Le ciel empoisonné - Arthur Conan Doyle - E-Book

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Arthur Conan Doyle

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Beschreibung

Dans cette deuxième aventure du Professeur Challenger, l'humanité entière est en danger. Déjà une épidémie mystérieuse frappe les habitants de Sumatra et le Professeur pressent que le mal va bientôt s'étendre à toute la planète. Il réunit donc les aventuriers qui l'accompagnaient déjà dans son expédition du Monde perdu et s'enferme avec eux. Seront-ils condamnés à observer l'agonie de tous les habitants de la planète avant de périr à leur tour ?

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Seitenzahl: 135

Veröffentlichungsjahr: 2018

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Le ciel empoisonné

Pages de titreAvant-proposIIIIIIIVVVIPage de copyright

Arthur Conan Doyle

Le ciel empoisonné

Avant-propos

C’est le personnage, ce sont les prouesses de Sherlock Holmes qui ont établi en France la réputation de Sir Arthur Conan Doyle. Sans doute les débuts de l’écrivain anglais ne dataient point de ce Crime Étrange où il utilisait pour la première fois le célèbre détective ; mais ses essais dans le roman historique, très remarqués en Angleterre, n’avaient pas eu chez nous de retentissement immédiat. Enfin Holmes vint ; et quand on aura dit que nous n’avions pas attendu jusque-là pour voir la méthode déductive entrer dans la fiction policière, on n’aura rien enlevé aux qualités qui font de lui une création originale et vivante. Il saisit du coup le public. La longue suite de ses « Exploits » et de ses « Aventures » valida cette prise de possession.

Pourtant, l’on commettrait une injustice envers Conan Doyle en ne faisant pas, à ceux de ses livres d’où Sherlock Holmes est absent, la part qui leur revient dans son œuvre. Il est le type même de l’écrivain que les Anglais qualifient de « versatile ». Aucun ne change plus volontiers sa manière ; aucun n’a davantage la curiosité des tentatives ; aucun n’y porte, d’ailleurs, plus de variété dans l’invention, de souplesse dans l’exécution, de juste sobriété dans le style. Car, notons-le, nos romanciers populaires n’ayant pas accoutumé de nous gâter à cet égard, Conan Doyle, s’il peut être classé, quant au choix des sujets, parmi les romanciers populaires, se distingue au moins d’entre eux en ce qu’il a un style. Sa langue est claire, précise, élégamment directe. Encore n’est-ce qu’une partie de ses mérites. Il a cet art incontestable qui, une fois le drame bâti, le « situe », évoque les milieux, anime et oppose les figures, détermine une « atmosphère ».

Après le roman historique, après le roman judiciaire, il a abordé le roman d’aventures. Le Monde Perdu a, dans son genre, des côtés de chef-d’œuvre. C’est, si l’on veut, du Jules Verne, mais avec une bien autre vigueur dans le dessin des caractères, et ce quelque chose de très spécial, de très savoureux, qu’y peuvent ajouter le tour d’esprit et l’humour britanniques. Cependant, s’il est un terrain où Conan Doyle se sent particulièrement à l’aise, c’est dans ce que nos voisins appellent la short story, autrement dit le récit bref, la nouvelle. Là, toutes ses qualités interviennent ensemble. En se concentrant, elles se servent. La série des « Sherlock Holmes » est faite, au principal, de short stories. Dans celui de ses livres qui a pour titre Round the fire stories (« Histoires du coin du feu »), d’où l’on a tiré en français les deux volumes intitulés Du Mystérieux au Tragique et La Main Brune, il a réuni une vingtaine de contes dont certains ne seraient pas indignes d’être comparés à ce qu’il y a de meilleur depuis Poe dans le récit à base de tragédie et de mystère. M. Paul Bourget, qui a si bien défini les conditions de l’art de la nouvelle, après en avoir lui-même donné d’admirables exemples, y trouverait, au besoin, une confirmation des lois qu’il a posées.

