournit d’anecdotes ses « carnets magiques ». Cette période à présent achevée, elle choisit de partager ce trésor avec vous.
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Sylvie Conte
Et ça recommence demain
© Lys Bleu Éditions – Sylvie Conte
ISBN : 979-10-422-4428-6
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
À Christelle, qui m’a confié son trésor les yeux fermés
et n’aura pu le voir grandir que depuis les étoiles.
Aux enfants, que j’aime tant.
J’avais huit ans lorsqu’il a croisé mon chemin. Autant dire qu’il a changé le cours de ma vie.
C’était une belle journée d’hiver. Il portait un pull rouge magenta et marchait dans une flaque d’eau. Il se trouvait sur une page de couverture de livre et moi, dans le coin bibliothèque de ma classe, dans ma petite école de village, au centre de la Belgique.
Les belles rencontres de notre vie, on ne les oublie pas. Pour ma part, surtout pas celle-là.
Ma rencontre avec Le petit Nicolas avait éveillé en moi une passion pour la lecture, l’écriture et surtout, pour les mots d’enfants.
Un jour, je suis devenue maman. Ce sont mes enfants qui, au cours de leurs premières années de vie, ont contribué à me permettre de remplir des tonnes de pages d’anecdotes rigolotes. Manon, mon p’tit bouchon à la chevelure bouclée abondante et aux grands yeux marron, ronds comme des billes, Louis, petit bonhomme plein de vie et d’entrain, étaient si drôles que, chaque jour ou presque, je me surprenais à courir à travers la maison à la recherche d’un stylo et de papier, car je tenais à graver à jamais leurs précieuses paroles d’enfants dans ma mémoire.
Bien plus tard alors que petite fille, j’avais tant aimé rêver à travers les livres, dans ma petite école du centre de la Belgique, je suis devenue assistante maternelle et j’ai continué à remplir mes carnets magiques de drôles d’anecdotes. Vivre entourée d’enfants, n’était-ce pas le meilleur moyen de nourrir cette passion pour leur spontanéité, leur sincérité et leur générosité ?
Aujourd’hui, le moment est venu pour moi de prendre la liberté de partager ce que renferment ces carnets magiques, sans nulle autre intention que de mettre à l’honneur les enfants et rendre hommage à une profession honorable, celle d’assistante maternelle.
Voilà. Telle est la raison d’être de ce récit-témoignage.
Avant de s’immerger dans le monde de la Petite Enfance, je tiens à préciser, d’une part, que les surnoms utilisés dans cet écrit ont pour unique vocation de faciliter la lecture et d’aider à mieux se représenter chacun des enfants cités et, d’autre part, qu’absolument aucune des paroles d’enfants qui s’y trouvent rapportées, n’a été le fruit de l’imagination.
Lundi
7 h 31 : ma porte s’ouvre sur Matis et son papa. Matis, c’est Croc blanc : Croc car il mord dangereusement et salive beaucoup, et blanc car son teint et ses cheveux sont aussi pâles qu’une boule de neige. Croc blanc porte tout à la bouche, même les escargots vivants. Moi, je lui rappelle souvent qu’un escargot ne se mange pas. Enfin si, mais pas comme ça.
À peine arrivé, il se dirige vers le placard qui contient les jouets. Papa l’embrasse avant de nous quitter. Aucune marque d’inquiétude n’apparaît sur le visage de Croc blanc, pas sur le sien en tout cas : alors qu’il se retourne à peine pour rendre à papa l’au revoir que celui-ci lui adresse, ce dernier semble soudainement cloué au sol, comme prisonnier de ses chaussures dont une glu super puissante semble en avoir recouvert les semelles et immobilisé celles-ci dans mon entrée.
Papa ne part pas. Chez les assistantes maternelles, il y a toujours un parent dont les semelles se couvrent instantanément de glu, une glu spéciale qui agit dès lors qu’elle entre au contact du lieu d’accueil.
Réalisant que Croc blanc poursuit ses occupations, papa tente le tout pour le tout, entame un combat, usant de stratagèmes qui semblent inconscients, espérant créer le besoin chez son enfant. Il l’interpelle à trois reprises, les pieds toujours couverts de cette glu magique :
— Maaatiiisss ?! Je m’en vais ! Je ne reviens que ce soiiiiir, Matis !
