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Lauren, une adolescente de 16 ans, était une rêveuse romantique doublée d’une introvertie. Bien que douée, elle restait silencieuse en classe et se contentait de la compagnie de ses deux amies proches, Amanda et Kassandra. Sa nature réservée et rêveuse captiva Valentin, un séduisant jeune homme de 17 ans. Toutefois, derrière le vernis d’un amour de conte de fées se cachait la manipulation de Valentin. Le suspens monta d’un cran lorsque Lauren découvrit lentement les sombres secrets de son prétendu prince charmant, l’obligeant à puiser dans ses réserves de confiance pour échapper à ce sombre tableau. Que lui réserverait encore ce mystérieux jeune homme ?
À PROPOS DE L'AUTRICE
Maevys C. Mathelo est connue pour son originalité depuis toujours. Elle a surmonté des difficultés sociales durant son enfance et a choisi de s'exprimer par l'écriture dès l'âge du collège. Elle a exploré divers genres littéraires, y compris la poésie, les récits, et même les comédies musicales. Aujourd'hui, elle poursuit sa passion pour l'écriture et tire son inspiration de nombreux événements de son adolescence.
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Maevys C. Mathelo
Le diable moderne a deux visages
Roman
© Lys Bleu Éditions – Maevys C. Mathelo
ISBN : 979-10-422-1074-8
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
À mes trois magnifiques enfants qui sont ma force au quotidien.
À mon mari, qui m’a donné le courage de coucher ces mots
(et maux) sur papier.
Et enfin à ma merveilleuse maman,
qui est mon pilier le plus précieux.
J’avais toujours fait ce rêve étrange. Ce mythe dans lequel la jolie princesse retrouvait son prince charmant et où un amour insoupçonnable et éternel naissait. Où, le beau prince, vêtu d’une tenue somptueuse faite de soie et d’or, me prenait dans ses bras. Il m’étreignait si fort et me déposait un doux baiser sur les lèvres. Puis, il se rapprochait lentement de mon oreille et me susurrait les mots magiques qui peuvent arrêter le cœur durant une fraction de seconde.
Ces mots qui nous rendaient à la fois si importantes et si spéciales : « Je t’aime ». Ce rêve dont toutes les petites filles avaient un jour fantasmé.
Mais malheureusement, je finissais toujours par me réveiller.
***
Soudain, le silence installé par ma rêverie se brisa : « Lauren, à table ! ». Le cri semblait venir de l’étage du dessus.
En entendant ma grand-mère m’appeler à déjeuner, je tentai tant bien que mal de sortir de ma bulle afin de jeter un coup d’œil à la pendule qui ornait le mur rouge de ma chambre. Mes yeux n’étant pas encore totalement connectés à mon esprit, il me fallut un peu de temps pour comprendre qu’il était déjà midi et demi. Mes cours reprenant à quatorze heures, il allait falloir que je fasse vite.
D’aussi loin que je me souvienne, j’avais toujours plus ou moins vécu qu’avec mes grands-parents. Mes parents ayant divorcé quand j’étais très jeune, et ma mère étant régulièrement en voyages d’affaires, ou à convoler après les hommes – je n’avais jamais trop pu définir ce qui la motivait le plus entre son travail ou ses conquêtes, elle avait confié à ses parents de prendre soin de moi du mieux qu’ils le pouvaient. Leurs faibles revenus ne constituaient en rien un obstacle à cette éducation forcée. Je surpris même plusieurs fois ma grand-mère se vanter de cet arrangement, et de savoir que la situation lui plaisait, m’avait rassurée et enlevée tous remords.
Quant à mon père, il était presque aussi insaisissable qu’un fantôme. Nous n’étions pas en mauvais termes, mais notre relation se limitait à des échanges courtois lors des anniversaires et des réunions de famille. Il avait toujours privilégié ses matchs de football à sa propre fille, creusant ainsi un fossé évident entre nous. Pour ma part, je ne supportais pas les comportements toxiques ou addictifs, quels qu’ils soient. L’alcool, la cigarette, et tout le reste me rebutaient profondément. Donc, lorsque mon père avait sombré dans l’alcoolisme après le départ de ma mère, j’avais fait plusieurs tentatives pour l’aider. Malheureusement, j’avais essuyé ses refus et ses fausses promesses, ce qui m’avait poussé à prendre la décision de ne plus m’impliquer. Après tout, il était adulte et devait assumer ses choix. Peut-être finirais-je par regretter cette décision à l’avenir, je n’en savais trop rien. Ce dont j’étais sûre, en revanche, c’était qu’une infime part de moi lui en voulait de tout ceci.
Mes grands-parents étaient donc pour moi mes parents de substitution. Mais, je n’avais pas à me plaindre, ils étaient plutôt cool. Et même s’ils avaient des caractères diamétralement opposés, leur histoire d’amour avait toujours été un rêve à accomplir un jour dans ma vie.
Cependant, trouver son âme sœur, relevait du miracle.Bon, à quasiment seize ans et avec une aversion pour l’être humain, ça n’aidait vraiment pas.
— Lauren, tu vas être en retard, bon sang ! s’époumonait ma grand-mère.
— J’arrive ! me précipitais-je à lui répondre.
En montant à l’étage pour rejoindre le salon de la petite maison, l’odeur du poulet à la crème de ma chère mamie embaumait la pièce. C’était l’un de mes plats préférés. Ma grand-mère était un cordon bleu, j’avais toujours pensé que ça venait de nos gènes espagnols. « On séduit toujours un homme par son estomac, ma chérie », me rappelait-elle constamment tout en préparant ses fameux plats. Il était possiblement évident qu’elle ait perfectionné ses techniques au fil des années. Mon papy, fidèle à lui-même, était déjà installé à la table et attendait que le service du repas commence.
Je me sentais tellement bien dans cette maison, elle n’était, certes, pas très grande, mais extrêmement conviviale.
La demeure était répartie sur deux étages, dont le sous-sol contenait le garage et ma chambre.
La partie salon était équipée d’une cheminée en pierre, qui était utilisée pendant les mois d’hiver pour créer une ambiance chaleureuse et accueillante. Il y avait des chaises confortables disposées autour de la cheminée, pour profiter de la chaleur et de l’ambiance.
Quant à la partie salle à manger, une grande table en bois massif prenait sa place en son centre. Les murs étaient ornés de photos de famille et de souvenirs, certaines d’entre elles étaient même en noir et blanc et racontaient l’histoire de la famille depuis des générations.On y retrouvait aussi des étagères remplies de livres, de bibelots et de souvenirs de voyages.
Le mobilier de la maison, en général, était assez traditionnel, avec des canapés et des fauteuils en cuir, recouverts de housses en dentelle. Un grand tapis était présent sur le sol, peut-être en laine ou en coton tissé à la main, je n’avais jamais trop su, mais qui greffait une touche de chaleur et de confort à la pièce. Il était usé et mâchouillé par endroit, à cause des chiots que nous avions eus quand j’étais plus jeune. Il y avait aussi des rideaux en broderie anglaise qui ajoutaient une touche de romantisme à la pièce.
Dans la cuisine rustique, des poutres en bois étaient exposées, des armoires en bois massif, et une petite table où ma mamie déposait généralement les plats, accompagnés, chaque matin, de son traditionnel café au lait.La cuisinière était cependant très moderne, et le reste de l’électroménager également, mais ils étaient entourés de carreaux de céramique peints à la main, qui redonnaient le côté vintage à la pièce.