Plus qu’un roman, le Ciel Empoisonné est, au sens où nous l’entendions jadis, une nouvelle. Pas de développements, pas de digressions ni d’à-côtés. Une action violente et rapide ; des épisodes fortement noués et réduits à l’essentiel. Les personnages sont encore ceux du Monde Perdu ; mais là s’arrête le rapport entre les deux ouvrages, et l’un n’est nullement la suite de l’autre. Dans le Monde Perdu, deux savants, Challenger et Summerlee, un grand seigneur passionné de grandes chasses, lord Roxton, un journaliste londonien, Edouard Malone, s’en vont explorer un haut plateau de l’Amazone où l’on croit que survivent des espèces animales préhistoriques. Dans le Ciel Empoisonné, nos quatre hardis compagnons sont par hasard réunis chez Mrs. Challenger au moment où un cataclysme inattendu bouleverse la planète. Évidemment, cette hypothèse d’un désastre cosmique n’est pas en soi toute neuve : on la trouverait déjà dans le roman de P. Shiel, si curieux et trop ignoré en France, le Nuage Pourpre ; et elle ne va pas sans analogie avec le postulat de Wells dans Au temps de la Comète. Ce qui est intéressant ici, c’est la manière dont Conan Doyle l’a rajeunie, c’est le parti qu’il en tire, c’est comment réagit, à la menace de l’anéantissement universel, chacun des cinq privilégiés qu’il épargne. Et déjà il semble qu’en plusieurs endroits l’on voie se manifester chez l’auteur ce mysticisme qui devait, après 1914, l’incliner comme tant d’autres au spiritualisme, et faire de lui le plus fervent propagandiste de ce qu’il a nommé le « message vital ».

L. L.

I

L’altération du spectre

Il importe que je consigne tout de suite ces choses stupéfiantes, alors qu’elles gardent dans mon esprit leur netteté première et une exactitude de détails que le temps risquerait d’affaiblir.

Mais, d’abord, comment ne pas admirer qu’après avoir constitué le petit groupe du Monde Perdu, le professeur Challenger, le professeur Summerlee, lord John Roxton et moi, nous nous soyons aussi trouvés désignés pour une pareille fortune ?

Quand, il y a quelques années, je donnai à la Daily Gazette une chronique du voyage fameux que nous venions de faire en Sud-Amérique, je ne prévoyais pas qu’un jour il m’appartiendrait de rapporter une aventure encore plus étrange, une aventure proprement unique dans les annales de l’humanité, et telle que dorénavant elle dominera tous les souvenirs humains, comme un pic les humbles collines qui l’entourent. Si, par lui-même, l’événement doit laisser à jamais une impression de merveilleux, les circonstances qui nous réunirent tous les quatre à cette occasion se produisirent le plus naturellement du monde, et, pour ainsi dire, inévitablement.

Le vendredi 27 août, date éternellement mémorable, j’allai au bureau de mon journal demander un congé de trois jours à Mr. Mc Ardle, qui continuait de présider au service des informations. Le bon vieil Écossais hocha la tête, gratta la touffe de poils vermeils qui lui couronnait le front, et laissant enfin parler son ennui :

« J’étais en train de songer, monsieur Malone, que j’allais précisément, ces jours-ci, vous employer à votre avantage. Il y a une affaire que vous seul traiteriez comme elle le mérite.

– Tant pis ! dis-je, essayant de cacher ma déconvenue. Évidemment, si l’on a besoin de moi, cela règle la question. Mais j’ai un rendez-vous qui me tient à cœur ; de sorte que si je n’étais pas indispensable...

– Sincèrement, j’en doute. »

C’était dur ; mais que faire, sinon bon visage ? Après tout, je ne devais m’en prendre qu’à moi-même de ce qui m’arrivait ; j’aurais dû réfléchir plus tôt qu’un journaliste ne dispose pas ainsi de sa personne.

« N’y pensons plus, dis-je, avec toute la légèreté dont je fus capable sur la minute. Qu’attendez-vous de moi ?

– Que vous alliez interviewer ce diable d’homme, là-bas, à Rotherfield...

– Le professeur Challenger ? m’écriai-je.

