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Au fond du cratère, assis, adossé à un monticule, se tenait les restes d’un être humanoïde de grande taille, enveloppé dans ce qui semblait être une combinaison spatiale. Une armure qui, dans sa partie supérieure, ressemblait à une broigne médiévale. Mais sous ce qui restait du plastron d’écailles, aucun corps ne subsistait. Ce qui était inhabituel, outre la taille de cet être – près de trois mètres – était la forme triangulaire de ce qui avait dû être un casque…
Cette extraordinaire découverte, près d’une base lunaire russe, va conduire à l’exploration d’une lointaine planète, aussitôt baptisée Paradis, qui, si elle s’avèrera parfaitement adaptée à la vie humaine, révèlera bien des surprises…
Sommes-nous seuls dans l’univers ? Existe-t-il d’autres civilisations compatibles avec la nôtre ? Où se situe la véritable liberté ? Ce sont quelques-unes des questions que pose ce planet opera riche en rebondissements. Ce sera au commandant de l’Anterus, Mac Bain, à son équipe de scientifiques et à son étrange partenaire, la belle Irina Kheraskov, d’y répondre.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Arnauld Pontier est né en 1957 et réside en Haute-Savoie. Il a longtemps été éditeur d’art. Il a également dirigé plusieurs collections et anthologies. Il est l’auteur de plus d’une vingtaine d’ouvrages, en littérature générale (notamment chez Actes Sud), comme en
Imaginaire, pour adultes et enfants.
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Arnauld Pontier
Les Enfants de Paradis
Roman de science-fiction
ISBN : 979-10-388-0439-5
Collection Atlantéïs
ISSN : 2265-2728
Dépôt légal : octobre 2022
© couverture : création de Michel Borderie pour Ex Æquo
© 2022 Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction intégrale ou partielle, réservés pour tous pays. Toute modification interdite.
« On ne sait pas ce qu’est le Paradis,
à moins de venir d’ailleurs. »
Joyce Carol Oates,
— Vous savez pourquoi je suis là ?
Le Patron avait sa tête des mauvais jours. Mal rasé, le cheveu rare en bataille, il faisait tourner son vapocigare entre ses doigts boudinés. Ça, c’était de la nervosité. Et je ne l’avais jamais vu nerveux. Je secouai la tête.
— Non.
— Et vous ?
J’hésitai à peine.
— Parce que vous m’avez convoqué.
— Ne jouez pas au plus fin, Mac Bain.
Il me connaissait bien. Assis derrière son bureau, son quintal de muscles – ou peu s’en faut – m’observait attentivement. Il avait l’art de me mettre mal à l’aise et il le savait. Il mettait d’ailleurs mal à l’aise la plupart de ses interlocuteurs. Même de bonne humeur et sans ce satané vapocigare à l’odeur doucereuse. À part Cyndi, sa secrétaire et, accessoirement, sa maîtresse. Enfin : c’est ce que disait la rumeur, bien informée. Une jolie blonde d’un mètre soixante, qui devait peser à tout casser cinquante kilos. Je préférais ne pas les imaginer au lit. Bref, j’obtempérai.
— J’ai entendu une rumeur.
Il esquissa un sourire et me fit signe de m’asseoir.
— Du genre ?
Pour une fois, il me semblait que ma réponse était réellement souhaitée.
— Du genre : « Houston, nous avons un problème. »
Jeffrey Emmerson, le Patron – c’était son nom – était un ancien catcheur. Mais derrière son crâne quasi chauve où subsistait à peine un simulacre de catogan, ses petites lunettes rondes et son vapocigare d’un autre âge, se cachait un homme extraordinairement intelligent, perspicace et retors. Il avait des muscles et de la cervelle. Ce n’était pas un hasard s’il dirigeait la commission Intervention de la NASA, dont les missions et les prérogatives demeuraient quelque peu vagues, malgré les demandes d’éclaircissement répétées du Sénat. Le Président, sur ce point, faisait la sourde oreille. L’ancien catcheur tétait à présent son barreau de chaise électronique ; il ne me quittait pas des yeux. Sa présence ici, sur Artémis, était tout sauf ordinaire. Et si le bureau qu’il occupait n’était pas celui de l’administrateur de la base – le commandant Hopkin –, il avait manifestement pris les rênes de la station. C’était sans aucun doute à dessein, d’ailleurs, qu’il avait choisi d’emménager dans cette pièce minuscule : il y paraissait encore plus massif, plus impressionnant. J’obéis et m’assis sur la chaise en recyclène qu’il me désignait, non sans pouvoir m’empêcher d’admirer le paysage : la grande baie derrière le bureau, qui donnait sur l’étendue du sol lunaire. Le globe bleuté de la Terre y apparaissait comme posé sur l’horizon de régolite, immuablement fixe.