À l’extérieur de la résidence se trouvait un grand jardin, avec des arbres fruitiers, des légumes, des fleurs et même un potager. Un porche couvert était installé à l’avant de la maison, avec des rocking-chairs où mes grands-parents aimaient se détendre et profiter de la vue sur la campagne environnante.
On ne pouvait que s’y sentir chez soi dans ce foyer. J’y avais vécu tellement de souvenirs et de bons moments en compagnie de ma famille. Pour moi, les liens du sang ça avait toujours été quelque chose de précieux, c’était comme ça que mes grands-parents m’avaient élevée.
Une fois le repas finit d’avaler, mon grand-père me proposa de me déposer au lycée, qui était à moins d’un kilomètre de leur maison. J’acceptai sans trop rechigner, préférant de loin cette option. Non pas que je ne pouvais m’y rendre seule à vélo, ou même à pied c’était parfois ce que je faisais d’ailleurs, mais cette fois-ci j’allais véritablement finir en retard.
Nous montâmes dans l’habitacle de la voiture, et l’odeur de lavande du diffuseur installé sur le parebrise s’infiltra immédiatement dans mes narines. L’auto n’était pas très grande, ni même très récente, mais elle était très bien entretenue. Mes grands-parents avaient l’habitude de passer les week-ends à faire le nettoyage de fond en comble. Titine avait encore de beaux jours devant elle.
J’attachai ma ceinture, d’une couleur qui oscillait entre le noir et le gris, et mon papy démarra l’engin. Le trajet ne fut pas très long, mais je ne pouvais m’empêcher, à chaque fois, d’admirer le paysage campagnard qui défilait sous mes yeux. Même si nous étions pratiquement en hiver, un rayon de soleil éclairait les champs, jadis verdoyants, qui entouraient les habitations environnantes. De nombreux petits ruisseaux serpentaient entre les arbres et se glissaient dans les chemins de terre et longeaient la route. Ce décor champêtre invitait généralement à la promenade et à la découverte. L’avantage d’être dans une région comme la plaine du Forez, était qu’on pouvait voir se dresser, au loin, les montagnes avec leurs sommets couverts de neige et leur silhouette majestueuse.
Hélas, la civilisation, et donc le bâtiment principal du lycée, se dessina lentement dans le paysage, cassant instantanément la beauté du décor champêtre.
Une fois arrivée à bon port, j’embrassai mon grand-père sur son front, comme à notre habitude, et rejoignit l’établissement avec un pas pressé, l’heure ayant déjà bien assez défilé.
Aller en cours n’avait jamais été une très grande passion pour moi. Non pas que j’étais mauvaise élève, au contraire, j’obtenais généralement de bons résultats, mais j’avais du mal à trouver de l’intérêt dans les leçons. Je me fondais plutôt dans l’ombre de la classe, évitant les regards et cherchant à passer inaperçue. Les journées semblaient s’étirer à l’infini, et les matières enseignées, généralement, ne parvenaient pas à captiver mon attention.
Les cours de mathématiques avec monsieur Polochon, notamment, étaient un véritable calvaire. Assise à mon bureau, je luttais pour comprendre les équations et les concepts abstraits. Ses explications laborieuses et son ton monotone rendaient la tâche encore plus difficile. Les chiffres se brouillaient devant mes yeux, et je me sentais complètement déconnectée de ce qu’il tentait d’enseigner. Les mathématiques semblaient appartenir à un autre univers, et il fallait être intrinsèquement accroché pour les comprendre.
Pourtant, ce n’était pas seulement la matière qui me posait problème. J’avais aussi du mal à m’intégrer socialement avec mes camarades de classe. Ce n’était pas que j’étais particulièrement introvertie, bien que je préférasse souvent la solitude à la compagnie des autres. C’était plutôt le sentiment que nous étions issus de mondes différents. Les filles de mon âge semblaient souvent méprisantes et cruelles entre elles, cherchant à se rabaisser mutuellement pour se sentir supérieures. J’en avais malheureusement fait les frais de leur cruauté par le passé. La joie des années collèges.
Et les garçons, et bien, une grande partie d’entre eux n’étaient soit clairement pas finis, comprendre matures, soit ils ne pensaient qu’avec ce qui leur servait de réservoir. Je n’avais ni le temps ni l’envie de gérer ce genre d’énergumènes.
Heureusement, l’exception ne faisait pas la règle, et je savais qu’il y avait aussi des individus réfléchis et sensés qui savaient tenir une conversation.C’étaient d’ailleurs ces humains-là que je préférais, et de loin.Les personnes qui avaient un univers bien à eux, et qui réfléchissaient et s’ouvraient au monde étaient, je trouvais, ce qu’il y avait de plus beau sur cette planète.Mais, dans le coin, c’était une denrée plutôt rare.
Le lycée était donc pour moi, à la fois mon exutoire et mon fardeau.J’étais en première scientifique. Mon but était de faire une école d’ingénierie en biochimie en sortant du baccalauréat.Une passion qui s’était développée chez moi dès mon plus jeune âge, où, collée devant des shows comme « Il était une fois… » j’avais commencé à avoir un attrait pour la vie, et son fonctionnement en général. Par la suite, j’avais voulu la comprendre à un niveau moléculaire. L’origine même de la vie telle que nous la connaissons aujourd’hui. Malheureusement, les écoles d’ingénieur ne courraient pas les rues dans mon secteur, au fin fond de la Loire. Il faudra donc forcément que je déménage vers Lyon, ou vers Bordeaux, où ma mère avait posé ses valises avec son nouveau copain du moment.
Mais d’ici là, j’avais le temps de voir venir.
En rentrant des cours après une journée plutôt assommante, je sautais immédiatement dans ma chambre. J’avais l’avantage que ma fenêtre donne directement sur le jardin. Je pouvais donc aisément m’en servir de passage rapide.
Les heures défilèrent à coup de flânages sur les chats1 et de commentaires sur les divers blogs que je découvris au fil de mes recherches. J’adorais chatter en ligne, même si c’était pour échanger des banalités, j’aimais cette inhibition que j’avais derrière mon écran et que je n’osais pas franchir en face à face. Même si les conversations avec les personnes de mon âge étaient assez brèves et nous en avions vite fait le tour. Malgré ça, au fil des années, je m’étais fait quelques amis en ligne avec qui j’adorais échanger. Avec certains d’entre eux, nous parlions de nos jeux vidéo préférés et nous débattions sur les prochaines sorties à venir, avec d’autres je servais de psychologue conjugale.
Je pensais notamment à Matthis, qui me racontait sans cesse ses déboires amoureux, où il était partagé entre Rémy, le solitaire sympa ou Jimmy, le beau-gosse distant et sulfureux. Je trouvais ça réellement amusant d’aider mon ami à faire ses choix, et j’attendais chaque jour, avec une grande impatience, le résumé des nouveaux ragots éventuels. Nos échanges journaliers étaient ma soupape de sûreté. J’évacuais la pression que je pouvais accumuler, et c’était une manière ludique de se faire des amis sans la pression sociale que vous avions dans notre vrai quotidien.
La distance qui nous séparait était aussi une façon de se sentir en sécurité. Pas de stress, de savoir quoi dire ou comment agir en face. Même si, j’admis sans difficulté que de rencontrer Matthis serait fort agréable et qu’il n’y aurait probablement pas de blancs en face à face.
L’heure du repas du soir arriva rapidement, et je me dépêchais de l’engloutir, mes hormones adolescentes me faisant penser que, sinon, j’allais inévitablement mourir affamée.
Une fois le ventre bien plein, et la table débarrassée, je me calais un instant dans le canapé pour papoter avec mon papy devant la télévision.
— Alors ma guimauve, me dit-il avec sa voix douce, l’école s’est bien passée aujourd’hui ?
