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Cette histoire d'un amour impossible est l'un des plus grands chef d'oeuvres de la littérature romantique. À la fois belle et triste, elle est aussi une peinture sociale des moeurs et des mentalités de l'époque, dans un autre temps où le droit des femmes n'était pas égal à celui des hommes.- Édition Spéciale illustrée -
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La Dame aux Camélias
LA DAME
I
II
III
IV
V
VI
VII
VIII
IX
X
XI
XII
XIII
XIV
XV
XVI
XVII
XVIII
XIX
XX
XXI
XXII
XXIII
XXIV
XXV
XXVI
XXVII
Également Disponible
Copyright © 2012 / FV Éditions
Illustrations : Paul Gavarni
ISBN 978-2-36668-424-7
Tous Droits Réservés
par
Alexandre Dumas fils
Mademoiselle Marie Duplessis
Il y avait en l’an de grâce 1845, dans ces années d’abondance et de paix où toutes les faveurs de l’esprit, du talent, de la beauté et de la fortune entouraient cette France d’un jour, une jeune et belle personne de la figure la plus charmante qui attirait à elle, par sa seule présence, une certaine admiration mêlée de déférence pour quiconque, la voyant pour la première fois, ne savait ni le nom ni la profession de cette femme. Elle avait en effet, et de la façon la plus naturelle, le regard ingénu, le geste décevant, la démarche hardie et décente tout ensemble, d’une femme du plus grand monde. Son visage était sérieux, son sourire même était imposant, et rien qu’à la voir marcher, on pouvait dire ce que disait un jour Elleviou d’une femme de la cour : Évidemment, voici une fille ou une duchesse.
Hélas ! ce n’était pas une duchesse, elle était née au bas de l’échelle difficile, et il avait fallu qu’elle fût en effet belle et charmante, pour avoir remonté d’un pied si léger les premiers échelons, dès l’âge de dix-huit ans qu’elle pouvait avoir en ce temps-là. Je me rappelle l’avoir rencontrée un jour, pour la première fois, dans un abominable foyer d’un théâtre du boulevard, mal éclairé et tout rempli de cette foule bourdonnante qui juge d’ordinaire les mélodrames à grand spectacle. Il y avait là plus de blouses que d’habits, plus de bonnets ronds que de chapeaux à plumes, et plus de paletots usés que de frais costumes ; on causait de tout, de l’art dramatique et des pommes de terre frites ; des pièces du Gymnase et de la galette du Gymnase ; eh bien, quand cette femme parut sur ce seuil étrange, on eût dit qu’elle illuminait toutes ces choses burlesques ou féroces, d’un regard de ses beaux yeux. Elle touchait du pied ce parquet boueux, comme si en effet elle eût traversé le boulevard un jour de pluie ; elle relevait sa robe par instinct, pour ne pas effleurer ces fanges desséchées, et sans songer à nous montrer, à quoi bon ? son pied bien chaussé, attaché à une jambe ronde que recouvre un bas de soie à petits jours. Tout l’ensemble de sa toilette était en harmonie avec cette taille souple et jeune ; ce visage d’un bel ovale un peu pâle répondait à la grâce qu’elle répandait autour d’elle comme un indicible parfum.
Elle entra donc ; elle traversa, la tête haute, cette cohue étonnée, et nous fûmes très surpris, Listz et moi, lorsqu’elle vint s’asseoir familièrement sur le banc où nous étions, car ni moi ni Listz ne lui avions jamais parlé ; elle était femme d’esprit, de goût et de bon sens, et elle s’adressa tout d’abord au grand artiste ; elle lui raconta qu’elle l’avait entendu naguère, et qu’il l’avait fait rêver. Lui, cependant, semblable à ces instruments sonores qui répondent au premier souffle de la brise de mai, il écoutait avec une attention soutenue ce beau langage plein d’idées, cette langue sonore, éloquente et rêveuse tout ensemble. Avec cet instinct merveilleux qui est en lui, et cette grande habitude du plus grand monde officiel, et du plus grand monde parmi les artistes, il se demandait quelle était cette femme, si familière et si noble, qui l’abordait la première et qui, après les premières paroles échangées, le traitait avec une certaine hauteur, et comme si ce fût lui-même qui lui eût été présenté, à Londres, au cercle de la reine ou de la duchesse de Sutherland ?
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