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Sept ans après la tragique perte de son fiancé, Cassandre O’Neill mène une vie de médium à New York, collaborant avec le FBI pour comprendre scientifiquement ses dons étranges : vision à distance, pendule et cartomancie. Alors qu’elle se joint à une enquête sur un réseau d’enlèvement de nourrissons, elle y travaille en infiltration avec l’agent Logan. Cependant, réincarnation de la mythique Cassandre de Troie et encore maudite par Apollon, Cassandre voit son passé la hanter au moment où la carte du tarot du Verseau apparaît mystérieusement sur sa porte. Est-ce le début d’une nouvelle révélation ou le retour d’un destin inévitable ?
À PROPOS DE L'AUTRICE
Charlotte Pierson est une jeune romancière. Après un voyage scolaire aux États-Unis, elle a naturellement choisi ce décor pour son tout premier roman. Lectrice assidue de tout type de littérature et passionnée d’ésotérisme, ses récits s’inspirent de cet univers.
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Seitenzahl: 493
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Charlotte Pierson
Le Verseau
Roman
© Lys Bleu Éditions – Charlotte Pierson
ISBN : 979-10-422-4052-3
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Échec et mat, Le Lys Bleu Éditions, 2023.
Pour Mamie Zet
Lors de l’écriture de ce roman, les cartes de tarot et d’oracle mentionnées ont été tirées en temps réel au fur et à mesure de l’avancée du roman sans aucune tricherie.
Elles n’ont donc pas été choisies pour servir l’histoire, bien au contraire.
Les cartes sont issues du tarot de Nostradamus pour les cartes divinatoires du tarot de Marseille et de l’Oracle de la Triade © pour les cartes Oracle.
Les visuels sont tous accessibles sur internet.
Cette méthode a façonné le destin de certains personnages que je n’imaginais pas comme cela lors de la conception de l’histoire. La rédaction de ce roman a été d’autant plus palpitante qu’elle m’a obligée à faire preuve d’une imagination différente à chaque carte.
Bonne lecture à tous.
La salle était éclairée à l’aide de vastes brasiers donnant une ambiance chaleureuse. Les fenêtres avaient été occultées par de grands drappages, mais elles laissaient entrevoir l’extérieur. Le bruit de plusieurs conversations se faisait entendre.
La porte s’ouvrit et Cassy s’avança, devancée par son hôte. Elle remarqua qu’une table ovale trônait au centre de la pièce. Dix personnes étaient présentes. Tous les regards se tournèrent vers elle et les conversations se turent instantanément.
Son hôte se dirigea vers la place d’honneur et il l’invita à s’asseoir sur la chaise située en léger retrait de la sienne. Cassy obtempéra et détailla le visage des personnes déjà présentes. Elle en reconnut certains et elle s’interrogea sur les autres.
— Veuillez prendre place, ordonna son hôte d’une voix calme et posée.
Après que les présents se furent installés autour de la table, Cassy constata qu’une chaise était restée vide et elle comprit instantanément qui était censé l’occuper. Le silence se prolongea anormalement, comme si les participants attendaient l’accord de leur hôte pour recommencer à parler.
L’ombre d’un trépied se découpait au fond de la salle et Cassy se demanda ce que le drap blanc pouvait bien recouvrir. Elle fut tirée de sa torpeur par l’arrivée du retardataire qui alla directement s’installer à son siège. S’il était surpris de la voir, il ne le manifesta pas.
— Merci de votre présence à tous, dit l’hôte du soir. Passons directement à l’ordre de notre réunion.
Il désigna de la main le trépied au fond de la salle et le drap tomba, révélant une peinture de grande taille, que Cassy reconnut immédiatement comme étant la dernière qu’elle ait peinte. L’une des femmes se leva précipitamment et se tourna vers le retardataire en criant avec fureur :
— C’était donc toi !
Quelques semaines plus tôt
Des cris d’enfants retentissaient derrière le mur de cette école privée de New York, située 76e rue Ouest. Quelques parents étaient agglutinés devant la porte d’entrée de l’école, pour être sûrs d’être les premiers à récupérer leur merveilleuse et prometteuse progéniture. Certaines personnes étaient facilement reconnaissables comme étant des gouvernantes avec leur air strict et vaguement anglais.
Quelques mètres plus loin, Cassandra O’Neill regardait ces derniers jouer des coudes. En détaillant leur visage, elle remarqua que certains manifestaient une grande impatience comme si venir chercher son enfant était une corvée.
Elle avait toujours pensé que l’inventeur du drive-école, pour poser et récupérer les enfants sur simple SMS, ferait fortune. En effet, dans cette société moderne où la moindre minute consacrée à autre chose qu’à gagner de l’argent est inutile, certaines tâches du quotidien étaient reléguées au rang de tâches secondaires, voire insignifiantes.
Appuyée contre un muret, Cassandra attendait la sortie des classes. Cassandra O’Neill, née Parker, était une jeune femme de trente et un ans, brune au teint relativement pâle. Elle était de taille et de corpulence moyennes. Elle avait le sourire, comme chaque fois qu’elle allait voir la prunelle de ses yeux.
Née à Austin, Cassandra, dite Cassy, a été élevée par sa tante à la suite du meurtre de sa mère par son père. Une histoire malheureusement banale dans un monde où une personne meurt sous les coups de son conjoint tous les trois jours. Elle avait longtemps cru que ses parents étaient morts dans un accident de voiture, l’histoire ayant été savamment entretenue par sa tante pour la protéger. Son père, inconsolable d’avoir causé la mort de l’amour de sa vie pour une vaine histoire de jalousie, purgeait sa peine de prison sans espoir de sortie. Il n’avait pas voulu de défense et se punissait psychologiquement en refusant également toute sortie anticipée.
Ce n’était pas le seul mensonge auquel Cassy avait été confrontée. Sa tante avait tout fait pour l’empêcher de découvrir les dons dont elle était dépositaire. Cassy avait pour vie antérieure celle de son illustre ancêtre : Cassandre de Troie.
Neuf ans auparavant, pendant ses études, elle avait découvert qu’elle possédait le don de voir par les yeux d’une personne dont elle tenait un objet. Don qui pouvait être « éteint » par le port d’un objet appartenant à une personne décédée. L’alliance de sa mère avait fait le job jusqu’à l’enlèvement de sa colocataire à l’université d’Atlanta.
Cet évènement avait bouleversé sa vie. Elle avait été confrontée à un tueur en série. Elle avait réussi à sauver sa colocataire1, mais poursuivie par le kidnappeur à travers le pays, deux ans plus tard, elle n’avait pas pu sauver Tom, l’homme qui partageait sa vie depuis plusieurs années. Elle avait, par la même occasion, rencontré une autre réincarnation à laquelle elle ne s’attendait pas : le dieu Apollon en personne, celui qui l’avait maudite du temps de Troie.
Ainsi, sept ans auparavant, Cassy avait pris une grande décision devant la tombe de Tom. Se sachant enceinte et ayant eu un aperçu de sa destinée, elle avait choisi de prendre en main sa vie et de solder la dette de sa vie antérieure.
Cassandre de Troie avait été maudite par Apollon pour s’être refusée à lui et depuis, son âme recommençait des cycles de vie jusqu’à sa délivrance. Contre l’avis de ses amis, l’agent du FBI Charlie Burnet et le psychologue David Brécourt, elle avait suivi Apollon qui se faisait appeler William Callahan dans cette vie.
Apollon n’avait pas perdu le nord et même si sa divinité avait été remise en cause par le même jeu de réincarnation auquel était soumise Cassy, il était devenu un homme très influent et très riche dans notre monde actuel. Il était même devenu un parrain de la mafia locale connu sous le pseudonyme d’El Padre.
