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La passion d'un savant, le professeur Maracot, est portée à son comble quand l'expédition qu'il a organisée pour explorer une fosse abyssale de l'Atlantique aboutit, suite à un accident de plongée, à une découverte incroyable sur les anciennes civilisations de l'Atlantide, et en particulier d'êtres extraordinaires qui ont préservé leur mode de vie antique...
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Veröffentlichungsjahr: 2017
Sir Arthur Ignatius Conan Doyle, DL (22 May 1859 – 7 July 1930) was a Scottish author most noted for his stories about the detective Sherlock Holmes, which are generally considered a major innovation in the field of crime fiction, and the adventures of Professor Challenger. He was a prolific writer whose other works include science fiction stories, historical novels, plays and romances, poetry, and non-fiction. Conan was originally a given name, but Doyle used it as part of his surname in his later years.
Puisque ces papiers m’ont été remis en vue de leur publication, je commencerai par rappeler au lecteur le triste destin du Stratford. Ce navire avait appareillé l’an dernier pour une croisière dont le but était l’océanographie et l’étude des grands fonds marins. L’expédition était dirigée par le docteur Maracot, auteur réputé des « Formations pseudo-coralliennes » et de la « Morphologie des lamellibranches ». Le docteur Maracot était accompagné de Monsieur Cyrus Headley, ex-assistant à l’Institut de Zoologie de Cambridge, Massachusetts, et, à l’époque de la croisière, boursier à Oxford. Le capitaine Howie, marin expérimenté, commandait le Stratford et son équipage de vingt-trois hommes, parmi lesquels un mécanicien américain des Usines Merribank à Philadelphie.
Tout ce monde a disparu. La seule information reçue sur l’infortuné steamer provient d’un petit bateau norvégien dont les matelots ont vu sombrer, au cours de la grande tempête de l’automne 1926, un navire dont la description correspondait approximativement à celle du steamer. Un canot de sauvetage portant l’inscription Stratford a été découvert ultérieurement non loin du lieu de la tragédie, ainsi que des caillebotis, une bouée de sauvetage, et un espar. Ce rapport, la découverte qui a suivi, un long silence persistant, ont accrédité la conviction que l’on n’entendrait plus jamais parler du navire et des hommes qui se trouvaient à son bord. Un étrange message par sans-fil, capté le jour de la tempête, avait déjà pratiquement anéanti tout espoir. Je reviendrai sur ce message.
Certains détails assez remarquables à propos de la croisière du Stratford avaient suscité quelques commentaires : notamment l’excessive discrétion observée par le professeur Maracot. Certes, il était célèbre pour l’aversion et la méfiance qu’il vouait généralement à la Presse, mais jamais il ne les avait poussées jusque-là : il s’était refusé à donner le moindre renseignement aux journalistes, et il n’avait permis à aucun d’entre eux de monter à bord pendant que le steamer était ancré à l’Albert Dock. Par ailleurs des bruits avaient couru touchant une conception aussi nouvelle qu’insolite dans la construction du navire, conception destinée à l’adapter aux nécessités de l’exploration sous-marine. Ces bruits avaient trouvé confirmation aux chantiers Hunter and Co de West Hartlepool, où avaient été exécutées les modifications structurales. N’avait-on pas affirmé que tout le fond du steamer était détachable ? Pareille particularité avait attiré l’attention des assureurs des Lloyd’s, qui avaient éprouvé quelques difficultés à recevoir les apaisements qu’ils réclamaient. Et puis on n’en avait plus parlé. Mais ces détails revêtent maintenant une importance nouvelle puisque le sort de l’expédition revient, d’une manière absolument sensationnelle, au premier plan de l’actualité.
Passons à présent aux quatre documents se rapportant aux faits connus. Le premier est une lettre qui a été écrite de la capitale de la Grande Canarie par Monsieur Cyrus Headley à son ami Sir James Talbot, du Trinity College d’Oxford, la seule fois (d’après, du moins, ce que l’on sait) où le Stratford a touché terre après son départ de Londres. Le deuxième est l’étrange message par sans-fil auquel j’ai fait allusion. Le troisième est un fragment du journal de navigation de l’ArabellaKnowles, qui concerne la boule vitreuse. Le quatrième et dernier est le contenu stupéfiant de ce réceptacle : ou bien il représente une mystification aussi cruelle que machiavélique, ou bien il ouvre un chapitre neuf de l’aventure humaine, dont l’importance ne saurait être exagérée.