— Et donc ?
— Je crois, dis-je, qu’un événement inhabituel s’est produit chez nos amis russes. Et la FKA n’a pas pu le cacher, étant donné que nos satellites observent à la loupe leurs moindres faits et gestes.
Le Patron pivota sur sa chaise et regarda à son tour la Terre.
— Vous pensez que l’agence spatiale fédérale russe aurait voulu garder pour elle cette… découverte ?
Il ne pouvait pas le voir, mais je hochai la tête. Il n’attendait aucune réponse de ma part, cette fois. Il poursuivit, tout à sa contemplation.
— Vous avez raison. Ils auraient certainement bien aimé.
Il s’était posément retourné, pour me fixer droit dans les yeux. La main tenant le vapocigare s’était immobilisée sur l’accoudoir en skaï vert de son fauteuil ; un peu de vapeur montait le long de son bras et disparaissait sous son aisselle. Une vapeur à l’odeur douceâtre.
— Mais nous ne sommes pas les seuls à posséder un réseau de surveillance très performant.
Il faisait allusion à la CNSA, l’agence spatiale chinoise, dont la base, Weiren, se trouvait voisine de la station russe. Chandrayaan, la base de l’agence indienne ISRO, celle des Européens de l’ESA et des Israéliens de l’ISA étaient également implantées sur les pics de lumière du pôle Sud, sur Malapert Montagne : eux non plus ne devaient rien avoir manqué de la « découverte ». Même les Saoudiens du KACST-SR avaient dû être aux premières loges : s’ils n’avaient pas achevé leur base du pôle Nord, le long du cratère Peary, leurs satellites d’observation étaient opérationnels depuis 2026. LOP-Gateway, notre base cislunaire, encore en activité, les avait répertoriés sur une orbite similaire : visibles en permanence de la Terre, donc en liaison radio ininterrompue. Du moins jamais interrompue plus de quatre-vingts minutes d’affilée, une fois par an : lors des éclipses solaires. Mais la « découverte » dont parlait le Patron ne s’était pas faite pendant un tel phénomène.
— Vous connaissez bien Irina Kheraskov, je crois ?
J’approuvai. Il eut un sourire en coin. Il savait pertinemment que je poursuivais la belle Irina de mes assiduités depuis un bon moment. Sans succès notable. C’est lui-même qui m’avait poussé dans ses bras, ou peu s’en faut. « L’intérêt de la fréquenter plus étroitement serait double, réfléchissez, m’avait-il dit. Vous bénéficieriez de la présence d’une jolie femme et d’une mine d’informations sur ce que traficotent les Russes et leurs amis. Soyez patriote, bon sang ! » Doveryai, no proveryai, dit un proverbe : « Faites confiance, mais vérifiez. »
Je décidai de le faire mariner.
— Nous nous sommes effectivement rencontrés il y a quelques années, cinq ou six, si ma mémoire est bonne, dans le cadre du symposium de la JAXA, à Tokyo. Le Lunar & Planetary Institute venait de cartographier les pics de lumière éternelle et les Japs avaient l’ambition de surpasser Washington et Moscou et d’implanter une base lunaire « qui ferait d’Artemis et de Fantastika une plaisanterie ». Le chauvinisme spatial, vous connaissez, Patron…
Il sourit franchement. Ce n’était pas un spécialiste de la Lune, mais de la politique. Ses dents étaient d’un blanc éclatant, qui contrastait avec sa face sombre. Un sourire de réclame qui avait dû lui coûter une petite fortune.
— Bien essayé, Mac Bain, mais d’autres avant vous ont tenté de se payer ma tête et ça n’a rien donné. La commandante Kheraskov, donc, votre Irina, est venue en personne me faire part de leur trouvaille. Emballée dans l’un des planchers de cratère, à l’ombre du soleil.
Je faillis lui demander si c’était Irina ou la découverte qui était « emballée » dans ce fameux plancher, mais c’eût été pousser le bouchon trop loin.
— Ils recherchaient de la glace d’eau ?