Sous les yeux effarés de ses amis, Cassy était donc montée dans le véhicule d’Apollon et avait fait un serment d’allégeance à son dieu. Apollon avait pris Cassy sous son aile et il l’avait accueilli sous son toit dans l’énorme manoir où elle avait déjà passé quelques nuits.
Le soir même de l’enterrement de Tom, Cassy s’était effondrée sur le lit et avait pleuré à chaudes larmes.
Contrairement à son premier séjour, elle n’avait pas accepté de dormir dans la chambre d’Eugénie, la fille décédée de son hôte. Un coup discret sur la porte lui avait indiqué qu’un repas lui était porté. Son hôte avait eu la décence de ne pas lui imposer sa présence à dîner. Il avait compris qu’un temps d’adaptation lui serait nécessaire.
En ouvrant la porte, elle avait vu le plateau et au loin, le majordome de la maison, Jasper, se faisait discret pour vérifier qu’elle le prenait bien et que le repas était à son goût.
Restée seule, elle avait regardé par la fenêtre et posé instinctivement ses mains sur son ventre naissant. Courage, le soleil brillera à nouveau demain, avait résonné dans sa tête.
Le lendemain matin, Apollon, qu’elle avait le droit d’appeler William maintenant, avait posé les bases de leur collaboration commune. Rapidement, il avait fait construire une petite résidence dans le parc où Cassy put s’installer seule après son accouchement. Elle avait ressenti un sentiment de semi-liberté, mais de liberté quand même.
Son cottage avait été charmant et à son image. Elle y avait passé de belles années en compagnie de sa fille. William avait cloisonné sa vie afin qu’elle ne soit pas en contact direct avec ses hommes de main. Moins de personnes connaissaient l’existence et le don de Cassy, mieux William se portait. Elle était l’unique être humain à connaître son identité réelle et il entendait bien que cet état de fait reste tel quel.
Cassy resta donc à l’écart de « La Famille » et de ses affaires. Elle ne posait jamais de questions, ne voulait rien savoir et se contentait de remplir son rôle dans l’ombre. William souhaitait asseoir son autorité et sa fortune. Elle fit donc principalement de l’espionnage industriel. De son côté, William joua le jeu et assura l’avenir financier de Cassy et de sa fille.
La deuxième sonnerie de la cour d’école lança le top départ. Un flot d’enfants passa la porte cherchant l’adulte qui devait venir le récupérer.
Une petite tornade brune de six ans se dirigea vers Cassy à la suite d’un groupe d’enfants un peu plus âgé. Elle sauta dans les bras de sa mère pour lui claquer deux bisous sur les joues.
— Bonjour maman.
— Bonjour ma puce. Comment s’est passée ta journée ?
— J’ai mangé des frites à midi.
Cassy rigola et la reposa au sol. Sa fille, comme tous les enfants du monde, pensait d’abord avec son estomac.
— Je tâcherai de faire autre chose à manger ce soir. Et sinon, as-tu appris des choses avec ta maîtresse ?
— J’ai appris à compter jusqu’à cent, répondit-elle fièrement. Tu veux que je te montre. Un, deux, trois…
Cassy lui prit la main et elles commencèrent à marcher en direction de leur domicile au rythme du chant des nombres égrainés par la petite fille. Elles remontèrent la rue et comme d’habitude, elles s’arrêtèrent devant la vitrine de la pâtisserie française à la mode. Des choux, des éclairs et des tartes de toutes sortes les firent saliver.
— Maman, est-ce que je peux choisir un gâteau pour ce soir, s’il te plaît ?
Cassy se laissa tenter à son tour et elle acheta quatre pâtisseries individuelles pour le repas du soir et un pain au chocolat pour tout de suite. Elles s’arrêtèrent sur un banc en bordure de Central Parc pour apprécier le moment présent. Cassy regarda sa fille aller jouer la balançoire et se remémora la première fois qu’elle avait vu sa frimousse.
Après plusieurs heures de travail, la sage-femme avait déposé le bébé sur le ventre de Cassy. Comme elle l’avait prédit par le mouvement d’un pendule divinatoire devant Tom, une belle petite fille avait fait son apparition. Cassy l’avait regardé avec attention. Dans ses souvenirs, le bébé n’avait pas pleuré, mais avait ouvert de grands yeux pour découvrir son nouveau monde. Leurs regards s’étaient croisés, et l’amour avait inondé le cœur de Cassy.
Elle s’était préparée à accoucher du mieux qu’elle avait pu dans ces circonstances de maman solo, mais elle ne s’était pas préparée à avoir un bébé. L’absence de Tom s’était fait sentir, mais le petit bout en face d’elle lui avait vite redonné confiance en la vie.
Elle lui avait donné un prénom prédestiné : Angélina, ce qui étymologiquement signifiait « la messagère des dieux ». Elle avait rompu avec la tradition familiale qui voulait que les filles, premières-nées de la famille, portent le nom d’une divinatrice de l’antiquité. Sa mère se prénommait Delphine en référence à l’oracle de Delphes et sa grand-mère Sibylle qui désignait certaines prophétesses de l’antiquité.
Angélina avait très vite été surnommée Angel par les proches de Cassy qui n’avaient jamais laissé tomber la jeune femme. Malgré le choix de Cassy de suivre William, David et Charlie avaient fait le pied de grue devant le portail du domaine pour la voir. William avait vite compris que les deux hommes ne se lasseraient pas et qu’avoir le FBI à proximité ne serait pas bon pour les affaires.
Il avait donc cédé sur l’exclusivité de Cassy, après la naissance, et il lui avait permis qu’elle s’absente régulièrement à l’extérieur du domaine. David, sa fille Jenny et Charlie avaient donc soutenu Cassy du mieux possible. Charlie avait adopté Angel de manière informelle pour pallier l’absence de son père qui était également son coéquipier.
Le statu quo avait duré quatre ans, jusqu’au jour où Angel avait commencé à poser des questions sur les hommes en noir qui surveillaient la maison. Elle était vive et très intelligente pour son âge. Elle avait vite compris que leur mode de vie n’était pas classique. Angel vivait dans une maison avec sa mère, sa nounou embauchée pour l’occasion par William et des gardes du corps qui étaient tout sauf discrets.
Cassy avait alors demandé si elle pouvait scolariser Angel ailleurs qu’à Atlanta. William avait accédé à sa demande sous condition qu’il puisse entrer en contact avec elle à tout moment. Elle avait choisi d’aller à New York, où Charlie avait été muté à sa demande. C’était il y a trois ans de cela.
*****
— Allez, ma chérie, il est l’heure de rentrer à la maison.
Angel se balança encore deux ou trois fois pour prendre de la vitesse et finit par sauter avec l’élan obtenu. Du haut de ses six ans, Angel était une enfant dynamique. Modèle réduit de sa maman au même âge, elle avait hérité des yeux de son papa.
La mère et la fille reprirent donc leur chemin, main dans la main, pour se diriger vers les bâtiments en bordure de Central Park. Elles s’engagèrent dans la 74e rue Ouest. Au bout de dix minutes de marche, elles arrivèrent devant un bâtiment en brique rouge de quatre étages, entouré de bâtiments quasiment similaires. Cassy tapa le code pour entrer et elle referma la porte derrière elles.
L’immeuble comprenait deux appartements par étage. Cassy et sa fille avaient emménagé au dernier étage. Elles montèrent dans l’ascenseur et Cassy actionna le bouton du 4e étage avec sa clé spéciale. L’accès sécurisé était rassurant et le fait que Charlie habite sur le même palier qu’elles, l’était encore plus. Cassy avait profité de ses dons pour mettre de l’argent de côté. Afin de ne jamais avoir à toucher à l’argent placé par El Padre, elle avait développé une activité professionnelle qui lui rapportait de l’argent.