– Tout juste. Vous avez probablement lu dans les rapports de police que, la semaine dernière, il a fait dégringoler la pente de la grande route au jeune Alec Simpson, du Courrier, en le traînant, l’espace d’un mille, par le col de son veston et le fond de sa culotte. Nos « petits » n’iraient pas de moins bon cœur interviewer un alligator en liberté dans le Zoo1. Mais vous êtes son vieil ami, et je pensais que cela vous permettait bien des choses.

– Ma foi, répondis-je, grandement soulagé, voilà une heureuse rencontre : je venais vous demander un congé pour aller voir le professeur Challenger à Rotherfield. C’est l’anniversaire de notre grande aventure d’il y a trois ans, et il a invité tous ses compagnons à se réunir chez lui pour fêter cette date. »

Mc Ardle se frotta les mains, ses yeux brillèrent derrière ses lunettes.

« À merveille ! proclama-t-il, arrachez-lui son opinion. Toute autre que la sienne m’intéresserait peu ; mais le gaillard a déjà donné sa mesure ; qui sait ce qu’il nous réserve encore ?

– De quoi s’agit-il donc ? et qu’a-t-il fait ?

– N’avez-vous pas vu dans le Times d’aujourd’hui sa lettre sur les « Possibilités scientifiques » ?

– Non. »

Mc Ardle plongea jusqu’au parquet, d’où il ramena un journal.

« Lisez tout haut, fit-il, en m’indiquant du doigt une colonne. Je vous écouterai volontiers, n’étant pas certain d’avoir saisi très clairement ce qu’il veut dire. »

Et je lus ce qui suit au chef des informations de la Gazette :

« Les possibilités scientifiques

« Monsieur,

« J’ai parcouru, avec un amusement où ne laissait pas de se mêler une émotion moins flatteuse, la lettre pleine de suffisance et parfaitement niaise que James Wilson Mac-Phail a publiée ces jours-ci dans vos colonnes sur l’altération des raies de Frauenhofer à la fois dans le spectre des planètes et dans celui des étoiles fixes. Sa conclusion, c’est que ce fait ne signifie rien. Une intelligence plus ouverte que la sienne peut, au contraire, le supposer très important, assez important, même, pour impliquer le suprême destin de tout homme, de toute femme et de tout enfant sur cette terre. Je ne saurais, en employant le langage scientifique, espérer me faire entendre de ces vaines personnes qui vont cueillir leurs idées dans les colonnes d’un quotidien ; je vais donc, compatissant à leur médiocrité mentale, tâcher de déterminer la situation au moyen d’une comparaison familière qui n’excède pas la compréhension de vos lecteurs.

– Mon garçon, c’est un phénomène, un vivant phénomène que cet homme ! s’écria Mc Ardle, hochant rêveusement la tête. Il ferait se hérisser les plumes naissantes d’une colombe ! Il provoquerait une émeute dans une assemblée de Quakers ! Pas étonnant s’il a exaspéré Londres. Et quel dommage ! car c’est un grand cerveau, monsieur Malone ! Mais voyons sa comparaison. »

Je repris ma lecture :

« Qu’on se figure une poignée de bouchons lancés de compagnie sur un courant paresseux à travers l’Atlantique : ils dérivent lentement au jour le jour, les conditions ambiantes restant les mêmes. On pense bien que, s’ils étaient doués de sensibilité, ils considéreraient ces conditions comme permanentes et assurées ; mais une connaissance supérieure nous avertit que des accidents multiples les guettent. Ils peuvent aller donner contre un navire, contre une baleine endormie, ou s’empêtrer dans des herbes marines ; en tous cas, leur voyage prendra sans doute fin par un échouement sur la côte rocheuse du Labrador. Mais que sauraient-ils de tout cela tandis que, jour après jour, ils s’en vont mollement poussés sur ce qu’ils croient un océan infini et homogène ?

