Erhalten Sie Zugang zu diesem und mehr als 300000 Büchern ab EUR 5,99 monatlich.
Ninon, une jeune femme de 24 ans, se prépare à partir en vacances, ignorant que le train qu’elle s’apprête à prendre l’emmènera bien plus loin que prévu. Sans le savoir, elle se lance dans une quête pour découvrir sa véritable vie, celle qu’elle n’avait jamais imaginée. Au cours de ce voyage vers ses origines inconnues, Ninon croisera le chemin de deux hommes, Calou et Manu, qui éveilleront en elle des sentiments très forts. Ils l’inciteront à prendre en main son destin et à construire une nouvelle existence, même si cela implique d’importants changements.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Après avoir rédigé des poèmes et des chansons, Jean-Pierre Ruffier propose à présent La fille de l’amnésique, un roman plein d’espoir qui démontre que d’un drame peut naître le bonheur. Éternel optimiste, il partage ainsi sa vision du monde, cette impression que choisir sa vie est toujours possible.
Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:
Seitenzahl: 289
Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:
Jean-Pierre Ruffier
La fille de l’amnésique
Roman
© Lys Bleu Éditions – Jean-Pierre Ruffier
ISBN : 979-10-377-9637-0
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
La Franche-Comté, vous connaissez ? C’est une région de France coincée entre la Suisse au sud et l’Alsace au nord. C’est là que vit Ninon, une jeune fille de 24 ans. Son village, c’est Voujeaucourt, elle y a grandi, a fréquenté ses écoles et son collège. Elle a vu une zone commerciale s’y implanter et à vrai dire, petit à petit, Voujeaucourt n’a plus eu à envier quoi que ce soit aux villes du coin. Même les associations y sont nombreuses et proposent des activités variées. C’est dans cet environnement simple, mais agréable que Ninon vit sa vie de jeune adulte. Elle hésite encore sur la direction à donner à son avenir professionnel, mais en attendant de choisir son métier futur, elle sévit en tant que correspondante pour le journal local. Elle rédige quelques articles, traitant des faits divers survenus sur la commune. Mais ici et maintenant, elle est sur le point de partir en vacances. Elle tourne en rond dans sa chambre en attendant Ludivine, sa meilleure amie qui doit venir l’aider à préparer ses valises. Non pas qu’elle ne serait pas capable de le faire seule, mais ce sera surtout une occasion de plus pour passer un bon moment entre copines… Ludivine c’est plus que ça, c’est son mentor, son modèle, sa siamoise de cœur, une partie d’elle et chaque séparation prend vite l’apparence d’un déchirement ou d’une rupture, d’un adieu définitif… C’est douloureux, c’est tout !
Ce n’est pas la première fois que Ninon part seule en vacances, chaque année, elle a pris l’habitude d’aller visiter un joli coin de France. Cette année, cependant, ce sera un peu différent. Pour commencer, elle va partir plus longtemps que pour ses séjours précédents. Elle s’en va trois semaines, jusque-là, ses escapades n’avaient jamais dépassé huit jours. Ensuite, c’est la première fois qu’elle loue une maison, elle était plus habituée au « all inclusive » qu’elle réservait dans les hôtels qui la recevaient. Enfin, elle sait que lorsqu’elle rentrera elle ne trouvera personne à qui raconter ses visites ou ses rencontres. Bien sûr, il y aura Ludivine, mais ce n’est pas pareil… Ludivine voudra juste savoir si elle a découvert l’homme de sa vie ou si au moins elle a pu flirter avec de jeunes autochtones empreints de culture et de régionalisme ancrés dans leurs veines.