Après ce préambule, je vais maintenant donner connaissance de la lettre de Monsieur Headley ; je la dois à la courtoisie de Sir James Talbot ; elle n’a jamais été publiée ; elle est datée du 1er octobre 1926.
*
* *
Je poste ce courrier, mon cher Talbot, de Porta de la Luz, où nous avons relâché pour nous reposer quelques jours. Mon meilleur compagnon de voyage a été Bill Scanlan, chef-mécanicien ; je me suis lié tout naturellement avec lui, d’abord parce qu’il est mon compatriote et ensuite parce qu’il m’amuse. Toutefois ce matin je suis seul ; il a ce qu’il appelle « un rendez-vous avec un jupon ». Vous voyez qu’il s’exprime tout à fait comme un Américain de pure race.
Vous connaissez Maracot ; vous savez donc de quel bois sec il est fait. Je vous avais raconté, je crois, les circonstances de ma désignation ; il s’était renseigné auprès du vieux Somerville de l’Institut de Zoologie, qui lui avait envoyé mon essai couronné sur les crabes pélagiques, et l’affaire s’était trouvée conclue. Bien sûr, je ne me plains pas d’accomplir une mission aussi agréable, mais j’aurais préféré la faire avec quelqu’un d’autre que cette momie animée de Maracot. Il est inhumain dans son splendide isolement, et dans la dévotion qu’il consacre à son œuvre. « Le dur des durs », dit Bill Scanlan. Et pourtant on ne peut qu’admirer une dévotion aussi totale. Rien n’existe en dehors de sa science. Je me rappelle que vous aviez bien ri quand, lui ayant demandé ce que je devais lire pour me préparer, je m’étais entendu répondre que pour des études sérieuses il me recommandait l’édition complète de ses œuvres, mais que pour me détendre, les « Plankton-Studien » de Haeckel étaient tout indiqués.
Je ne le connais pas mieux aujourd’hui que lorsque je lui ai été présenté dans son petit salon avec vue sur le haut Oxford. Il ne dit rien. Son visage décharné, austère (le visage d’un Savonarole, à moins que ce ne soit celui de Torquemada) ignore la douceur ou la bienveillance. Le long nez maigre et agressif, les deux petits yeux gris très rapprochés qui luisent sous les sourcils en broussailles, la bouche aux lèvres minces, les joues creusées par une vie ascétique et une méditation constante ne constituent point une société relaxante. Il habite une cime mentale ; il s’y tient hors de l’atteinte des mortels ordinaires. Parfois je pense qu’il est un peu fou. Par exemple, ce truc extraordinaire qu’il a fabriqué… Mais je vais commencer par le commencement ; quand je vous aurai tout dit, vous jugerez par vous-même.
Je prends notre croisière à son départ. Le Strafford est un bon petit navire qui tient bien la mer, et qui a été spécialement équipé pour sa tâche. Douze cents tonneaux, des ponts bien dégagés, de larges baux, tout ce qu’il faut pour sonder, chaluter, draguer, remorquer. Il a aussi, naturellement, de puissants treuils à vapeur pour haler les chaluts, ainsi qu’un certain nombre de divers accessoires, les uns assez connus, les autres singuliers. En bas, nos cantonnements sont confortables, et un laboratoire est bien outillé pour nos travaux.
Nous avions déjà la réputation d’un bateau-mystère avant notre appareillage ; j’ai eu tôt fait de découvrir qu’elle n’était pas usurpée. Nos débuts ont été d’une banalité écœurante. Nous avons remonté la Mer du Nord et nous avons largué les chaluts pour deux ou trois raclages ; mais, comme la moyenne des fonds ne dépassait guère vingt mètres, et comme nous sommes équipés pour des profondeurs beaucoup plus considérables, j’ai eu l’impression que c’était là un gaspillage de temps. Quoi qu’il en soit, en dehors de poissons de table familiers, de chiens de mer, de calmars, de méduses, et de quelques dépôts alluvionnaires, nous n’avons rien amené qui vaille un rapport. Puis, nous avons contourné l’Écosse, aperçu les Feroë, et nous avons longé le banc de Wyville-Thomson où nous avons eu plus de chance. De là nous avons mis le cap au sud, vers notre propre champ de croisière, c’est-à-dire entre la côte d’Afrique et les Canaries. Nous avons failli nous échouer à Fuert-Eventura par une nuit sans lune ; cette alerte mise à part, notre voyage s’est déroulé sans le moindre incident.