— Tout à fait. De l’air, de l’eau potable et de l’ergol.
C’était la devise opérationnelle de tous les personnels missionnés sur les installations locales ; il s’était renseigné : il fallait faire de l’argent rapidement, afin de retourner sur Terre avec un petit pactole. Nous faisions tous les mêmes prospections, ici. J’approuvai de la tête.
— Opération Clémentine.
Il téta de nouveau son cigare.
— C’est cela. Mais le pépin ne nous est pas arrivé, à nous.
— C’est important ?
Il me regarda par-dessus les verres de ses lunettes. Son vapocigare s’était derechef immobilisé sur l’accoudoir droit de son fauteuil. Je choisis mes mots avec attention. Il s’agissait de ne pas le provoquer. Personne ne se serait risqué à mettre en doute son patriotisme. La première base lunaire à avoir vu le jour, Artemis, était américaine, et ne serait-ce que suggérer que nous puissions ne pas être les premiers informés de ce qui se passait ici ne faisait rire personne. In God We Trust. Je poursuivis.
— Que ce soient les Russes, les Chinois, les Européens, les Israéliens ou les Indiens, est-ce vraiment l’essentiel ?
Il se rejeta dans son siège et soupira. Je n’avais pas foncé dans le tas, pour une fois. J’avais encore dans un coin de ma tête le souvenir de mon séjour forcé sur Amundsen-Scott South Pole Station : six mois en Antarctique pour avoir défié Jeffrey Emmerson en personne. Une histoire de pétition en faveur d’une motion de censure concernant les conditions de travail des personnels au sol d’Artemis et de notre base martienne,Mars-Base One, que j’avais signée. Je chassai cette pensée de mon esprit.
— Je ne crois pas. Pour une fois, ça n’a fichtrement aucune importance. Nous avons tous vu la même chose, au même moment. Et c’est quelque chose que personne n’oubliera de sitôt…
Il avait posé son vapocigare sur son socle de rechargement à induction ; une lueur verte éclaira subrepticement son visage, confirmant la mise en charge. Il faisait durer le suspense. Il savait bien que je mourais d’envie de savoir de quoi il retournait bien avant d’arriver dans son bureau, que je n’avais pas cessé d’y penser pendant tout le voyage, à bord de l’Orion, et même avant l’embarquement, depuis que je savais qu’on me demandait d’urgence sur la Lune. Et qu’Irina s’y trouvait déjà depuis plusieurs semaines. L’un de mes informateurs, au QG, m’avait parlé d’une « découverte sensationnelle », mais il ne savait rien de plus : je l’avais saoulé afin d’en être sûr et certain. Sans résultat : c’était classé Space Defense. À l’évidence, ce n’était pas quelque chose d’habituel. Mais nous exploitions la Lune depuis un demi-siècle et on l’avait scannée, sous-sol compris, de long en large : que pouvait-on encore y découvrir ? Rien qui n’ait été là depuis que nous en avions fait un vaste champ d’extraction. Peut-être un atterrissage d’OVNI ? Mais je ne le suggérai pas. Emmerson s’était relevé avec une aisance surprenante pour un homme de son gabarit.
Debout, il était encore plus impressionnant : il dépassait les deux mètres. La peau de son crâne tout juste envahie par un toupet de cheveux était striée de lignes noires, rapprochées, régulières, faites de haut en bas. Des scarifications. Il appartenait à la tribu des Indiens noirs ; ses ancêtres étaient venus des pays du Maroni, en Guyane française, avant de s’urbaniser et de se fondre dans la nouvelle Pangée fédérale terrestre. Une Fédération qui n’avait pas empêché les anciens empires et grandes puissances de conserver une foule de prérogatives. Une Fédération qui n’avait éliminé aucun drapeau et n’avait d’autorité sur les choix d’aucune nation. « Juste un ramassis de fonctionnaires au service d’un comité consultatif », aurait résumé l’homme qui était devant moi. Un comité chargé de proposer des solutions qui seraient adoptées, ou pas. Rôle consultatif. Efficacité nulle. Le Patron me sortit de mes pensées. Je m’étais une nouvelle fois égaré. Son vapocigare s’agita de nouveau de façon inquiétante au bout de ses doigts.
— Suivez-moi. La commandante Kheraskov nous attend. Et elle a suffisamment patienté. Vous savez que si elle n’est pas vraiment sociable d’ordinaire, la faire poireauter la transformerait en iceberg.
