La tragédie planétaire - Paul Leplat - E-Book

La tragédie planétaire E-Book

Paul Leplat

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Beschreibung

Avant nous, le XXe siècle : les atrocités des guerres mondiales et les génocides. Et devant nous ?

Paul Leplat est un ancien Résistant et combattant volontaire de la Seconde Guerre mondiale. Il porte sur le monde un regard pénétrant et sage. Aujourd'hui, il nous apporte, entre autres, ce message :

Les garants de la paix et du progrès sont l'équité et la liberté (à condition d'en faire bon usage). Or, voici de retour le sinistre cortège de la spéculation outrancière : crises, chômage, précarité, misère.
Et voilà en chemin le bouleversement le plus extraordinaire depuis l'aube des temps. Des hommes détiennent les armes de l'Apocalypse.
Ainsi, le moment est venu où chacun doit s'appliquer à comprendre les mécanismes qui expliquent le passé, dominent le présent et déterminent l'avenir. Afin que l'humain sorte victorieux de la tragédie planétaire.

Un ouvrage interpellant sur l'avenir de l'humanité. A ne pas manquer !

EXTRAIT

Devant la montée des périls l’un des dangers majeurs réside dans la conviction très répandue de tout savoir sans avoir étudié les faits. En effet, seule la vérité peut conduire aux solutions authentiques et tous les bullentins de vote ont une valeur égale. C’est dire l’urgence qu’il y a de s’efforcer de contribuer à ce que chacune et chacun puisse assumer avec bonheur leur dignité de personnes solidaires de l’humanité entière en participant judicieusement aux destinées de leur pays et du monde…

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Paul LEPLAT

LA TRAGÉDIE PLANÉTAIRE

RÉVÉLATIONS:

Voici venir une ère nouvelle

PRÉAMBULE

Je dédie ce livre à la multitude toujours renaissante des esprits éveillés mais non avertis qui construit l’avenir : la jeunesse du monde ! « Les riches siphonnent une part toujours plus grande de la richesse totale » (Robert Solow, Prix Nobel d’Économie). Mais comment s’y prennent-ils ?

Faute d’avoir su cela et bien d’autres choses révélées dans ce qui suit, les générations qui ont souffert, et relevé les ruines des deux guerres mondiales, n’ont pu laisser en héritage une planète plus salubre, une humanité plus heureuse : l’égoïsme, l’ambition, l’avidité, la spéculation et la corruption, le nationalisme1 et le totalitarisme ont fait de la conjoncture qui échoit un redoutable fardeau ici dévoilé sans fard2. Ainsi, cet ouvrage est destiné à l’éveil aux réalités nouvelles pleines de promesses et en même temps d’une dangerosité sans précédent dans l’odyssée dramatique de l’humanité. Il aborde ensuite le sens même de la vie.

Cela implique une espérance, la voici : au-delà du sommet de la montagne de ruse, d’inadvertance, de stupidité et de férocité dont l’espèce humaine s’est montrée capable, une étoile brille au firmament de l’esprit de chaque personne capable de comprendre ce texte et, souhaitons-le, de l’auteur lui-même. C’est une bonne étoile : l’étincelle du bon sens.

Cependant, ce pouvoir de discernement ne peut s’épanouir sans la connaissance indispensable pour démasquer les faux-semblants. On n’entre donc pas dans un roman destiné à l’évasion mais dans une œuvre qui s’attache à saisir le réel concret sans être terre à terre quand il est encore temps. Pour cela, l’entreprise s’appuie sur les travaux d’historiens, d’économistes et d’informateurs dont la compétence est reconnue : ces repères aident à la fois à situer et analyser les faits datés, référencés et chiffrés au besoin pour approcher la vérité sans se départir du doute méthodique et du respect humaniste.

La brièveté est ici recherchée par égard pour ceux qui sont empêchés d’étudier les volumineux travaux traitant des réalités complexes qui expliquent le passé, règnent sur le présent et déterminent l’avenir. Les lecteurs n’ont donc pas seulement entre les mains un livre mais, enfin : un outil pour l’action ! Car, à présent, on ne va pas échapper à la nécessité d’édifier sans tarder une humanité capable de maîtriser ses démons ataviques3 et de mettre en œuvre ses moyens nouveaux4, extraordinaires pour sauver la civilisation.

N’est-ce pas une folle entreprise que de tenter d’apporter un peu de lumière dans le chaos apparent ? En tout cas, cela implique le souci d’éviter les dangers d’une sous-culture, de simplifications abusives ou maladroites. Ici, donc, avec les lectrices et les lecteurs, on s’efforce de comprendre l’histoire, l’activité économique et la vie politique. Le but est de mettre en évidence la vérité à partir des éléments déterminants de la réalité passée et contemporaine.

Cette dernière comporte, chaque jour, des milliers de données changeantes ! En outre, là même où existe la démocratie, « le pire des régimes à l’exclusion de tous les autres »5, des centaines de millions d’hommes et de femmes votent sans les connaissances historiques, économiques, stratégiques et politiques de base. Tout cela fait d’eux la proie des marchands d’illusions, souvent sincères et abusés par eux-mêmes, qui jouent sur la séduction et les émotions attachées à cette incompétence. Celle-ci est d’autant plus dangereuse qu’elle est à l’origine des pires égarements chez certains et, chez d’autres, du sentiment d’impuissance. Car ce dernier les conduit à l’indifférence à l’égard de ce qui, pourtant, va décider de leur avenir, de la qualité de leur vie et de celle de leur descendance.