Sa grand-mère, qui s’est occupée d’elle depuis que ses parents sont morts dans un accident de la route, ne pourra plus l’écouter. Elle ne l’attendra plus pour croire à ses récits enjolivés et pour commenter les photographies qu’elle aura accumulées dans son portable. Elle ne sera plus jamais là, sa mamie, elle a fermé les yeux au milieu de l’automne, comme ça, sans prévenir. Un matin de novembre, Ninon allait juste lui déposer sa baguette quotidienne et partager avec elle un café que la septuagénaire préparait encore à l’ancienne dans une cafetière italienne, ustensile dont Ninon n’avait jamais compris le fonctionnement. Cent fois, son aïeule a essayé de lui expliquer, mais Ninon avait abdiqué depuis longtemps. Elle savait qu’elle ne ferait pas perdurer la tradition. Mais en ce jour de novembre, en entrant dans la maison, pas d’odeur de café, pas de bruit… Rien. Elle appela, mais pas de réponse, elle essaya encore une fois, mais seulement le silence. Elle s’approcha de la chambre de sa mamie, mais déjà elle savait… Déjà, elle redoutait le pire. Ce qu’elle vit en poussant la porte lui arracha un cri. Sa grand-mère gisait là, sur le sol, à peine recouverte par un drap qu’elle avait dû entraîner avec elle dans sa chute. Ninon s’est précipitée, elle a pris la dame aux cheveux gris, dans ses bras, mais c’était trop tard, elle ne respirait plus, elle était partie sans lui dire au revoir. Ce fut très difficile pour Ninon, il ne lui restait qu’elle, son « pépère » comme elle l’appelait, les avait déjà quittées plusieurs années auparavant quand elle sortait de l’enfance. Elle avait eu beaucoup de mal à accepter son départ, croyant à une injustice divine. Après le décès de sa mamie, elle a ressenti ce sentiment d’abandon qu’elle connaissait chaque fois que s’en allait quelqu’un qui comptait pour elle. Cette fois, il atteignit une intensité extrême et certainement à tout jamais inégalable…
La sonnette se fit entendre. C’était Ludivine, cela signifiait que l’heure de partir approchait et rien ne semblait prêt, les valises posées sur son lit demeuraient désespérément vides. Elle tournait en rond, ne savait pas quoi emporter. Ludivine est entrée dans la pièce et tout sembla s’illuminer, c’était une pile électrique, cette fille, elle était à peine plus âgée que Ninon, bien que plus petite de taille. Les talons de ses chaussures lui permettaient de masquer cette légère différence. Elle portait toujours des vêtements colorés et gais qui avaient comme fonction principale d’attirer tous les yeux sur sa personne. Quand elle entrait dans une pièce, elle dégageait un halo lumineux et une chaleur douce et réconfortante. Elle appartenait à ce genre de personnes à qui il suffisait de dire un mot pour qu’elles assurent toute la conversation, questions et réponses. Mais elle faisait preuve d’une gentillesse exceptionnelle, toujours prête à rendre service et encore plus quand c’était Ninon qui lui en faisait la demande. Donc c’est ainsi que dès lors que Ninon lui a avoué qu’elle ne savait pas quoi mettre dans ses valises, la pétillante Ludivine a pris les choses en main. Tout en commentant chacun de ses choix, elle a rempli les bagages avec une sorte de professionnalisme instinctif.
— Alors, tu prends des petites culottes, les plus belles, on ne sait pas qui tu peux rencontrer là-bas, on va en ajouter deux de plus. Tu ne réussiras peut-être pas à te débrouiller avec la machine à laver et si tu dois te rendre à la blanchisserie automatique, tu ne vas pas y aller tous les jours… Tu as pensé aux chaussettes, aux collants… Je te mets des pantalons et des tee-shirts. C’est plus cool pour bouger, mais il te faut aussi des pulls, même si tu vas dans le Sud, ce n’est pas encore le printemps et les soirées peuvent s’avérer fraîches… En parlant de soirées, tu dois emporter une ou deux jolies robes, on ne sait jamais… Je te laisse choisir tes chaussures, tu es une grande fille, alors des baskets, OK… Et des autres un peu habillées… euh… Prends les noires, ça va avec tout, les rouges parfois c’est difficile… Et ta trousse de toilette…
Pendant qu’elle parlait, les valises se remplissaient, tant et si bien qu’elles avaient tendance à déborder. Ninon dut freiner sa costumière pour que celle-ci ne vide pas entièrement les armoires. Elles n’eurent pas le choix, pour fermer les valises, il fallut que Ludivine monte sur chacune d’elles afin que Ninon puisse faire glisser la tirette des Fermetures Éclair. C’est à ce moment bien entendu, qu’elle s’aperçût qu’elle avait oublié de mettre dans l’un ou l’autre des bagages, le roman de Gilles Legardinier. Elle l’avait acheté pour meubler les instants de calme et de tranquillité qu’elle espérait bien s’octroyer pendant ses vacances. Ne voulant pas anéantir tous les efforts qu’elle et son amie venaient de consentir, elle l’enfouit dans son sac à main, ce qui conduira ce dernier à rester ouvert pendant tout le voyage. Comme Ludivine s’est engagée à s’occuper de l’appartement pendant l’absence de Ninon, elle dut s’enquérir des soins à apporter aux différentes plantes qui participaient à la décoration du petit logement. Ninon paraissait prête. Ludivine s’assura encore que son amie avait bien enregistré ses réservations dans son téléphone, qu’elle avait retiré un peu d’argent liquide, d’après ses dires, on peut toujours en avoir besoin. Et enfin, que Ninon lui eût bien laissé les clés de sa boîte aux lettres sur le trousseau, qu’elle lui avait préparé. Après ces dernières vérifications, le temps était venu pour les filles de charger la voiture pour rejoindre la gare TGV à une petite demi-heure de route.