« Vos lecteurs comprendront peut-être que l’Atlantique représente ici le puissant océan de l’éther à travers lequel nous voguons, et le paquet de bouchons notre obscur système planétaire. Soleil de troisième ordre, le globe terrestre, avec sa séquelle d’insignifiants satellites, flotte, dans les mêmes conditions quotidiennes, vers une fin mystérieuse, vers quelque vilaine catastrophe apostée aux confins de l’espace, sous la forme soit d’un Niagara qui doit le balayer, soit d’un inconcevable Labrador où il se brisera. Je vois là non pas de quoi justifier le superficiel et ignorant optimisme de votre correspondant Mr. James Wilson Mac-Phail, mais des raisons d’observer de près, avec un intérêt vigilant, toute indication d’un changement dans les milieux cosmiques, car notre sort final peut en dépendre.

– Ma parole ! il eût fait un grand ministre, interrompit Mc Ardle ; il ronfle comme un buffet d’orgue. Qu’est-ce donc qui l’inquiète ? Continuez.

– À mon avis, la modification et l’altération des raies de Frauenhofer dans le spectre décèlent un vaste changement cosmique, d’un caractère subtil et singulier. La lumière des planètes n’est que la lumière réfléchie du soleil ; la lumière des étoiles vient des étoiles elles-mêmes. Or, dans le cas qui nous occupe, le spectre des planètes et celui des étoiles ont tous les deux subi un même changement. Y a-t-il donc un changement et dans les planètes et dans les étoiles ? Mais quel changement de même nature pourraient-elles simultanément subir ? Alors, s’agirait-il d’un changement de notre atmosphère ? C’est possible, mais tout à fait improbable, puisque nous n’en voyons aucun signe autour de nous et que l’analyse chimique nous l’eût infailliblement révélé. Reste une troisième possibilité, celle d’un changement survenu dans le milieu conducteur, dans cet éther infiniment ténu qui s’étend d’étoile à étoile et baigne l’univers. Nous y flottons comme en plein océan, au gré d’un courant paresseux. Ce courant nous aura-t-il portés à travers des régions d’éther encore nouvelles et possédant des propriétés que nous n’avons jamais conçues ? En tout cas, il y a quelque part un changement, le trouble cosmique du spectre le prouve. Ce changement peut être heureux, il peut être fâcheux, il peut être neutre, nous ne savons pas. Qu’un observateur frivole trouve la question sans importance : un homme comme moi, ayant l’intelligence approfondie du vrai philosophe, tient pour incalculables les possibilités de l’univers, et pour sage celui-là qui s’attend toujours à l’inattendu. Par exemple, qui oserait dire que la maladie universelle et non définie dont vous signaliez, ce matin, la brusque apparition parmi les indigènes de Sumatra, n’a pas de relation avec un changement cosmique susceptible de les affecter plus vite que les populations plus complexes de l’Europe ? Je vous donne l’idée pour ce qu’elle vaut. Dans l’état présent de la question, il ne servirait pas plus d’affirmer le fait que de le nier ; mais c’est être un lourdaud sans imagination que de ne pas le ranger au nombre des possibilités scientifiques.

« Fidèlement vôtre.

« George-Edouard Challenger.

– La belle et stimulante lettre ! fit Mc Ardle pensif, en ajustant une cigarette dans le long tube de verre dont il se servait habituellement pour fumer. Qu’en dites-vous, monsieur Malone ? »

J’avouai ma complète, et honteuse incompétence. Qu’était-ce notamment que les raies de Frauenhofer ? Mc Ardle venait d’étudier la question avec notre collaborateur scientifique : il prit sur son bureau une photographie représentant deux de ces bandes spectrales dont l’aspect multicolore évoque les rubans de chapeau qu’arbore l’ambitieuse jeunesse d’un club de cricket ; et il me montra du doigt certaines lignes noires coupant transversalement la série des couleurs qui va du rouge au violet par des gradations d’orange, de jaune, de vert et d’indigo.

« Ces lignes noires sont les raies de Frauenhofer, dit-il. Les couleurs constituent la lumière. Toute lumière réfractée par un prisme donne les mêmes couleurs. Donc, les couleurs ne nous apprennent rien. Ce sont les raies qui comptent, car elles varient selon l’agent qui produit la lumière. Ce sont elles qui ont subi un trouble la semaine dernière, et les astronomes ont vivement discuté la cause de ce trouble. La photo que voici paraîtra dans le numéro de demain. Jusqu’à présent, le public n’a pas prêté beaucoup d’intérêt à l’affaire ; je crois que la lettre de Challenger dans le Times va éveiller son attention.