— Ça va, oui. Rien de très passionnant en soit, toujours les éternelles mêmes leçons avec les éternels même insupportables dans ma classe.
— Oh ma guimauve, des problèmes de cœur à l’horizon avec ces « éternels insupportables » ?
Mon grand-père était d’une telle justesse quand il s’agissait de lire en moi que c’en était systématiquement déroutant. Mais, pour le coup, il n’avait pas visé si juste.
— Oula non, répondis-je d’un ton que j’essayais aussi doux que le sien, bien au contraire. Au lycée, c’est la grande « mode » d’être en couple. Mais, pour être honnête, je ne suis pas sûre d’être faite pour ça. Je suis peut-être différente, après tout. Tu penses que c’est normal de ne pas avoir de petit-ami à mon âge, toi ? Après tout, tu n’étais pas bien plus vieux que moi quand tu es sorti avec mamie.
Je profitai de l’intimité de cette conversation pour me blottir contre mon grand-père.
— Ma guimauve, il est tout à fait normal de ne pas avoir de petit ami à ton âge. Chaque personne grandit à son rythme, et il n’y a pas de règle stricte sur le moment où tu devrais commencer à t’intéresser aux garçons. L’important est de prendre ton temps et de te sentir prête quand cela arrivera. Ta grand-mère et moi, c’était une autre époque, tu sais.
— Merci, papy, c’est tellement vrai… Puis, de toute façon, je ne saurai même pas comment m’y prendre. Ce genre de chose me passe vite au-dessus. Comment sait-on si on est amoureux ? Et comment trouver quelqu’un qui nous aime vraiment ?
— Ce sont de très bonnes questions, ma guimauve. Tu es sûre de ne pas y avoir réfléchi avant ? lâcha-t-il, en me toisant par-dessus ses lunettes.
Je fis une moue perplexe, et il reprit.
— L’amour est un sentiment complexe, et il peut prendre différentes formes. Quand on est amoureux, on ressent une connexion spéciale avec une personne, on pense souvent à elle et on se soucie de son bonheur. C’est un sentiment qui grandit avec le temps et qui peut être merveilleux. Pour trouver quelqu’un qui t’aime vraiment, il est important de ne pas te précipiter. Ne cherche pas à te conformer aux attentes des autres, mais plutôt à trouver quelqu’un qui t’accepte telle que tu es, qui te respecte et qui te soutient. L’amour véritable est basé sur la confiance, le respect et la communication.
— Merci papy, et, j’ai encore une question, lui ajoutais-je, plus gênée qu’autre chose.
— Oui, ma guimauve, dis-moi tout.
— Et bien, dans l’hypothèse, et je précise que c’est une hypothèse, si jamais je rencontrais quelqu’un à l’avenir, comment savoir s’il est sérieux et qu’il ne joue pas avec mes sentiments ? Il se pourrait que… possiblement… il n’est pas improbable que… ça soit un frein à beaucoup de choses, cette hypothèse.
— Ahlala ma guimauve, tu me fais tellement penser à ta mère à ton âge. Sauf qu’elle se posait moins de questions. Pour les garçons, ta mère a toujours été du genre « fonceuse ».
— Ça n’a pas spécialement changé, lui répondis-je en riant.
— Oui, c’est un fait avéré ! s’éclaffa-t-il dans sa grande barbe argentée. Mais pour répondre à ta question, et bien, il n’est pas toujours facile de savoir si quelqu’un est sérieux dans ses intentions. Un bon indicateur est la façon dont il te traite. Si un garçon est respectueux, attentionné et montre qu’il se soucie de toi, ce sont de bons signes. Il est également important d’observer si ses actions correspondent à ses paroles. Si ses comportements sont cohérents et s’il fait des efforts pour te connaître vraiment, cela peut indiquer qu’il prend la relation au sérieux. Mais rappelle-toi toujours d’écouter ton intuition. Si tu ressens quelque chose d’inconfortable ou de douteux, il est essentiel de prendre du recul et de te protéger.
— Je t’aime papy, lui dis-je pour le remercier.
— Je t’aime aussi, ma guimauve. Tu sais, ton vieux papy sera toujours là pour toi. L’amour et les relations peuvent être compliqués, mais je suis convaincu que tu trouveras quelqu’un de spécial quand le moment sera venu. N’oublie pas de t’aimer toi-même et de prendre soin de ton bonheur avant tout.
J’adorais tant échanger avec lui. Il était tout comme moi, plutôt introverti avec le monde qui nous entoure, mais il avait tellement à m’apprendre que je pouvais passer des heures à l’écouter me parler de tous les sujets qui le passionnaient.
Quand je regagnais ma chambre, je me précipitais aussitôt vers mon sanctuaire personnel, où m’attendait mon fidèle compagnon : un vieil ordinateur datant du début des années 2000. Malgré son écran légèrement rayé et son clavier usé, j’y étais fortement attaché. Il m’avait été offert par mon grand-père. Il croyait fermement en l’importance de la technologie comme moyen d’ouvrir des horizons et d’élargir les connaissances. Chaque fois que je le contemplais, je me rappelais ses paroles inspirantes et de son soutien inconditionnel.
Une fois celui-ci allumé, après un temps plus ou moins à rallonge, je me précipitai sur la petite icône qui représentait mon meilleur ami virtuel.
Moi : Hello Mat’ je ne te dérange pas ?
Matthisdu59 : Jamais, voyons !
Moi : J’ai parlé avec mon grand-père ce soir, et je me suis posé un millier de questions. Toi qui es un grand romantique, mais aussi une des personnes les plus larguées que je connaisse, LOL2, pourquoi tu persistes autant en croire à l’amour ? Après tous ces garçons qui t’ont brisé le cœur…
Matthisdu59 : Je te remercie déjà pour ce coup bien placé ! LOL. Mais sérieusement Lauren, il est si bon de se réveiller amoureux, les papillons au ventre. Cette sensation vaut tout l’or du monde. Et quand ça ne fonctionne pas, et bien, tant pis ! C’est un peu comme un bon jeu, parfois tu perds, mais parfois tu gagnes. Et tu peux gagner bien plus que ce à quoi tu t’attendais. Ce n’est pas une science exacte, tu sais.
Moi : Mouais, je vois. De toute façon, je ne cherche rien, alors comme ça, aucun risque !
Matthisdu59 : Oh, ma pote ! Je suis heureux de t’annoncer que ça ne va plus tarder pour toi.
Moi : Tu te la joues devin, maintenant ?
Matthisdu59 : Non, je n’ai pas assez de talent ! Mais ce genre de chose arrive systématiquement quand on ne s’y attend le moins. C’est mathématique : moins tu cherches, plus ça va te tomber dessus. C’est inévitable.
Moi : J’en doute…
Je passai une bonne moitié de la nuit à débattre avec mon ami à ce sujet, le sommeil n’arrivant toujours pas à ma porte. Ses conseils m’étaient précieux, mais cette façon aussi sûre de lui qu’il avait de m’annoncer les choses m’exaspérait.
N’y avait-il donc pas d’autres issues que de trouver l’amour ? Ou minimisais-je simplement les choses, car je n’avais vécu ce sentiment, encore ?
Connaîtrais-je bientôt cette émotion qui envahit son hôte, si rapidement et si brutalement, d’une façon si incandescente, qu’elle brûlerait tout sur son passage ? Ou le feu emportera-t-il tout ce qu’il me reste, à mesure qu’il me consumera ?