Alors, un sentiment d’insécurité envahit Croc blanc qui finit par répondre à la demande de papa et pivote dans sa direction tout en geignant, au grand soulagement de papa d’ailleurs qui, lui, semble enfin a-pai-sé.
Résultat des courses : papa finit par s’en aller et la porte se referme sur un enfant qui pleure à chaudes larmes.
Chez les assistantes maternelles, il existe une multitude de types de parents aux semelles engluées, notamment celui qui pratique les « deux bisous de près, deux signes de loin », tels des rituels de réassurance sous forme de TOC. Et si par malheur l’enfant trouve occupation avant d’avoir adressé le dernier des signes à maman ou papa, plus rien ne va et l’accueil du « parent TOC » se prolonge encore. Il finit par obstruer totalement l’espace dédié aux parents qui eux, s’amassent en file indienne devant la porte d’entrée, tels des clients rongés d’impatience à la caisse du supermarché.
Je tiens à préciser que le parent « deux bisous de près, deux signes de loin », à qui l’enfant devait répondre sous peine d’embouteillage devant ma porte d’entrée, existe vraiment, et que je l’ai repéré.
Quant à Croc blanc, son pleur étant destiné à papa, il s’interrompt comme par magie aussitôt la porte d’entrée refermée.
— Bonjour Lili ! Mais qu’est-ce que tu es belle ce matin, avec ton collier de perles !
Lili s’attarde sur le pas de porte, prenant le temps d’effectuer un scan complet de la pièce, avant d’éternuer.
Lili, c'est Bulle, en raison de sa douceur et de son air distrait. Au parc elle se fiche bien de sourire pour la photo de groupe : elle est trop occupée à observer ce petit oiseau qui chante sur la branche ou le camion toupie qui passe dans la rue…
Bulle est très attachée à certains objets. Elle aime son collier de grosses perles colorées qui l’accompagne chaque matin, ainsi que sa souris, Mimi, dont elle mâchouille les bras pour s’endormir.
Bulle a pour habitude d'inverser certaines lettres et syllabes : elle n’aime boire l’eau que lorsque celle-ci est faîrche. Enfin, elle aime les animaux, bien qu’il y ait quelquefois des ratés dans sa façon de les imiter :
— Bravo Lili ! Tu imites très bien la vache, mais ce que tu me montres là, c’est une otarie !
Sa maman semble sereine à l’idée de me confier sa petite fille. À ma plus grande joie d’ailleurs, car deux paires de semelles recouvertes de glu auraient été de trop pour cette année.
Après le départ de maman, Croc blanc s’introduit en catimini dans la salle de bains et tombe dans la panière à linge. Le voilà jambes tendues et fesses encastrées dans ledit panier. On dirait un Bernard l’Hermite coincé dans sa coquille. Croc blanc, en rien incommodé par cette position quelque peu inconfortable et depuis sa panière, continue à mâchouiller le bras de Monsieur Patate.
8 h 20. C’est Jeanne qui arrive à son tour, avec maman.
Souvent, Jeanne arrive la tête en pétard et les cheveux ébouriffés, excepté lorsque c’est papa qui la conduit le matin car papa pense toujours à lui coiffer en quatrième vitesse deux ou trois couettes, réparties de façon peu harmonieuse sur sa tête. Alors, la tête de Jeanne me fait penser à une île de palmiers. C’est pourquoi je l’ai surnommée Palmito.
Ce matin, Palmito s’accroche à maman et refuse de passer le pas de porte. À court d’arguments, je finis par prononcer le mot magique : peinture. Elle se jette alors sur l’armoire pour y attraper le nécessaire de peinture.
— Tchhh! Bulle éternue.
De grosses chandelles jaunâtres, tout droit éjectées de ses narines, éclaboussent le visage de Palmito. Bulle souffle dans le mouchoir à l’instant même où Croc blanc, toujours dans la salle de bains, parvient à s’extirper du panier. Tous les quatre, nous accueillons Julien :
— Bonjour mon p’tit bonhomme ! Comment ça va aujourd’hui ? Et quel joli pyjama tu portes ce matin !
