4,49 €
Entre futur proche et présent, La Tour, monstre de verre et d'acier au coeur du quartier d'affaires, est un véritable organisme qui se développe, se transforme et se nourrit. Les Sylvie en contrôlent tous les étages, ou presque, et les employés y passent, y vivent, y meurent, et parfois se métamorphosent. Qui est le créateur de La Tour? Et les employés, qui sont-ils? Tous poursuivent un même objectif, sans véritablement en connaitre la signification, ni les conséquences. Au fil de 14 chroniques, sorte de roman-puzzle où les vies des personnages s'entrelacent, le lecteur est amené sur les chemins de la transformation, inexorable, prometteuse, et terrifiante. L'humain, homo technologicus, se retrouve face à ses contradictions et, par un jeu de fenêtres sans tain, se dévoilent les dérives d'un système auquel l'homo sapiens tente d'échapper.
Das E-Book können Sie in Legimi-Apps oder einer beliebigen App lesen, die das folgende Format unterstützen:
Seitenzahl: 307
Le 14
e
Le lauréat
Sylvie
Hippocrate
Le placard
Karma
Love and marriage
Alex
Crazy train
Fat and Furious
Le barista
Télétravail
La planque
Sympathy for the devil
« Enfin du vent frais, soupira Philippe, en tendant son visage vers la brise, les yeux fermés. De l’air, enfin de l’air. »
Qu’importait l’absurdité de la situation, ce qui comptait c’était d’être enfin libre, ou plutôt, bientôt libre. Plus qu’un dernier effort, un dernier pas !
Un lundi matin.
En arrivant devant la porte de l’ascenseur, Philippe sentit une pointe d’excitation le parcourir. De jubilation, également, en décelant l’air jaloux de Franck, déjà informé de la nouvelle. Ils étaient entrés à peu près en même temps à La Tour, il y a des années. Le même profil, les mêmes ambitions. Mais ses efforts à lui avaient fini par payer. Il ne s’était pas ménagé ces trois dernières années en tant que manager de placard à l’étage 25. Il avait dû consentir à de nombreux sacrifices. Mais à force d’opiniâtreté, il y était parvenu. Un peu par surprise même, il n’y croyait plus trop à cette promotion. D’ailleurs, il avait commencé à douter : pourquoi n’avançait-il plus ? Il présentait bien pourtant, toujours conciliant avec les revirements de stratégie de la direction, jamais dans l’opposition. Il avait fini par s’enquérir auprès de Sylvie, l’assistante de son étage, pour comprendre ce qui lui manquait. « Confiance et patience », lui avait-il été répondu, « il faut laisser le temps à la Transformation ». Finalement, c’était arrivé, Sylvie l’avait informé juste avant la sortie pour le déjeuner, vendredi dernier. Et dans la foulée, il avait signé, sans même regarder, son nouveau contrat de travail. Il était promu à l’étage 14, au service Stratégie et Logistique. Sylvie avait insisté sur l’opportunité qui lui était offerte et le fait qu’il allait lui falloir s’intégrer au système. Mais elle avait confiance en ses capacités. Par ailleurs, il était temps pour lui de laisser la place à de nouveaux hauts potentiels. Elle lui avait conseillé de bien se reposer et de se faire plaisir pendant le week-end. Alex, le happiness manager, était passé le voir dans l’après-midi et lui avait remis des billets de réduction pour un spectacle assortis d’un bon pour un restaurant en vogue de la capitale. Un traitement de faveur que Philippe avait su apprécier. Il n’avait, cette fois encore, pas osé aborder le sujet de son diabète. Il restait sur ses gardes. Il voyait déjà bien comme ses collègues femmes voulant faire carrière étaient pénalisées par leurs grossesses. Jean-Luc du 20e ne progressait plus depuis sa dépression. C’était vraiment un bon professionnel, lui, mais malheureusement il avait été placardisé à un étage pas très sympa, pas de chance… enfin bon, chacun ses problèmes. De toute façon, il gérait très bien sa glycémie et personne n’avait jamais remarqué qu’il se piquait au travail. En même temps, avoir son propre placard lui conférait un espace de travail personnel, une certaine intimité. Certes, cela le coupait un peu des relations, mais il possédait son petit réseau des pauses-café et il voyait des clients de temps en temps.
