La danse des cimes - Gilles Chaput - E-Book

La danse des cimes E-Book

Gilles Chaput

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Beschreibung

Dans l’atmosphère bruyante et poussiéreuse d’une imprimerie désaffectée, trois ouvriers chevronnés se réunissent pour des loisirs après le travail. Ce qui commence comme une simple rénovation de boutique prend une tournure sinistre lorsque l’un d’eux évoque la possibilité de fabriquer… de faux billets. Le suspense monte alors que les motivations se révèlent et que les limites de l’amitié sont mises à l’épreuve. Parviendront-ils à résister à la tentation de l’illégalité ou succomberont-ils à la séduction du crime ?

À PROPOS DE L'AUTEUR

Gilles Chaput a nourri le désir de créer une fiction après avoir pris part à des ateliers d’écriture. L’exploration des textes d’auteurs et les séances de travail collectif ont alimenté son imagination, lui offrant des perspectives fascinantes pour des correspondances et des nouvelles captivantes. Encouragé par ces expériences enrichissantes, il s’est finalement décidé à se lancer dans l’aventure de l’écriture romanesque.

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Gilles Chaput

La danse des cimes

Roman

© Lys Bleu Éditions – Gilles Chaput

ISBN : 979-10-422-3018-0

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Le général Villerieux au commandant Dellaplane :

« Mais qu’est-ce que vous faites, mon vieux, vous êtes en retard !

J’étais en panne.

En panne de quoi ?

En panne de tout ! »

Bertrand T.

Note de l’auteur

Ce récit a été construit avec la volonté de rendre hommage au cinéaste Bertrand Tavernier. Conteur hors pair, doublé d’une érudition sans bornes, il manque au paysage culturel actuel. Son sens de la révolte et son indignation face aux injustices propagent une onde qui vibre en ces temps troublés.

L’histoire racontée se démarque cependant du pamphlet sentencieux pour conduire au divertissement. L’écologie empreinte d’urgence donne lieu, au cours des pages, à une approche ludique. L’aventure de trois artisans complices puise alors dans le registre d’une rébellion pacifique et enjouée, propre aux textes satiriques.

Ici, une marque de reconnaissance envers le réalisateur use donc de noms illustres, d’objets insolites réanimés et surtout de lieux issus du quartier Saint Paul de Lyon. C’est au fil de la narration de son premier long métrage, « L’horloger de Saint Paul », tourné en 1973, que Bertrand Tavernier s’immisce au cœur de la ville frondeuse en s’insurgeant, par exemple, contre le paternalisme des trente glorieuses. Héroïque malgré lui, le personnage principal du film chemine et se heurte à l’autorité judiciaire…

Université d’Allemagne : Freiburg

Remise du programme de recherche. Travaux effectués sur trois années avec descriptif des objectifs. Les études scientifiques sont dirigées par des ingénieurs chargés de mission. Elles comportent l’analyse des résultats et la rédaction d’un référentiel. Le compte rendu doit être soumis au département de la Commission européenne chargée des sujets climatiques.

La première partie de l’étude porte sur l’adaptation des arbres au milieu environnant. Sans distinction des espèces, les mesures ont été établies dans une forêt domaniale, milieu propice en raison des faibles interventions humaines. Les données des relevés météorologiques sont déterminantes : les phénomènes de variations de température, de précipitations, de courants éoliens sont indissociables des cartographies réalisées.

La résistance des espèces d’arbres peut s’expliquer en partie par l’adaptation des végétaux aux contraintes subies. Les observations de l’étude montrent que la croissance des troncs est proportionnelle à la vitesse et à la fréquence des vents. Pendant des intempéries répétées, le diamètre du fût accélère son développement pour renforcer sa défense. La rapidité des réponses des végétaux est surprenante. Cela sous-entend que certains capteurs peuvent mesurer les variations climatiques et transmettre des informations. Sans système neuronal, ce mécanisme chimique est inconnu à l’heure actuelle.

Université de Belgique

Remise du programme de recherche. Travaux effectués en collaboration avec des ingénieurs de l’INRAE.