Julien, avec son pyjama rayé, on dirait un Dalton. Sa maman se dirige vers le salon pour l’installer, tout en douceur, sur le canapé. C’est tellement différent avec papa qui, souvent très en retard, a pour habitude de se jeter littéralement sur le canapé pour y déposer Julien :
— Bon… Je vous amène Julien en vrac ! s’écrie-t-il toujours, avant de s’enfuir en courant.
— Tchhh! J’aide à nouveau Bulle à se moucher.
C’est bien connu, les enfants font preuve d’une générosité sans limite, particulièrement lorsqu’il est question de microbes. C’est pourquoi les assistantes maternelles se méfient toujours de l’enfant qui s’approche d’elles, particulièrement durant la période automne-hiver, car c’est inévitablement au moment où l’enfant se trouvera à proximité, qu’il éternuera, les enfants n’éternuant jamais à distance de l’adulte – probablement encore un complot machiavélique orchestré par nos enfants et l’industrie pharmaceutique.
Traînant sa souris, Bulle se jette sur Julien pour l’embrasser et lui tend un Lego. Bulle ne sait pas qu’un Lego seul ne suffit pas pour jouer aux Lego, mais elle semble si contente de le lui apporter. Croc blanc quant à lui, se tient en retrait et observe la scène. Il serre de sa petite main blanche, la télécommande dégoulinante de salive qu’il vient tout juste de subtiliser dans un tiroir et qu’il a visiblement eu le temps de déguster.
Au moment de partir et comme à son habitude, la maman de Julien pense à lui souhaiter une belle journée mon petit soleil !
Julien porte de jolies lunettes bleues et rondes, qui lui vont si bien. On dirait Carl, le papy du film d’animation Là-haut, mais en plus jeune et avec la tête ronde.
Moi, je l’ai surnommé Cuistolot, un condensé de cuistot parce qu'il apprécie les temps de repas autant que de simuler ceux-ci à l’aide d’éléments de dînette, et intello car ses petites lunettes lui confèrent un air intellectuel.
Me voilà désormais seule avec les enfants : Palmito déplace péniblement sa caisse de peinture, Bulle traîne sa souris ainsi qu’un gros pinceau, Cuistolot serre précieusement au creux de sa main un morceau de pain qui s’émiette, littéralement écrasé entre pouce et index. Enfin, Croc blanc qui semble avoir troqué l’autre morceau du pain de Cuistolot contre un sourire révélant ses jolies dents acérées, attend, la bouche pleine, que quelque chose se passe.
Chose promise, chose due : il est à peine 8 h 35 lorsque démarre l’activité peinture. Tous trois sont attablés, enjoués à l’idée de patauger dans la substance gluante. Croc blanc quant à lui, est resté à côté de la petite cuisinière, tête à demi enfoncée dans l’un des placards. Il semble avoir repéré une faille dans le montage du petit meuble : un boulon mal vissé qu’il tente d’extraire de la porte du four.
Après l’avoir installé à table, je distribue à chacun une feuille de papier carton sur laquelle je dessine à la hâte une grosse grenouille.
— Oh ! Guuue! s’exclame Bulle, ravie d’apercevoir une grenouille sur la feuille que je lui tends.
Alors que les filles entament leur réalisation, Cuistolot dont l’intérieur des narines est couvert de peinture verte, observe Croc blanc qui chouine. Croc blanc s’adresse au bureau des plaintes – le bureau des plaintes, c’est moi – et réclame son biberon.
Dix minutes plus tard, l’activité touche à sa fin et je récupère les œuvres d’art pour les faire sécher : Bulle est fière de me montrer sa jolie guuue, tandis que Palmito a utilisé tant de peinture que sa grenouille est désormais trouée. Celle de Croc blanc, sans surprise, est chiffonnée et dégoulinante de lait. Quant à la feuille de Cuistolot, elle est entièrement couverte de peinture verte sur laquelle plus aucune grenouille n’apparaît.