Il n’est pas aisé de mettre tous les habits que l’on veut transporter dans deux valises, Ninon en a fait la douloureuse expérience. Il est plus ardu encore de réussir à caser les deux bagages, ainsi qu’une mallette et un sac à dos dans la voiture de Ludivine. Pour être jolie, elle était jolie cette voiture, mais elle était toute petite, très pratique pour se garer et pour manœuvrer, mais pour accompagner une copine à la gare, elle était un peu limite. Elles ont chargé, déchargé, recommencé, et après quelques essais plus ou moins artistiques, avec un peu d’énervement, elles y sont arrivées. Ninon a gardé son sac à dos sur ses genoux, mais la voiture a pu démarrer.
Les filles ont peu parlé au long du trajet qui les menait à la gare. Aux quelques interrogations de Ludivine, Ninon répondait brièvement par des « oui », des « non » et des « peut-être » ou des « je ne sais pas ». Lasse de poser des questions qui restaient sans échos réels, Ludivine finit par allumer son autoradio. Ceci eut pour effet de sortir Ninon de son état léthargique et de faire chanter les demoiselles sur les tubes sélectionnés par la conductrice. Elles arrivèrent à la gare quelques minutes avant l’heure de départ. Ludivine proposa donc, à la voyageuse, de l’accompagner avec tous ses bagages. Avant d’accéder à l’espace d’embarquement, les filles prirent le temps de consulter les écrans qui leur donneraient les dernières informations. Ainsi, elles apprirent que le train entrerait en gare à l’heure, qu’il fallait l’attendre sur le quai 2, voie C, se positionner à proximité du repère W… Ludivine ne put s’empêcher de se moquer :
— Si avec tout ça, tu viens à le rater, c’est que tu l’auras expressément voulu.
Ninon lui répondit par une grimace de circonstance et toutes deux prirent la direction du quai 2, voie C, repère W. Sur place, Ludivine s’empressa de donner ses dernières recommandations à son amie, car dès lors les minutes étaient comptées.
— Tu montes, tu poses tes bagages à l’entrée de ta voiture puis tu vas chercher ton siège et tu t’installes. Surtout, tu ne lâches pas ton sac à main, tu sais qu’il est ouvert. Si tu dois aller aux toilettes, tu l’emmènes avec toi.
— Je te rappelle que j’ai déjà pris le train, ce ne sont ni mes premières vacances ni mon premier voyage, j’ai bien grandi, tu sais…
Cette dernière remarque fit naître une moue dubitative sur le visage de Ludivine qui a constamment gardé Ninon sous son aile. Elle la considérait depuis toujours comme sa protégée. Dès lors, elles n’eurent que le temps de se faire une énorme bise. Le train s’approcha dans un bruit tel, qu’il aurait couvert tous les mots qu’elles auraient encore pu vouloir se dire. Il semblait arriver si vite qu’il paraissait improbable qu’il s’arrête et pourtant, il se mit à ralentir jusqu’à s’immobiliser complètement. Les choses étant tellement bien faites, la porte par laquelle devait entrer Ninon s’ouvrit juste devant elle. Elle pénétra dans la rame et déposa ses grosses valises à l’endroit qui leur était destiné. Puis elle se mit en quête de la place numérotée qui lui était attribuée sur sa réservation. Elle remarqua tout de suite l’ambiance feutrée qui régnait dans le compartiment, elle n’avait pas l’habitude de voyager en première classe, mais profitant d’une promotion intéressante, elle s’était laissé tenter. Après quelques pas, très vite, elle trouva sa place. Elle eut juste le temps de hisser son sac à dos dans le support prévu à cet effet au-dessus d’elle. Enfin, elle répondit aux signes désespérés de Ludivine qui courait déjà à côté du train pour l’accompagner sur quelques mètres encore. Le dernier sourire échangé avec son amie resta un instant sur son visage, le temps qu’elle mit à retirer sa veste et à s’installer correctement dans son siège.