Elle avait acheté l’immeuble dans son intégralité et elle s’était réservé le dernier étage. Elle avait choisi les six autres occupants en fonction de leur aura compatible avec la sienne. Une petite vie en communauté qui lui permettait de se sentir moins seule.
Les portes de l’ascenseur s’ouvrirent devant elles, et Angel se précipita pour poser sa petite main sur la plaque électronique actionnant l’ouverture de la porte d’entrée. Ça amusait beaucoup Angel de savoir que sa petite main était une clé. La porte d’entrée de l’appartement se déverrouilla et les laissa passer.
Cassy posa son sac sur la console de l’entrée et Angel alla ranger son cartable dans sa chambre. L’appartement comprenait un grand salon qui faisait office également de salle à manger et deux chambres. Une grande terrasse bordait les pièces et laissait entrer la lumière. Elle ne pouvait pas voir Central Park depuis cette terrasse, mais la 74e rue Ouest n’était pas très passante et le calme y régnait. C’était une source de calme dans la ville qui ne dort jamais.
— Va prendre ta douche ma puce, je reviens dans quelques minutes. Je suis en haut, si tu me cherches.
Angel s’exécuta et partit dans la salle de bain. Cassy passa sur la terrasse et se dirigea vers l’escalier qui menait au toit-terrasse qui couvrait entièrement l’immeuble et uniquement accessible par les deux appartements du 4e étage. Au bout du toit-terrasse, une porte donnait accès à une verrière qui servait d’atelier à Cassy.
Elle poussa la porte qui n’était pas fermée à clé et entra dans une grande pièce vitrée. Sur la gauche, les pots de peinture étaient classés par nuances de couleur et pour la plupart étaient ouverts. Des pinceaux trempaient négligemment dans plusieurs d’entre eux. Sur la droite, des toiles vierges de toutes tailles étaient entassées. Au fond de la pièce, quelques toiles peintes étaient en train de sécher.
Cassy avait découvert cette nouvelle passion en arrivant à New York. Un matin, elle s’était réveillée avec l’unique envie de peindre. Elle avait commencé par des petites toiles et au fur et à mesure, les toiles avaient grandi au point que la dernière toile mesurait trois mètres sur deux.
Elle peignait principalement des paysages antiques. Pour beaucoup, ces peintures représentaient des vues de la cité de Troie avant ou pendant sa destruction. Une autre partie des toiles peintes représentaient des bâtiments anciens, allant des plus attendus comme les temples grecs, romains et même pour certains égyptiens aux plus anodins comme les maisons d’habitation.
Elle avait aussi réalisé des portraits de visages anciens avec un maximum de détail. Elle avait publié sur un célèbre réseau social les photos des premières toiles qu’elle avait peintes et l’engouement avait été immédiat. La magie des réseaux sociaux. Dès qu’un artiste sort un peu de l’ordinaire, la curiosité fait le reste.
Une galeriste avait fini par prendre contact avec elle et elle avait accepté de faire une exposition dans une célèbre galerie. La vente qui avait suivi avait dépassé les espoirs les plus fous de la galeriste. Depuis, Cassy était devenue une artiste reconnue, bien cachée derrière un pseudonyme au même titre que Banksy.
C’est ainsi que Cassy avait pu acheter l’immeuble où elle vivait. Elle savait que si elle avait demandé, William lui aurait acheté l’immeuble, mais Charlie ne serait jamais venu vivre dans un lieu que l’argent de la mafia aurait financé.
Son travail avait attiré également l’attention de spécialistes en période préhellénistique qui admirait la myriade de détails dessinés. Cassy savait qu’elle peignait des souvenirs issus de ses anciennes vies. Mais elle ne pouvait le dire à personne. Pour le moment, elle se concentrait sur la période grecque, mais elle avait des milliers de souvenirs d’époques différentes allant de cette période à nos jours en passant par le Moyen-âge et les temps modernes.
Elle enleva la bâche de sa dernière création. Elle avait commencé à représenter sa sculpture préférée : la Victoire de Samothrace. Avant la découverte de son don, Cassy aimait déjà cette période même si elle préférait l’architecture des bâtiments français de la Renaissance. Mais lors de sa seule et unique visite au Musée du Louvre, elle avait été attirée comme un aimant vers cette statue qui trônait en haut de l’escalier.
Elle s’était approchée doucement en tendant la main. Elle savait que le moindre contact était interdit, mais rien que de sentir l’aura de cette sculpture avait fait resurgir encore plus de souvenirs. Elle avait ensuite découvert que la statue avait été trouvée dans le sanctuaire des Grands Dieux de l’île de Samothrace, cette île se situant en face de Troie.
Sur la toile, le contour de la statue apparaissait et attendait que Cassy finisse les traits. Elle remit la bâche et commença à faire le tri des toiles terminées. Elle était montée pour choisir les toiles de sa prochaine exposition. Elle se souvenait de la première où même son amie Mylène était venue de Grèce pour assister à l’inauguration.
Elle entendit un petit bruit derrière elle et en se retournant, elle vit que sa fille était déjà en pyjama.
— Tu ne lui as pas encore dessiné de visage, demanda Angel.
Cassy enleva à nouveau la bâche.
— Non, en effet, je ne lui ai pas mis de visage.
— Qu’est-ce que tu attends pour le faire, maman ?
— Je ne sais pas, ma Puce. Je dois manquer d’inspiration certainement.
— Mais tu connais le visage d’Ella, maman. Tu peux la dessiner demain.
Cassy regarda sa fille. Elle s’étonnait toujours de ses réflexions d’enfant. Et même si elles n’avaient jamais vraiment discuté des vies antérieures et la réincarnation, Angel disait des choses que seule Cassy pouvait comprendre. Elle se baissa pour se mettre à sa hauteur.
— Comment sais-tu que je connais son visage ? Et d’ailleurs comment sais-tu son prénom ?
— Parce que je l’ai déjà rencontré quand je vivais avant.
— De quoi te souviens-tu d’autre ?
— J’ai des images dans ma tête. Je me souviens de personnes habillées comme dans tes tableaux.
Cassy la fit s’asseoir sur ces genoux.
— Je pense que tu es assez grande pour que je t’explique. La vie est un éternel recommencement. À notre naissance, une âme arrive dans notre corps de bébé. Et cette âme est plus ou moins jeune. Elle a peut-être été dans le corps d’autres personnes avant nous. C’est ce que l’on appelle la réincarnation. Normalement, la personne n’a aucun souvenir de sa vie antérieure.
— Alors pourquoi est-ce que je m’en souviens ?
— J’y ai longtemps réfléchi et je n’ai pas de réponse à t’apporter. Seule une minorité de personnes se souvient de leur vie passée. Pour ces personnes, ça passe par des rêves ou de l’hypnose. Nous sommes très peu à avoir des souvenirs tout le temps, plus ou moins contrôlables.
Angel réfléchit quelques instants, puis ajouta :
— C’est chouette. J’adore voir ses souvenirs.
— Moi aussi, j’aime bien. Tu as raison, la personne qui a posé pour la statue de la Victoire de Samothrace s’appelait bien Ella, mais la déesse qui est représentée est la déesse Niké, la déesse de la victoire. Je ne sais donc pas si je vais représenter le visage d’Ella ou le vrai visage de la déesse.
— Tu as rencontré une vraie déesse ? demanda Angel.
— Dans mes souvenirs, je la vois alors je suppose que oui. Mais c’est un autre sujet. Je pense que ça fait beaucoup pour une seule soirée. Tu sais que tu ne dois en parler à personne.