J’évitai de sourire. Il n’attendait que cela. Et j’obtempérai. Certes, Irina était particulière. Je l’avais constaté lors notre première rencontre, à Tokyo, alors que je lui tendais la main afin de la saluer. Elle m’avait laissé la main tendue, comme un gland, sans répondre à mon geste. Droite comme un « i ». J’avais aussitôt compris que le Patron m’avait envoyé au casse-pipe et qu’avant de pouvoir soutirer des informations sur l’oreiller à ma « cible », je devrais m’armer de patience et de diplomatie. Et me préparer à échouer lamentablement. Dommage. Car il fallait lui reconnaître un physique exceptionnellement attractif : grande, bien bâtie, les cheveux bruns, de longues jambes et les yeux d’un vert profond, elle était ni plus ni moins canon. Et, cerise sur le gâteau, de l’avis général, c’était une femme intelligente.
« C’est une bombe glacée », m’avait-on averti, alors que fraîchement diplômé de l’ES – l’École spatiale – j’arrivais à Tokyo afin de représenter le personnel navigant de mon nouvel employeur, la NASA. On m’avait, par ailleurs, également briefé sur ses particularités, si j’ose dire : la belle Irina, qui n’était alors que lieutenante, était « alexithymique et haptophobique ». Pour faire simple, médicalement, elle cumulait une anorexie des sentiments et une phobie du moindre contact physique. Autant l’avouer, à Tokyo, je n’avais pas fait avancer d’un pouce la relation que le Patron me voyait entretenir avec elle. Et je n’avais plus aucune illusion sur mes chances à venir.
Je l’avais recroisée à San Diego, six mois plus tard, dans une réunion qui regroupait les responsables de communication des agences spatiales de la Fédération et quelques « jeunes actifs », comme on appelait pudiquement les officiers qui venaient juste de prendre un commandement et s’en remettaient encore à leur chef de Com avant de s’adresser à leur troupe. Elle s’était montrée tout aussi distante et moi, certainement, à ses yeux, tout aussi balourd.
La Com était une première affectation obligatoire pour tous les lieutenants fraîchement sortis de l’école : le service réclamait des hommes et des femmes jeunes, présentant bien et s’exprimant correctement, afin de porter le discours officiel de leur nation. Les vieux briscards avaient trop d’états d’âme. Les jeunes, eux, obéissaient. On nous embauchait pour ça. On signait pour deux ans de podiums et de cocktails, d’inaugurations et de promesses volatiles, avant de rejoindre le service actif et d’accrocher nos galons de capitaine, de commandant ou de major, sur nos vareuses. Avant, en somme, d’abandonner le discours officiel pour la réalité du terrain. « Les autres, en face, sont logés à la même enseigne », m’avait dit le Patron. Comme si c’était une raison suffisante.
Irina Kheraskov, malgré son « handicap », n’y avait pas coupé. Elle avait signé pour ses deux ans de Com, avant d’obtenir un poste actif. Un contrat qui avait cependant été ramené réduit à deux mois, car elle n’était guère compatible avec les courbettes, cocktails et autres ronds de jambe. Elle avait juste eu le temps d’assister à la petite sauterie de la JAXA : les Japonais voulaient faire mieux que les Russes, et les Américains comptaient les battre. Éternel jeu de celui qui « aura les plus grosses ». Les Russes allaient emporter le morceau : Fantastika allait surpasser tout ce qui avait été fait de mieux, de grand, de prestigieux, sur la Lune.
J’avais revu Irina à Londres dix-huit mois plus tard, alors qu’elle venait d’obtenir son poste lunaire, sur Fantastika, justement. Nous logions dans le même hôtel et je lui avais proposé, un soir, après une trop longue réunion, d’aller boire un verre. Elle avait hoché la tête et dit : « Un verre au bar. » Cela avait suffi à me laisser sans voix, tant je m’attendais à essuyer un nouveau refus. Mais je n’obtins rien de plus. Je ne renonçai cependant pas pour autant à la séduire. C’est certainement ce qui caractérise pas mal de mes semblables : nous aimons le challenge. J’avais trouvé mon Everest.