Elle s’aperçut qu’elle se sentait vraiment à l’aise, le fauteuil était large et elle avait toute la place nécessaire pour allonger ses jambes. Cela lui convint tout à fait et rien que pour cette raison, elle ne regretta pas d’avoir opté pour ce voyage en première classe. Dès qu’elle eût terminé l’analyse de son confort personnel, elle eut envie de faire le point sur ses compagnons de route. Elle dut se rendre à l’évidence, le compartiment était loin d’être surpeuplé. Un monsieur d’une quarantaine d’années, costume-cravate et attaché-case, semblait corriger un document important sur son ordinateur portable. Un jeune homme assis juste devant elle s’était enfermé dans sa bulle, capuche remontée sur des cheveux naturellement frisés. Sa barbe naissante faisait penser à celles des étudiants qui souhaitent ainsi signifier leur sortie de l’adolescence. Ses yeux étaient fermés et les écouteurs qu’elle pouvait deviner dans ses oreilles disaient clairement de lui qu’il n’était pas ouvert à une quelconque communication. Elle trouva ceci dommage, le temps aurait pu lui paraître moins long s’il avait conversé avec elle. Tout au fond du compartiment, elle entendait plus qu’elle voyait, une mamie et un petit garçon qui devait être son petit-fils. Le bambin parlait à haute voix et faisait profiter tous les voyageurs de ses remarques d’enfant. La grand-mère répondait en chuchotant. Le contraste de leurs voix l’amusait. Ils étaient du reste, les seuls à mettre un peu de vie dans cet univers transitoire qui les accueillait et les emmenait dans leurs ailleurs respectifs. Sa prise de repère touchant à sa fin, elle chercha encore du regard les informations affichées au-dessus des portes afin de savoir de quel côté se diriger si une envie pressante venait à la surprendre. Ce faisant, le conseil de Ludivine concernant son sac à main lui revint à l’esprit, elle s’assura donc de sa présence à côté d’elle, il se trouvait là, juste à côté. Enfin, ses yeux se posèrent sur les paysages qui défilaient déjà à grande allure. Après avoir habitué son regard, elle reconnut quelques villages et put ainsi se situer provisoirement sur le début de l’itinéraire. Petit à petit, ses yeux se perdirent dans ses paysages qui se succédaient trop vite, en même temps, le rythme du train finissait d’engourdir tous ses sens. Elle n’essaya pas de lutter et laissa vagabonder ses pensées, cela n’avait aucun intérêt de résister.
Dans un premier temps, celles-ci prenaient deux directions simultanément. Elle se projetait vers cette maison qu’elle avait louée sans la connaître. Comment serait-elle meublée ? Bénéficiera-t-elle de tout le confort promis par le propriétaire ? S’y plaira-t-elle tout simplement ? En parallèle, elle pensait à sa mamie. Pourquoi voulait-elle tant qu’elle aille dans cette petite ville du sud de la France ? Pourquoi pile dans cette maison ? C’est vrai, c’est sa mamie qui avait découvert l’annonce et qui avait gardé précieusement toutes les coordonnées. Elle lui avait fait promettre qu’un jour, elle irait. Elle souhaitait venir avec elle, mais ça, elle n’aura pas eu le temps. Pourquoi pleurait-elle quand elle lui parlait de cet endroit ? Et comment l’avait-elle connu ? Elle n’a jamais été une grande voyageuse. Pourquoi tant de mystères autour de cette adresse ? Ninon ne tarderait pas à savoir.
C’est le contrôleur qui la sortit de ses interrogations. Il voulait juste vérifier son billet et s’excusa de la déranger, comprenant aisément qu’il n’intervenait pas au meilleur des moments. Ninon mit quelques secondes pour retrouver ses esprits et reconnecter tous ses neurones. Elle pianota sur son téléphone et le tendit au contrôleur, tout y était enregistré. En le lui rendant, ce dernier tenta un petit :
— C’est quand même beau la technologie !
Pour toute réponse, Ninon lui sourit. Il passa dans le compartiment suivant pour continuer ses vérifications. En jetant un œil sur l’écran de son portable qu’elle n’avait pas encore rangé, elle vit que le train roulait depuis plus de deux heures. Elle avait parcouru plus de la moitié de la distance qui la séparait de sa première étape, la gare de Montpellier. Elle savait qu’elle devait attendre un certain temps à cet endroit. Elle espérait qu’elle pourrait aller boire un café sur la célèbre place de la Comédie, c’était un petit engagement sans enjeux qu’elle avait pris avec Ludivine avant son départ. La preuve réclamée par son amie consisterait en un selfie le plus explicite possible. En relevant la tête, elle s’aperçut que l’homme à l’ordinateur avait disparu, il était déjà descendu alors qu’elle ne s’était pas rendu compte que le train avait précédemment marqué un arrêt. La suite de cette première partie de voyage lui permit juste de dénombrer les déplacements du gamin et de sa mamie qui devenaient de plus en plus fréquents au fil des kilomètres. Le pauvre bambin devait avoir des fourmis dans les pieds.