— Même à tonton Charlie ?
— Tonton Charlie sait que je vois mes vies passées, mais il est presque le seul. Donc dans le doute, il vaut mieux n’en parler à personne. Tu me le promets.
Cassy tendit sa main en levant son petit doigt. Angel fit de même et serra le petit doigt de sa mère.
— C’est promis, maman.
— Bien. Maintenant, allons préparer le repas de ce soir. Tonton Charlie et Lydia viennent manger.
— Et Dylan sera là ?
Elles se levèrent et se dirigèrent vers l’appartement.
— Non, il ne sera pas là, ce n’est pas la semaine de garde de Lydia.
Beaucoup de choses avaient changé dans la vie de Charlie depuis sa rencontre avec Cassy. À l’époque, Charlie était agent au bureau d’Atlanta. Il avait été le premier à faire le rapprochement entre les disparitions de jeunes femmes et l’université d’Atlanta. Il avait demandé à Tom, l’agent en formation dont il était responsable, de s’infiltrer en tant qu’étudiant. Suite à la conclusion de l’affaire Jonas, il avait été promu et à son arrivée à New York, il avait pris la responsabilité d’une cellule spécialisée dans le terrorisme et la lutte contre le crime organisé.
Après un premier mariage qui avait fini par un divorce, Charlie avait rencontré une collègue qui était devenue rapidement sa compagne. Lydia Jones était une femme de quarante ans, blonde aux yeux verts. Elle était également divorcée depuis six ans et avait un garçon de treize ans prénommé Dylan dont elle partageait la garde avec son ex-mari médecin. Lydia avait emménagé avec Charlie, l’année précédente. Angel avait beaucoup sympathisé avec Dylan.
— Dommage, j’aime bien quand il me fait des tours de magie.
— Je sais. Tu le verras la semaine prochaine. Il en aura appris de nouveau.
Elles descendirent l’escalier et Cassy commença la préparation du dîner. Angel se posta à ses côtés sur le petit escabeau qu’elle utilisait régulièrement pour être à la hauteur du plan de travail. Cassy coupa des légumes pour préparer un poulet avec une sauce basquaise et du riz. Ensuite, elle prépara une pâte à gâteau de Savoie, une recette de sa tante Hélène. Angel essaya de casser les œufs et mit quelques coquilles que Cassy rattrapa dans le cul de poule. Quand la pâte fut prête, Angel trempa ses doigts pour goûter.
Le bruit de la sonnette d’entrée se fit entendre. Étant donné que l’étage n’étant accessible qu’à l’appartement de Charlie et le sien, elle se contenta de crier :
— Entrez.
La porte s’ouvrit et laissa passer Charlie et Lydia. Lydia tenait une bouteille de vin dans sa main droite.
— Hum, ça sent drôlement bon, dit Charlie.
— Tonton Charlie, cria Angel en se précipitant dans ses bras.
— Ma petite princesse, lui répondit-il en la levant comme une brindille pour l’embrasser sur les joues. Tu as encore grandi.
— Tu dis ça tous les jours, tonton. Mais je ne suis pas une princesse.
— Mais si tu es la princesse de mon cœur.
— Je vais être jalouse, dit Lydia.
— Et moi donc, enchérit Cassy. Quand Charlie arrive, je ne compte plus.
— Nous finirons vieilles filles ensemble, plaisanta Lydia.
— Mais non, je ne te quitterai jamais maman.
Ils se mirent à rire tous ensemble. Lydia tendit la bouteille à Cassy. Elle regarda l’étiquette et y lut « Pinot gris ».
— Tu as une très bonne mémoire. Une occasion particulière à fêter ce soir ?
— Ce n’est pas très compliqué, tu ne bois que des vins alsaciens. En effet, nous avons quelque chose à fêter ce soir.
Cassy se retourna et chercha dans le tiroir un tire-bouchon. Elle le trouva et déboucha la bouteille pour en servir trois verres à pied qu’elle tendit à ses invités. Elle servit un verre de grenadine à sa fille. Elle surveilla la cuisson de son poulet puis ils passèrent au salon et s’assirent sur le canapé.
— Alors, à quoi allons-nous trinquer ? demanda Cassy.
— J’ai fait ma demande, répondit Charlie.
— Non, enfin, s’écria Cassy. Tu en auras mis du temps.
Puis s’adressant à Lydia :
— C’était romantique ?
— Oui, répondit Lydia en minaudant et en montrant sa main où une bague de fiançailles trônait. Il a même mis un genou à terre. C’était génial.
Elle se tourna et regarda amoureusement son compagnon qui se pencha pour l’embrasser.
— Oui, il est génial, mais il n’est pas rapide. Ça fait un moment que vous êtes ensemble.
— Cinq ans, mais ça valait le coup d’attendre.
Cassy leva son verre haut.
— Toutes mes félicitations les amoureux. Je vous souhaite tout le bonheur du monde ensemble. Est-ce que Dylan est au courant ?
— Oui, avant moi.
— Comment ça ?
— Étant donné que le père de Lydia nous a quittés l’année dernière, j’ai demandé la main de Lydia à son fils, expliqua Charlie.
— Tu ne devais pas en mener bien large devant cet adolescent de treize ans.
— Non en effet. Il a pris ça très au sérieux et m’a donné sa bénédiction.
— Génial. Quand avez-vous prévu le mariage ?
— Rapidement, répondit Lydia. Nous avons été mariés chacun de notre côté auparavant. Je ne me vois pas organiser une noce grandiose. Un petit mariage avec nos proches dans un mois suffira largement.
— C’est votre choix et il sera respecté à la lettre.
Ils trinquèrent à nouveau quand la petite voix d’Angel se fit entendre.
— Est-ce que je pourrai avoir une jolie robe de demoiselle d’honneur ?
— Bien sûr, ma chérie. Passons à table.
*****
Deux heures plus tard, Cassy emmena Angel se coucher dans sa chambre. Comme tous les soirs, elle prit le temps de lire une histoire à sa fille. Mais ce soir, Angel eut une demande particulière.
— Je voudrais que tu me racontes l’histoire de ta vie d’avant.
Cassy alla chercher l’album photo de leur voyage en Grèce, l’année précédente. Elle voulait absolument montrer le pays à sa fille pour plusieurs raisons. C’est le pays de ses ancêtres, mais c’est également l’endroit où Tom l’avait demandé en mariage.
— Bien sûr mon petit cœur. Dans ma vie d’avant, je suis née dans un beau palais dans une ville qui s’appelait Troie. Mes parents étaient le roi Priam et la reine Hécube. J’avais plusieurs frères et sœurs. J’ai été bénie par le dieu Apollon qui m’a donné un don : celui de voir l’avenir. Mais ce dieu attendait en retour que je lui donne mon corps et j’ai refusé. Il a alors modifié sa bénédiction en précisant que personne ne me croirait. J’ai donc vu tout ce qui allait se passer et je n’ai rien pu empêcher. Ni la guerre ni la mort de ma famille au fur et à mesure.
Cassy avait les yeux dans le vague comme si elle revivait cette époque. Puis se rendant compte qu’elle ne parlait plus depuis quelques secondes, elle enchaîna :
— À la fin de cette guerre, j’ai été faite prisonnière par le roi qui avait gagné : Agamemnon. Il m’a emmené sur son bateau pour rentrer dans son pays. Mais en arrivant, sa femme l’attendait de pied ferme. La guerre avait duré dix ans et il rentrait avec une autre femme. Elle m’a libérée et je suis partie faire ma vie loin de la Grèce où j’ai vécu heureuse. Enfin autant qu’on peut l’être en étant séparée des personnes que l’on aime.