Par définition, un organe de propagande s’efforcerait d’enfermer la pensée du lecteur dans une idéologie prétendant apporter toute la vérité, la seule, rendant inutile la découverte d’autres travaux. Ici, c’est tout le contraire : nous engageons vivement chacun à étendre ses connaissances. De plus, nous fournissons en appendice une liste d’ouvrages de haut niveau sur l’histoire, la stratégie et l’économie politique : ils sont destinés à une compréhension plus approfondie des composantes qui sont en train de sceller le destin de l’humanité.

Ces éléments sont indissociables et des conduites aberrantes préparent à nouveau la misère et le chaos dans un labyrinthe redoutable dont il faut à tout prix trouver à temps l’issue.

Devant la montée des périls l’un des dangers majeurs réside dans la conviction très répandue de tout savoir sans avoir étudié les faits. En effet, seule la vérité peut conduire aux solutions authentiques et tous les bullentins de vote ont une valeur égale. C’est dire l’urgence qu’il y a de s’efforcer de contribuer à ce que chacune et chacun puisse assumer avec bonheur leur dignité de personnes solidaires de l’humanité entière en participant judicieusement aux destinées de leur pays et du monde…

N.B. : Les phénomènes qui vont être étudiés se déroulent à l’échelle mondiale : c’est donc dans cette optique qu’il convient de les aborder.

1. Au sens où, dit-on : « Le patriotisme est l’amour de la patrie et le nationalisme le mépris des autres nations », ce qui n’autorise pas à négliger les intérêts légitimes du pays.

2. Cette synthèse historique, philosophique, économique, stratégique, politique et morale s’appuie notamment sur la période qui s’étend de 1873 (avènement de la seconde révolution industrielle), jusqu’à 2016.

3. Entre autres la violence : jadis, elle était nécessaire car on ne pouvait pas faire sa place sur une terre déjà occupée avec des amabilités. Aujourd’hui, dans l’ère thermonucléaire, la violence est devenue au contraire la menace majeure pour la survie de l’espèce.

4. Au début des études qui ont précédé cet ouvrage, les supercalculateurs pouvaient réaliser 2 millions d’opérations à la seconde, à présent, on le verra plus loin, ils peuvent réaliser plusieurs millions de milliards d’opérations à la seconde !

5. Winston Churchill.

TOME I

LA VÉRITÉ SUR LE PLUS GRAND MALHEUR DE L’HISTOIRE

Pour comprendre le présent

et préparer l’avenir

il faut connaître le passé.

INTRODUCTION

Depuis l’aube des temps la violence a été pour l’homme une condition de la survie. Elle exige la force physique, l’instinct grégaire6, la brutalité. En effet, on ne pouvait parvenir à s’installer sur une terre éventuellement déjà occupée, ni à s’y maintenir par la douceur ! Outre le courage, le fanatisme et la haine ont donc constitué dans le passé, à la fois les causes de grands malheurs et des atouts vitaux : le moins qu’on puisse dire, c’est donc que les génies qui se sont efforcés de faire émerger l’humanité de la bestialité n’ont jamais eu la tâche facile !

Cette réalité millénaire explique l’importance accordée par les puissants aux armes et le rôle de celles-ci dans la conduite « des affaires ». Évidemment, les armes elles-mêmes n’ont pu se perfectionner qu’en fonction de l’évolution générale. Cette dernière est ici esquissée à partir de la fin du xixe siècle. C’est en effet à ce moment-là que s’est épanouie la seconde révolution industrielle : elle a ajouté à l’exploitation de la force de l’eau, de l’air (moulins), du charbon et de la vapeur, celle de la houille blanche (production d’électricité en quantité industrielle à partir des chutes d’eau). Enfin, le pétrole s’y est ajouté avec la mise au point du moteur à combustion interne en 1882.

Ce bouleversement a été dû à une cascade de découvertes et inventions majeures : par exemple en 1873 (production d’électricité), téléphone de Bell en 1876, ampoule électrique d’Edison en 1879, etc. Cette époque a vu le développement de l’éclairage électrique, du télégraphe, des transports ferroviaires7 puis maritimes avec les bateaux à vapeur, la fabrication de l’acier. Citons également l’essor de la chimie, la découverte de la photographie par Niépce en 1825 et son développement avec Daguerre en 1839, la naissance du cinéma avec les frères Lumière en 1895, la production de l’aluminium qui permettra plus tard le développement de l’aéronautique, etc.

En somme, le xxe siècle a reçu au berceau, par le truchement d’une poignée de génies et de brillants ingénieurs, une série de cadeaux extraordinaires et prodigieux. Le développement de ceux-ci dans une humanité guidée par des gens honnêtes, aurait transformé la terre en un jardin de mieux-être, de progrès humain et de paix…

Hélas… Surgi des profondeurs obscures des millénaires écoulés, c’est au xxe siècle qu’allait s’abattre le plus grand malheur de l’histoire !

6. Tendance à vivre en groupe et adopter les mêmes comportements.

7. Première ligne de chemin de fer en France en 1827 (18 km).

CAPITALISME ET LIBERTÉ

L’essor que le monde a cependant connu, indéniable quoique loin du rêve qui semblait permis, a été possible grâce à la liberté de penser, de croire, de s’exprimer, de posséder, de s’associer, de développer, de risquer, d’entreprendre. Mais la liberté est une condition nécessaire et non pas suffisante : tout dépend de l’usage qu’on en fait, l’humanité en fait le long et cruel apprentissage.

Depuis la Révolution française, la liberté est exaltée à juste titre dans toutes les instances des pays libérés de l’Ancien régime, de ses survivances abusives et des dictatures modernes. Comme l’honnêteté, la droiture, la franchise, la générosité, le courage, la bonté et toutes les vertus morales, la liberté est enseignée aux peuples dans les discours et les écoles. Elle est l’essence de la démocratie, elle est à l’origine du progrès humain et sa garante primordiale.