Six mois plus tard, elle était au Caire. Le Congrès annuel des agences spatiales s’y tenait et les commandants des bases lunaires et martiennes s’y trouvaient, ainsi que nombre de capitaines de vaisseau. Et je venais d’obtenir ma première affectation sur un destroyer et de m’y distinguer en manœuvre, au cours d’un exercice piloté par la Fédération. J’avais abattu quatre torpilleurs ennemis, qui n’avaient d’ennemi qu’une bande de couleur peinte sur leur coque. Et moi, en guise de torpilles, deux pointeurs laser. Trois d’entre eux étaient pilotés par des amis. Mais dans ces circonstances, pas de quartier.
Aujourd’hui, Irina n’avait toujours pas résolu ses problèmes relationnels. Elle était célibataire et toujours aussi belle. Je pensais à son dos, dans la robe au décolleté dorsal plongeant qu’elle portait au bar de Londres, tout en regardant le dos massif, presque simiesque, du Patron devant moi. Quelques personnes le surnommaient méchamment le Gorille. Je crois, en fin de compte, que les êtres inaccessibles m’ont toujours fasciné.
Jeffrey en savait tout autant que moi sur celle qui, à présent, était la responsable de la base russe. Et je me demandais si cette conversation préalable que j’avais eue avec lui, dans son bureau, n’avait pas eu pour seul et unique but de faire lanterner notre belle indifférente, de lui faire savoir qui ici était réellement aux commandes. Et qui piloterait l’opération qui allait être lancée : l’« opération Gandolfi », dont j’ignorais encore tout.
J’appris que cette appellation nous venait des Français. On cherchait un nom pour le scaphandre spatial fédéral et un frenchy leur avait débité tout un dialogue entre un certain César et un Monsieur Brun{1}: « Comment, vous êtes allé à Paris et vous n’avez pas vu Landolfi ? ». Sauf que le frenchy s’était planté : il avait dit « Gandolfi », pas Landolfi. Et c’était resté. La société mère de ce Gandolfi était d’ailleurs devenue une major. La Bourse fédérale est bien l’une des rares avancées collectives faites en un siècle d’existence du Conseil Fédéral ; tous les autres projets ou presque font encore débat, qu’il s’agisse de défense, de santé, d’éducation ou d’agriculture. La langue pose également parfois problème, bien que quatre-vingt-dix-neuf pour cent de la population mondiale maîtrise les bases de l’anglais simplifié. Seuls les Chinois et les Indiens avaient émis des réserves, mais leur bosse du commerce est bien trop développée pour qu’ils se risquent à contrarier leur principal débiteur, l’Oncle Sam. « Ils ont la dette, ils nous tiennent par les couilles ! » m’avait dit en substance le Patron, alors que j’employais l’un de ces mots chinois que nous utilisons tous depuis des lustres.
— Depuis l’époque Tang, tant que vous y êtes ! m’avait-il répondu.
Je lui avais simplement suggéré de rester « zen ».
Irina Kheraskov se tenait debout dans ce qui pouvait passer pour une antichambre. Une ancienne réserve, vidée de ses stocks de vivres pendant tout le séjour du Patron sur Artemis. Une pièce sans ouverture sur l’extérieur. Un écran nématique-TF donnait cependant l’impression de se trouver dans un bâtiment en plein air, surplombant une magnifique vallée de roches et une forêt d’un vert profond. Irina était vêtue de sa tenue réglementaire : un pantalon d’uniforme moulant et une veste tout aussi ajustée, qui mettait en valeur sa patriotique poitrine, sur laquelle était épinglée la faucille rouge et or de son grade. Elle salua notre entrée d’un signe du menton. Son visage, bien entendu, n’exprimait aucune émotion.
— Je ne vous présente pas, dit simplement le Patron.
Je portais également mon uniforme de sortie. Je saluai la commandante d’un signe de tête, auquel elle répondit poliment. « Elle est aussi glacée qu’une bonne vodka », m’avait dit d’elle son responsable hiérarchique, le colonel Dimitri Ourtchef, délégué du FKA, à qui j’avais eu l’honneur d’être présenté, à Londres. J’avais diplomatiquement répondu : « Dure comme le fer, pure comme le verre. » Il avait apprécié mon allusion au camarade auteur Kirillov et à son Messie de fer, qui avait ainsi qualifié le prolétariat. Référence datée, mais qui montrait que je m’intéressais à sa nation et à son histoire et pas seulement à sa collaboratrice.