Cassy passa sous silence les circonstances exactes de son retour de Troie. La contrainte de partager la couche du vainqueur et l’assassinat de ce dernier de la main de l’amant de sa femme qui avait pris sa place pendant que ce dernier défendait l’honneur bafoué de son frère dans une guerre interminable2.
— Pourquoi est-ce qu’il y a eu la guerre, maman ? demanda innocemment Angel.
— Pour une histoire d’amour, une jalousie entre déesses et une pomme, répondit malicieusement Cassy. Mais la suite de l’histoire, ce sera pour demain.
Angel se dressa sur son lit.
— Mais maman, tu me raconteras comment tu t’es réconciliée avec Apollon. Parce que je l’aime bien, William.
Cassy regarda sa fille.
— Comment sais-tu que William était Apollon ?
— Je ne sais pas, dit-elle en haussant les épaules. Et moi, qui étais-je ?
Cassy fut prise au dépourvu par la question. Elle s’attendait à ce qu’un jour, Angel veuille savoir, mais pas aussi tôt. Elle n’avait que six ans.
— Je ne sais pas si c’est une bonne idée, ce soir.
— Mais si maman. Je suis assez grande, je veux savoir.
Cassy capitula. Elle avait compris depuis longtemps que, quand sa fille avait une idée derrière la tête, elle n’abandonnait jamais.
— Donne-moi tes mains.
La petite fille lui tendit solennellement les mains et Cassy ferma les yeux en les prenant.
— Tu étais déjà dans ma famille dans cette vie. Je nous vois, jouant ensemble lorsque nous étions petites. Je te revois à ta naissance avec de belles joues roses. Je me vois t’offrant une étole tissée de mes mains. Tu étais l’une de mes petites sœurs et tu t’appelais…
— Polyxène3, termina Angel.
Cassy rouvrit les yeux et vit que sa fille la regardait en souriant.
— Petite cachottière. Tu le savais déjà avant de me demander, n’est-ce pas ?
Angel se rallongea et garda le sourire aux lèvres. Cassy ajusta la couette pour la mettre sous le menton de sa fille.
— Nous en rediscuterons une autre fois, petite maline. Pour l’instant, dort bien mon cœur.
Elle l’embrassa puis sortit de la chambre en éteignant la lumière. Elle revint dans le salon vide de ses invités pour débarrasser les affaires du repas. Elle fit la vaisselle pendant que sa bouilloire chauffait l’eau pour son thé du soir, un thé blanc, saveur mangue-passion.
Elle s’installa dans le canapé avec sa tasse chaude. Elle posa sa couverture polaire sur ses jambes. Il faisait très frais pour la fin de ce mois de mai. Elle ouvrit l’album de photos qu’elle avait parcouru avec sa fille.
Elle s’était sentie obligée de demander la permission à William pour sortir du pays. Elle l’avait obtenu sans problème, mais avec la condition d’être accompagnée. Enfin, avec la condition d’y être protégée pour être plus précis. Elle avait cru un moment qu’il allait lui imposer sa présence, mais visiblement William n’avait pas l’intention de remettre les pieds sur le continent européen. Son ange gardien fut donc Terry Westham, le gendre de William accompagné de deux hommes de main.
Cassy avait croisé à plusieurs reprises le chemin de Terry. Premier lieutenant de William, Terry était tombé amoureux d’Eugénie, la fille de ce dernier. Après une période de doute où il avait essayé de protéger sa fille, le parrain avait donné sa bénédiction au jeune couple. Ce bonheur avait éclaté lors d’un voyage en Grèce des amoureux pendant lequel Eugénie avait été assassinée.
L’assassin a été rapidement retrouvé par les hommes du parrain et puni comme tel. Mais le commanditaire s’était bien caché. En le cherchant, Terry avait été arrêté et avait été envoyé en prison. Devenu compagnon de cellule d’Oliver Parker, le père de Cassy, il l’avait rencontré sept ans auparavant au parloir4. Cassy avait été obligée de faire marcher son don pour retrouver le commanditaire du meurtre d’Eugénie en échange de la protection de Terry sur son père en prison.
Terry avait fini par sortir de prison trois ans plus tard. Cassy n’avait jamais posé les questions que cela soulevait : est-ce que William avait acheté les juges d’application des peines pour faire sortir son gendre de prison et qu’était devenu le commanditaire de l’assassinat d’Eugénie ?
Elle avait les moyens de savoir à travers son don, mais elle s’était toujours refusée à le faire. En croisant le regard apaisé de Terry à son retour au manoir, elle avait compris qu’il avait exercé sa vengeance. Il s’était tenu à distance et s’était montré respectueux envers elle tout le temps de son séjour au manoir.
Lors du voyage de Cassy et sa fille en Grèce, Terry avait montré des signes d’apaisement et avait été un parfait compagnon de voyage, bien qu’il redoutât ce dernier plus que tout, étant donné que c’était l’endroit où il avait perdu sa femme. Il avait laissé Cassy décider des étapes qu’elle voulait montrer à sa fille. Le voyage les avait amenés dans les ruines à Delphes et sur les ruines supposées de la cité de Troie. Il avait assuré l’intendance du voyage en réservant chaque hôtel et chaque déplacement. Il était resté en retrait quand Cassy avait emmené sa fille sur les lieux où son père l’avait demandé en mariage et quand ils étaient allés sur les lieux des supposées ruines de Troie, ainsi que dans d’autres lieux qui ne signifiaient rien pour lui.
Cassy avait l’air détendue et elle avait eu les yeux qui brillaient. Elle se sentait chez elle et elle avait eu le sourire aux lèvres. Sa bonne humeur avait été contagieuse et Terry s’était mis à rêver qu’il aurait pu avoir une autre vie aux côtés d’une femme aussi douce qu’elle. Puis le temps aidant, il rêva que cette vie aurait pu être avec cette femme extraordinaire qui se tenait à ses côtés. Il savait que ce ne serait jamais qu’un rêve. Cassy ne l’aimait pas et ne l’aimerait jamais. Le fantôme de Tom était trop présent pour qu’elle envisage de donner son cœur à un autre dans l’immédiat. Mais il avait compris que ce n’était pas le seul obstacle insurmontable. Elle n’accepterait jamais la vie de compagne de mafieux et c’était la seule vie qu’il aurait pu lui offrir.
Ainsi tous les deux avaient profité de cette parenthèse en sachant qu’il faudrait la refermer au retour aux États-Unis. Angel avait ouvert de grands yeux sur les paysages qu’elle découvrait. Elle avait tout de suite adopté Mylène, l’amie grecque de sa maman, qui était elle-même la réincarnation de la célèbre Hélène de Troie5. Cassy comprenait maintenant pourquoi. Les souvenirs de sa fille s’éveillaient petit à petit et elle avait reconnu l’aura d’Hélène.
Le lendemain matin, Cassy posa Angel à l’école puis se dirigea vers le bâtiment du FBI où elle se rendait une partie de sa semaine. Ce dernier se situait au 23 Fédéral Plazza sur l’île de Manhattan. Elle prit le métro sur la 72e rue jusqu’à la station de Canal Street. Elle finit son trajet à pied sur les quatre cents mètres qui restaient à parcourir pour prendre le pouls de la ville comme à son habitude.
Puis après avoir franchi les sécurités qui mènent aux étages réservés au FBI, Cassy se dirigea vers le bureau de Charlie. Elle frappa à la porte et attendit un instant pour entendre Charlie l’autorisant à entrer. Il était seul dans son bureau. Elle s’assit en face de lui.
— Lydia n’est pas encore arrivée ? demanda-t-elle.
— Non. Elle est restée à l’appartement. Elle viendra un peu plus tard dans la journée. Elle est un peu fatiguée en ce moment. Le programme lui donne beaucoup de travail.