Le lendemain matin, lorsque je m’éveillai d’un sommeil plutôt court, il me fallut un peu de temps pour émerger tant j’étais encore somnolente. Puis, je réalisai soudain quel jour c’était. Mon esprit se réveilla aussitôt, prêt pour les élucubrations de la journée. Ce n’était pas un jour anodin, c’était un jour spécial pour moi : mon anniversaire, j’avais enfin seize ans.
Je ne savais pas encore si j’étais heureuse ou perturbée de vieillir. Je n’avais jamais apprécié fêter mon anniversaire, me contentant plus de subir les conventions sociales que de les apprécier. Les sourires forcés, les discussions superficielles, les attentes démesurées… Tout cela me paraissait si artificiel et si éloigné de ce que j’étais réellement.
Je me retrouvai donc plongée dans une mer de réflexions, plus libératrices les unes que les autres. Désormais assise, seule dans ma chambre, je me questionnai sur cette infâme tradition. Pourquoi devrais-je consacrer cette journée à recevoir des cadeaux et à organiser une fête alors que je pourrais plutôt la consacrer à moi-même et à mes passions ? J’aimais tant m’immerger dans mes livres préférés, laisser ma plume vagabonder sur mon vieux clavier défoncé, jouer de la guitare jusqu’à ce que mes doigts en soient endoloris, même si aucune note de potable n’en sortait. Ces passions étaient le carburant qui alimentait mon âme, elles me procuraient une satisfaction profonde et authentique.
Malheureusement, c’était mercredi, je devais impérativement me rendre au lycée. Non pas que je n’avais pas envie de sécher les cours, bien au contraire, mais Amanda m’attendait pour que nous puissions réviser notre prochain devoir.
Je chérissais tellement cette fille. C’était ma meilleure amie depuis la primaire et nous avions absolument tout vécu ensemble. En plus de ça, je n’avais jamais su lui dire non.
Bien qu’elle ne mesurait qu’un mètre soixante, elle me dépassait de dix bons centimètres, ce qui faisait qu’elle m’intimidait drôlement. Cela se confirmait surtout quand elle me regardait à travers ses grosses lunettes qui avaient d’ailleurs une monture bien trop large pour son visage.Elle n’était pas une grande fan de maquillage, et, à ma connaissance, avait toujours préféré un look naturel et simple.Ses cheveux étaient plutôt sombres, d’une nuance entre le brun ou le noir, et tombaient en vagues douces autour de sa figure. Elle pouvait les attacher en un chignon ou une queue de cheval, ce qui était pratique pour les maintenir hors de son visage lorsqu’elle était plongée dans ses études.
Ce que j’aimais le plus chez Amanda, c’était qu’elle ne se souciait pas vraiment de la façon dont elle était perçue par les autres et elle dégageait une impression de calme et de réflexion.Elle pouvait sembler un peu réservée ou introvertie, mais ce n’était qu’une carapace, car au fond elle avait l’esprit le plus inénarrable que je connaissais.Donc si Amanda me disait de venir, je m’exécutais sans poser de question. Qu’importe si j’avais choisi de me perdre dans les méandres de ma créativité et de me reconnecter avec mon essence vitale ce jour-là.
Je me levai donc de mon lit d’un bond, enfilai le premier sweatshirt que je trouvais, et me regardai d’un coup d’œil bref dans le miroir.Après une inspection de ma tenue et de ma dégaine bien plus longue que la normale, je me ravisai. C’était mon anniversaire et j’avais désormais seize ans, il fallait que je mette autre chose que mes sempiternels sweatshirts de groupe de métal. Du moins pour aujourd’hui.
Je m’excusai donc auprès de ma pièce préférée, qui représentait la dernière tournée de Gojira, et j’ouvris donc mon armoire afin d’étudier minutieusement toutes les solutions qui se soumettaient à moi. Je finis par jeter mon dévolu sur une petite robe noire cintrée avec un col Claudine. Je l’agrémentai d’un gilet en laine noir, car nous étions tout de même au moins de décembre et que je ne souhaitais pas avoir froid, puis d’une paire de collants classiques et mon éternelle paire de New Rock, qui était la paire de chaussures que je chérissais le plus au monde. Elles avaient beau être défoncées par endroits, je me sentais tellement bien dedans. Et puis, elles complétaient mon look gothique et mal dans sa peau à la perfection.
Je rejetai un coup d’œil bref dans le miroir et décidai de relever ma crinière blonde en une queue de cheval haute. C’était ma coiffure de la flemme, mais j’appréciais la façon dont ça faisait ressortir les traits de mon visage.
Une fois préparée, je montai rapidement engloutir un bol de céréales et un verre de jus de pomme et rejoignis précipitamment mon vélo pour ne pas être en retard une fois de plus.
Faire du vélo en cette période n’était pas ce que je chérissais le plus. À vrai dire, c’était plutôt l’inverse, mais je me motivai tout de même à l’emprunter, mon papy s’étant rendormi sur le canapé, je ne souhaitais pas le réveiller. Puis les embrassades d’anniversaire allaient durer une éternité, et je ne voulais vraiment pas m’éterniser, n’étant pas une grande fan de ce genre d’attention.
Je désirai vraiment qu’aujourd’hui soit une journée comme les autres.
***
— Wahou, s’écria Amanda, les gambettes sont de sorties. Attends-toi à voir de la neige tout à l’heure.
— Bonjour à toi aussi, lui soufflais-je, le ton de ma voix plus froid que prévu.
— Si je ne peux plus te taquiner ma chérie, qui le fera ! s’enthousiasma-t-elle. Surtout aujourd’hui !
Amanda me saisit dans ses bras et me glissa dans l’oreille :
— Joyeux anniversaire ! J’espère que cette journée sera la tienne, autant que tu le mérites. Je t’aime !
Je remerciai vivement Amanda, d’une humeur moins maussade que précédemment, et nous nous dirigeâmes vers notre spot préféré du lycée : le grand banc apposé sur l’immense fenêtre du troisième étage.
La vue d’ici était imprenable et s’étendait sur une importante partie de la ville. La lumière qui émanait de l’extérieur était douce et chaude, ce qui était très agréable pour pouvoir étudier tranquillement.
— Alors, tu as prévu quoi de beau, pour aujourd’hui, me demanda-t-elle, un sourire franc sur son visage.
— Pas grand-chose. À vrai dire, j’ai même songé à sécher les cours ce matin. Je voulais me consacrer cette journée, mais tu avais trop besoin de moi pour les révisions !
Mon ton était assez sarcastique, mais cela ne nous empêcha pas de rire en chœur.
— Avoue que c’est plutôt parce que tu craignais mes représailles, plaisanta-t-elle, d’un air un peu trop sérieux.
— Rien n’est impossible, tu sais…
Une fois nos devoirs terminés, nous nous acheminâmes dans nos cours habituels, traînant des pieds plus qu’Amanda ne le faisait.
Nous entrâmes dans le bâtiment des sciences, et nous dirigeâmes dans la salle de Sciences Physiques. Je m’assieds à ma place prédéfinie, Amanda rejoignit la sienne, et je m’armai de mon cahier, de mon stylo et de mon manuel de physique. La professeure, madame Simon,commença à nous expliquer le thème du jour, qui était la mécanique. Elle nous montra quelques exemples concrets et nous démontra comment calculer la force appliquée sur un objet.
Même si je trouvai cette matière affreusement barbante, il était quand même fascinant de découvrir les différentes forces qui existaient dans la nature et dans notre quotidien. Je rêvassai néanmoins en prenant soin de montrer de l’intérêt à ce qui se déroulait sur le tableau blanc, afin d’anticiper si je me faisais interroger subitement, et je continuai à prendre des notes tout au long du cours. Même si je le fis de mauvais cœur, cela me permettait de mieux appréhender la leçon durant mes prochaines révisions.