Lui-même n’avait rien d’un joyeux drille. Il avait un regard d’acier et une poignée de main à l’avenant. Je trouvais d’ailleurs les Russes aussi inexpressifs les uns que les autres. Mais Irina les battait à plate couture. Le fameux « flegme slave », sans doute. L’efficacité de la commandante Kheraskov ne pouvait cependant être contestée. Même ceux qui s’étaient opposés à sa nomination à la tête de Fantastika n’avaient su avancer un seul argument en sa défaveur, si ce n’était son « attitude distante ». Mais cette attitude martiale n’avait jamais eu le moindre effet négatif sur son commandement. Son personnel lui obéissait au doigt et à l’œil et, depuis qu’elle avait pris ses fonctions, les objectifs qui lui avaient été assignés avaient été remplis au-delà des espérances. Y compris en ce qui concernait la production d’hélium-3, dont la station avait besoin pour ses dépenses énergétiques. Et ce malgré les derniers conflits sociaux fédéraux. En matière de conflits au moins, la Fédération était unie.
— Bien, dit le Patron. Inutile de perdre du temps. Vous deux, vous travaillerez ensemble. En étroite collaboration.
Il mit ses deux mains derrière son dos et nous observa tour à tour.
— Je me suis bien fait comprendre ?
Je hochai la tête. Je ne rêvais que de cela.
— Tout à fait, Monsieur.
En présence d’un étranger, je lui donnais du « Monsieur ». Il préférait. Irina n’avait pas ouvert la bouche ; elle approuva du menton. En fait, elle ne parlait que lorsque c’était indispensable. Comme tout ce qu’elle faisait dans son travail ou dans sa vie, menant sa carrière et son agenda avec une rigueur et une opiniâtreté sans faille. Elle ne trichait jamais, ni avec elle ni avec les autres. Mais elle ne prenait jamais de gants. Elle disait ce qu’elle avait à dire sans détour. Ses questions étaient claires, ses réponses précises. Les envelopper de civilité ? Elle ne savait tout simplement pas faire.
— Bien, répéta le Patron.
Ça devenait un tic. Il nous fit signe de le suivre. Retour dans son bureau. Il s’assit sans nous inviter à en faire autant. D’ailleurs, il n’y avait qu’une chaise : celle en plastique recyclé sur laquelle je m’étais précédemment assis. Il fixa d’abord Irina, qui ne réagit pas.
— Vous avez vu le Gandolfi. Moi également. Au tour du commandant Mac Bain d’aller y jeter un oeil.
Il n’était pas du genre à parler à un mur : le mur, c’était lui. Il reporta son attention sur moi et tapota sa tempe du bout des doigts, faisant s’agiter le vapocigare qu’il tenait toujours entre son index et son majeur droits. Un objet d’un autre âge, qui n’aurait jamais été toléré ici, si ce n’avait été le sien.
— Ça vous ancrera la mission plus sûrement que mon meilleur briefing.
Il se renfonça dans son siège, sa main tenant le vapocigare volant du même élan en direction de la sortie, projetant vers nous son odeur douceâtre.
— À présent, vous pouvez disposer.
Aucune formule de politesse ou tournure de phrase diplomatique n’était nécessaire lorsqu’on s’adressait à Irina Kheraskov. Ceux qui la côtoyaient étaient d’ailleurs traités de la même manière. Mais au mouvement de son bras et de sa main, qui nous donnait congé, on eût dit qu’il se débarrassait d’une mouche importune. Nous rompîmes.
Je laissai passer la commandante. Une habitude désuète. Il y avait bien longtemps que l’égalité civique avait aboli la galanterie et toute autre forme d’« expression sexiste ». Sans néanmoins parvenir à éradiquer la masculinité toxique. La faute à la génétique ? Je ne quittais pas des yeux son arrière-train.
Comme nous prenions place dans la navette de transfert, je l’interrogeai :
— Quelle est la suite du programme ?
— Fantastika. Puis la nav-Ext jusqu’au site. Arrivée dans quinze minutes.
Claire, précis, factuel. J’imaginais à peine ce qu’elle avait dû vaincre, avant de vivre en société, parmi nous, de pouvoir côtoyer les autres, tous ceux qui n’étaient pas elle. Avant de survivre dans un monde dont elle ne semblait voir que l’armature, rigide, aveugle aux contours, aux formes, aux acrobaties de la vie. Aux petits arrangements du quotidien. Aux mensonges pédagogiques. Aux sentiments. Il n’y avait sans doute dans son existence aucune place pour le moindre écart. Ni hasard ni pari. Les futurs androïdes de combat, que l’Armée appelait de leurs vœux, lui ressembleraient certainement.