L’étude se consacre à la mécanique des fluides, la verticalité des espèces végétales et la contrainte de la pesanteur. Les quantités de liquides circulant dans un arbre représentent un volume et un poids considérables. Des racines jusqu’aux ramifications, l’écorce et le tronc disposent d’un circuit de canalisations sophistiqué. Microscopique, un réseau de tubulures de diamètre variable met en liaison le sol, siège des ressources, avec les feuilles, véritable centrale chimique qui assure les échanges gazeux. Par un phénomène d’aspiration lié à la photosynthèse, le cheminement des liquides peut s’effectuer à l’intérieur des conduits organiques. La seule contrainte repérée provient de la présence accidentelle d’air, qui stoppe invariablement l’ascension des substances nutritives. Quels que soient le type d’implantation au sol, les déclivités et l’enracinement parfois constaté sur des falaises proches de la verticale, l’arbre parvient à s’orienter, le tronc dessine une courbure afin de maintenir sa progression vers la luminosité, seul gage d’épanouissement et de capacité à former une ramure. Les cellules végétales intègrent leur positionnement et apportent une réponse adaptée, dans le but de préserver cette verticalité nécessaire à leur survie.

Université de Grenoble

Remise du programme de recherche.

Études réalisées avec des biologistes, en collaboration avec des scientifiques spécialistes des champignons symbiotiques.

Les forêts constituent un écosystème, conditionné par la hauteur des cimes végétales, les essences qui s’y développent et la nature du milieu sous-terrain. Les arbres sont imposants par leur robustesse, leur longévité, mais si une stature colossale leur confère une véritable force, elle dépend entièrement du développement des racines. C’est avec un réseau tissé dans le sol que le poids d’une telle armature peut être supporté et ce maillage rhizoïde assure les échanges nutritionnels entre les végétaux ligneux et un substrat.

Une symbiose s’établit entre les hôtes des galeries terreuses, une interdépendance garantit les échanges gazeux et chimiques indispensables à la cohabitation des deux espèces, les champignons s’abreuvant de substances azotées, les racines puisant les nutriments d’une sève ascendante.

Forts d’un système écologique partagé, les arbres peuvent apporter une réponse commune à une situation menaçante ou agressive. Ils sont dotés d’un système de communication moléculaire qui leur permet d’enregistrer une information et de la traiter.

Chapitre 1

La première lettre fut déposée au numéro indiqué et dans la boîte métallique au format standardisé. Le propriétaire des lieux disposait de plusieurs terrains jumelés, côtoyant une habitation indépendante. Occupé à des travaux agricoles, il n’attendait pas le passage du facteur, c’était même tardivement qu’il effectuait une vérification, peu enclin à répondre aux taxations gouvernementales diverses.

La taille inhabituelle de l’enveloppe, l’adresse manuscrite rédigée d’une écriture inconnue attirèrent son regard. Avant de déplier le journal local, l’homme repoussa les feuillets publicitaires et s’intéressa au contenu de la missive. Sa surprise s’amplifia lorsqu’il crut déceler une forme d’invitation, car l’auteur du courrier ne pouvait pas prétendre faire partie de ses familiers. Alors, vinrent à son esprit les réminiscences d’une formation commune effectuée dans le cadre de son activité professionnelle. Il est vrai que l’alternance des cours théoriques et les escapades à la recherche des restaurants locaux gardaient une connotation conviviale. Forts de goûts communs pour les vignobles beaujolais, les deux stagiaires avaient cédé à l’échange d’adresses, sans donner suite à l’idée de partager des loisirs œnologiques.

Le contenu de la lettre restait assez vague. L’auteur, Michel Descombes, laissait entendre que les vins de Bourgogne valaient un déplacement, mais il suggérait également l’éventualité de congés partagés, sans s’étendre sur des propositions concrètes. Un autre point attisa la curiosité de Gabriel. Son confrère rappelait son adresse en précisant qu’ils conserveraient ce mode d’échanges, ce qui reléguait aux oubliettes les emails et autres SMS.

***

Le second courrier porteur du même message parvint à son nouveau destinataire dans des délais respectables. Son habitude tenace de sélectionner les enveloppes allait demander à Philippe Marechal une organisation administrative plus rigoureuse, puisqu’il pouvait laisser plusieurs jours à l’abandon un pli non décacheté. Il termina ses préparatifs en cours, poussa quelques cartons encombrants dans la soute du camping-car déjà saturé d’emballages hétéroclites. Avant de tourner la clé de contact et prendre la direction du vide-grenier organisé dans la campagne mâconnaise, il jeta la lettre sur la planche du tableau de bord.