Le train entra en gare de Montpellier Saint-Roch. Cela sera le coup de chance du voyage. Ninon se situera à deux cents mètres à peine de la place de la comédie. Si son TGV était passé par la nouvelle gare nommée Sud de France, c’en était raté de ses espoirs de selfie. Ninon a récupéré ses bagages comme l’annonçait la voix dans les haut-parleurs, à l’arrêt complet du train. Elle est descendue du wagon, a vérifié l’heure de sa correspondance et est sortie de la gare en laissant ses deux grosses valises à la consigne. Après avoir demandé son chemin à quelques personnes rencontrées sur le parvis, elle arriva rapidement sur la place espérée. Quel espace ! elle se sentait si petite au pied des bâtiments haussmanniens. À l’extrémité de la place, en face d’elle, l’opéra Comédie, salle de théâtre et de concert, agissait sur Ninon comme un aimant. Il fallait qu’elle s’en approche et plus elle avançait, plus elle découvrait autour d’elle des tas de particularités, qui ont participé à la renommée de l’endroit. Tout d’abord, le cinéma Gaumont avec sur sa gauche une drôle de bulle à hublots, les gens d’ici l’appellent le « scaphandrier ». Ninon pensa qu’à l’intérieur, elle s’assurerait une vue imprenable sur une grande partie de la ville, elle s’amusa à imaginer les piétons si petits depuis ce point de vue peu banal. Elle fit également connaissance avec Aglaé, Euphrosine et Thalie, les trois Grâces surplombant la fontaine du même nom. Elles représentaient la séduction, la beauté, la nature, la créativité et la fécondité. Tout en caressant la surface de l’eau de sa main, Ninon sourit en se disant qu’elle pourrait tout à fait être associée à ces trois déesses. Franchement plus nature qu’elle, ce n’est pas possible, plus belle, n’en parlons pas, créative, ça ne fait aucun doute… Séductrice, pourquoi pas ? Tout peut arriver sous le soleil montpelliérain. Elle espère, par ailleurs, n’avoir aucun souci avec sa fécondité et pour l’instant, rien ne prouvait le contraire. Elle serait donc une quatrième déesse parfaite. Zeus n’ergoterait pas pour une fille de plus…
Perdue dans ses rêveries, elle en avait presque oublié la raison première de sa présence sur cette place. Un selfie pour Ludivine à la terrasse d’un café. Elle sortit sa main de l’eau, la secoua, éclaboussa au passage un couple d’amoureux qui immortalisait lui aussi son passage sur la célèbre place. Après s’être excusée, elle alla s’asseoir sur les marches de l’Opéra, d’un regard circulaire, elle repéra tout proche, le café du théâtre et sa jolie terrasse ombragée. Elle se dirigea vers ce lieu qui lui réserva une belle surprise. Chaque chaise arborait sur son dossier le nom d’une actrice ou d’un acteur célèbre. Les premiers qu’elle lut lui dévoilèrent Alain Delon, Catherine Deneuve, Charlotte Gainsbourg, Jean Dujardin… Ninon a opté pour celui d’Angélina Jolie. Elle commanda un « Perrier-rondelle », se prit plusieurs fois en photos, soit souriante, soit grimaçante, la tête penchée d’un côté ou de l’autre afin de pouvoir choisir le cliché qu’elle enverrait à son amie. Elle s’amusait même seule, comme une petite fille, ce fut donc tout à fait par hasard qu’elle s’aperçut que le temps s’écoulait plus vite qu’elle ne le pensait. Elle avala deux grandes gorgées de liquide pétillant, mais dut finalement en laisser au fond de son verre pour rejoindre promptement la gare et attraper sa correspondance. Elle traversa la place en marchant d’un bon pas, se retourna une dernière fois et fonça récupérer ses bagages, repérer le quai d’où partirait son train et s’y rendre.