— Je m’en doute. Et c’est entièrement de ma faute. Je lui donne trop d’éléments d’un coup à analyser.
— En même temps, elle n’avait jamais eu un sujet comme toi. Tu lui as donné plus que tous les autres, avant toi. Est-ce que je te propose un thé ?
— Je veux bien, merci.
Charlie appuya sur son interphone de bureau et sa secrétaire le prit de court :
— Un café pour vous et un thé à la bergamote pour Mme O’Neill comme tous les matins où elle est dans votre bureau.
— Merci, Madeline. Vous êtes une perle.
— Je sais, Monsieur. Pensez-y à ma notation de fin d’année, répondit Madeline en rigolant.
Le programme dont parlait Charlie, Cassy le connaissait bien. Il avait même un nom prédestiné : le programme Stargate. Contrairement à la série télévisée de science-fiction du même nom qui explorait l’univers à la fin des années 1990, une véritable cellule Stargate avait été créée au début des années 70 avec pour objectifs d’investiguer la réalité et les applications potentielles des phénomènes psychiques et plus particulièrement « la vision à distance ». 6
Ce programme, qui avait été créé à l’origine par le gouvernement fédéral des États-Unis, a été transféré sous la responsabilité conjointe du FBI et de la CIA en 1995. Officiellement, le programme avait été abandonné la même année, mais les médias avaient très vite découvert que plusieurs voyants étaient encore payés pour participer à ce programme.
Cassy les avait rejoints en arrivant à New York, à la demande de Charlie. Le désormais officieux programme Stargate avait ses locaux au 23 Fédéral Plazza avec d’autres services du FBI. Charlie travaillait au même étage et Lydia était la responsable du programme à New York. Cassy n’avait pas hésité à entrer dans le programme, car elle était aussi curieuse de connaître les implications scientifiques du don qu’elle possédait. Et puis de savoir qu’elle n’était pas seule dans ce cas était aussi rassurant.
— Est-ce que Lydia a eu les résultats des analyses ADN ?
Cassy avait subi un prélèvement de sang pour analyse quelques semaines auparavant. Angel avait souffert d’une infection bactérienne à ce moment-là et comme elle devait subir des examens médicaux, Cassy avait accepté que quelques tubes de sang supplémentaires soient consacrés à l’étude de son dossier avec la condition qu’on ne mentionnerait pas le nom de sa fille. Elle avait confiance en Lydia.
— Non, pas encore. Les laboratoires sont surchargés et le programme passe toujours en dernier. Ils vous considèrent toujours comme des bêtes de foire ou des imposteurs.
— Dans un sens, je préfère comme ça. Je ne suis pas prête à ce que le regard des gens change et me craigne. Je préfère encore passer pour un charlatan.
— Ta fonction est bien conservée au sein du bureau. Tu ne risques pas grand-chose.
Charlie repensait à l’intégration mouvementée de Cassy au sein du bureau, trois ans auparavant. Le fait qu’elle ait passé quelques années dans la propriété d’un parrain de la mafia n’avait pas arrangé les choses, mais il s’était porté garant pour elle auprès de ses supérieurs. De plus, elle avait rapidement permis de résoudre d’importantes affaires grâce à ses dons. Officiellement, elle était une agente spécialisée en analyse comptable.
— Je vais y aller, Nick doit m’attendre.
Nick Clark était l’autre médium travaillant pour le FBI qui faisait partie du programme sur la côte Est. Le programme concernait actuellement cinq médiums dont trois se trouvaient en Californie. Âgé d’environ soixante ans, Nick était un grand homme noir très séduisant ressemblant vaguement à l’acteur Laurence Fishburne. Le courant était très vite passé entre eux. Nick vivant la même chose qu’elle, ils avaient vite sympathisé et Nick avait posé beaucoup de questions à Cassy. Dans son cas, il n’avait aucun ancêtre qui ait pu lui expliquer l’origine de son don et pendant longtemps, il s’était demandé d’où venait son pouvoir. Il avait été pris pour un fou ou un malade. Et sa couleur de peau n’avait pas aidé dans le racisme ambiant des États-Unis.
— Non, je ne crois pas. D’après Lydia, il a été appelé au chevet de sa mère malade.
— Dommage, je vais être uniquement en compagnie des caméras vidéo et de Nestor, le laborantin lubrique qui va passer deux heures à me dévisager derrière sa vitre sans teint pendant que je manipule cartes, pendules et objets divers.
— Tu exagères. C’est l’un des plus grands experts dans le domaine du paranormal.
Cassy soupira.
— Je sais, mais bon, quand le courant ne passe pas, il n’y a pas grand-chose à faire. Quand Nick est là, je me sens moins seule. Nous essayons de comprendre pourquoi j’ai des souvenirs de mes vies antérieures et pourquoi il n’en a aucun.
Quelqu’un frappa à la porte et entra sans y être invité. Un homme d’environ trente-cinq ans s’arrêta sur le pas de la porte en constatant que Charlie n’était pas seul.
— Oups, je suis désolé. Je repasserai plus tard.
— Non, non. Entre Wyatt. Je crois que tu ne connais pas l’agent O’Neill. Cassy, je te présente Wyatt Logan. Wyatt, voici Cassy O’Neill.
— Enchanté, agent O’Neill, dit Wyatt en tendant la main à Cassy.
— De même, répondit Cassy en lui rendant sa poignée de main.
Wyatt détourna vite le regard.
— J’ai besoin d’un avis éclairé sur une affaire bizarre comme tu les aimes. Une disparition.
— Je vais vous laisser en discuter, dit Cassy en se levant de son siège.
— Non, je t’en prie. Je préférerais que tu restes.
— Si tu veux et si ça ne dérange pas l’agent Logan, répondit Cassy.
— Aucun souci. Autant avoir plusieurs avis, dit Wyatt en s’asseyant sur le fauteuil à côté de Cassy qui se raidit sur le sien comme chaque fois qu’elle était en présence d’un inconnu.
Voyant les deux tasses fumantes sur la table, Wyatt demanda s’il pouvait aussi avoir un café. Café qu’il obtint moins d’une minute plus tard, toujours grâce à l’efficace Madeline.
— J’ai eu la visite d’une personne venue faire une déposition la semaine dernière. Elle était là à l’ouverture des bureaux et insistait pour voir un agent expérimenté. Je l’ai donc reçu dans mon bureau en mode informel avant de savoir ce qu’elle voulait. Elle m’a raconté une histoire étrange. Elle aurait croisé sa fille sur la plage devant un hôtel lors de vacances en Floride. Et là où l’affaire se corse, c’est que sa fille a été déclarée morte à la naissance, il y a dix ans.
Il s’arrêta un instant pour laisser une pause qui se voulait dramatique.
— Nous sommes bien d’accord que c’est impossible, ajouta-t-il.
— Si tu m’en parles, c’est que tu as des doutes. Tu ne serais pas venu si c’était une simple affabulation de la part d’une maman qui n’arrive pas à faire le deuil de son enfant.
— Non, bien sûr. Elle est venue avec des photos d’elle, enfant, et des photos de sa supposée fille. La ressemblance est frappante. Mais ce n’est pas une preuve. Elle est venue avec des cheveux de la gamine. Elle aurait soudoyé la femme de chambre de l’hôtel pour les récupérer après le départ de la famille.
— C’est bizarre comme histoire. Donc si je résume : une femme accouche il y a dix ans. Son bébé est déclaré mort. Dix ans plus tard, elle se balade sur une plage et tombe nez à nez avec une fillette qui aurait l’âge de sa fille décédée. Elle lui trouve une ressemblance et soudoie une femme de ménage pour en avoir le cœur net. Que disent les analyses comparatives ADN ?