Mais les crises et les guerres prouvent abondamment que c’est une tout autre affaire dans les domaines économiques, politique et diplomatique qui régissent les intérêts autoproclamés « supérieurs ». Dans les milieux dominants, la notion de liberté est celle qui échoit en héritage du passé ancestral : c’est-à-dire du temps où les artisans, les paysans assujettis au seigneur et à sa terre par les lois du servage ainsi qu’aux privilèges du clergé, étaient ruinés par les intrigues et les guerres incessantes de brigandage et de pillage.

Un ami adresse la remarque suivante : « Si la France avait souffert, comme on l’a dit, d’une condition si misérable sous les rois, en particulier sous Louis XVI, la Révolution, puis Napoléon n’auraient pu trouver dans le pays les ressources matérielles et humaines pour assumer les difficultés et les guerres qui ont suivi. » Nous ajouterons : ou bien la France a disposé alors du potentiel extraordinaire qui gagne les nations quand une grande idée s’empare d’elles ? Restons sur terre : la France est née et s’est développée d’abord sous les rois. Un autre ami rappelle que des écoles sont apparues dans la campagne normande dès le xviiie siècle et qu’une ville aujourd’hui modeste comme Avranches (Manche), par exemple, disposait d’une école célèbre sous Lanfranc, futur archevêque de Canterbury. C’était au temps de Guillaume le Conquérant (1035-1087). Mis à part ceux qui, en ces temps reculés comme de nos jours, s’employaient à rendre pénible la vie de leurs semblables, nos ancêtres, par définition « savaient vivre », sinon nous ne serions pas là… Enfin, n’oublions pas que Napoléon, pour poursuivre ses conquêtes, ne s’est pas privé de puiser dans les ressources matérielles et humaines des pays occupés par ses troupes… Ce que la France devra d’ailleurs payer, au traité de Paris (1815), 700 000 000 francs-or !

Il reste donc que les misères, les souffrances du passé ne sont pas des contes de sorcières et que l’atavisme des puissants a la vie dure. C’est pourquoi la classe devenue dominante, la bourgeoisie, a retenu de la doctrine de l’économiste Adam Smith, génie écossais du xviiie siècle, ce qui est conforme à ses intérêts : ainsi, l’Ancien régime a été remplacé par le capitalisme libéral, système fondé sur le principe « laissez faire, laissez passer », la « main invisible »8 étant censée régler les problèmes.Les adeptes se gardent bien de rappeler qu’Adam Smith, au départ professeur de philosophie morale, a également écrit : « La rente et le profit mangent le salaire et les classes supérieures de la nation oppriment l’inférieure ». Ce système, comme on le voit sans fondement moral au plus haut niveau, repose donc à son tour sur la loi du plus fort.

Mais la révolution française, qui ne doit pas être exonérée des atrocités commises en son nom, a cependant ouvert la voie à une civilisation nouvelle : dans les démocraties capitalistes des lois novatrices ont été votées pour promouvoir la justice, affirmer son indépendance, protéger les Droits de l’homme. Cela n’a pas empêché que, au fur et à mesure que cette nouvelle législation se développait, les puissants se sont livrés à des manœuvres frauduleuses. Ils ont même réussi à mettre légalement à leur service des spécialistes comme, de nos jours, les avocats fiscalistes et les lobbies pour contourner les lois, voire les utiliser au service de leurs intérêts privés.

Ainsi le système s’habille, comme cela s’est toujours fait, de tuniques somptueuses : le plus fort devient le plus intelligent, le plus brutal cherche à s’approprier la renommée de l’homme le plus ferme, le plus rusé endosse la gloire de l’homme le plus avisé… Certes, ces qualités existent. Mais elles servent trop souvent à dissimuler des actions et un naturel moins brillant comme en témoignent les abus, les escroqueries, les crimes et les guerres.

Précisons qu’il n’est pas question pour autant de récuser la notion de profit liée à la nécessité vitale9 et par suite moteur de la plupart des hommes et des femmes : les peuples intelligents ne méprisent pas la fortune, mais ils sont attentifs à la manière dont elle est acquise et utilisée.

Il semble évident que le cœur10 de notre civilisation est la personne de l’entrepreneur. Nous appelons entrepreneur l’homme ou la femme qui possède à la fois la vision, la compétence, et le désir d’entreprendre, cela dans tous les domaines, aussi bien spirituel que matériel. C’est dire que le mot doit être pris ici dans son sens le plus large : un apprenti cuisinier ou menuisier est un entrepreneur, tout comme une infirmière, une candidate ou un postulant aux concours les plus éminents. Cela parce que notre civilisation est fondée sur le travail et sur l’innovation qui, elle-même, ne peut se développer qu’en s’appuyant sur le travail. Les tomes III et IV ci-dessous démontreront que la perte de vue de cette notion a entraîné la confusion entre le moteur de l’économie (le besoin, la pensée entreprenante) et le carburant (la finance). On verra également que la mauvaise utilisation du carburant peut endommager le moteur et que la financiarisation à outrance a des conséquences catastrophiques.

N’oublions pas pour autant les notions d’assise et d’envergure. L’entrepreneur devenu chef d’entreprise par exemple, doit posséder les qualités qui le rendent apte à comprendre, créer, prévoir, organiser, commander, administrer, contrôler. Il doit être en mesure de répondre aux exigences techniques, juridiques, économiques et politiques qui vont jusqu’à la nécessité, au sommet des grandes entreprises modernes, de créer un « comité exécutif ».