Le bip de l’ascenseur le tira de ses pensées et il laissa les autres entrer en premier. Après tout, ses anciens collègues allaient descendre après lui. Il avait, ce matin, mis son plus beau costume. Il en jetait mais pas trop, le genre classe mais discret. Il ne s’agissait pas de trop se faire remarquer le premier jour. Il devait veiller à laisser une bonne impression, une impression durable. Il avait eu le temps, ces dernières années, d’imaginer comment il gérerait cette situation quand elle arriverait. Ah le 14e… c’était le Graal de La Tour ! Pour l’obtenir, il l’avait joué fine. Il s'était montré patient et, en attendant, il en avait suivi des formations : cursus internes, externes, en ligne, à distance, tout ce qui pouvait potentiellement lui être utile. Il avait pris sur son temps de travail, son temps libre. Ah ça ! Il en avait fait des sacrifices ! Ce dernier week-end, il avait vérifié sur « NetWorkin’ » les profils des personnes travaillant au 14e. Il avait aussi balayé les différents réseaux sociaux de ses futurs collègues et directeur pour s’enquérir de leurs loisirs et autres passe-temps favoris. D’ailleurs, il devait penser à s’informer plus tard sur ces fameux « GN1 » auxquels participait Greg, le patron du marketing. Ces soirées enquête avaient l’air vraiment sympas. Le mouvement autour de lui le ramena à la réalité. Voilà qu’il s’était encore perdu dans ses pensées. Il faudrait être vigilant aujourd’hui pour que l’excitation ne lui fasse pas commettre d’impairs.
Pour que l’ascenseur s’arrête au 14e, Philippe devait apposer un badge spécial sur un lecteur installé spécifiquement à cet effet. Il attendit donc que tout le monde soit dans la cage avant de sortir la carte fournie par Sylvie. C’était un peu mesquin de sa part, mais il l’avait bien mérité, ce petit moment de gloire. Certes, à part Franck, il ne connaissait personne dans l’ascenseur, mais eux se souviendraient de son visage, comme faisant partie des élus du 14e. Car en plus d’appartenir à l’élite stratégique de La Tour, les employés du 14e avaient des privilèges : cantine et gymnase réservés à l’étage, et, selon un gars du service comptabilité de la tour d’en face, il semblait même qu’il y ait un accès dédié au parking du sous-sol. Au moment de passer sa carte sur le lecteur, il nota le silence dans l’ascenseur et sentit les regards se porter sur lui, pour une fois. 1, 2, 3… 12, 13 et 14 ! Même le bip lui parut différent, accueillant. La porte s’ouvrit et il lui sembla entendre Franck murmurer quelque chose. Tout le monde dans la cage eut un léger mouvement de recul vers le fond, lui laissant l’espace pour sortir. Ce qu’il fit d’un pas triomphant.
Contrairement aux autres étages, la porte s’ouvrit sur un unique espace d’accueil, composé d’un bureau en forme de comptoir. Derrière, occupant tout le mur, savamment illuminé par un éclairage indirect, était gravé « 14eStratégie & Logistique ».
Sylvie, l’assistante du 14e, leva les yeux de son écran et afficha un large sourire.
– Bonjour, vous devez être Philippe, je vous attendais. Je vois que vous êtes un peu en avance, c’est bien. Je vais pouvoir vous montrer les installations avant le début de la journée. Ici, nous commençons un peu plus tard normalement, Sylvie ne vous l’a pas dit ? Nous travaillons en horaire décalé pour faciliter la vie de nos cadres. Tout le monde se donne à fond pour s’intégrer au système complexe qui permet d’alimenter La Tour, en contrepartie, les employés bénéficient de plus de flexibilité sur les horaires. Avez-vous bien mis à jour le formulaire médical qui vous a été donné vendredi ?
– Oui c’est fait.
Philippe repensa à sa glycémie mais il l’écarta rapidement de son esprit.
– Très bien, remettez-le-moi avec la carte de l’ascenseur, vous n’en aurez plus besoin à partir de maintenant, la définitive vous attend sur votre bureau.
Philippe eut un sourire extatique : il allait enfin retrouver un vrai bureau ! Sylvie continuait de parler.
– Suivez-moi, je vous fais faire le tour des installations pour que vous puissiez prendre vos repères, n’hésitez pas si vous avez des questions.
L’expression émerveillée, Philippe suivit l’assistante le long des couloirs étrangement circulaires, parsemés de portes ornées de plaquettes indiquant des noms et des fonctions. La disposition des lieux laissait penser que tous les bureaux donnaient sur l’extérieur, donc à des fenêtres, ce qui le soulagea. Sylvie montra à Philippe la salle de sport. C’était donc vrai, pensa Philippe. Suivirent la cantine et la salle de détente avec des fauteuils individuels modulables pour les « pauses sieste » et enfin l’ascenseur réservé allant directement au rez-de-chaussée ou au sous-sol. Sylvie insista sur la politique de l’étage en matière de bien-être des employés. Ils devaient être au mieux de leurs formes physique et mentale afin de mener leur mission à bien. La Tour prenait soin de ses employés mais elle était exigeante. Pas d’Alex au 14e, Sylvie prenait en charge la moindre demande.