Il est 8 h 50 lorsque j’entame le nettoyage – des enfants, de la table, du sol et des pinceaux. Je suis en nage et rêve d'une pause. Mais déjà j’aperçois quatre paires d’yeux qui m’observent : les enfants m’attendent, leur sélection personnelle de livres à la main.
Durant la matinée, Palmito et Bulle se partagent gentiment les éléments de dînette. Palmito enfourne son plat en prenant soin de ne pas se brûler :
— Chè chaud nounou ! me dit-elle.
Quant à Bulle, très concentrée, elle touille étrangement le contenu de sa marmite, dans laquelle mijote sa souris.
Vers 11 h, nous nous rendons au jardin. Vêtir quatre enfants en période hivernale nécessite une vingtaine de minutes de préparation, à condition qu’aucun incident ne vienne prolonger ce moment d’habillage sportif : la plupart du temps, une fois l’habillage des enfants terminé, et seulement à ce moment précis, une odeur suspecte émane de l’une des couches emmitouflées dans les combis. Cela implique l’urgence d’un déshabillage intégral du « coupable » et engendre un grand sentiment de solitude pour l’assistante maternelle, tandis que les autres enfants s’impatientent dans leur combinaison, tels des cosmonautes nains en attente de pouvoir quitter leur station spatiale pour aller fouler le sol d’une planète inconnue. Heureusement pour moi, nous sommes au printemps et des combis, les enfants n’en portent pas aujourd’hui.
C’est en observant les enfants s’amuser avec les quelques escargots collés au mur, que me vient une idée : lorsque nous entendons une chanson, celle-ci nous trotte dans la tête et de façon inconsciente, nous la chantons ou la musons. Qu’en est-il donc pour les enfants ?
Au hasard, je jette mon dévolu sur cette œuvre de Léonard Cohen, et me mets à chanter en boucle, le mot unique de son refrain :
— Alleluuuyaaah… Alleluuuyaaah…attendant de voir si l’un ou l’autre se mettra à la chanter à sa sauce. Mais rien de tout cela ne se produit.
Après avoir récupéré une pâquerette dont la tige dépassait de la bouche de Cuistolot, je rassemble mon troupeau et nous rentrons, car il me faut encore cuire les épinards de Palmito, de qui la maman a évoqué ce matin, un inconfort intestinal de type « constipant ».
Le temps du midi est souvent vécu par les assistantes maternelles comme un moment sportif, celui qui, sans aucun doute, après les sorties extérieures, requiert le plus d’organisation.
À peine dévêtue et après avoir débarrassé les enfants de leurs vêtements, je m’affaire en cuisine et termine la cuisson des épinards, tâche pour le moins difficile car il me faut évoluer dans un espace encombré. Les enfants, affamés, tiennent à l’exprimer à leur manière : Bulle, tout en rêvassant, opte pour la solution j’installe ma petite chaise devant la cuisinière et j’attends que mon assiette apparaisse. Palmito, plutôt discrète, se contente de me rappeler à intervalles réguliers que J’aaa faim. Croc blanc se colle aux meubles dans l’espoir qu’un aliment finira par tomber du ciel. Quant à Cuistolot, il se poste juste derrière moi et me tape dans les jambes, en continu, de toute la force de ses petits bras.
Tout en touillant les épinards, j'observe les enfants et les imagine en mouches, de grosses mouches rôdant autour d'un caca. Si les enfants sont les mouches, le caca en l'occurrence, aucun doute, c'est bien moi !
Bulle tente d’enfiler le bavoir rose qui finit par se retrouver sur sa tête, cordons pendouillant vers l’avant et l’arrière.
Une fois mes invités parés de leur bavoir, tels des sapins parés de leurs guirlandes, nous passons à la salle de bains pour le lavage des mains. Les filles se disputent la première place, craignant peut-être d’arriver trop tard pour le moment de délivrance – celui où l’assiette atterrira sur la table –, tandis que Croc blanc, l’opportuniste, préfère s’essayer à des tentatives d’exploration secrète de la cuvette des toilettes. Cuistolot, lui, a pris le temps de sortir de l’armoire sept rouleaux de papier toilette et d’ériger une jolie tour, bien que bancale. Jeanne, une fois les mains propres, patiente et se regarde dans le miroir.