Pendant ces premières semaines, j’ai essayé de gagner l’amitié de Maracot. Tentative difficile ! En premier lieu, il est l’homme le plus distrait et le plus absorbé qui soit au monde. Vous vous rappelez votre rire rentré quand vous l’avez vu donner un penny au liftier parce qu’il se croyait dans un autobus. La moitié du temps il se plonge dans ses pensées, et il a l’air de ne plus savoir où il est, ni pourquoi il est là. En deuxième lieu, je le trouve terriblement cachottier. Il travaille beaucoup sur des papiers et sur des cartes qu’il essaie de me dissimuler chaque fois que je pénètre dans sa cabine. Je crois fermement qu’il nourrit un dessein secret ; mais tant que nous serons susceptibles de relâcher dans un port, il ne le communiquera à personne. Telle est mon impression ; Bill Scanlan la partage. Bill est venu me trouver un soir dans le laboratoire où je vérifiais la salinité des échantillons de nos sondages hydrographiques.
– Dites donc, Monsieur Headley, à votre avis, qu’est-ce que ce type a dans la tête ? Qu’est-ce qu’il mijote ?
– Je suppose, ai-je répondu, que nous ferons ce qu’ont fait avant nous le Challenger et une douzaine d’autres navires d’exploration : nous ajouterons au répertoire des poissons quelques espèces nouvelles, et quelques précisions à la carte bathymétrique.
– Allons, allons ! Vous ne le jureriez pas sur votre vie ! En tout cas, si c’est là votre opinion, creusez-vous la cervelle pour trouver autre chose. D’abord, pourquoi suis-je ici, moi ?
– Pour le cas où les machines tomberaient en panne, non ?
– Zéro pour les machines ! Les machines du navire, c’est l’affaire de MacLaren, l’ingénieur écossais. Non, Monsieur, ce n’est pas pour m’occuper de ces machines à âne que les patrons de Merribank ont désigné leur meilleur spécialiste. Croyez-vous que je gagne cinquante dollars par semaine pour des prunes ? Venez par ici : je vais vous affranchir.
Il a tiré une clef de sa poche et il a ouvert une porte, au fond du laboratoire ; nous avons descendu une échelle jusqu’à une partie de la cale qui avait été complètement dégagée ; quatre objets volumineux et brillants émergeaient de la paille dans leurs caisses. C’étaient des feuilles plates d’acier avec des chevilles et des rivets compliqués le long des arêtes. Chaque feuille avait à peu près un mètre carré en surface, quatre centimètres d’épaisseur, et elle était percée en son milieu d’un trou circulaire de trente centimètres de diamètre.
– Qu’est-ce que c’est que ça ? ai-je demandé.
La physionomie peu ordinaire de Bill Scanlan (il ressemble à la fois à un comique de vaudeville et à un boxeur professionnel) s’est éclairée d’un sourire.
– Ça ? C’est mon bébé, Monsieur, a-t-il chantonné. Oui, Monsieur Headley, voilà pourquoi je suis ici. Il y a un fond en acier pour compléter ce truc, là, dans la grosse caisse. Et puis il y a un haut, comme un couvercle, avec un grand anneau pour une chaîne ou pour un câble. Maintenant, regardez le fond du navire…
J’ai vu une plateforme carrée, en bois ; elle avait des écrous à chaque angle ; elle était donc détachable.
– … Il y a un double fond, m’a expliqué Scanlan. Peut-être que le type est complètement cinglé ; peut-être en a-t-il plus dans la cervelle que nous le supposons. Mais si je devine juste, il a l’intention de construire une sorte de chambre (les fenêtres sont entreposées ici) et de la descendre par le fond du navire. Il a embarqué des projecteurs électriques ; je parie qu’il les disposera près des hublots ronds pour voir ce qui se promène tout autour.
– Il aurait pu étaler au fond du navire une feuille de cristal comme dans les bateaux de l’île Catalina, si c’était là son idée, ai-je murmuré.