Quand la sonnerie retentit pour annoncer l’intercours, Amanda et moi nous dirigeâmes tout droit vers l’extérieur. Notre lycée ne contenait pas de cours propre à lui-même, excepté peut-être le terrain d’athlétisme qui le longeait, mais le devant de l’établissement était aménagé de sorte que nous puissions tout de même prendre l’air.Des bancs usés et biscornus, probablement peints il y a plusieurs décennies, car la peinture n’était plus qu’un lointain souvenir, étaient déposés sous des arbres matures parsemés aux abords de la route déserte.Les citadins n’empruntaient quasiment pas cette route, et elle ne servait presque qu’aux professeurs et aux étudiants de la structure. Même si la majorité des élèves se promenaient dans ce lieu de rassemblement, et que les places se faisaient plutôt chères, nous avions trouvé un petit coin qui nous permettait d’être au calme, loin des agitations ambiantes.
Avec Amanda accolée à mon bras, nous nous dépêchâmes de rejoindre notre place en extérieur quand, nous coupant dans notre élan, le haut-parleur du lycée se mît à faire un bruit de larsen. Une voix réussit toutefois à se faire entendre au travers de ce vieil appareil.
— Les élèves de première S. et de terminale L. peuvent rejoindre l’étude pour la fin de journée s’ils le souhaitent. Mademoiselle Chavèz, la professeure d’espagnol, a eu un incident de dernière minute, et Monsieur Polochon a dû s’absenter afin de la raccompagner chez elle.
Connaissant Monsieur Polochon, et la façon dont il avait toujours scruté Mademoiselle Chavèz, cela ne me surprit guère. Nous avions toujours émis l’hypothèse d’une romance entre les deux.J’espérais malgré tout qu’il ne s’agissait de rien de grave, même si cette annonce tombait à pic. « Ah, enfin ! » grommelais-je, à l’attention d’Amanda qui me dévisagea en coin.
Ne souhaitant pas rester davantage à cet endroit, j’exprimai mon envie de rentrer chez moi à Amanda. Elle n’émit pas d’objection, et tenta même de joindre ses parents afin qu’ils puissent venir la chercher.
Je me dirigeai donc doucement à la maison de mes grands-parents, profitant de mon envie de m’aérer l’esprit, quand je reçus un texto.
Ma louloute ! JOYEUX ANNIVERSAIRE !
J’ai trop envie de venir.
Besoin de shopping urgent.
Mon train arrive chez toi dans 1 petite heure, ça te tente ?
Le timing du message de Kassy était parfait. Je lui répondis par l’affirmative, enthousiasmée par la tournure qu’avaient prise les évènements, et me dirigeai donc dans la petite gare qui était au centre de la bourgade.
Je n’étais pas une grande fan de shopping. Quand j’avais besoin de renouveler ma garde-robe, j’allais généralement au plus expéditif et au plus simple. Même si j’adorai chiner quelques belles pièces ou regarder les nouveautés dans mon magasin préféré, Patchouli, à Saint-Étienne.
Mais j’aimais la compagnie de Kassy. Elle était un petit boucan à elle seule, et nous passions généralement de bons moments ensemble. Je pouvais toujours me confier à elle, car je savais qu’elle ne serait pas dans le jugement.
Au bout d’une bonne vingtaine de minutes de marche, j’atteignis enfin la gare. Elle n’était pas très grande, ni même très entretenue, mais le hall était suffisamment grand pour s’abriter du froid ambiant.
Le train de Kassy n’allant pas tarder à arriver, je m’installai dans la gare et piochai l’un de mes cahiers au hasard dans mon sac, pour m’occuper en attendant. Le premier qui se présenta à moi était celui de mathématiques, que nous avions étudiées avec minutie avec Amanda quelques heures plus tôt. Faisant la moue, je le reposai dans mon sac et tenta d’en piocher un second. Cette fois-ci ce n’était plus un de mes cahiers de cours, mais un des livres que nous étudions en français : Madame Bovary. Je me plongeai donc dans sa quête incessante de passion et d’évasion, mais aussi dans sa lutte contre l’ennui de la vie conjugale et sa recherche effrénée de l’amour romantique. Je n’étais pas d’accord avec elle sur tous les aspects, mais suffisamment pour me couper du monde à cet instant.
La petite mélodie de la SNCF me sortit de ma transe :
— Le train TER numéro 880733 en provenance de Lyon entre en gare, voie A. Il desservira…
Je me levai de mon siège plus brusquement que je ne l’aurai voulu et je rejoignis le quai. Parmi la foule, je ne distinguai pas encore la tignasse colorée de Kassy. Il me semblait qu’en ce moment elle arborait un mélange de bleu et de violet, ce qui devait être facile à apercevoir tant cela sortait du lot. Mais quand la population de la gare se dissipa, je me rendis à l’évidence : Kassandra m’avait encore posé un lapin.
De rage, je saisis mon téléphone pour lui envoyer un texto dont elle se souviendrait probablement toute sa vie.Puis, je réfléchis et me demandai si, finalement, elle n’avait pas rencontré un problème.
Le nez dans mon mobile, je commençai à taper un monologue à Kassy tout en me dirigeant hors de la gare.
— Hey ! Mercredi Addams, m’interpella une voix.
N’étant pas motivée à débattre encore sur le pourquoi j’arborais un look aussi exotique avec une personne que je ne connaissais même pas, et encore moins aujourd’hui, je me retournai brutalement pour dévisager l’individu et m’apprêtai à répondre lorsque celui-ci me tendit mon livre que j’avais dû perdre en chemin.
Je n’eus pas le temps de dire quoi que ça soit que le jeune homme continua :
— Tenez, vous avez fait tomber ceci.
Il me tendit le livre à nouveau et, cette fois-ci, je m’en saisis.
— Je m’excuse si je vous ai paru grossier en vous appelant Mercredi Addams, reprit-il après avoir examiné mon visage qui devait être ahuri, mais je vous hélais depuis quelques minutes et vous ne réagissiez pas.
Je n’avais effectivement rien entendu, trop absorbée par l’intensité avec laquelle je tapais sur le clavier de mon téléphone.
— Je suis sincèrement désolée, lui répondis-je, merci beaucoup à vous. J’étais en colère après mon amie qui m’a plantée, et je n’ai pas fait attention.
— Pas de problème, c’est vrai que vous sembliez perdue et un peu paniquée, dit-il en émettant un petit rire qui me déstabilisa. Valentin, enchanté !
— Lauren, articulais-je d’une voix étouffée.
Je toisai l’individu qui se présentait devant moi. Je n’avais pas l’habitude de rencontrer des garçons, surtout de ma tranche d’âge, du moins c’était l’âge qu’il semblait dégager, et qui étaient aussi charmeurs et charismatiques.
Sa crinière rousse lui donnait un petit côté Prince Harry, et sa tenue vestimentaire allait bien avec le personnage, puisqu’il arborait une chemise cintrée blanche, rentrée dans un pantalon pincé beige. Avec du recul, il était rare de voir un garçon de cet âge-là dans ce genre d’accoutrement. Mais ce changement était agréable, car il dégageait une aura pleine de confiance et d’entrain. J’avais beau essayer, je n’arrivais pas à me dégager de son regard, d’un bleu perçant. On aurait dit un océan dans lequel j’aurais accepté volontiers de me noyer.
Nous échangeâmes encore quelques banalités, et il m’expliqua qu’il était en formation pour devenir un grand cuisinier et qu’il était venu ici pour un entretien d’embauche.