— Correspondance totale entre mère et fille. Cette fillette est bien sa fille.
Charlie se leva et fit le tour de son bureau. Il regarda par la fenêtre. Il pensait visiblement à d’autres dossiers similaires pour faire une correspondance.
— Tu as passé les éléments au fichier, je suppose, demanda-t-il.
— Oui, mais je n’ai pas trouvé grand-chose. J’ai bien fait le rapprochement avec des affaires en suspens, mais dans les autres cas, il n’y a pas de preuve physique. Donc pas d’avancée dans l’affaire.
Cassy restait silencieuse. Elle dévisageait l’homme assis à côté d’elle. Elle ne voyait que son profil qui se découpait sur la vitre en arrière-plan. Elle pensa qu’il avait des cils très longs pour un homme. Wyatt se sentit observé et tourna la tête. Cassy baissa les yeux comme si de rien n’était.
— Quelle est votre spécialité, Agent O’Neill ? demanda -t-il.
— Cassy est spécialiste en analyse de dossier, répondit laconiquement Charlie. Le tien est assez intrigant. Si tu as besoin d’un coup de main, je peux t’affecter plusieurs agents pour monter une cellule d’enquête.
Wyatt avait remarqué que Cassy n’avait pas prononcé un mot. Il finit par tourner la tête et regarder Charlie.
— J’apprécierais d’avoir un coup de main. Je vais convoquer la maman pour avoir des informations supplémentaires.
— Je regarde les dossiers et je te recontacte pour voir qui pourrait t’être utile, dit Charlie en raccompagnant Wyatt vers la sortie.
*****
Wyatt Logan sortit de la pièce et se dirigea vers son bureau situé quelques mètres plus loin. Il s’assit et se rendit compte qu’il avait les idées qui s’égaraient. Il se demandait qui était la mystérieuse jeune femme dont il venait de faire la connaissance. Il ne l’avait jamais croisée au sein des bureaux et pourtant il y travaillait depuis plus de dix ans.
Pur New-Yorkais, il n’aurait quitté sa ville pour rien au monde. Né il y a 35 ans, dans le Queens, il avait grandi au sein d’une famille aimante composée de parents enseignants et d’un frère aîné dentiste. Une enfance heureuse partagée entre la visite des musées avec sa mère, professeur d’histoire, et les matchs de base-ball pratiqués avec son frère et son père.
Après des études à l’université avec une spécialisation informatique, il avait décidé d’entrer au FBI afin de se mettre au service de son pays. Le soutien de sa famille et ses capacités intellectuelles avaient fait le reste.
Il avait été formé à Quantico. Il avait découvert des spécialités insoupçonnées qui l’avaient passionné. Il avait demandé à être affecté à New York, bien entendu, et il y travaillait depuis dix ans. Il avait commencé comme simple agent, au service du décryptage informatique, puis il avait demandé à faire partie d’une équipe de terrain. Il avait été infiltré dans des entreprises soupçonnées de blanchissement d’argent ou de délit d’initiés.
Sa méticulosité et ses résultats l’avaient fait monter en grade et aujourd’hui, il était à la tête d’une cellule spécialisée dans les enlèvements d’enfants. C’est à ce titre que l’affaire lui avait été confiée.
Grand et athlétique, il avait les cheveux châtains et les yeux clairs. Avec ses faux airs de l’acteur Chris Pratt, il avait eu beaucoup de succès à l’université auprès de la gent féminine et il avait multiplié les conquêtes. Cinq ans auparavant, il avait rencontré une très belle jeune femme en accompagnant sa mère à une représentation de théâtre sur Broadway. À l’entracte, ils s’étaient télescopés en se dirigeant vers le bar. Il avait renversé le verre qu’il tenait dans sa main en se retournant brusquement sur la personne qui était derrière lui. Après s’être excusés mutuellement, lui, pour avoir tourné sans regarder et elle, pour ne pas avoir fait attention en avançant, les yeux rivés sur son portable, ils avaient discuté et sympathisé en parlant de la pièce.
Ils s’étaient revus rapidement et s’étaient mariés un an plus tard pour le plus grand bonheur de leurs familles respectives. Dans sa jeunesse, elle avait été joueuse de tennis professionnelle classée à la WTA. Depuis, elle exerçait le métier de journaliste sportif. Ils avaient acheté une petite maison en dehors de Manhattan qu’ils espéraient remplir de cris d’enfants.
Certes, la vie de couple n’était pas tous les jours facile entre les voyages de son épouse pour le suivi des tournois de tennis dans le monde entier et les heures à rallonge des enquêtes que menait Wyatt, mais il y croyait.
Il reporta son attention sur le dossier posé en face de lui. Quand son supérieur lui avait proposé la responsabilité de la cellule l’année précédente, Wyatt avait accepté pour pouvoir faire ses preuves. Même s’il n’était pas parent lui-même, il était très proche de son neveu de dix ans et sa nièce de six ans, les enfants de son frère aîné. La cellule était composée de quatre personnes, deux agents de terrain, un agent informatique et un agent spécialisé dans l’étude de l’administratif (dossiers papier et croisement de données). Depuis, la cellule avait résolu plusieurs affaires avec succès. Les enlèvements d’enfants étaient de différentes natures, plus ou moins tragiques : parents en plein conflit familial dont chacun veut la garde de l’enfant, fugue, trafic en tout genre, demande de rançon, mais également kidnapping par un prédateur. Le rôle de la cellule était de centraliser toutes les informations le plus rapidement possible, déclencher l’alerte enlèvement si des éléments le permettent, et retrouver l’enfant dans les 48 h de sa disparition pour espérer qu’il soit toujours en vie dans les cas extrêmes.
Dans sa courte expérience à la tête de la cellule, il n’avait jamais été confronté à un dossier pareil. Les autres affaires avaient toutes un caractère d’urgence. Mais si le dossier était vrai, cela signifiait que l’enlèvement datait de dix ans auparavant. Il était quasiment sûr que l’enfant ne risquait rien dans sa famille actuelle, mais les preuves concernant sa véritable identité seraient plus difficiles à trouver ainsi que les connexions ayant mené à cette situation.
Il commença à étudier les premiers éléments que son équipe avait réunis quand un coup bref retentit sur la porte.
— Entrez, dit-il sans lever la tête.
Un homme passa dans l’entrebâillement de la porte. Un jeune afro-américain souriait de toutes ses dents. Forrest Goodman était l’agent informatique de la cellule. Véritable geek depuis sa plus tendre enfance, il avait été recruté suite au piratage du serveur de l’université de Columbia, trois ans auparavant. Comme souvent, dans un tel cas, la case prison avait été optionnelle, le FBI préférant avoir dans ses rangs, les hackers les plus performants, plutôt qu’ils soient recrutés en prison par l’autre camp.
— J’ai réussi à obtenir des infos sur le dossier d’accouchement de la mère. Tu as deux minutes ?
— Oui, bien sûr. Je viens. Matt et Brennon sont arrivés ?
Matt Wolf et Brennon Lamarquise étaient les deux agents de terrain de la cellule.
— Non pas encore. Ils devaient passer au stand de tir ce matin.
— Ah oui, c’est vrai. Ils avaient leur recyclage aujourd’hui. Nous allons les attendre pour faire un point. Est-ce que tu as déjà rencontré l’agent O’Neill ?
— Qui ? demanda Forrest.
— Une belle brune d’environ 30 ans qui est censée travailler au service analyse des dossiers.
— C’est à Colleen que tu devrais demander. Si elles bossent dans le même service, elle pourra te dire.
— On parle de moi, demanda une voix au loin à travers la porte que Forrest avait laissée ouverte.