Je ne répondis pas. Elle ne s’attendait, d’ailleurs, à aucune réponse.
Fantastika était de taille bien supérieure à Artémis, mais, comme toutes les stations lunaires, elle avait été bâtie selon le même principe :des imprimantes l’avaient construite in situ, par couches successives, selon le modèle standard, en utilisant ce que l’on trouvait en quantité inépuisable : le régolite. La réaction chimique entre ce substrat et un liant – une solution de sels de magnésium – aboutissait à une sorte de gré, dont la structure microcristalline était d'une résistance à la traction bien supérieure à celle du béton, sans aucun besoin d'acier en renfort.
La gare des navettes se situait en périphérie, afin que l’accès au plancher du cratère Shakleton Ridge se fasse aisément. C’est de ce plancher que les imprimantes étaient parties injecter directement le liant d’oxydes dans la poussière, afin d’éviter son évaporation dans le vide. Les parois de la base devaient avoir deux mètres de large, être capables de résister au moins dix ans à l’impact des micrométéorites. Elles protégeaient les personnels de chaque rotation, tous les douze mois, puisque c’était la durée maximale de séjour ici, avant un « repos » terrestre équivalent. Et ces parois imprimées étaient reconstituées au fur et à mesure qu’elles se dégradaient : une ribambelle de robots à chenilles assuraient leur maintenance, sous la surveillance des Rampants, les personnels au sol, dont les conditions de travail étaient déplorables. La fameuse pétition qui m’avait valu quatre mois d’arrêt n’avait rien changé : ils enchaînaient les gardes, rivés devant de vieux LCD datant de Mathusalem, truffés de défauts d'uniformité, alors que les navigants, eux, disposaient d’écrans à plasma, au gamut irréprochable. Un tiers des Rampants présentaient des problèmes de vue au bout d’à peine deux ans de service.
La navette s’arrêta quelques minutes après son départ. La commandante Irina avait programmé sa destination en quelques clics rapides et précis, en utilisant tous ses doigts. Elle devait être une virtuose du virclav à commande tactile, dont le maniement est d’une complexité qui n’a rien à envier aux antiques claviers.
Ses doigts. Je ne devais pas y penser. Je les avais de nombreuses fois imaginés contre ma peau. Je rêvais de toucher Irina Kheraskov, afin de savoir si sa chair était humaine, si elle était semblable à celle des autres vivants, ses frères et sœurs de race, ses congénères. Bien humaine. Autrefois, les sauvages saignaient les étrangers, afin de vérifier s’ils étaient humains.
Lorsque la proue de l’appareil se désopacifia, afin d’offrir une vue à cent quatre-vingts degrés sur le site, j’interrompis brutalement mes pensées pour regarder la… chose qui se trouvait devant moi, légèrement en contrebas, au fond du cratère. Ce qui avait justifié le : « Houston, nous avons un problème », version universelle. Toutes nations confondues.
Le Gandolfi.
Au fond du cratère, assis, adossé à un monticule, se tenait ce qui restait d’un être humanoïde de grande taille, enveloppé dans ce qui ressemblait à une combinaison spatiale. Une armure semi-rigide, de plastique ou d’une matière équivalente, qui, dans sa partie supérieure, ressemblait à une broigne – une lorica squamata. Sous ce qu’il restait du plastron d’écailles, aucun corps ne subsistait. Ni aucun squelette. L’être avait porté des cuissots, pareillement écailleux, en guise de jambières, mais ils n’étaient plus que des lambeaux. Un gantelet reposait près de lui, et un soleret, qui avait dû recouvrir son pied droit. Ce qui était inhabituel, outre la taille de ce Sarmate – près de trois mètres – était la couleur rosâtre de son accoutrement et la forme de ce qui avait dû être un casque : triangulaire. Vipérine. Un casque en aussi piteux état que le reste de sa tenue et qui possédait deux ouvertures, au niveau de ce qui devait avoir été des yeux.
— C’est tissé, sur une épaisseur de cinq millimètres. Matière impossible à déterminer.
J’observai Irina ; sa voix était dénuée de toute intonation.
— Vous en avez prélevé un échantillon ?
Derrière l’écran polarisé de la navette, elle regardait la chose, dont nous n’étions éloignés que de deux mètres.
— Trop dure. Mais nous y avons relevé des résidus d’eau.