Quels que soient son génie et les performances de ses équipements, l’entrepreneur est objectivement tributaire de l’ensemble des facteurs économiques, sociaux et politiques comme le cœur dépend des autres organes dans le corps vivant. Son destin, celui de tout individu ou entreprise, est évidemment dépendant de l’école, de tout ce qui contribue à éveiller l’esprit, épanouit les aptitudes, nourrit les compétences, inculque le respect de la personne et constitue la source de l’espérance. Ce pouvoir de l’école ne parvient cependant pas à extirper de la société les dérives et les abus résultant de l’absence flagrante de fondement moral que nous avons déplorée. Cela sans doute parce que l’école est elle-même le produit et le reflet de la société.

L’entrepreneur chef d’entreprise, en raison de la position stratégique qu’il occupe, a des responsabilités économiques, sociales, politiques et morales. S’écarter de cette réalité c’est, on le verra, s’égarer sur les sentiers qui conduisent au pire11. C’est pourquoi il importe dès l’abord de faire la distinction suivante.

Deux sortes de grands entrepreneurs coexistent aujourd’hui : d’une part celui qui, comme jadis, fonde son affaire, y investit le fruit de son labeur, consacre sa vie à son développement, à son rayonnement. D’autre part, existe maintenant le patron recruté sur la base de ses compétences et de son expérience pour diriger une entreprise déjà en activité. Au plus haut niveau, ces deux-là doivent posséder des aptitudes comparables et ont droit au titre de grand entrepreneur.

Cette distinction est nécessaire, car le fait de l’avoir trop souvent perdue de vue a entraîné la confusion entre entrepreneur et spéculateur. Le premier s’emploie prioritairement à créer, ou bien, même s’il n’est pas le fondateur, à perfectionner, à développer l’entreprise. Le second est avant tout expert dans l’art de se faire valoir même au-delà de ses compétences réelles et de se hisser aux postes les plus lucratifs. Il est essentiellement habile à « faire de l’argent » (pour lui et éventuellement ses associés), avec l’argent des autres. Il est, par atavisme, fuyant devant ses responsabilités. Obnubilé par l’appât du gain maximum et rapide, il lui arrive de prendre des risques inconsidérés à cause de l’avidité qui le dissuade de satisfaire aux précautions nécessaires. Il n’hésite pas au besoin à sacrifier une entreprise qui marche pour en accaparer au plus vite (avant des concurrents de même acabit), une autre qui rapporte davantage. On verra plus loin que la confusion ici dénoncée a provoqué la ruine de nombreuses entreprises.

Il appartient à chacun de se documenter pour être en mesure de juger si telle personnalité ressemble davantage à l’un ou à l’autre des caractères que nous venons de décrire en tenant compte du fait suivant : la bataille sans merci de la concurrence contraint parfois le chef d’entreprise moderne à s’aventurer bon gré, mal gré sur l’océan déchaîné de la spéculation où certaines entreprises font des surprofits scandaleux tandis que d’autres sombrent corps et biens.

Lectrices et lecteurs jusqu’ici non-initiés sont à présent mieux préparés à comprendre ce qui va suivre : c’est-à-dire, d’abord, les origines de l’enfer des guerres mondiales que les arrière-grands-parents et les grands-parents ont traversées, puis le monde tourmenté et dangereux qui les attend.

Le capitalisme, comme tout système humain, comporte des oppositions : il va donc, entre autres, entraîner la confrontation entre ceux qui possèdent les moyens de production et d’échange et ceux qui n’ont que leur force de travail à louer pour vivre.

Les premiers, on verra pourquoi et comment, seront emportés par la nécessité historique dans la bataille de la concurrence. Cela, souvent au-delà de leurs projets initiaux, à la recherche d’un profit qui, au sommet de la pyramide financière, devra être supérieur à celui des rivaux. Les seconds seront entraînés, également par la nécessité, dans des courants ou partis politiques12, par suite dans les préjugés ou la discipline de parti… et par conséquent, comme les premiers : dans le parti pris.

Le parti pris qui sépare trop souvent les humains et qui, par définition, les égare, conduit aux abus, endort les consciences au point, parfois, d’abolir le plus élémentaire bon sens.

Tout cela fait que le système développe rapidement un haut degré d’organisation à l’intérieur de l’entreprise et laisse éventuellement la voie aux désordres (parfois même les provoque) à l’extérieur.

Il crée d’immenses richesses, mais dans des à-coups et des inégalités de développement aux conséquences redoutables à la fois au sein des nations, entre les nations et les peuples : certains sont asservis aux intérêts de classes dominantes et de gouvernements stupides, avides et impitoyables.

Par suite, en dépit de cette création rapide de richesses, la condition ouvrière et celle de la petite paysannerie sont restées longtemps misérables, incluant le travail des enfants dans les pays nantis eux-mêmes :

« Les institutions économiques et financières […] ont également évolué en s’adaptant à la marche irrégulière de l’activité économique, faite d’une succession de phases de prospérité et de dépression (en particulier la première « grande dépression » de l’économie moderne entre 1873 et 1895), progression également entrecoupée de crises brèves (en 1903-1904 et encore 1911-1913). »13