Le T.E.R se trouvait déjà là, on aurait dit qu’il l’attendait. Elle s’y engouffra, posa son lourd chargement et s’installa à une place, qui lui permettait de voir les flux montants ou descendants des passagers. Quelques minutes plus tard, elle entendit les moteurs démarrer et les roues s’élancèrent sur les rails. Elle n’eut pas l’occasion de se perdre dans ses pensées sur cette partie du trajet. Le confort tout relatif des sièges et les nombreux arrêts la maintenaient dans un état de conscience proche de la normale. Elle remarqua ainsi qu’elle était la seule à être encombrée de valises, les autres passagers ne portaient en général qu’une pochette en plus de leur bagage à main. Elle en déduit que tous ces voyageurs qui l’accompagnaient n’étaient sans doute pas des vacanciers, mais des gens du cru. Ils se déplaçaient vers les grandes villes pour des raisons professionnelles, à savoir Sète, Béziers, Narbonne ou Perpignan. Perpignan, c’est justement à cet endroit qu’elle devra descendre, trouver un taxi qui la mènera à destination. Enfin, son tour arriva, la locomotive s’immobilisa en gare perpignanaise et fort heureusement, tous les wagons avec elle. Chargée et émoussée par ce long voyage, elle a traversé le hall. Elle s’est approchée de la file de taxis qui attendait les nombreux passagers qui s’éparpillaient aux abords du Centre du Monde. Tel est le nom donné à cette gare, référence faite à l’artiste Salvador Dali qui disait de ce lieu qu’il était « le centre cosmique de l’univers ». Elle s’approcha d’un premier taxi, ce fut le bon, le chauffeur qui chargea la voiture, régla son compteur et demanda à quelle adresse, il devait mener sa passagère.
— « Deux, rue de l’Église », à Saint-Genis des Fontaines, précisa-t-elle !
Elle s’inquiéta de la distance qu’elle devrait encore parcourir et apprit ainsi qu’il lui restait une vingtaine de kilomètres à couvrir. Cependant, la conversation que lui tint le conducteur lui évita de s’impatienter. Ainsi, elle fut bien surprise quand la voiture s’arrêta et que le chauffeur lui confirma qu’ils étaient arrivés et que ses vacances allaient enfin réellement commencer. Après avoir réglé la course du taxi, elle regarda le véhicule s’éloigner et effectua rapidement un tour sur elle-même, comme pour prendre les repères visuels, qui lui permettront de se situer pendant son séjour.
Le « deux, rue de l’Église », qui se trouve juste en face d’elle, correspond à une jolie boulangerie. Les gâteaux et les viennoiseries qui se côtoient dans les armoires vitrées, lui ravissent les yeux et l’invitent à pousser la porte. Elle entra. Elle fut assaillie par une multitude d’odeurs plus agréables les unes que les autres dès qu’elle eut franchi le seuil. Elle n’essaya pas de lutter et acheta un petit pain aux amandes qui lui faisait de l’œil, avec une insistance presque indécente. Tout en payant sa viennoiserie, elle se présenta à la vendeuse si souriante qui devait lui remettre les clés de l’appartement situé juste au-dessus du magasin. Cette dernière, un petit bout de femme aux cheveux blonds très courts, coupés à la garçonne, dégageait une énergie impressionnante, comparable à celle de Ludivine, mais dans un registre totalement différent. Il émanait d’elle un magnétisme, qui donnait envie de se sentir bien en sa compagnie. Sans se départir de son sourire, elle avoua à Ninon qu’avec ses grosses valises, elle l’avait tout de suite reconnue et elle lui indiqua le chemin à suivre pour rejoindre son pied-à-terre touristique.
— Alors, mademoiselle, c’est facile, vous empruntez le petit passage, juste à côté de la boulangerie et vous arriverez sur l’arrière de la maison. Là, vous verrez un escalier, vous le prenez et votre porte d’entrée se trouve en haut des marches. Bon courage pour l’installation. Vous irez peut-être faire un tour dans le quartier après ? Mais si vous êtes trop fatiguée. Il faut vous reposer, vous commencez vos vacances.
Devant ce flot de paroles, Ninon n’eut pas le courage de répondre, elle se contenta d’un signe qui voulait tout à la fois dire merci, peut-être, au revoir. Elle se glissa dans l’allée que la vendeuse lui avait indiquée et se retrouva comme convenu au pied d’un escalier qui paraissait un peu raide, mais surtout très étroit. Il était clair pour elle qu’elle ne passerait pas avec ses deux valises alors, elle décida d’en laisser une en bas et d’enchaîner deux voyages. Elle monta, fit tourner la clé dans la serrure et poussa la porte.