– Voilà votre bureau, il donne sur la face nord, mais si vous progressez bien et en fonction des mobilités, cela peut être amené à évoluer. Votre ordinateur est déjà installé, il vous faudra confirmer vos identifiants en premier lieu. Le siège est un ergo RS3 de chez HjO, vous le réglerez selon votre confort optimal. Je recommande la position quart-incliné arrière pour le travail en réso-conf. Vous vous débrouillerez pour le reste. Vous pouvez me joindre au 14 sur votre téléphone. Je vous recommande de vous installer et de suivre le tutoriel avant l’arrivée des autres. Installez-vous, mettez votre casque de RV2 et, en attendant, je vais vous chercher un café. Vous le prenez noir et sans sucre si je ne m’abuse ? Philippe, confirma d’un large sourire et profita du départ de Sylvie pour jeter un œil au panorama qu’offrait la baie de son bureau. La masse de la banlieue se prolongeait jusqu’à se confondre avec le ciel grisâtre. Cet horizon de bitume le captiva quelques instants avant qu’une satisfaction jouissive n’inonde son cerveau. Il y était enfin ! C’était bel et bien réel, dans un vrai bureau, prêt à démarrer le premier jour de sa nouvelle carrière. First things first ! Allumer son ordinateur, initialiser ses identifiants, lancer sa session et ouvrir sa messagerie. Tout fonctionnait à merveille, il fut prêt en trois minutes. Il se demanda s’il devait attendre son café. Non, cela donnerait une mauvaise image. Il régla son fauteuil dans la position recommandée par Sylvie et enfila son casque. Au bout d’un moment, il sentit Sylvie lui toucher le bras, probablement pour lui signifier qu’elle lui avait rapporté son café. Il retira son casque et, effectivement, une tasse était posée sur son bureau. L’arôme lui chatouilla les narines, bien différent des cafés des machines de son précédent étage. Il reporta son attention sur Sylvie.
– Je vois que vous vous y êtes mis de suite. Je pense que vous allez faire des étincelles à cet étage ! Croyez-moi, j’ai de l’expérience pour juger des potentiels. Vous allez beaucoup apporter à La Tour. Venez, vos camarades commencent à arriver, je vais vous présenter et ensuite vous pourrez commencer votre nouvelle vie. Vous allez vous plaire ici, j’en suis convaincue.
Philippe suivit Sylvie d’un pas léger, sans pouvoir se départir d’un léger sourire de triomphe. La journée allait bien se passer, il le savait. Il le sentait dans ses tripes, ça montait doucement comme un euphorisant. Et le lendemain, ce serait pareil sauf qu’il monterait par l’ascenseur privé, réservé à l’élite. Il pourrait arriver pour 10h, mais pas plus tard. Il passerait la semaine à étudier son environnement, ce serait le round d’observation, comme disaient les boxeurs de la salle qu’il fréquentait parfois. Puis il passerait à la phase 2 de son plan, il attendrait la semaine suivante pour commencer à émettre des suggestions et proposer des améliorations. Tout se présentait bien. Il avait opéré un virage stratégique dans sa carrière qui allait s’avérer payant. Il n’attendrait pas 3 ans cette fois !
Plus tard, jour inconnu.
Philippe cligna des yeux en reprenant connaissance et reconnut aussitôt la sensation de vertige et de suée accompagnant l’hypoglycémie. Il se sentait nauséeux et fébrile, son regard était posé sur l’objet gisant à côté de son visage. Son casque de réso-conf virtuelle… Il était donc dans son bureau. Ses pensées étaient confuses. S’était-il évanoui ? Il était allongé par terre sur le lino, son visage le grattait et une drôle d’odeur émanait autour de lui. Il se releva péniblement en prenant soin de ne pas perdre l’équilibre. Il avait des sueurs froides et l’estomac au bord des lèvres. Il s’assit sur son siège capitonné et fouilla le fond du tiroir de son bureau pour y récupérer son paquet de biscuits d’urgence, comme il l’appelait auprès de ses anciens collègues. Dissimulé au fond du paquet se trouvait un nécessaire d’urgence de traitement du diabète. Fébrilement, il sortit la bandelette et l’appareil de mesure. Une minute après, il avait la confirmation de son état. Il se sentait vraiment mal. Il saisit le « pistolet » et, après avoir réglé la dose, se l’injecta d’un geste expert, fruit de longues années de pathologie. Il espérait que personne ne viendrait dans son bureau, il ne fallait surtout pas qu’on le voie dans cet état, surtout pas Sylvie. Il faisait sombre dans la pièce, il voyait peu et la lumière était éteinte. Il se leva avec précaution dans l’intention d’aller verrouiller la porte entrouverte. Pas de verrou ! Il ne l’avait jamais remarqué. Il se cala dans l’embrasure et jeta un œil dans le couloir. Il y faisait sombre, aucun éclairage n’illuminait le passage. Il en conclut qu’il devait être tard. Il n’arrivait pas à recoller les détails de la journée. L’hypoglycémie devait l’avoir vraiment pris par surprise ! L’insuline n’avait pas encore rétabli son organisme. Il crut halluciner lorsque, de nouveau assailli par cette odeur nauséabonde, il comprit qu’elle émanait de son propre corps ! Il mit de longues secondes à identifier ces émanations nauséabondes. Bien sûr, c’était ce que l’on pouvait sentir dans les métros sales et mal entretenus de la capitale. C’était aussi cette même puanteur âpre que dégageaient les corps sales des sans-abris, marinant, depuis trop longtemps, dans les mêmes vêtements.