Face aux difficultés d’une part et aux opportunités de croissance qu’offrent les progrès scientifiques et techniques d’autre part, des groupements d’intérêts de plus en plus puissants se sont constitués pour survivre aux crises et se développer. S’appuyant sur des banques, ils sont devenus peu à peu propriétaires des matières premières en acquérant des mines, puis des moyens de transformation, en construisant des usines de plus en plus importantes équipées de machines-outils de plus en plus performantes. Ils ont également acquis des moyens de transport et des points de vente (entrepôts, magasins) de plus en plus nombreux et mieux placés. Supprimant ainsi le commerce au sein de leur domaine, ils se sont emparés des bénéfices qu’auraient réalisés les entreprises qu’ils ont éliminées en les rachetant ou, dans certains cas, en les spoliant. Aujourd’hui, maîtres du crédit par leurs banques, ils occupent par suite dans les périodes de crise une position dominante. Celle-ci leur permet en effet de racheter et d’éliminer en grand nombre les petites et moyennes entreprises (PME). Car ces dernières, prisonnières du crédit, dépendent donc des banques appartenant à leurs concurrents : elles sont alors ruinées par leur impossibilité de faire face aux problèmes de trésorerie qui se posent, par exemple, quand des clients importants ne les payent pas à temps dont éventuellement… L’État lui-même !

Parmi les abus dont sont parfois victimes les petites et moyennes entreprises de la part des grandes sociétés donneuses d’ordres, citons : « les retards de paiement. Une indélicatesse pourtant punie par la loi mais qui représente malgré cela un encours de 600 milliards d’euros. À l’arrivée, le manque à gagner est estimé entre 13 et 14 milliards d’euros pour les PME ! La pratique des paiements à 60, voire 90 jours perdure bien souvent, déplore le ministère… Pour contourner les délais, certaines entreprises se trouvent des excuses « de mauvaise foi » comme la panne informatique, les factures non conformes, etc. Autre pratique illégale régulièrement recensée : le « quick-saving » ou le fait d’exiger un droit d’entrée à un fournisseur pour être référencé et travailler avec lui. Également répandues, les rétrocommissions ou baisses de prix imposées unilatéralement après la conclusion d’un contrat. Une autre arnaque baptisée « cherry picking » consiste à voler et à s’approprier l’innovation de l’un de ses fournisseurs »…14

Ces exemples aident à se faire une idée de l’âpreté de la lutte entre les entreprises donneuses d’ordres elles-mêmes, bataille sans merci qui a donné naissance aux « trusts »15. Ces derniers, produits du capitalisme libéral qui se réclame de « la libre concurrence », s’empressent en réalité de tirer parti de leur puissance pour s’organiser en « cartels », en « holdings », en « monopoles ». L’un de leurs buts dans cette concentration est évidemment de supprimer la libre concurrence à leur avantage pour augmenter à la fois leur sécurité et leurs profits. La mondialisation, le « capitalisme financier » et ses savantes « stratégies organisationnelles », loin de résoudre les problèmes, ne peuvent manquer de les aggraver : en témoignent les crises, les milliers de suppressions d’entreprises, de commerces, d’emplois, le développement des « multinationales »16 et des « paradis fiscaux » mettant en échec les États eux-mêmes ! « Les retards de paiement […] depuis la crise ils se sont aggravés […] Nous allons donc augmenter les amendes administratives en les faisant passer de 375 000 euros à 2 millions d’euros… »17

Naturellement, les richesses accumulées par les banques, les industries, les activités commerciales créent des puissances financières. Ces dernières ne peuvent manquer d’exercer le pouvoir que leur confère l’argent pour servir leurs intérêts. Pour cela, elles s’approprient entre autres les moyens publicitaires, les journaux, les émissions de radio, de télévision, les maisons d’édition, ensemble dont le pouvoir est déterminant sur l’opinion publique : les maîtres de l’économie sont ainsi largement devenus les maîtres de la politique pour laquelle ils sont assurés, grâce aux moyens dont ils disposent, de mobiliser à leur service des gens soucieux de faire carrière et pourvus de talent. Un exemple récent est l’achat par le milliardaire Jeff Bezos, le patron d’Amazon, du Washington Post, le « titre mythique de la grande presse d’opinion américaine »18.

Il est évident que ces groupes industriels et financiers, par le pouvoir qu’ils ne peuvent pas manquer d’exercer sur le plan économique, social et politique, voient leurs intérêts liés aux « intérêts supérieurs de l’État ». Celui-ci peut alors devenir leur instrument dans la bataille généralisée pour la conquête et le contrôle des marchés. Cela ne veut pas dire, loin s’en faut, que « les riches » en général ont tous le même pouvoir sur l’État ou sont tous des foudres de guerre ! Mais il reste que, notamment au sommet, la concurrence est impitoyable : quand les grands intérêts sont en jeu (ce qui implique des conséquences considérables), ils peuvent se combiner dans les allées du pouvoir avec des ambitions, des convictions, des décisions parfois catastrophiques pour la sécurité et la paix !

8. Dieu pour les uns, les lois du marché pour les autres.

9. Par exemple, se nourrir, se loger, se vêtir.

10. L’organe sans lequel les autres, si essentiels soient-ils, ne pourraient survivre.

11. Aujourd’hui, nombre de chefs d’entreprise ne peuvent pas embaucher parce qu’ils ne reçoivent pas les commandes que cela exigerait. Ce problème sera traité non dans ce premier tome, prioritairement historique, mais dans les tomes III et IV, après avoir étudié les perspectives économiques, stratégiques, politiques planétaires qui s’imposent.

12. Même s’ils ne sont membres d’aucun parti leur pensée sera « représentée » par un courant qui, pour agir, sera apparenté à un parti.

13.Histoire du xxe siècle, sous la direction de Serge Berstein et Pierre Milza, tome I, p. 13, éd. Hatier.

14.Le Parisien du 17 juillet 2013.