***

Le bicylindre Citroën secouait d’un son métallique les coteaux dorés de la Bourgogne. Il bousculait la torpeur matinale des cultures pentues en amplifiant l’écho qui se propageait depuis les vallons les plus prononcés. La vigne étalait ses rameaux d’un vert soutenu et les lignes régulières des plantations tranchaient la plaine érodée, dressée aux extrémités en deux crêtes parallèles. Les noms de Pommard, Meursault, claquaient sur les bornes kilométriques. Au volant de sa camionnette, Michel Descombes savourait l’instant. Assurés du succès d’une dégustation programmée, ses compagnons ne pourraient nier la qualité du cadre des négociations. Son sourire s’accentua lorsqu’il imagina la réaction des deux convives invités à une entreprise collective. Il laissait la voiture glisser au gré du relief, sans chercher à bousculer une mécanique rétive aux envolées de puissance. Cette allure nonchalante correspondait à son état d’esprit. Rien ne pressait, le voyage en lui-même offrait sa part de plaisir et tant mieux si la destination répondait aux objectifs que Michel visait. La 2 CV persévérante s’attaqua à la montée de Meursault. Le paysage bosselé jusqu’aux portes de la ville s’adoucissait par l’espacement régulier des ceps qui donnaient l’impression d’une touffe végétale ondulante soigneusement peignée. L’utilisation de tuteurs métalliques accentuait cette image de tresses disciplinées. Les deux cylindres de la camionnette augmentèrent la cadence pour franchir la porte principale, vestige des anciens remparts qui ceinturaient la ville avant de l’ouvrir définitivement aux terres cultivées. Elles butaient contre les premières habitations et, bien que situées au cœur de la Bourgogne, ces cités de province agrippées aux côtes dorées n’étaient pas sans ressembler aux villages viticoles de la plaine alsacienne. Michel stationna son véhicule sur la place principale et se mit en quête de l’auberge du Globe. Après avoir confirmé la réservation de trois couverts, il s’installa à l’une des tables dressées, sortit quelques notes éparses de sa sacoche et prépara son discours. Ce fut Gabriel Bouvet qui poussa la porte du restaurant avec, dans ses pas, la silhouette longiligne de Philippe. À peine parvenu à la hauteur des deux places vides, il sembla se justifier :

— Il a fallu que je prenne en stop cet olibrius, il est resté coincé par la hauteur de son camion !

— Archi faux, plaida le conducteur vilipendé, Monsieur ne maîtrise pas les subtilités d’un GPS, ça faisait une heure qu’il tournait en rond et il avait besoin d’un copilote !

— En tout cas, s’exclama Michel, félicitations, j’entrevois déjà un travail d’équipe ! Bienvenue dans nos duchés, chose promise, chose due, je vous avais parlé de tournées des caves durant notre formation, vous voici à bon port !

Les trois collègues s’installèrent autour de la table après des poignées de mains vigoureuses et sans omettre de vérifier la stabilité des chaises alors que le sens de l’équilibre était susceptible de leur faire rapidement défaut. Les vins issus de la vente annuelle des hospices de Beaune obtinrent les suffrages à l’unanimité. Riches en tanin, offrant quelques notes boisées nées de l’élevage en fûts de chêne, au second palais, les belles robes rouges de corindon traduisaient la jeunesse du breuvage doté d’une exceptionnelle fraîcheur. Après un recueillement digne d’un office religieux à caractère contemplatif, Michel attendit le milieu de repas, instant jugé propice à une attention suffisante. Il posa son verre, demanda des réactions mesurées, même si ses propos pouvaient surprendre :

— Je tenais à vous présenter mes excuses, commença-t-il, vous avez sans doute estimé le courrier peu précis, mais l’essentiel, c’est votre présence. Aujourd’hui, je demande simplement votre attention, les questions viendront par la suite, elles ne manqueront pas, mais nous prendrons le temps d’en parler.

Pour s’humecter le palais, Michel replongea dans les saveurs du nectar bourguignon.

— Souvenez-vous, prononça-t-il d’un ton cérémonial, lors de notre formation, une plaisanterie enjouée nous laissa penser qu’à nous trois nous détenions les outils nécessaires d’une production indépendante. Gabriel maîtrise l’exploitation du papier, Philippe connaît les logiciels informatiques et la mise en place d’une cartographie, de mon côté, je peux proposer un ajustement des encres et contacter des fournisseurs. Nous savons parfaitement que le système de sécurité de nos trois usines exclut la sortie de pièces ou de matériel technologique. Le recours au pointage et à la fouille des effets personnels empêche de s’en saisir ! Imaginez maintenant que nous prenions au sérieux la complémentarité de nos qualifications. Si nous exportons ce savoir-faire, à la condition d’un investissement de départ pour disposer d’une imprimerie, nous sommes quasiment en mesure de tirer des rames de papier à notre propre compte !