— Il n’y a pas assez de restaurants à Lyon, que tu t’es senti obligé de venir dans ce petit patelin paumé ? lui demandais-je, au fil de notre conversation.
— Si probablement, me lâcha-t-il, en passant une main dans ses cheveux, mais c’est mon père qui m’a décroché cet entretien, et je ne pouvais pas lui dire non.
— Vu comme ça…
Et nous continuâmes notre conversation tout en nous dirigeant, cette fois-ci, à l’extérieur de la gare.
— Je dois vraiment y aller, me signala-t-il.
Il marqua une pause, comme s’il cherchait du courage pour finir sa phrase.
— J’aimerais vraiment te revoir, si tu es d’accord. Tu as illuminé ma journée Lauren, et j’adorerais continuer à apprendre à te connaître.
Sa proposition me surprit puis me flatta et le feu de mes joues s’installa progressivement. Je ne tardai cependant pas à accepter, même si j’étais encore troublée par cette rencontre. Nous échangeâmes nos numéros de téléphone ainsi que nos adresses MSN 3avant de nous dire au revoir, pour de bon cette fois-ci.
À peine eus-je le temps de reprendre ma route que mon téléphone vibra.
Encore un bel et joyeux anniversaire,
Valentin.
Quand son prénom s’afficha sur le message, mon esprit se mit instantanément en ébullition, cherchant frénétiquement les mots parfaits à lui répondre. Je ne pus m’empêcher de relire le message une dizaine de fois, tentant d’analyser chaque sous-entendu qu’il pouvait se cacher derrière ses quelques mots. Je souriais à pleines dents, ce qui n’était pas dans mes habitudes, m’imaginant simplement son visage derrière ces quelques caractères qui avaient apparu sur l’écran de mon mobile.
Ainsi, je pris une profonde inspiration, rassemblai mon courage, et me saisis du clavier de mon téléphone. J’appuyai sur les touches de façon effrénée, supprimant chacun des termes qu’ils me venaient, encore et encore.
Finalement, j’optai pour une réponse simple, que je me voulais plutôt rigolote.
Merci, et merde à toi pour ton entretien !
PS : Si c’était une façon détournée d’être sûr que je n’ai pas donné un faux numéro,et bien, voilà, c’est bien moi.
Lauren.
Après avoir appuyé sur le bouton « envoyer », je lançai l’appareil au fond de mon sac. Je ne voulais pas voir la réponse qui s’afficherait, ou alors, je ne souhaitais pas l’attendre impatiemment. Hélas, il n’eut pas le temps d’arriver au fond du sac, qu’il vibra à nouveau.
Je suis percé à jour ! LOL.
À partir de cet instant, il fut impossible pour lui comme pour moi d’arrêter notre échange.
Nous continuâmes de discuter de tout et de rien. J’appris de lui qu’il était quelqu’un d’ambitieux et de déterminé. Des qualités ultras respectables, qui le différenciaient de la plupart des autres garçons. Il me raconta des évènements sur sa famille, sur le divorce de ses parents, ainsi que sur l’importance de ses grands-parents dans sa vie. Je me reconnus immédiatement en lui, et je ne tardai pas à me confier également.
Je découvris qu’il avait une petite sœur de six ans, Camélia, que, malheureusement, il voyait peu, car il vivait avec son père, et elle avec leur mère. Valentin m’expliqua aussi l’amour inconditionnel qu’il éprouvait pour cette enfant. Je ne pus m’empêcher de trouver ça incroyablement touchant, moi qui avais toujours rêvé d’avoir une petite sœur.
Sa conversation était très agréable, et le fait de se sentir écouter me fit réellement du bien. Nous nous repérions donc des intérêts communs et l’envie de se revoir s’imposa rapidement à nous. Cependant, malgré l’excitation de cette nouvelle rencontre, une appréhension s’était emparée de moi. Devrais-je vraiment programmer une prochaine rencontre avec ce garçon que je ne connaissais qu’à peine ? Est-ce que cela signifiait que cela nous mènerait à quelque chose de plus ? Je ne savais pas encore si j’étais totalement prête à ouvrir mon cœur à quelqu’un, à nouveau.
Des garçons s’étaient intéressés à moi, dans le passé, mais je n’en avais rien récolté de bon. Des passades, des engagements non respectés. Dans les deux sens, évidemment. Un manque d’amour qui m’avait propulsé dans des bras que je ne désirai pas. Des bras qui ne m’apportaient ni réconfort ni secours. Des bras qui ne m’ont jamais propulsé dans des tourbillons d’émotions. Je craignais de revivre les mêmes écueils, de me perdre à nouveau dans des promesses vaines. Pourtant, malgré mes hésitations, une part de moi était curieuse. Je sentais un frisson d’excitation nouveau mêlé à une pointe de crainte. C’était comme marcher sur un fil tendu entre l’espoir et la prudence.
Après avoir médité longuement sur le sujet, je décidai de me donner le temps nécessaire pour écouter mon cœur et mes intuitions. Je savais que, peu importe la suite des évènements, je méritais une relation authentique et équilibrée. Valentin n’était-il pas le prince charmant que j’attendais si vainement depuis toujours ? Ne pouvait-il donc pas, en retour, me laisser prendre ce temps dont j’avais tant besoin ?
Je suis tellement, mais tellement désolée, pardon ma louloute ! Ne pouvait s’empêcher de crier Kassy. J’ai eu une complication de dernière minute avec une cliente qui ne voulait pas me lâcher. Et après Jeanne m’a rattrapé et je me suis tapé des heures de compta. J’étais vraiment coincée…
Je toisai la jeune fille avec un air faussement fâché, afin qu’elle s’en veuille un peu malgré tout. Même si, au fond, je ne pouvais pas lui en vouloir bien longtemps.
— Je ne t’en veux pas, ne te fais pas de soucis pour ça. Puis en fin de compte, ton absence a été bénéfique pour moi.
La jeune coiffeuse me regarda avec de gros yeux, puis me demanda des explications.
— Il se peut que j’aie rencontré un individu de sexe masculin, pas trop moche et pas trop bête…
Il m’avait toujours été impossible de ne pas tout raconter à Kassandra. Même si ces échanges n’étaient pas spécialement naturels pour moi, ils représentaient énormément. Elle avait cette capacité incroyable d’être toujours positive et encourageante, et c’en était bénéfique. Lorsque je lui racontais mes joies, mes peines, mes doutes ou mes rêves, elle m’écoutait attentivement, sans jugement. Je pouvais me livrer en toute confiance, sachant qu’elle était là pour moi, prête à m’écouter et à me soutenir. C’était une partie précieuse de notre amitié à laquelle j’avais rapidement pris le pli.
— Je veux tout savoir ! hurla Kassy, quand la sonnerie de la porte l’interrompit. Mince, ma cliente. Bon, je vais m’occuper d’elle, et quand je reviens, tu ne m’épargnes AUCUN détail ! C’est OK ?
— Oui, maman.
Je laissai mon regard vagabonder dans le salon de coiffure. La décoration ambiante était plutôt sympa même si un rafraîchissement n’aurait pas été de trop. De magnifiques miroirs encadrés en or étaient disposés sur des murs recouverts d’un papier peint couleur ocre. Le mobilier était un peu démodé, même si les chaises en cuir rouge vif qui trônaient au centre de la pièce étaient ce qui existait de plus confortables dans le domaine. Je cédai à la distraction des ondes de musique qui étaient diffusées sur le vieux poste d’autoradio apposé derrière le comptoir en bois massif. Les chansons provenaient d’une vieille chaîne de radio locale, et étaient masquées en grande partie par le bruit extérieur des voitures du centre-ville. L’odeur caractéristique des produits de coiffure et de laque léchait mes narines. Même si cette odeur était particulière, je l’avais toujours appréciée.