Il ferma doucement la porte et retourna à son bureau. Ce fut à ce moment-là qu’il vit, pendant du plafond, juste au-dessus de son fauteuil, des tuyaux qui gouttaient encore de liquides inconnus. Son corps commençait à lui envoyer différents signaux. Son visage le brûlait, ses bras lui faisaient mal, les crampes montaient dans ses jambes et une sensation de contraction abdominale commençait à pointer. Sous l’effet des différentes douleurs, son esprit commença à sortir de la vase dans laquelle il baignait pour s’intéresser à son environnement. Juste avant de s’asseoir, il remarqua que son fauteuil possédait un orifice au niveau de l’assise d’où sortaient des tuyaux un peu plus gros que ceux du plafond. Il se pencha et découvrit sous le siège une sorte de bac à moitié rempli d’excréments liquides. Il eut un haut-le-cœur, bien qu’aucune odeur ne se dégageait réellement de ce bouillon, et se redressa un peu trop vivement. Il fut pris de vertiges et s’assit sur son bureau face à la fenêtre. C’est à ce moment-là qu’il réalisa que ce qu’il avait pensé être une vitre était en fait un écran géant. Comment ne s’en était-il pas aperçu avant ? Il secoua la tête. Baissant les yeux, il vit que son pantalon était trempé. Il préférait ne pas en connaître l’origine. Sa belle chemise « Mugo Bass » avait les manches découpées au niveau des biceps et il découvrit les cathéters incrustés dans chacun de ses bras. Ces derniers avaient perdu en épaisseur et lui-même se sentait amaigri. Il repensa au paquet de gâteaux. Fébrilement, il en mangea seulement quelques-uns, faisant attention à sa glycémie. Ce n’était pas le moment de s’évanouir. Il se saisit du téléphone, prêt à composer machinalement le 14, sorte de réflexe après des semaines de travail au 14e, mais il se ravisa. Non, il ne pouvait pas s’afficher en plein délire devant Sylvie. Il fallait qu’il se reprenne et laisse passer cette crise. Il se sentait si faible, si fatigué… Il ferma les yeux.
Plus tard, date indéterminée.
Si ses calculs étaient bons, cela faisait presque 5 jours qu’il s’était déconnecté et avait émergé. Le constat était sans appel, il était enfermé au 14e. Il avait essayé d’appeler mais aucun téléphone ne fonctionnait, son portable était complètement déchargé et sa sacoche avait disparu. Par ailleurs, son ordinateur n’était connecté à aucun réseau. Il était resté un moment cloîtré dans son bureau avant d’oser en sortir. Quand il s’était enfin décidé, il avait foncé là où il pensait retrouver l’ascenseur dédié au 14e, mais il avait cherché en vain. En désespoir de cause, il s’était rabattu sur la réception où il n’y avait personne. Impossible de prendre l’ascenseur, Sylvie lui ayant pris son badge le premier jour. Il avait cogné à la porte de l’ascenseur dans l’espoir que quelqu’un entendrait, mais cela n’avait rien donné. N’ayant pas encore tout à fait réalisé la situation dans laquelle il se trouvait, il avait pris sur lui le fait de se présenter dans un si piteux état et s’était décidé à aller voir ses collègues pour demander de l’aide. Et ce qu’il avait découvert avait presque eu raison de lui. Dans chaque bureau la même vision : une coquille humaine grotesquement habillée de tailleur ou costume découpé aux endroits où les tubes transperçaient la peau pour injecter l’abominable substance qui la maintenait dans une parodie macabre de vie, le casque gardant l’esprit prisonnier et étranger aux sévices subis par le corps. Sa raison avait vacillé et son estomac avait menacé de rendre le peu de nourriture qu’il contenait. Il avait lutté pour garder ses ressources. Certains corps étaient si maigres qu’ils ressemblaient davantage à des cadavres qu’au souvenir qu’il avait d’eux. Car il les connaissait, il avait partagé des réunions ou des cafés avec la plupart d’entre eux. Cependant, il aurait bien eu du mal à les identifier sans les noms sur les portes. Il avait essayé vainement d’en réveiller plusieurs en les secouant mais cela n’avait rien donné. Il avait pensé à les déconnecter mais il ignorait les risques encourus. Et vu leur état, il doutait qu’ils puissent marcher. Avec leurs corps squelettiques raccordés à tout un tas de tuyaux, on aurait dit des insectes pris dans des toiles d’araignée. D’un coup, il s’était senti faible. Il s’était mis en quête de nourriture, ses réserves de biscuits n’allant pas durer. Il avait trouvé quelques restes de nourriture dans l’espace cafétéria de l’étage mais ils lui avaient semblé dater du jour de son arrivée. À un moment, il avait cherché un escalier de secours, ouvrant toutes les portes les unes après les autres, mais rien. Il n’avait même pas réussi à arracher les écrans qui cachaient les fenêtres et de toute façon, celles-ci ne comptaient pas d’ouverture visible.