Elle fut surprise par la luminosité qui inondait l’appartement. Elle s’avança et fut d’abord attirée sur sa gauche, une grande pièce à vivre l’accueillait, le soleil qui emplissait le lieu était presque aveuglant, ses rayons frappaient l’électroménager étincelant, qui équipait la cuisine. Ils entraient par une baie vitrée qui s’ouvrait sur un balcon d’une largeur suffisante pour que puisse y tenir une chaise longue. Chacun d’eux apportait clarté et chaleur. Entre la cuisine et le balcon, un séjour agréable faisait la jonction. Il était constitué d’un buffet bas, d’une table ronde et de quatre chaises, un canapé et une télévision complétaient l’aménagement du lieu. Ninon quitta cette première pièce et laissant l’entrée sur sa droite, elle fit face à un couloir étroit qui se terminait par une porte close. Elle s’avança dans ce couloir et poussa chacune des autres portes qu’elle rencontra. Sur sa gauche, il y en avait deux qui se succédaient. Chacune d’elles dévoilait une chambre qui était composée d’un lit à deux places, de chevets de part et d’autre de la couche et d’un grand placard muni d’une penderie. Au-dessus de la tête de lit, une fenêtre laissait filtrer la lumière du jour à travers ses persiennes. Elle pensa un instant que Ludivine aurait pu l’accompagner… Mais Ludivine travaillait, elle n’avait pas obtenu de vacances. Elle chassa donc cette idée de son esprit. Elle poussa la porte du fond du couloir et entra dans une grande salle de bain avec bac à douche et baignoire. Elle aura le choix. En face d’elle, un immense miroir rectangulaire dominait une vasque en verre dépoli. Elle ressortit et ouvrit les deux dernières portes. L’une cachait une sorte de buanderie équipée d’une machine à laver et d’un sèche-linge et la suivante dévoila l’endroit le plus important de l’appartement : les toilettes… Elle commença par choisir sa chambre, y posa sa valise et se rappela qu’elle en avait laissé une au pied de l’escalier. Elle se pressa d’aller la chercher et décida en tout premier lieu de prendre une douche pour se délasser et effacer les traces du long voyage qu’elle venait d’effectuer.
Sous les gouttes réparatrices, elle ne put s’empêcher de réfléchir, c’est son problème, elle n’a jamais su s’abandonner. Elle décida donc qu’une fois habillée, elle s’octroierait un petit stage sur le balcon pour profiter des derniers rayons du soleil descendant, puis elle irait se promener dans le quartier, histoire de faire connaissance avec son environnement. Elle se dit aussi que c’était vraiment une idée géniale de commencer ses vacances sous la douche. L’eau qui tombait en pluie fine sur son corps sortait juste à la bonne température. Celle qui lui permettrait d’y rester aussi longtemps qu’elle le souhaitait sans craindre rougeurs ou chair de poule… Toute ruisselante, en quittant la cabine de douche, elle se rendit compte qu’elle avait oublié de prévoir une serviette pour se sécher et sortir de la salle de bain… Cela eut pour effet de la faire rire. Par bonheur, sa chambre ne se trouvait pas loin. C’est donc nue qu’elle traversa le couloir, laissant derrière elle les empreintes humides de ses pieds pour rejoindre ce qui deviendrait son antre pour quelques semaines. Pour mettre la main sur sa serviette, elle retourna la moitié d’une valise, mouillant par la même occasion, une grande partie des vêtements, qui s’y trouvaient. Lorsqu’elle se sentit suffisamment sèche, elle enfila un tee-shirt, un corsaire, n’oublia surtout pas ses lunettes de soleil et se précipita sur le balcon, où une chaise longue d’un autre temps l’attendait.
D’abord, elle s’appuya un instant sur la balustrade, se pencha un peu pour découvrir le bout de la rue puis s’installa dans le transat, son portable à la main, pour s’assurer de rester joignable. Elle regretta cependant le vis-à-vis qu’il y avait depuis ce balcon avec l’immeuble d’en face, elle pensa qu’en plein été, elle hésiterait à se mettre en maillot pour bronzer. Plusieurs fenêtres bénéficiaient à son goût d’une vue légèrement trop plongeante sur sa personne. Dès lors, elle s’en est voulu d’avoir eu cette idée, un sentiment bizarre l’a peu à peu envahi. Elle se sentait observée et plus cette impression s’imprégnait en elle, moins elle appréciait sa chaise longue. Elle ne lui trouvait que des défauts, des barreaux de bois trop durs et trop espacés, un dossier trop haut, des coussins trop peu épais, rien n’allait. Elle cherchait en fait une raison pour quitter ce balcon sur lequel elle éprouvait la sensation que son intimité était violée, pire que cela, elle se savait déjà dévisagée. Qui pouvait tant s’intéresser à elle, un désaxé, un obsédé dangereux, une jalouse de sa beauté, de sa jeunesse, un simple curieux, à moins qu’elle ne se soit fait un film. C’est sur cette hypothèse qu’elle arrêta de malaxer son cerveau. Elle rentra dans l’appartement, attrapa son sac à main duquel elle avait extrait le roman qui en interdisait la fermeture, sortit et dévala l’escalier qui lui permettait d’accéder à l’arrière-cour de la demeure. Elle s’élança dans les rues de la petite cité. Déjà, elle avait oublié le trouble dont elle avait été victime sur le balcon.