L’établissement appartenait à la marraine de Kassandra, Jeanne, qui était aussi l’ex-femme de mon père. C’était d’ailleurs comme ça que j’avais rencontré mon amie.
La première fois que je l’avais vue, nous étions toutes les deux avachies sur le canapé bariolé de sa marraine. La télévision chantait en fond, remplaçant l’unique fond sonore de la pièce. Nous ne parlions pas, ne sachant quoi nous dire. La jeune fille, même si elle avait deux ans de plus, était tout autant intimidée que moi. Pourtant, aussi étrange que cela puisse être, nous n’étions pas gênées de la situation. Chacune de nous avait envie de parler à l’autre, sans ne savoir que dire. Rompant le silence au bout d’un long moment, la première phrase qui sortit de la bouche de Kassy fut : « Oh ! La dame à la TV elle a les mêmes yeux que moi ! ». Intriguée, je regardai le poste de télévision où était diffusée une vieille publicité, avec, effectivement, une jeune femme en gros plan avec de grands yeux aussi clair qu’un ciel d’été par une journée ensoleillée. Les mêmes que Kassandra, qui me regardait, à cet instant, la même expression que la mannequin de la télé sur son visage. Je ne pus refreiner mon rire, qui s’était voulu franc et bien trop fort, et notre amitié naquit autour de ce souvenir. Avec du recul, je trouvais ça toujours aussi marrant.
À cette époque-là, lorsque mon père et Jeanne étaient ensemble, ils formaient un couple véritablement magnifique. Leur relation était empreinte d’une profonde affection, et je me réjouissais toujours de retrouver mon ancienne belle-mère lors de nos rencontres ultérieures. Cependant, un élément sombre assombrissait leur bonheur : les problèmes de boisson de mon père étaient déjà considérables, mais ce qui rendait la situation encore plus difficile était que Jeanne rencontrait également des difficultés avec l’alcool. Leur amour réciproque était indéniable, mais leur coexistence était devenue toxique et destructrice. Face à cette réalité, ils ont finalement pris la décision de se séparer, dans l’intérêt de leur propre bien-être. Cela n’empêchait pas malgré tout mon père de revoir Jeanne, car je le croisais bien trop souvent au salon de coiffure. Mais leur relation était plus saine et apaisée désormais, et je savais qu’ils passaient de bons moments ensemble. Ils étaient heureux comme ça, c’était tout ce qui comptait.
Quand Kassandra finit de s’occuper de sa cliente, elle me rejoignit. Elle attrapa le petit tabouret métallique qu’elle utilisait pour faire les coupes de cheveux, et s’installa à côté de moi. À peine fit-elle installer, qu’elle me supplia de tout lui raconter, et je lui contais les évènements de la gare, dans le moindre détail.
— J’adore ! Il a l’air génial, je veux le rencontrer ! s’extasia mon amie. C’est beaucoup trop mignon ! Comme quoi, finalement, j’ai bien fait de te planter.
— Je ne dirai pas ça non plus, rappelais-je à Kassy, tu m’as quand même laissée poireauter sous le froid durant une demi-heure. Mais tu ne vas pas pouvoir le rencontrer, même moi je ne l’ai pas revu.
— Et je m’excuse encore, mais je persiste à dire que c’était une bonne action !
— Si tu veux…
— Qu’est-ce qui t’empêche de le revoir, alors ? Il n’était pas trop mignon ?
— Rhaaa, Kassy, il n’y a pas que ça… bougonnais-je, ce n’est qu’un détail superflu. C’est vrai qu’il a un sourire ultra enjôleur et pétillant et qu’on s’entend super bien, mais je ne sais pas trop. Même si on échange beaucoup, on ne se connaît pas assez, je ne sais pas si je suis prête à franchir ce pas. C’est encore bien trop tôt dans notre « relation » et puis…
Je n’eus pas le temps de finir ma phrase que Kassandra se saisit de mon téléphone avec une agilité déconcertante.
— Hey ! râlais-je.
— Louloute, laisse-moi faire, je vais arranger ça ! Tu réfléchis beaucoup trop ! Laisse-toi porter, pour une fois !
La jeune fille ignora mes jérémiades et ouvrit l’application SMS de mon téléphone.
J’ai trop aimé notre rencontre,
Je veux vite te revoir, tu es OK ?
Le message était envoyé, il n’était plus possible de faire marche arrière.
Après avoir énuméré tous les noms d’oiseaux que je connaissais, je finis inévitablement par pardonner à Kassy. Après tout, elle avait raison. N’était-ce pas le moment opportun d’arrêter de réfléchir avec ma tête, et de laisser mon cœur s’emparer de la situation ? Je m’installai à nouveau côté de mon amie, me contentant de la regarder travailler tout en guettant une réponse à son message.
La fin de journée s’installa doucement, et Kassy m’invita à dormir chez elle ce soir-là. Cela m’arrangeait, car je n’aimais pas prendre le train une fois la nuit tombée. D’autant plus que je ne m’étais jamais sentie en sécurité dans une grande ville comme Lyon.
Kassandra disposait d’un petit studio, qui appartenait également à sa marraine, juste au-dessus du salon de coiffure. Ce n’était pas très grand et il n’y avait qu’une seule vaste pièce à vivre qui servait à la fois de chambre, de cuisine, et de salon. L’ambivalence pure, mais c’était cosy et douillet. L’agencement de l’appartement était assez surchargé, car Kassy avait apposé sur chaque mur et chaque espace vide des posters de manga et de groupe de K-Pop, mais cela était tellement coloré que ça rendait l’endroit accueillant.
J’attrapai mon téléphone, resté au fond de mon sac, pour appeler mes grands-parents afin de les prévenir de mes plans pour la soirée.
— Coucou mamie, tout va bien ? Je ne te dérange pas trop, lui demandais-je d’une voix douce.
— Ça va ma chérie, me répondit-elle avec sa voix mielleuse que j’aimais tant, vous avez un problème avec Kassy ? Tu as besoin que papy vienne te chercher ?
— Non, ne te fais pas de soucis pour ça, la rassurais-je, tout se passe très bien, je voulais simplement te prévenir que je restai dormir chez elle ce soir.
J’échangeai quelques banalités avec ma grand-mère et elle ne put s’empêcher de me raconter sa journée. Je lui racontai brièvement la mienne, en omettant bien évidemment la partie où nous avions envoyé un message à un merveilleux garçon, et elle a dû raccrocher pour aller s’occuper du dîner.
Une fois mon appel passé, une notification sur mon téléphone m’interpella. Il m’avait répondu.
Demain, 15 h à la gare ?
Comme la dernière fois.
***
Quand j’ouvris les yeux, il était à peine six heures du matin, ce que je trouvais encore sacrément tôt pour un dimanche. Je tentai tout ce que je pouvais pour me rendormir, mais mon esprit était définitivement fermé à cette idée. Je me tournai et me retournai encore et encore sur le modeste lit de fortune, qui était en réalité un matelas qui avait bien vécu simplement posé au sol, et je songeai à la suite de la journée qui m’attendait.