– Et cette mystérieuse épidémie de Sumatra ?

– Sans doute, il y a loin d’une raie qui se brouille dans le spectre à un nègre qui tombe malade dans une colonie hollandaise ; mais Challenger nous a prouvé déjà qu’il ne parle pas à la légère. Certainement une étrange maladie sévit là-bas. Un câblogramme de Singapour annonce aujourd’hui même que les phares sont éteints dans les détroits de la Sonde et que, par suite, deux navires sont allés à la côte. Voilà pour vous de quoi interroger Challenger. Si vous en obtenez quelque chose de précis, donnez-nous lundi une colonne. »

Tournant et retournant dans ma tête l’objet de ma mission, je sortais du cabinet de Mc Ardle quand je m’entendis appeler de la salle d’attente, à l’étage inférieur. Un petit télégraphiste m’apportait une dépêche que l’on m’avait fait suivre de Streatham où j’habite. Elle venait de l’homme même qui nous intéressait, et elle était conçue en ces termes :

« Malone, 17, Hill Street, Streatham.

« Apportez de l’oxygène.

Challenger. »

« Apportez de l’oxygène ! » Le professeur avait une sorte de gaieté éléphantine capable des plus lourdes gambades : était-ce là une de ces plaisanteries qui, sans égard à la gravité de l’entourage, faisaient de sa figure un rire sonore où ses yeux s’engouffraient, où l’on ne discernait plus qu’une bouche béante et les sursauts d’une barbe ? J’étudiai les mots sans pouvoir, ni de près ni de loin, y voir rien de drôle. La dépêche, dans son laconisme bizarre, constituait bien un ordre. Et un ordre de Challenger était le dernier qu’il me plût d’enfreindre ! Peut-être Challenger préparait-il une expérience ; peut-être... Mais je n’avais pas à spéculer sur ses raisons de vouloir de l’oxygène, j’avais à m’en procurer. Je disposais d’environ une heure avant de prendre le train à la gare de Victoria ; et, sautant dans un taxi, je me fis conduire, après en avoir vérifié l’adresse dans l’annuaire du téléphone, à la Compagnie des tubes d’oxygène, Oxford Street.

Comme je descendais de voiture devant les magasins de la Compagnie, deux jeunes gens en sortaient, portant un cylindre de fer qu’ils se mirent en devoir de hisser, non sans peine, sur une auto arrêtée devant la porte. Un homme les dirigeait, les talonnait, les gourmandait d’une voix criarde et sardonique. Il se tourna vers moi. Je ne pouvais m’y méprendre : ces traits austères, cette barbiche de bouc, c’était mon vieux compagnon revêche, le professeur Summerlee.

« Quoi ! s’écria-t-il, vous n’allez pas me dire qu’un absurde télégramme vous enjoint d’apporter de l’oxygène ? »

Je lui montrai mon papier.

« En vérité ! Eh bien, moi aussi, j’en ai reçu un, et, bon gré, mal gré, je m’y conforme. Notre brave ami est plus impossible que jamais. Il ne saurait avoir, pourtant, un si pressant besoin d’oxygène qu’il renonce à s’en procurer par les moyens ordinaires et qu’il prenne le temps de ceux qui, réellement, ont plus à faire que lui ! Pourquoi ne pas s’adresser directement au fournisseur ? »

Je dus me borner à suggérer que, vraisemblablement, Challenger se trouvait dans un cas d’urgence.

« Ou, du moins, il se l’imagine, ce qui est tout autre. D’ailleurs, inutile maintenant que vous fassiez aucun achat, puisque voici déjà une provision considérable.

– Cependant, il semble avoir ses raisons de désirer que, moi aussi, j’apporte de l’oxygène. Tenons-nous-en à ce qu’il dit. »

En conséquence, nonobstant toutes les représentations de Summerlee et toutes ses jérémiades, je commandai un tube supplémentaire, qui prit place à côté des autres sur l’automobile, car Summerlee m’avait offert de me porter à la gare de Victoria.