Gabriel faillit s’étouffer en essayant d’ingérer sa portion de légumes. Philippe leva rapidement le bras gauche, prêt à taper vigoureusement dans le dos de son voisin de table.

— Je vois que les réflexes sont intacts, je peux donc poursuivre, affirma Michel, non sans une pointe de provocation. Le postulat de départ qui devra être notre ligne de conduite tout au cours de l’entreprise est le suivant : dès que l’objectif visé nous semblera irréalisable ou trop dangereux, alors nous stopperons tout. Pas question de se faire pincer pour quelques planches de couleur. Le principe de location du gros matériel permet de s’en séparer rapidement.

Philippe se pencha en avant au-dessus de la table pour approcher son visage de ses voisins. Courbé en deux, le nez dans l’assiette, il chuchota :

— Si je comprends bien, tu te sens prêt et rodé pour faire de faux talbins ?

— De quoi ? reprit Gabriel, avec le sentiment de participer à une mascarade dont il ne saisissait pas le sens crypté.

Philippe tordit son visage en grimace, essayant de produire un son guttural à peine audible :

— Des faux biftons, de l’oseille de contrebande, du blé frelaté, de l’artiche dédouané, tu piges ?

Le silence qui suivit l’exposé fut digne d’une sentence définitive. Droits comme des I sur des chaises plantées dans le sol par le poids de leur accablement, les deux collègues échangèrent pendant quelques minutes des regards incrédules. Les cils papillonnaient comme pour se fixer à une réalité qu’ils peinaient à distinguer. Michel rompit ce temps suspendu et voulut être rassurant :

— Une fois l’ensemble des informations recueilli, il vous appartiendra de décider si vous êtes d’accord ou non avec ce projet. Sans l’un d’entre nous, l’affaire n’est pas envisageable et je crois que c’est l’une des raisons pour lesquelles nous n’avons guère de concurrence. Notre solidarité, nos compétences communes et notre investissement financier complémentaire sont nos cartes maîtresses. Avec de la rigueur et un peu d’audace, je l’avoue, nous pouvons nous diriger vers un tiercé gagnant.

Il souleva son verre avec un large sourire pour signifier une trêve à des esprits embués par quelques vapeurs d’alcool et des idées qui se télescopaient à une vitesse vertigineuse.

***

La partie habitable de l’ancien corps de ferme présentait volontairement un aspect cottage. Les étables devenues inutilisables, détachées du corps de maçonnerie, fournirent généreusement le bois, les pierres pour rehausser le logis, alors que la place libérée ouvrait directement le bâti sur le jardin et les premiers arbres fruitiers. Si le domaine avait perdu sa vocation de polycultures incluant le traditionnel élevage animalier, il y subsistait une volonté de production locale et qualitative. Depuis plusieurs années, Gabriel augmentait les surfaces potagères, s’activait au moment de ses loisirs à diversifier son verger. Un rapide calcul des surfaces de terrain dont il disposait l’avait encouragé dans ce souhait d’autonomie. S’il produisait lui-même les denrées alimentaires, il limitait ses dépenses et, surtout, une consommation effrénée qu’il remettait de plus en plus en question.

Encouragé par quelques réussites, Gabriel sélectionnait des greffons. Il les enduisait d’un substrat nourricier pour prévenir le manque d’irrigation, lors de la fixation sur le tronc porteur. Il se concentrait sur l’entaille à effectuer et positionnait ainsi quatre bouture de prunier, afin d’augmenter la réussite des cicatrisations. Alors qu’il préparait son matériel, il s’entendit soliloquer :

— Mais quelle mouche l’a piqué ?

D’ordinaire, ses activités rurales l’isolaient favorablement des turpitudes ou autres tracasseries du quotidien. Cette fois, ses pensées revenaient sans cesse aux élucubrations de Michel Descombes. Était-ce provoqué par le nombre excessif de plaisanteries sur le sujet ? Travailler durant presque une carrière entière dans la fabrication de monnaie suscite des allusions qui finissent par alimenter les fantasmes. Pourtant, tout est mis en œuvre pour dissuader les comportements subversifs. Les ouvriers œuvrent à des postes déterminés, avec un cahier des charges ne favorisant guère les rêveries. Seule une poignée de contremaîtres côtoient l’objet fini, pièce ou billet estampillé destiné aux banques nationales.