– Vous m’ouvrez des horizons ! a répondu Bill Scanlan en se grattant la tête. La seule chose dont je sois sûr, c’est que j’ai été mis à sa disposition et que je dois faire de mon mieux pour l’aider dans ce truc idiot. Jusqu’ici il ne m’a rien dit ; je ne lui ai rien dit non plus ; mais j’ouvre l’œil, et si j’attends assez longtemps j’apprendrai tout ce qu’il y a à savoir.
Voilà comment j’ai mis le nez dans notre mystère. Ensuite nous avons traversé une zone de vilain temps ; après quoi nous avons traîné quelques chaluts en eau profonde au nord-ouest du cap Juby, juste à côté de la côte ; nous avons lu des températures et enregistré des salinités. C’est assez sportif, ce dragage dans l’eau profonde avec un chalut qui ouvre une gueule de six mètres de large pour avaler tout ce qui se trouve sur son chemin. Parfois il plonge à quatre cents mètres et ramène tout un éventaire de poissonnerie. Parfois, à huit cents mètres de fond, il récolte un lot tout à fait différent ; chaque couche océanique possède ses propres habitants, aussi distincts que s’ils vivaient dans des continents différents. Il nous est arrivé de remonter une demi-tonne de gélatine rose, la matière brute de la vie. Il nous est arrivé aussi de ramener une épuisette de limon qui sous le microscope se divisait en millions de petites boules rétiformes séparées par de la boue amorphe. Je ne vous fatiguerai pas avec les brotulides et les macrurides, les ascidies et les holothuries, les polyzoaires et les échinodermes. Vous pensez bien que nous avons agi en moissonneurs diligents de la mer. Mais j’ai eu constamment l’impression que Maracot ne s’intéressait guère à ce travail, et qu’il avait d’autres plans dans sa momie de tête. J’aurais parié qu’il expérimentait ses hommes et son matériel avant de se lancer dans une entreprise d’envergure.
J’en étais à cet endroit de ma lettre quand je me suis rendu à terre pour une dernière petite marche à pied, car nous appareillons demain matin de bonne heure. J’ai d’ailleurs aussi bien fait : sur la jetée une bagarre menaçait, et Maracot avec Bill Scanlan s’y trouvaient fortement compromis. Bill est un peu boxeur, et il possède ce qu’il appelle le K. O. dans chaque mitaine ; mais ils étaient entourés d’une demi-douzaine d’indigènes du cru armés de couteaux, et il était temps que je misse mon grain de sel. Le Professeur avait loué l’une de ces boîtes locales baptisées fiacres, il s’était fait voiturer sur la moitié de l’île pour en examiner la géologie, mais il avait complètement oublié d’emporter de l’argent sur lui. Au moment de payer la course, il n’avait pu se faire comprendre par ces rustres, et le cocher lui avait chapardé sa montre pour être sûr de ne rien perdre. Sur quoi, Bill Scanlan était entré en action. Mais ils se seraient retrouvés étendus pour le compte avec le dos comme des pelotes à épingles si je n’étais intervenu avec quelques dollars. Tout s’est bien terminé, et pour la première fois Maracot s’est montré humain. De retour à bord, il m’a introduit dans la petite cabine qu’il s’est réservée, et il m’a remercié.
– À propos, Monsieur Headley, m’a-t-il demandé, je crois que vous n’êtes pas marié ?
– Non, Monsieur. Je ne suis pas marié.
– Vous n’êtes pas non plus chargé de famille ?
– Non.
– Bravo ! s’est-il exclamé. Je ne vous ai pas encore parlé du but précis de cette croisière parce que, pour certaines raisons, je désirais le garder secret. L’une de ces raisons était que je craignais d’être devancé. Quand un projet scientifique court les rues, on risque de se voir servi comme Scott l’a été par Amundsen. Si Scott avait été aussi muet que moi, ç’aurait été lui, et non Amundsen, qui aurait planté le premier drapeau au pôle sud. Pour ma part, j’ai un dessein aussi important que le pôle sud ; voilà pourquoi j’ai observé le silence. Mais maintenant nous sommes à la veille de notre grande aventure, et aucun concurrent ne dispose du temps nécessaire pour me voler mon idée. Demain nous partons vers notre but.