L’esprit de Philippe revint au présent. Il était assis par terre dans son bureau. Il devait bien y avoir un moyen de sortir. Quelqu’un allait s’inquiéter et demander à La Tour. Peut-être, se dit-il, dans un éclair de lucidité. Il était fort probable que l’on ne se préoccupe pas tout de suite de sa disparition. Ces dernières années, obsédé par sa carrière, il avait quasiment coupé tous ses liens familiaux et amicaux. Les appels étaient devenus rares et la plupart par messagerie interposée. Il ne comprenait rien à ce qui lui arrivait, ni le comment ni le pourquoi, cependant il était à l’évidence dans un sacré pétrin ! Il recommença à sentir la vague de panique, devenue familière, qui le saisissait chaque fois qu’il pensait à sa situation. Il fallait qu’il se calme, il ne lui restait plus beaucoup d’insuline et le stress faisait monter en flèche sa glycémie. Il devait réfléchir et trouver une solution, il était intelligent et plein de ressources, c’était ce qui ressortait toujours de ses évaluations annuelles. D’ailleurs, si on lui avait proposé le poste au 14e, c’était bien pour cela, non ? À moins que… non… impossible... Lui aurait-on fait croire qu’il était bon juste pour… pour quoi au juste ? Il avait beau essayer de s’en écarter, il en revenait toujours aux mêmes questions. Il n’arrivait pas à comprendre à quoi pouvait bien servir tout ça, attacher des personnes, d’excellents professionnels, à des fauteuils médicaux en les laissant connectés. Vu son état et celui, limite cadavérique, de certains, cela ne devait pas durer éternellement. Allaient-ils tous mourir ici ? Il se sentait de plus en plus perdu, il avait envie de hurler mais il savait que cela ne lui apporterait rien, l’ayant déjà fait plusieurs fois jusqu’à en perdre la voix. Rien, le silence l’enveloppa comme une couverture. Il n’en pouvait plus. Il sentait ses forces décliner, il avait besoin de réfléchir et de dormir encore…
Un peu plus tard, date indéterminée
Philippe se réveilla en sursaut au son de son propre cri, des larmes inondant son visage. Le réveil ne lui apporta aucun réconfort car il revit instantanément les images de son rêve. Le sommeil ne lui donnait aucun répit. Les images étaient gravées dans son esprit. Impossible d’oublier les spasmes du corps amaigri à l’extrême, le rictus de douleur sur le visage squelettique, les tremblements, et ces yeux qui le fixaient sans vraiment le voir, puis le retour fugace à la conscience juste avant que l’étincelle ne s’éteigne. Il avait toujours cru que ces métaphores étaient exagérées mais là, il ne pouvait le nier. Cela le hantait et le poursuivait même dans son sommeil. Il devait dormir un peu, mais il avait peur. Cette chose ne lui laissait aucun répit. La momie le suivait dans l’obscurité des salles, parfois il se surprenait à lui parler. Après tout, avant de prendre cet aspect morbide, c’était son collègue, avec qui il avait pris bien des cafés par le passé. Mais, en fait, c’était dans un autre monde. Il était parfois tenté d’y retourner, histoire d’en finir avec cette réalité. Il avait même essayé mais son casque était cassé. Une part de son cerveau se demandait de façon absurde pourquoi le service de maintenance ne venait pas. Il avait bien dû y avoir une alerte quelque part. L’idée que la demande de réparation se trouve sur une liste de tâches à la quinzième page d’un rapport traité à l’autre bout du monde provoqua chez lui un rire hystérique. De toute façon, il savait que personne ne viendrait. Lorsqu’il avait débranché Paul, le responsable réseau de l’étage, et que celui-ci était mort devant lui, en quelques secondes, d’une horrible agonie, il était parti se cacher dans son bureau, espérant profiter de l’alerte qui avait probablement été déclenchée. Mais il s’était endormi et s’était réveillé avec un horrible mal de crâne. Il supposa qu’il avait été drogué, d’une manière ou d’une autre. Il comprit alors que pour lui, il n’y aurait pas de sortie, pas d’échappatoire. Il deviendrait le fantôme du 14e, se sustentant des restes de nourriture desséchée et des nutriments sortant de ces obscènes tuyaux, s’abreuvant de liquides innommables. Il allait continuer à tourner en rond dans ce couloir, sans fin, suivi par Paul lui demandant sans cesse pourquoi il l’avait tué. Il n’osait même plus contempler son reflet sur les écrans vitrifiés des fenêtres. La dernière fois, il s’était vu face à Paul, décharné, hagard, sale. Cette image lui était devenue insupportable. Ses nuits étaient peuplées de cauchemars indicibles, l’obscurité omniprésente l’avait enveloppé et l’absorbait petit à petit. Il allait finir par se fondre dans ce couloir sombre peuplé de ses propres ombres. Il avait besoin de se reposer, juste un peu, d’un sommeil sans cauchemars. Philippe ferma les yeux…