15. Trust : grande entreprise qui tire sa puissance du groupement de plusieurs sociétés concentrant les activités d’un secteur de l’économie qu’elle domine. Cartel : entente entre entreprises sur les prix et le partage des marchés pour limiter la concurrence. Holding : société financière détentrice de parts dans d’autres sociétés qu’elle contrôle. Monopole : privilège d’exploiter, de produire et de vendre seul ou en position dominante des biens ou des services.

16. Ainsi communément appelées, mais qui sont en fait des transnationales c’est-à-dire des groupes ayant une nationalité mais investissant à l’étranger au moyen de filiales.

17. Le ministre de l’Économie : propos rapportés par Le Parisien du 30 mars 2016.

18.Ouest France du 7 août 2013.

LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE

En 1914, l’Allemagne, la France et le Royaume-Uni19 sont les nations prépondérantes par leur puissance économique, financière et culturelle. L’Allemagne est devenue la deuxième puissance industrielle du monde après les États-Unis. Les produits industriels allemands, britanniques et français rivalisent en Europe, en Afrique, en Amérique, en Asie et en Australie. Ces concurrents s’opposent également à la Russie tsariste, l’Autriche-Hongrie, l’Italie.

Ces États et donc les groupes d’intérêts qui les dominent, cherchent à accroître leur zone d’influence, à accaparer des matières premières, des débouchés commerciaux, des régions où investir avec profit les capitaux qui s’accumulent. Les Français, par exemple, ne manquent pas d’exporter une part de leurs capitaux hors de leur pays vers leurs colonies ou d’autres pays où les profits sont plus importants qu’en France, comme la Russie. Les dividendes retirés de leurs placements internationaux font des groupes d’intérêts financiers allemands, anglais, français (et aussi belges et néerlandais) des créanciers prospères. Le monde est le théâtre de rivalités à la fois économiques, politiques et militaires où s’exprime ce que des spécialistes appellent l’impérialisme (volonté d’expansion). Les tensions deviennent si fortes qu’elles entraînent le renforcement militaire des blocs antagonistes : d’un côté la Triple alliance (Allemagne, Autriche-Hongrie, Italie), de l’autre la Triple entente (France, Royaume-Uni, Russie).

Une étincelle suffit alors à provoquer une conflagration effroyable…

Elle jaillit à Sarajevo le 28 juin 1914 : l’assassinat de François-Ferdinand, archiduc d’Autriche par un bosniaque. Les forces démocratiques dont en France, le leader socialiste Jean Jaurès, défendent la paix. Le 28 juillet l’Autriche déclare la guerre à la Serbie. Jaurès est assassiné le 31 juillet 1914. Par patriotisme, les socialistes français et allemands rallient en fin de compte les milieux dirigeants de leurs pays respectifs… Le 1er août l’Allemagne déclare la guerre à la Russie, le 3 août à la France, le 4 août l’Angleterre déclare la guerre à l’Allemagne, le 5 août l’Autriche déclare la guerre à la Russie : à partir de la mort d’un seul homme éclate, entre puissances capitalistes, la Première Guerre mondiale, abominable boucherie qui ne se terminera que le 11 novembre 1918…

« La guerre a coûté à l’Europe plus de 8 millions de morts et 6 millions d’invalides. On compte plus de 4 millions de veuves et 8 millions d’orphelins, un million quatre cent mille (1 400 000) tués ou disparus (en France, NDLA), 10,5 % de la population active masculine, 3 millions de blessés20 dont 1 million d’invalides… Pour une population active de 13 350 000 habitants, la France est le pays qui a le plus souffert proportionnellement à sa population […] À ces pertes, en effet, il faut ajouter la surmortalité de guerre due aux mauvaises conditions d’hygiène, aux privations et à l’épidémie de grippe espagnole de 1918 […] La guerre a également entraîné un déficit des naissances. Les hommes en âge de procréer étant au front […] Morts ou disparus du Royaume-Uni 744 000, (du Commonwealth 250 000), de l’Italie 750 000, des États-Unis 68 000. […] Les pertes matérielles, en France notamment sont considérables, tandis que le territoire allemand n’a pas été touché. Morts ou disparus allemands 2 000 000 […] Autrichiens et Hongrois 1 543 000, (respectivement 9,8 % et 9,5 % de la population active). »21

Ces chiffres, joints aux conditions du Traité de Versailles, aident à comprendre les succès, plus tard, d’Adolf Hitler surfant sur le désir de revanche des Allemands et des Autrichiens.

Enfin, la Première Guerre mondiale va faire perdre à l’Europe sa prépondérance au profit des États-Unis et du Japon. Elle va précipiter l’inflation et provoquer, en 1917, en Russie, le déclenchement d’une révolution fondamentale contre le système capitaliste dans un monde où, jusqu’alors, celui-ci régnait sans partage.

19. Pour des raisons historiques, la Grande Bretagne sera également désignée sous le nom de l’Angleterre, le Royaume-Uni, (ou l’abréviation GB). Les États-Unis seront appelés les E.U. ou U.S ou USA pour United States of America ou, exceptionnellement l’Amérique. L’Union des Républiques Socialistes Soviétiques sera appelée l’Union soviétique ou l’URSS.

20. D’autres estimations portent le nombre de blessés à 4,5 millions.

21.Histoire du xxe siècle, sous la direction de Serge Berstein et Pierre Milza, tome I, p. 109 et 110, éd. Hatier.

LA MONTÉE DES TOTALITARISMES

En 1917, les désastres subis par l’armée russe sur les champs de bataille et l’aggravation de la misère du peuple en Russie déclenchent la révolution qui chasse le pouvoir tsariste en février, au profit des bolcheviques en octobre.