Concernant les miroirs justement : le soir, après leur journée de travail déjà bien remplie, les assistantes maternelles effectuent des heures « bonus » consacrées au rangement et au nettoyage des pièces d’accueil. Une fois ces tâches terminées, elles pensent toujours aux miroirs : si les enfants aiment s’y contempler, elles savent que leur utilité principale consiste à être léchés.
Une fois les assiettes servies, vient enfin le moment tant attendu : le calme plat.
— Mmmmh bon ! répète en boucle Bulle qui semble se régaler. Bulle me rappelle Valentin, son aîné. L’an dernier, Valentin se régalait tant, aux heures de repas, qu’il en allongeait une succession de Mmmmmh, tel un moine en pleine méditation bouddhique. C’est pourquoi je l’avais surnommé le moine bouddhiste.
Palmito mange tranquillement sa purée de potimarron, son poulet et ses épinards, à distance de la table et ne s’aperçoit pas qu’au moins un tiers des aliments tombe sur le sol. Croc blanc s’intéresse davantage à l’assiette de son voisin et semble préférer picorer celle-ci. Quant à Cuistolot, il poursuit son repas en pleine conscience, imperturbable. On dirait qu’il médite lui aussi, comme Valentin, le moine bouddhiste.
J’observe Cuistolot. Le voilà content : un morceau de pomme de terre a bien voulu rester sur la cuillère qu’il tente de porter à la bouche. Mince… Le morceau finit par retomber dans l’assiette tandis que Cuistolot, yeux clos et bouche béante, tel un poisson à ventouse, ne s’en aperçoit pas.
— Tchhh ! Bulle éternue à nouveau mais cette fois, sur l’assiette de Palmito…
En fin de repas, les enfants se sont régalés d’un boudoir trempé dans un petit suisse à la confiture, sauf Croc blanc qui a dû prendre son petit suisse pour un flamby et l’a retourné sur son boudoir, et Palmito, très embêtée avec ses deux demi boudoirs coincés dans le petit suisse, par-dessus lesquels trônait celui de Bulle, qui avait dû lui en faire cadeau.
Finalement, hormis l’assiette de Palmito qu’il m’a fallu remplacer, le repas s’est bien déroulé.
J’ai ensuite rassemblé mes soldats en vue d’un nouveau défilé à la salle de bains pour le change des couches, puis pour une seconde tournée de change de couches car pour certains, comme par magie, le visage rosit, la bouche se tord, et le super caca suit le premier change.
Voilà, la séance de sport était (enfin) terminée.
Il est 13 heures. Palmito et Bulle sont couchées côte à côte du fait de la proximité de leurs lits. Quant aux garçons, ils se trouvent chacun dans une chambre isolée : faire preuve de stra-té-gie est essentiel dans le cadre de notre activité.
Bulle réclame une histoire de Papa Nolel etpointe du doigt un album pour enfants dont la couverture représente le petit Jésus, qui ne ressemble en rien au Père Noël d’ailleurs. Palmito, se mêlant à la conversation, déclare fièrement que moi, ze connais zézus, par-que mon frère regarde le dess'animé dans ma télé.
Après négociation, j’entame la lecture de La nuit avant Noël, un conte mettant en scène des animaux dans une étable, et les enfants en écoutent attentivement l’histoire, particulièrement les garçons : depuis leur chambre respective, ils se tortillent comme des vers pour profiter des images du livre à travers la porte restée ouverte, en imitant ce qui ressemble à un braiment d’âne.
J’attrape ensuite ma guitare et chante trois petites comptines auxquelles Bulle veut ajouter Petit papa Nolel, chanson que nous n’entonnerons pas car le Père Noël est actuellement bien trop fatigué après sa tournée d’hiver, pour faire une réapparition ce printemps.
Après m’être assurée que chacun soit confortablement installé, je regagne la cuisine, passe l’aspirateur côté table, ramasse et nettoie le demi repas de Palmito ainsi que d’autres aliments écrasés par les chaussons : des miettes de boudoir et quelques pâtés du flamby de Croc blanc. Ensuite, je rejoins l’étage à nouveau car la souris de Bulle semble avoir fait une tentative de fugue, de type base jump,