Bien plus tard, date indéterminée
Un bruit le tira de son sommeil agité. Par réflexe, il intima à Paul de le laisser dormir, il le supplia même. Parfois, cela fonctionnait, ou alors c’était qu’il était trop épuisé et affaibli pour rêver. Il ouvrit les yeux et regarda confusément autour de lui. Une sensation différente… il avait perçu un léger changement dans son environnement mais il n’arrivait pas à le déterminer. Il referma les yeux et tenta de se concentrer sur ce qu’il sentait autour de lui. Cela lui arrivait souvent maintenant de rester les yeux fermés, même quand il se déplaçait. Tout était déjà gravé dans sa tête, il ne voulait plus les ouvrir et regarder cette obscurité, horrible, obscène et habitée. Il préférait l’ignorer, cela lui procurait un peu de calme. La sensation revint et il parvint, enfin, à l’identifier. Un courant d’air ! Il se décida à ouvrir précautionneusement les yeux, s’attendant à être confronté à une de ces hallucinations que lui offraient les ténèbres. Cela lui arrivait de plus en plus souvent mais, jusqu’à présent, elles n’étaient que des visions, il n’en avait jamais éprouvé sur sa peau. Un frisson le parcourut, il sentit à nouveau le courant d’air, comme une brise lui caressant la nuque. Il se concentra sur la provenance et suivit le courant. Il avança dans le couloir, et s’arrêta sous la trappe d’aération ouverte du plafond. Curieusement, il n’avait jamais remarqué celle-ci. Elle était parfaitement dissimulée parmi les dalles. Mais là, elle béait et un courant d’air s’en échappait. Il alla jusqu’à l’entrée et traîna la chaise du bureau de Sylvie. Il eut l’impression que cet effort allait lui provoquer une crise d’hypoglycémie. Il se sentait faible mais l’excitation lui redonnait des forces.
Plus tard, enfin
Il rampa pendant ce qui lui sembla une éternité et franchit des passages exigus, que seul son état famélique lui avait permis d’aborder. Le corps écorché de partout, il atteignit enfin son but. Une cloison de verre épais coulissa automatiquement à son approche et lui laissa entrevoir l’extérieur. Il respira par la bouche, trouva que l’air avait du goût. Un goût de sacré. Les lumières nocturnes de la ville qu’il apercevait lui semblèrent autant de promesses. Arrivé au bout, sa tête dépassant du petit rebord, il fut pris d’un rire mécanique, jaillissant du plus profond de ses ténèbres. Il se hissa difficilement sur le rebord et contempla l’esplanade au pied de la Tour. Si proche et pourtant si loin, juste à un pas, un tout petit pas. Le rire qui s’était un instant arrêté revint. Il avait rêvé de ce moment, de sa sortie mais là, alors qu’il l’avait enfin atteinte, cela lui parut d’une ironie cruelle ! C’était juste là, à un tout petit pas. Mais tellement loin ! Il pensa un moment retourner dans le conduit pour regagner le 14e, mais une terreur provenant du plus profond de son être l’envahit. Il pleura. Il ne pouvait pas retourner dans l’obscurité et retrouver Paul. Son esprit menaçait de se briser définitivement à cette idée. Sa raison commençait à vaciller quand il lui sembla entendre un appel. L’obscurité l’appelait, le réclamait, il entendait distinctement les voix qui le sommaient de revenir dans cet endroit auquel il appartenait désormais. La panique le saisit mais un déclic se fit dans son esprit. Un calme indescriptible l’envahit. Le choix lui appartenait, pour la première fois depuis longtemps, et rien ni personne ne pourrait s’y opposer. Ni les ténèbres, ni Paul, ni Sylvie, ni La Tour.
Philippe ferma les yeux car il l’avait décidé, il ne voulait rien voir que lui-même. Il osa ce petit pas, ce tout petit pas et sentit le vent l’emporter loin de la Tour.
Et la dernière chose qui lui passa par la tête fut le doigt de César, la sculpture en bas de La Tour !
1 Jeux de rôle Grandeur Nature
2 Réalité virtuelle
La notification de l’arrivée d’un nouveau message, celui que j’attends depuis des semaines, apparaît en bas à droite de mon écran. Je m’empresse de cliquer dessus, appréhendant un peu la lecture du contenu.
Cher Monsieur Dupont,
Nous avons bien reçu votre candidature relative au poste de Responsable ingénieur réseaux et nous vous en remercions.
Cependant, malgré l’intérêt que suscite votre candidature, nous sommes au regret de ne pas pouvoir y répondre favorablement.