– Qui sera ?… lui ai-je demandé.
Il s’est penché en avant. Toute sa figure d’ascète s’est illuminée de l’enthousiasme du fanatique.
– Notre but, c’est le fond de l’Océan Atlantique…
Ici je devrais faire une pause, car je suppose que vous avez le souffle coupé. Si j’étais feuilletoniste, j’arrêterais là mon chapitre, avec la suite au prochain numéro. Mais je ne suis qu’un chroniqueur ; je peux donc ajouter que je suis resté une grande heure dans la cabine de notre vieux Maracot, et que j’en ai appris long ; j’aurai à peine le temps de tout vous dire avant le départ du dernier courrier.
– … Oui, jeune homme, vous pouvez écrire librement à présent, car quand votre lettre parviendra en Angleterre, nous serons déjà dans le grand bain…
Il s’est mis à ricaner doucement, car il possède un sens particulier de l’humour.
–… Oui, Monsieur ! Nous aurons déjà effectué la plongée. Plongée est le mot juste en l’occurrence. Notre plongée sera une date historique dans les annales de la Science. Mais apprenez d’abord que j’ai acquis une conviction : la thèse courante selon laquelle la pression de l’océan serait extrêmement considérable aux grandes profondeurs est une erreur grossière. Il me paraît évident que d’autres facteurs neutralisent l’effet, encore que je ne sois pas prêt à préciser lesquels. C’est un problème que nous pourrons résoudre. Voyons, puis-je vous demander quelle pression vous vous attendez à trouver sous quinze cents mètres d’eau ?
Il m’a dévisagé de ses yeux brillants derrière ses lunettes d’écaille.
– Pas moins d’une tonne par pouce carré, ai-je répondu. D’ailleurs la démonstration en a été faite.
– La tâche du pionnier a toujours consisté à prouver le contraire de ce qui a été démontré. Servez·vous de votre cervelle, jeune homme ! Ces derniers temps, vous avez pêché quelques formes délicates de la vie bathyque : des créatures si délicates que vous aviez du mal à les transférer du filet dans le réservoir sans les abîmer. Avez-vous trouvé qu’elles apportaient la preuve de cette pression considérable ?
– La pression s’égalisait. Elle était la même à l’intérieur qu’à l’extérieur.
– Des mots ! Rien que des mots ! s’est-il écrié en secouant la tête avec impatience. Vous avez ramené des poissons ronds, par exemple le gastrotomus globulus. N’auraient-ils pas été aplatis si la pression avait été celle que vous supposez ?
– Mais l’expérience des plongeurs ?
– Elle se vérifie jusqu’à un certain point. Les plongeurs se heurtent effectivement à une augmentation de pression pouvant affecter l’organe qui est peut-être le plus sensible du corps humain, je veux dire l’intérieur de l’oreille. En tout cas, selon mon plan, nous ne serons exposés à aucune pression. Nous serons descendus au fond de l’Océan dans une cage d’acier munie de fenêtres en cristal pour l’observation. Si la pression n’est pas assez forte pour venir à bout de quatre centimètres d’acier renforcé par un double nickelage, elle ne nous fera aucun mal. C’est une application de l’expérience des frères Williamson à Nassau, dont vous avez peut-être entendu parler. Si mon calcul se révèle faux… Hé bien, vous m’avez dit que vous n’aviez pas de charges de famille, n’est-ce pas ? Nous mourrons dans une grande aventure. Bien entendu, si vous préférez vous tenir à l’écart, je me débrouillerai tout seul.
Ce plan me semblait démentiel ; mais vous savez comme il est difficile de se dérober devant un défi. J’ai cherché à gagner du temps en réfléchissant.
– Jusqu’à quelle profondeur envisagez-vous de descendre, Monsieur ? lui ai-je demandé.
Il avait une carte épinglée sur la table ; il a posé son compas sur un point situé au sud-ouest des Canaries.
– L’année dernière j’ai procédé par là à quelques sondages, m’a-t-il répondu. Il y a une fosse très profonde. Nous sommes arrivés à sept mille six cents mètres. J’ai été le premier à la signaler. J’espère bien que les cartes de l’avenir la baptiseront « Gouffre Maracot ».
– Seigneur ! me suis-je exclamé. Vous n’avez pas l’intention de descendre dans une fosse pareille ?