Ainsi est né le premier État révolutionnaire mettant le capitalisme en cause… Cet État est aussitôt attaqué, en vain, par l’armée Dénikine (équipée par l’Angleterre et la France) et par l’armée Wrangel (« Russes blancs »).

Cette révolution, née de la détresse matérielle, intellectuelle et morale d’un grand peuple est, par la force des choses, une révolution radicale et violente. Elle supprime la propriété privée des moyens de production et d’échange (terres, usines, banques, sociétés de transport, etc.). Elle représente du même coup une menace mortelle pour tous les riches possédants de la planète. Devenue un vaste empire, l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques (URSS) sous la dictature féroce de Joseph Staline et ses « purges » criminelles, ce nouvel État menace. Cela en raison de sa brutalité et du danger de subversion dû à son organisation révolutionnaire internationale active, le Komintern, qui inquiète les démocraties capitalistes en proie à leurs rivalités et à leurs propres difficultés internes.

En effet, la guerre n’a pas seulement entraîné la révolution bolchevique en Russie. Elle a provoqué partout de profonds bouleversements psychologiques : en fait, une crise morale grave et généralisée. Les femmes, amenées pendant le conflit à remplacer les hommes dans nombre d’emplois, voient leur condition changer. Les revendications féministes se développent. Les combattants au retour du front sont révoltés par les fortunes accumulées par les grands industriels et l’enrichissement scandaleux des « spéculateurs de l’arrière ». « C’est tout un système de valeurs qui s’effondre : la réussite n’est plus la rançon du mérite, de la vertu, du travail, mais de l’habileté du spéculateur ou de la chance de l’aventurier »22.

Ce n’est donc pas sans raison que les riches du monde entier s’inquiètent, d’autant plus que la situation n’incite pas à l’optimisme : c’est au début du mois de mars 1919 que Lénine crée le « komintern », organisation internationale disciplinée dont le siège est à Moscou et dont le but est, « de faire du passé table rase » et de propager la révolution dans le monde.

En outre : « Entre 1913 et 1928, alors que la production manufacturière mondiale s’est accrue de 41,8 %, le volume du commerce extérieur n’a progressé que de 13 % (la progression de 67 % en valeur intègre l’illusion inflationniste). »23

Dans la grande nation américaine elle-même, qui n’est entrée dans le conflit qu’un an avant la fin et qui n’a subi sur son sol aucune destruction par fait de guerre, « l’inflation est telle qu’en 1920, les prix ont doublé par rapport à l’avant-guerre. La montée des prix s’accompagne de l’agitation ouvrière : en 1919, 2 665 grèves mobilisent 4 millions d’ouvriers »24.

Les États-Unis vont pourtant connaître une période de prospérité qui va, entre autres, voir s’édifier les « orgueilleux gratte-ciel » et leur permettre « l’achat de la quasi-totalité de l’or produit dans le monde ». « En réalité, cette prospérité n’est pas sans failles : 20 millions de familles sur 27 ne reçoivent pas les 2 500 dollars de revenus nécessaires à un « niveau de vie décent ». Et 6 millions d’entre elles sont dans une situation proche de la misère […] En réalité le système du « laissez faire » n’est pas exempt de corruption et de scandales qui éclaboussent même le personnel de la Maison Blanche… Globalement le pouvoir d’achat à l’intérieur est insuffisant pour absorber une production toujours plus grande et le déséquilibre s’accroît d’année en année… »25

En 1929 le krach boursier, provoqué à New York par les spéculations abusives des milieux financiers, entraîne le marasme économique, le chômage et la misère sur tout le territoire des États-Unis. Il va les répandre notamment en Europe, préparant ainsi de nouveaux et grands malheurs.

Dans sa biographie de Franklin Roosevelt, André Kaspi, professeur à la Sorbonne qui enseigne l’histoire de l’Amérique du Nord à l’Université de Paris 1 écrit : « En 1931, il y a eu des émeutes de la faim dans les villes, par exemple à Oklahoma City, à Saint Paul et à Minneapolis » (p. 224). « Ils [les grévistes, ndla] demandent une assurance chômage, une assurance vieillesse… L’abolition du travail des enfants… » (p. 225). « En 1933, les États-Unis comptent 12 millions 830 000 sans-emploi » (p. 264). « Bien des employeurs se défendent comme ils peuvent, tantôt en provoquant la naissance d’un syndicat maison, tantôt en s’opposant par la violence aux grèves qui visent à l’amélioration des conditions de vie ou de travail et à la reconnaissance du droit syndical. Minneapolis, Toledo, San Francisco, Detroit sont le théâtre d’une agitation qui, à tout moment, peut dégénérer en bataille de rue. Les grandes entreprises prennent leurs précautions. La Republic Steel a acheté en quelques années pour 80 000 dollars de gaz lacrymogènes. La Yougstown Sheet and Tube Company possède un arsenal impressionnant : 8 mitrailleuses, 369 fusils, 190 armes à feu d’autres types, 454 revolvers, 10 000 cartouches et 109 armes à gaz » (p. 265). « D’après l’enquête d’une agence fédérale en 1935-1936… : sur les routes, entassés dans de vieilles guimbardes, cachés au fond des wagons de chemin de fer, des millions de chômeurs et de misérables, seuls ou en famille, parcourent le pays d’un point à l’autre à la recherche d’un travail, de Soleil, de quoi manger… »26. Les États-Unis eux-mêmes ne parviendront pas à vaincre la crise qui créera en Europe les conditions conduisant à la Seconde Guerre mondiale.