Elle partit droit devant en direction de l’église et du cloître. Elle savait que sur son chemin, elle rencontrerait le bureau de l’office du tourisme et que s’il n’était pas déjà fermé, elle récupérerait là, toute la documentation nécessaire pour organiser son séjour. Tout se déroulait comme prévu, juste avant l’église, elle trouva l’établissement espéré. Hélas, celui-ci était fermé depuis un quart d’heure à peine. Elle nota donc les horaires d’ouverture affichés sur la porte et se promit d’y revenir le lendemain matin. Elle continua sa promenade en terminant le tour du pâté de maisons qu’elle avait commencé. Elle découvrit la vitrine d’un restaurant italien dans une rue parallèle à la sienne. Il proposait des plats à emporter. Quelle aubaine pour elle qui n’avait pas encore effectué de courses ! Son repas du soir était assuré. Elle s’organisera pour la suite dès le lendemain. Elle reprit alors le cours de sa balade, jusqu’à se retrouver devant la boulangerie qui l’accueillit l’après-midi même.
Sur le trottoir d’en face, une vieille dame remplissait sa poubelle. Le regard qu’elle posa sur Ninon, lui fit rater l’ouverture du conteneur et ses détritus tombèrent sur ses pieds à peine chaussés de sandalettes en plastique. La scène eut le mérite de dessiner un sourire sur le visage de Ninon. La vieille attendit que Ninon ait disparu à l’arrière de la boulangerie pour ramasser ses ordures et rectifier son erreur.
De retour dans l’appartement, Ninon évita, dans un premier temps, le balcon. Il n’avait plus le même intérêt puisque le soleil s’était caché et elle dut bien s’avouer que la sensation qu’elle éprouva dans l’après-midi, nourrissait une petite appréhension. Elle s’installa donc dans sa chambre, allongée sur son lit, elle choisit le selfie idéal à envoyer à Ludivine. Si elle était venue avec elle, Ludivine, ce serait plus simple. Elle saurait lui changer les idées. À peine avait-elle envoyé sa photo à son amie qu’elle repensa aux sensations bizarres qui lui faisaient croire qu’elle était observée depuis son arrivée et sa descente du taxi. Elle s’appuya sur ses coudes, écarta un peu le rideau qui tombait vers sa tête de lit. Elle jeta un œil à travers la vitre, à la recherche d’un espion mal intentionné qui scruterait son petit nid, à l’affût d’une silhouette ou d’un mouvement. Évidemment, la pénombre aidant, elle ne remarqua rien, ce qui l’embêta, mais la rassura tout à la fois. Après avoir goûté à ses spécialités italiennes. Elle enchaîna tous les rituels qui la conduisirent à se coucher la tête encore encombrée de toutes les images entremêlées d’une journée bien remplie.
Après une première nuit de sommeil, réveillée par les bonnes odeurs du pain cuit, elle se sentait en pleine forme. Prête à réellement commencer son séjour et à profiter de chaque instant. Bien sûr, elle voulait savoir pourquoi sa mamie tenait tant à ce qu’elle vienne ici dans cette ville et dans cette maison. Pourquoi ceci semblait-il si important ? Elle essaierait de le découvrir, mais il ne fallait pas qu’elle y passe tout son temps, toute son énergie. L’essentiel à ce moment précis consistait à trouver de quoi accompagner son arabica du matin. Logeant au-dessus d’une boulangerie, l’affaire semblait aisée. Elle fit couler un café, enfila rapidement les premiers habits qu’elle put attraper, par-dessus son pyjama, et descendit l’escalier qui la mènerait au paradis de la viennoiserie et de la baguette dorée. Elle fut à nouveau accueillie par la gentille vendeuse qui l’avait reçue la veille et lui avait remis ses clés.
— Et bé, bonjour la p’tite dame, vous avez bien dormi ? Qu’est-ce que je vous sers ?
— Bonjour, j’ai dormi comme un loir, ça m’a fait du bien… Je vais prendre une baguette et un petit pain aux amandes, ils sont trop bons… Je vous dois ?
— Un euro, quatre-vingts. Bonne journée !
— Excusez-moi, je devrais faire quelques courses, il y aurait un supermarché dans les environs ?
— Un supermarché, non, mais un peu plus loin à droite, il y a une supérette, ça peut dépanner…
— Eh bien, merci, à bientôt.