Salutations distinguées,
Team RH
La Tour
Le verdict est tombé, direct, court, impersonnel. L’agacement se mélange à la déception. Je lève les yeux par-dessus mon écran et j’aperçois le crâne luisant de Sam, mon collègue, chevauché d’un casque anti-bruit rouge clinquant. Je me redresse pour apparaître dans son champ visuel et, après un regard alentour, lui fais signe de me retrouver aux ascenseurs. Il me laisse quitter l’open space en premier et me rejoint quelques instants plus tard, au moment où l’ascenseur connecté arrive. Son regard est interrogateur mais, selon notre protocole habituel, il va attendre que nous soyons installés à la cafétéria du 3e étage, à l’abri des oreilles indiscrètes. Il y a déjà du monde au « Coffee Shop » lorsque nous arrivons, aussi Sam part-il en quête d’une table libre pendant que je fais la queue pour commander les cafés. Cet endroit coloré, en dehors du fait que l’on peut y trouver du vrai café et manger des viennoiseries toujours chaudes, est surtout l’antichambre des secrets de La Tour. Quelle que soit l’information que vous cherchez, c’est ici que vous la trouverez, moyennant une contrepartie. Des alcôves ont récemment été rajoutées pour faciliter ce marché noir de l’information. Ici, rien n’est anodin et beaucoup de choses s’y jouent. C’est l’un des centres névralgiques de La Tour.
Muni des cafés, je rejoins Sam, installé à une petite table, dans un coin. Toutes les alcôves sont prises à cette heure-ci. Je note la présence de plusieurs Sylvie, des choses doivent se tramer.
– Alors ?
– C’est un non.
– Ta candidature ?
– Oui.
Il n’a pas vraiment l’air surpris…
– D’accord… ils t’ont dit pourquoi ?
– Même pas, juste un mail, aussi froid et impersonnel que si j’avais été un candidat externe.
– Ah…
Son manque de réaction m’agace un peu…
– Qui t’a envoyé le mail ? Sylvie ?
– Même pas, une adresse générique, RHLaTour. Je suis sûre que personne n’a lu mon CV.
– Possible.
Là, j’ai clairement l’impression qu’il s’en fiche…
– Tu te rends compte qu’ils ne me donnent même pas un entretien ? !
– C’est vrai qu’ils auraient au moins pu te donner ta chance.
– Tu sais quoi, j’en ai assez.
– Mais non…
Mais si, il va devoir subir ma litanie…
– Dix ans que je marine dans mon jus, dans le même poste !
– C’est le problème quand on fait bien son job, on y est maintenu… mais eh, il y a pire, on n’est pas si mal là où on est !
Je le reconnais bien là…
– Oui mais moi je veux plus ! Des responsabilités, une équipe et le salaire qui va avec. Je travaille bien, je suis engagé, je fais toujours plus que les autres…
– Oh oui… ça… on le sait que tes dents rayent le parquet.
Je préfère ignorer son commentaire.
– Alors c’est quoi le problème ?
– Tu ne fais pas partie de l’élite, c’est tout. Fallait mieux travailler à l’école mon pote !
– Mais le poste… j’ai les compétences…
– Peut-être mais tu n’es pas ingénieur, tu n’as pas fait Sup’Réseaux. Bon ce n’est pas que ça ne m’intéresse pas, mais il faut que je remonte.
Je continue à ruminer jusqu’au déjeuner. Je ne suis pas comme Sam, toujours à se contenter de ce qu’il a. Cela le rend-il plus heureux ? Je n’en suis pas sûr, toujours à s’inquiéter pour ses crédits immobilier, voiture et je ne sais quoi d’autre… Je dois reconnaître cependant qu’il a marqué un point avec cette histoire de statut et de diplôme.
Nullement prêt à lâcher l’affaire, je décide de passer voir Sylvie à son bureau l’après-midi même. En règle générale, à l’instar de la plupart de mes collègues, j’évite autant que possible d’avoir affaire avec elle. Mais aujourd’hui, je suis face à un cas de force majeur. Je veux des réponses et je suis prêt à mouiller ma chemise, au sens littéral du terme. L’attente à la porte de son bureau, le seul à l’étage, privilège d’être une Sylvie, me paraît longue. Évidemment, je la soupçonne de me faire poireauter intentionnellement. Lorsqu’elle me reçoit enfin, j’ai bien du mal à soutenir son regard de prédateur et je sens les auréoles de sueur se former instantanément sur ma chemise, au niveau des aisselles. Certains de mes collègues ont beau la trouver sexy, dans le genre tueuse au pic à glace, en ce qui me concerne, elle m’effraie un peu, dans le genre chasseuse xénomorphe. Chacun ses références. Confortablement installée dans son fauteuil, derrière son bureau, elle attend, jambes et bras croisés, un demi-sourire ironique aux lèvres. Elle sait l’effet qu’elle exerce sur les gens, elle connaît son pouvoir. D’un geste, elle m’invite à prendre un siège. Ayant conscience qu’elle ne compte pas démarrer la conversation, je me lance.