Car, sur le continent européen, la situation est pire encore :

En Allemagne, dès 1918 la révolution éclate dans la nouvelle république. Elle est écrasée et ses deux principaux chefs massacrés au cours de la « semaine sanglante », en janvier 1919. En août est votée la constitution de la République démocratique fédérale allemande dite « de Weimar ». Mais : « En Allemagne, les prix sont multipliés par cent millions entre le début et la fin de l’année 1923 »27. « […] L’effondrement du mark allemand en 1923, victime du choc de la guerre, de la menace de lourdes réparations à payer mais aussi de l’action des banques et des grandes entreprises allemandes qui ont joué l’inflation pour s’agrandir à crédit et exporter en monnaie dépréciée »28. Le chaos économique, politique et social qui s’ensuit ainsi que la haine et la peur de la révolution dans la classe dominante vont conduire aux actions criminelles des Sections d’assaut hitlériennes : la république disparaîtra dans la plus grande confusion au profit de la dictature nazie en janvier 1933.

En Hongrie, devenue République en novembre 1918, la « Dictature du prolétariat » est proclamée le 21 mars 1919. Le 6 août elle est balayée par l’invasion des troupes roumaines et remplacée par la dictature de l’Amiral Horthy.

Conscients du péril, le président des États-Unis, Thomas Woodrow Wilson ainsi que les dirigeants de la France et de l’Angleterre décident de créer, autour de la Russie, un cordon sanitaire d’États destiné à isoler l’Europe de la contagion bolchevique (Finlande, Pays baltes, Pologne et Roumanie).

En 1922, en Italie, le chômage et la misère entraînent depuis des années une menace révolutionnaire grandissante : les partis de droite et d’extrême droite sont appuyés par les banques, les industriels et les grands propriétaires terriens. Avec la complicité larvée du gouvernement, du clergé et du roi, ils portent au pouvoir Mussolini et sa dictature fasciste, c’est-à-dire un régime totalitaire au service des puissances d’argent.

•En Pologne, la dictature de droite du maréchal Pilsudski s’impose en mai 1926.

•Au Portugal, pays dont l’histoire est également agitée, le pouvoir tombe entre les mains de Salazar qui impose sa dictature en 1933.

•En Grèce, après une période extrêmement troublée et le retour du roi Georges II, celui-ci exerce un pouvoir dictatorial de 1936 jusqu’à sa mort en 1941.

•En Roumanie, le royaume tombe sous la domination de l’Allemagne hitlérienne en 1938, après l’affaiblissement de l’influence française résultant des accords félons signés à Munich avec Hitler.

En 1933, en Allemagne, des troubles graves et la confusion sont engendrés par les conséquences désastreuses de la crise. Les magnats de l’industrie, les grands propriétaires terriens et la droite entendent bien éviter à tout prix l’avènement d’un pouvoir socialo-communiste ! Leurs puissants appuis29, par l’entremise du président Paul von Hindenburg30, portent au pouvoir Adolf Hitler et la dictature nazie, elle aussi au service des groupes d’intérêts industriels et financiers.

En Espagne, pays également en proie à des troubles graves, le roi Alphonse XIII se maintient au pouvoir avec la dictature du général Primo de Rivera. Ce dernier est amené à briser l’opposition par la force mais doit démissionner en 1930. Les élections de 1931 donnent la majorité aux républicains. Alphonse XIII quitte l’Espagne sans abdiquer et la République est proclamée à Madrid le 14 avril 1931. La droite, revenue au pouvoir en 1933, écrase une tentative de révolution en 1934. Après une dissolution le 18 février 1936, la gauche revient à son tour au gouvernement. Le 10 mai 1936 a lieu l’élection du président de la République (occupations de terres et d’usines).

Mais l’assassinat du chef du parti monarchiste le 12 juillet sert de détonateur à l’insurrection des unités militaires stationnées au Maroc le 17 juillet. Cette insurrection a été préparée par deux généraux dont Franco. Des troupes sont amenées du Maroc en Espagne. La phalange de Primo de Rivera, les carlistes et les royalistes appuyés par le clergé31 et l’armée se regroupent en un soulèvement dont très vite le général Franco prend la tête… La guerre civile contre la république espagnole est ainsi déclenchée. Le gouvernement anglais dissuade le gouvernement français d’intervenir en refusant de s’engager lui-même. La république espagnole reçoit une aide soviétique très insuffisante. En même temps, Franco reçoit des tanks et des avions envoyés par Hitler et Mussolini qui trouvent là un terrain idéal pour procéder à des essais de leurs armements32. Ainsi est installée, par la force des armes, en 1939, une nouvelle dictature fasciste, c’est-à-dire, là encore, après trois ans d’atrocités réciproques, un gouvernement antidémocratique impitoyable et meurtrier.

La réalité de l’époque considérée ici ne comporte pas seulement les traits saillants que nous avons mentionnés. Elle se caractérise, comme nous l’avons esquissé, par la disparité : certaines couches sociales ont vécu dans l’opulence. Des fortunes colossales ont été amassées. Des découvertes d’une importance capitale ont été faites et des ouvrages grandioses ont été réalisés. Grâce au développement des institutions démocratiques des nations se sont développées de façon prodigieuse, tandis que d’autres sont restées à un stade primitif. Dans les premières, le niveau de vie des populations s’est élevé de façon considérable alors qu’il stagnait dans les pays régis par les systèmes totalitaires et d’exploitation outrancière. Les ouvriers et employés, comme en France par exemple, en 1936, sous le gouvernement de Front populaire, ont acquis la généralisation de la semaine de travail de 40 heures (alors qu’elle était avant de 48 heures et imposait des cadences inhumaines). En outre, fut généralisée l’instauration de 15 jours de congés payés annuels33