Les questions se bousculaient dans ma tête. Serais-je à la hauteur ? Aurions-nous des sujets de conversation ? Et si je faisais une bourde embarrassante ? Mon esprit s’emparait de toutes les possibilités négatives, alimentant mes insomnies matinales. Je m’imaginai, encore et encore, les différentes scènes possibles de nos futures retrouvailles. Je répétai mentalement les répliques que je pourrais dire, cherchant désespérément à anticiper chaque instant. Mais plus j’essayais de tout contrôler, plus je me sentais dépassée. C’était comme si une tornade d’émotions me submergeait. D’un côté, j’étais excitée par cette opportunité de faire connaissance avec quelqu’un de spécial. D’un autre côté, j’étais terrifiée à l’idée de ne pas être à la hauteur, de le décevoir ou d’être déçue.
Me revinrent en tête les conseils de Kassy qu’elle m’avait formulé la veille « Sois toi-même, bordel ! Tu es un diamant brut, ne te laisses pas démonter ! ». J’aimerais être aussi aventureuse qu’elle, mais cela n’apaisa pas l’agitation de mon esprit.
N’arrivant définitivement pas à trouver le sommeil et ne souhaitant pas réveiller Kassy qui dormait à poings fermés, je décidai finalement de me lever et d’aller à la douche. Me laver le corps et l’esprit ne pouvait que me faire du bien.
Je me sortis délicatement du petit lit, et entrepris l’expédition vers la salle de bain. J’essayai tant bien que mal de ne pas faire de bruit, ou de trébucher sur les diverses affaires de Kassandra qui jonchaient le sol. Escalader chaque vêtement, babiole et divers utilitaire de maquillage qui s’y trouvaient n’était pas une mince affaire. Je m’y œuvrai donc avec minutie. Me sentant comme si j’étais en plein final de Fort Boyard, je ne pus m’empêcher de me féliciter pour cet effort. Une fois ma mission réussie avec brio, je m’enfermai dans la petite salle de bain aux allures vieillottes.
La petite pièce était si étroite, qu’une fois à l’intérieur, il m’était presque impossible de bouger. J’allumai la petite ampoule qui m’éblouit instantanément d’une lumière vive et jaunâtre, et j’en fermai les yeux de surprise. Les yeux toujours plissés fermés, car ils ne s’étaient pas encore acclimatés à la luminosité ambiante, je m’insérai derrière le rideau de douche rose fluo et allumai enfin l’eau, qui, dès le premier coup, me brûla la peau. Je profitai de cette douche revigorante pour me regonfler à bloc, tentant de mettre mes angoisses de côté.
En voulant attraper mes vêtements de la veille, pour pouvoir rentrer chez moi, je vis un petit tas de linge plié que je n’avais pas vu en arrivant dans la petite pièce. Un post-it rose était déposé au-dessus.
Je t’ai préparé une petite tenue pour ton rencard de tout à l’heure. J’espère que ça te plaira.
N’oublie pas qu’elle s’appelle « reviens »
Je t’aime,
Kassy
Intriguée, je regardai attentivement la tenue que mon amie m’avait préparée, et me tâtai à l’enfiler. Même si la tenue était dans mon style, je trouvai la robe en tartan rouge un peu trop moulante à mon goût. Comme elle était à fine bride, Kassy m’avait choisi une chemise blanche pour l’accompagner.
Je décidai malgré tout d’essayer la tenue, au moins pour faire plaisir à mon amie, et je me promis intérieurement de retourner me changer, si besoin, en rentrant chez moi. J’enfilai les collants noirs qui étaient disposés avec le reste de la tenue, ainsi que mes indémodables New Rock. J’eus un peu de mal à me reconnaître dans le miroir, mais je dus avouer que cette tenue me mettait en valeur. Kassandra me connaissait bien.
— Tu es carrément trop belle ma louloute comme ça, surgit une voix endormie derrière moi.
— Merci, Kassy, tu es vraiment un amour, lui répondis-je. Qu’est-ce que je ferai sans toi…
La jeune femme était dans l’alcôve de la porte, les cheveux en bataille, sa tignasse violette retombant en désordre sur ses épaules et son visage. Elle avait les yeux encore à moitié fermés et son short de pyjama aux couleurs pastel était posé de travers. Malgré ça, elle paraissait pleinement consciente et sincère.
— C’est la question qu’on se pose tous ! lâcha-t-elle avant que nous partions à rire en chœur.
Une fois arrivée à la gare, il était à peine midi et j’avais encore un peu de temps devant moi. J’entrepris donc de me balader en ville, ne souhaitant pas rentrer chez moi, car je ne me voyais pas expliquer à mes grands-parents pourquoi je devais repartir, et qui j’allais voir. C’était encore bien trop tôt pour ce genre de discussion et aussi un peu gênant. Et comme je ne me voyais pas me poser pour manger, car le stress m’enlevait toute faim, la balade était le meilleur des choix. D’autant plus que la ville était belle à cette période de l’année, les décorations de Noël commençant à s’installer dans tous les recoins. Des guirlandes lumineuses scintillaient le long des ruelles, créant une ambiance féerique et chaleureuse. Les maisons étaient parées de mille couleurs, leurs façades illuminées par des guirlandes étincelantes. Je me sentais transportée dans un univers parallèle. Le grand arbre qui prônait au centre-ville était paré de boules chatoyantes, de guirlandes brillantes et de petites étoiles étincelantes. Ses branches semblaient danser avec la brise hivernale, créant une symphonie visuelle de lumières et de couleurs. Les vitrines des boutiques, quant à elles, rivalisaient de créativité. Des scènes de Noël miniatures étaient soigneusement disposées, représentant des personnages en train de patiner sur un lac gelé ou de décorer un sapin. Je me perdais dans ces petits mondes enchanteurs, rêvant de faire partie de ces histoires magiques. Peut-être était-ce une prémice à mon conte de fées nouveau ?
Je laissai mes cheveux flotter légèrement au vent. Même s’il faisait froid, je trouvais cette sensation revigorante. J’aimais tant cette impression de solitude qui s’emparait de moi. C’étaient les moments où j’étais le plus en phase avec moi-même. Je me sentais libre et vivante et ça m’était très bénéfique. Surtout avec le stress qui continuait à me serrer le ventre.
Au fil de ma balade, je m’arrêtai quelques minutes sur un banc aux abords du grand parc de la ville. Je pris une profonde inspiration, fermai les yeux et savourai l’instant.
L’heure se rapprochant de plus en plus, je retournai donc à la gare, pour pouvoir me languir plus facilement. Quand l’éternelle mélodie annonça l’arrivée du train tant attendu, mon cœur fit un bond dans ma poitrine. Le stress s’était bien accaparé de moi, cette fois-ci et toute méditation extérieure fut vaine.
— Wow, tu es encore plus belle que dans mes souvenirs, susurra une voix familière dans mon dos.
— Tu n’es pas mal non plus, dans ton genre, dis-je en tentant de dissimuler le rouge de mes joues. C’est tellement étrange de se revoir après avoir parlé tout ce temps, tu ne trouves pas ?
— C’est vrai, mais je suis tellement heureux que nous ayons finalement pu organiser cette rencontre.
Ses yeux ne cessèrent de me fixer, et j’étais totalement déstabilisée par sa présence, mais aussi par son parfum qui dégageait des notes de cœur de lavande et de géranium. Ça lui apportait une touche de masculinité et de sophistication, et ça collait plutôt bien à ce que j’avais appris de lui.
— Je suis désolée, je n’ai rien prévu de spécifique pour ces retrouvailles, ça s’est un peu organisé au dernier moment, lançais-je, gênée, donc ça sera de la totale improvisation.
— Ça ne fait rien, je suis tellement excité de passer ce temps avec toi, ton programme sera le mien !
Nous décidâmes donc de nous balader dans la ville. Même si c’était ma seconde de la journée, je la vécus différemment. Cette fois-ci, j’étais avec lui.