– Sylvie, merci de me recevoir. Je viens te voir au sujet de ma candidature pour le poste d’ingénieur responsable réseau à l’étage 35. Je t’en avais informée.
Je me fais l’impression d’un gamin récitant son texte. Je lui lance un regard interrogateur, espérant qu’elle prenne le relais. Peine perdue, elle n’est pas décidée à me rendre la tâche facile. J’enchaîne donc.
– J’ai reçu un mail de refus…
Elle se délecte de mon embarras, je le vois bien.
– Et pour être honnête, je ne comprends pas.
Toujours pas de réaction, je décide de passer à la vitesse supérieure.
– Je pense avoir le bon profile. Cela fait dix ans que je suis à La Tour, je connais les process et les outils, je continue de me former régulièrement. Ce poste au 35e, je l’occupe déjà en partie ici au 16e et j’assure, mes évaluations annuelles sont excellentes ! C’est une opportunité pour moi. J’aimerais comprendre pourquoi je n’ai même pas eu d’entretien ?
Je m’arrête pour reprendre ma respiration. Sylvie reporte ses yeux à son écran durant un instant, qui me paraît une éternité. Je me sens pris d’une irrésistible envie de bondir sur son bureau pour la secouer et la forcer à me répondre. Elle doit avoir lu dans mes pensées car elle ramène son attention sur moi d’un coup, avec une expression narquoise et froide. Je retiens mon souffle.
– Paul, je comprends ta frustration.
Elle opère une légère pause, afin de préparer son effet. Ça s’annonce mal.
– Tu es un bon élément, et à La Tour, à cet étage en particulier, nous sommes conscients de ta contribution au succès de notre business. Mais comme tu le sais, nous avons amorcé un virage stratégique avec la Transformation et nous avons besoin que les ressources en place restent mobilisées sur ce qu’elles savent faire le mieux.
Elle s’adresse à moi d’un ton presque caressant, le regard hypnotique.
– Le poste auquel tu as candidaté est clé pour La Tour, nous avons donc besoin d’un profil ingénieur de grande école, complété d’une solide expérience. Concrètement, malgré toutes tes qualités, tu n’as pas le bagage pour gérer un programme aussi complexe. D’ailleurs, personne ne l’ayant en interne, Sylvie, du 35, a décidé de passer par un cabinet externe pour trouver le bon candidat.
Elle se lève et vient s’asseoir sur le rebord de son bureau, face à moi, jambes croisées.
– Je pense avoir été claire, notre entretien est donc clos, je dois maintenant rejoindre une conférence téléphonique.
Tout d’un coup, elle se penche vers moi mais ce que je vois n’est plus Sylvie. Je suis en proie à une hallucination, probablement liée au stress de l’échange. Sa tête est devenue oblongue, noire et lisse, dépourvue de son nez, de ses yeux et de ses oreilles. Sa bouche est hérissée de crocs acérés et métalliques, et lorsqu’elle l’ouvre, j’aperçois une seconde bouche dotée de dents identiques maintenue par une sorte de trompe commencer à se diriger vers moi, lentement, menaçante. Je la sens prête à jaillir. Pris de panique, je me lève d’un bond et quitte la pièce précipitamment. Je me rappelle à peine l’avoir saluée. La scène n’a duré qu’un instant et je sais qu’elle n’était que le fruit de mon imagination et pourtant… elle m’a paru si réelle que j’en reste perturbé un long moment.
Une heure plus tard, le temps de me remettre de mes émotions et de régler quelques affaires, je retrouve Sam à la cafétéria du 3e et lui raconte en détail mon entretien avec Sylvie, à l’exception de la scène tout droit sortie d’Alien, bien trop honteux pour en parler.
– Donc, la messe est dite.
– Oui…elle ne m’a rien proposé d’autre. Même pas de rejoindre un programme de développement professionnel. C’est, au mieux déprimant, au pire exaspérant. Je ne suis qu’un pion.
– Bienvenue au club, mais bon, il y a pire…
– Oui je sais, tu me le répètes assez comme ça… tant que ça paie le crédit et les vacances…
Il préfère passer sur mon sarcasme.
– Sinon… as-tu pensé aux syndicats ? Tu pourrais leur demander conseil…
– Ils existent toujours depuis la Transformation ?
– Oui, un peu décimés…
– À quel étage sont-ils ?
– À vrai dire, je n’en sais rien. Ils ont déménagé du 20e et depuis… ce n’est pas très clair…
– Laisse tomber Sam, j’ai déjà mon idée, allez viens on remonte.
Non, je ne vais pas m’arrêter là, j’en fais maintenant une question de principe. Mon plan est prêt depuis quelque temps déjà, dans les grandes lignes. J’espérais ne pas avoir à le mettre à exécution, mais, au vu de cette journée, il est grand temps de changer de stratégie.