La voix appartenait à une femme d’environ soixante ans. Petite, habillée en tailleur et avec un éternel chignon strict, Colleen Bergman était la plus ancienne employée de l’agence de New York. Toujours soignée et pimpante, elle était mariée à son amour de jeunesse, qui était lui-même comptable à la cellule financière, un étage au-dessous.
— Wyatt voulait des infos sur une de tes collègues. O’Neill ? dit Forrest.
— Inconnue au bataillon, répondit-elle.
Wyatt se leva et approcha de la porte.
— Comment ça, inconnue au bataillon ? Burnet vient de me la présenter dans son bureau.
— Ah, la petite protégée de Burnet, répondit avec malice Colleen. Oui, c’est vrai. Elle fait partie de mon service, mais je ne la connais pas. Elle n’est jamais aux réunions de service.
— Bizarre ? demanda Wyatt.
— Oui, répondit laconiquement Colleen. Je l’ai croisé plusieurs fois dans les couloirs, mais il y a un je-ne-sais-quoi d’inhabituel dans son attitude. Enfin, je doute de travailler un jour à ses côtés. Comme je le disais, c’est la protégée de Burnet. Elle ne travaille qu’avec lui depuis trois ans. Pourquoi veux-tu savoir ?
— Effectivement, elle n’a pas été très bavarde tout à l’heure. Enfin bon, aucune importance. Je suis juste étonné de rencontrer un nouvel agent dont tu dis qu’elle est là depuis trois ans.
— D’autant plus qu’elle est sacrément jolie, dit malicieusement Colleen.
L’attention fut détournée par l’arrivée de Matt et Brennon.
— Des nouvelles, les gars ? demanda Wyatt.
— Après la séance de tir, nous sommes allés traîner du côté de chez la plaignante pour juger de sa crédibilité. Pas de souci particulier. Une maison bien entretenue, un voisinage agréable et aucune histoire sordide dans les dossiers des flics sur la famille.
Le téléphone de Wyatt se mit à sonner.
— OK, les gars. On se retrouve dans la salle de réunion d’ici une demi-heure pour faire un point global sur le dossier, dit-il en décrochant. Allo, chérie ?
*****
Dans le bureau de Charlie, Cassy gardait encore le silence. Charlie savait très bien pourquoi Cassy n’avait rien dit pendant la discussion avec Wyatt. Le programme, auquel elle participait, était confidentiel, même pour les collègues. Le sujet de l’ésotérisme n’était pas pris au sérieux dans la société actuelle et les agents du FBI n’échappaient pas à la règle du scepticisme.
Depuis des décennies, des voyants et des médiums en tout genre avaient proposé leur aide pour la résolution d’affaires plus ou moins médiatisées. Pour la plupart, les informations s’étaient révélées fantaisistes et les agents ayant fait confiance avaient amèrement regretté le temps perdu à écouter des charlatans. Le monde se divisait donc en deux parties : ceux qui y croient et ceux qui n’y croient pas.
La création du programme s’était accompagnée de nombreuses demandes d’assistances de la part d’agent du FBI ou de la CIA qui ne voulaient pas écarter la possibilité de la réalité de ces dons. Les premiers résultats ayant été concluants, les demandes étaient de plus en plus nombreuses. Mais le fait de consacrer un médium sur une affaire était risqué. Si la presse apprenait l’implication d’un médium, la crédibilité de l’enquête entière serait remise en cause.
Un autre facteur était à prendre en compte : la pénibilité importante de ce qui était demandé au médium. La faculté de concentration importante qui était mobilisée vidait littéralement le médium de ses forces pendant l’enquête. Une période de repos physique et psychologique était indispensable à la santé du médium. Ainsi avec seulement cinq médiums sur le territoire des États-Unis, une sélection drastique des affaires était réalisée et pour le bureau de New York, c’était Charlie qui tranchait. Il effectuait une présélection qu’il soumettait ensuite à Cassy et à Nick.
— Qu’en penses-tu ? demanda-t-il.
— Je ne sais pas. Le dossier est mince.
— Tu sais bien que ça ne t’a jamais arrêté. Ma question était plus dirigée sur le sujet de l’enquête. Est-ce que tu te sens capable de travailler sur une enquête impliquant un potentiel trafic d’enfant ?
Cassy garda le silence un instant. Jusqu’à présent, elle avait travaillé sur des dossiers impliquant des adultes. Quelques histoires d’homicides, quelques histoires financières ou d’escroqueries. La seule fois où Cassy avait essayé de travailler sur le dossier du meurtre d’une petite fille, ça n’avait rien donné.
— Je ne pense pas que ce soit le plus gros problème. Bien sûr, les dossiers impliquant des enfants ne me plaisent pas, mais ce n’est pas ça qui va me déranger.
— Développe le fond de ta pensée.
— Il ne me croira jamais.
— Qui ? L’agent Logan ? J’avoue que je me pose la question.
— Tu le connais depuis longtemps ? demanda Cassy.
— Il était déjà là quand je suis arrivé. Un agent efficace, apprécié par sa hiérarchie et son équipe. J’ai travaillé avec lui sur l’affaire Madison.
L’affaire Madison avait fait beaucoup de bruit l’année précédente. La petite fille avait disparu sur le chemin du retour de l’école. Quelques cinq cents mètres séparaient l’école de la maison familiale. Sa disparition avait été signalée par sa mère, une heure plus tard. La police avait été mobilisée aux côtés du FBI. Un appel à témoin avait été lancé et les vidéos de surveillances avaient été exploitées. Elles montraient que Madison était montée dans un véhicule gris. Et malgré le fait que New York soit la ville la plus surveillée au monde, le véhicule avait disparu dans la circulation.
Au bout de vingt-quatre heures, alors que Charlie envisageait de faire appel à Cassy pour son don, le corps de la petite fille avait été retrouvé derrière une palissade de chantier. L’enquête n’avait rien donné. Madison avait été la dernière victime d’un tueur en série en trois ans. Surnommé « Le Tueur à la Rose » parce qu’il laissait une rose blanche dans la main de ses victimes, il n’avait jamais laissé d’indice permettant de l’appréhender.
C’était aussi la raison pour laquelle Cassy insistait pour amener et ramener Angel de l’école. Elle avait conscience qu’un prédateur circulait en liberté dans la ville.
— Aucune avancée dans le dossier ? demanda-t-elle.
— Non aucune. Un vrai fantôme, ce gars. Et puis c’est frustrant de voir que ton don n’aboutit à rien.
Cassy avait tenu la fameuse rose blanche entre ses mains et aucune vision ne s’était déclenchée.
— Ce n’est pas faute d’avoir essayé, mais sans objet qu’il ait manipulé, je ne peux pas faire de miracles.
— Oh, mais je ne te reproche rien.
— Je le sais bien, dit-elle en souriant. Revenons à nos moutons. Crois-tu qu’il soit capable de dépasser le stade « Saint Thomas » ?
— Je ne sais pas. Je pense surtout que c’est toi qui commences à t’intéresser à l’affaire dont Logan vient de nous parler. Si ce n’était pas le cas, tu m’aurais déjà opposé une fin de non-recevoir.
Elle se leva et lui sourit.
— Tu me connais bien.
Charlie avait compris depuis longtemps que l’envie d’aider était la motivation principale de Cassy. Il avait essayé de la faire travailler sur des affaires politico-financières. Les résultats avaient été mitigés. Alors que lorsque Cassy travaillait sur une affaire qui la prenait aux tripes, son don se manifestait plus facilement et plus précisément que dans d’autres circonstances. D’après Lydia, tout était lié physiologiquement et elle travaillait en partenariat avec Cassy pour en comprendre le mécanisme.
— Donc je demande à Peterson ?