D’où venait ce scaphandrier alien et depuis quand était-il là ? La dernière cartographie lunaire datait de moins de dix ans, et elle ne l’avait pas repéré. J’allais poser la question, savoir si on avait pu dater cette chose, ce Gandolfi, mais Irina poursuivait sa présentation, comme si elle s’était adressée à un auditoire lointain.
— Les motifs du plastron indiquent des coordonnées spatiales. Et d’autres choses indéchiffrables. Comme les deux autres plastrons.
J’en oubliai de lui demander, pour la datation. J’oubliai même de me demander qui pouvaient être ces Étrangers qui avaient été capables de créer une matière que nous ne parvenions pas à briser ou à analyser.
— Quels deux autres ?
Elle se tenait extrêmement droite. Elle fit un quart de tour sur elle-même et daigna enfin me regarder.
— On ne vous en a pas parlé.
Ce n’était pas une question. Elle savait qu’on ne m’avait strictement rien dit. Elle hésita à peine.
— Le premier a été trouvé sur Terre, il y a plus d’un siècle. Dans le tassili n'Ajjer, au centre du Sahara. Le deuxième sur Mars, il y a cinq ans. Dans Valles Marineris, près d’Ophir Chasma.
J’étais interloqué. Personne ne m’avait rien dit. Le Patron ne m’avait rien dit. Et rien n’avait fuité.
— Et vous êtes au courant ?
Elle ne répondit pas. Elle ne semblait pas avoir conscience de mon trouble. De ma surprise. Le troisième… le chiffre tournicotait dans mon esprit. J’étais le dernier des clampins à savoir. J’étais furax, mais je tentai de ne pas le montrer. On a sa fierté. Je détournai la conversation.
— Je suppose que nous allons jeter un œil à ces fameuses coordonnées spatiales.
La commandante se tourna vers moi.
— Notre vaisseau appareille demain matin. Six heures UTC.
— Notre vaisseau ?
La réponse vint directement de mon implant auditif. La voix du Patron.
— Il s’agit d’une mission collégiale, commandant Mac Bain. Tout le monde a mis la main au portefeuille. Les Russes, les Chinois, l’Europe, l’Inde. Même les Saoudiens ont craché au bassinet. Il y aura à bord des représentants de pratiquement chaque nation et le contrôle de votre smala sera collectif, mais sous votre responsabilité. Vous interprétez ça comme vous le sentez. Je n’interviendrai pas.
Je subvocalisai : « Et des barbouzes déguisés en scientifiques vont nous pister, je suppose ? » J’évitais d’ajouter : « avec aux commandes un cachottier de première ! » Il n’aimait pas être taquiné. Il répliqua : « Nous nous doutions qu’Irina Kheraskov était au courant, pour les deux autres Rois mages. Sans en avoir la certitude. À présent, vous l’êtes aussi. Et les autres officiers qui seront à votre bord également. »
Il poursuivit sur le canal audio habituel, audible par tout un chacun à l’écoute.
— Je reconnais là votre mauvais esprit, Mac Bain. Ce sont des politiques et des militaires au service de leur pays et de la Fédération. Mais la conduite du vaisseau et cette mission seront sous votre responsabilité. N’allez pas nous faire regretter de l’avoir imposé. Vous emporterez ce… scaphandrier, à bord. Qui sait : il pourra peut-être encore servir.
— Et si on le casse, il en restera deux autres.
Il ne releva pas. Pour me servir un tel discours, il devait être sur écoute, car il avait une sainte horreur des Rampants et autres politicards. Je regardai Irina ; elle devait également subvocaliser, être en relation avec Ourtchef, son supérieur, mais elle ne laissait rien paraître. À moins qu’elle ait refusé l’implant Trans ? Je la voyais mal accepter une telle violation de sa chair. Je ne quittais pas des yeux le prodigieux colosse, qui, derrière la paroi de la navette, pour la troisième fois dans l’histoire de l’humanité, était la preuve qu’existait dans l’univers une autre intelligence, extraterrestre, humanoïde. Lorsque le monde saurait, il faudrait s’attendre à d’importants bouleversements. Car si Dieu existait, il n’avait plus seulement créé la Terre et l’Homme, mais, ailleurs, d’autres formes de vie. Des variantes. Une exothéologie que le nouveau souverain pontife avait cependant anticipée : « Les formes d’amour n’ont pas de limite. Dans un système galactique étendu, les diverses manifestations de la volonté divine ne seraient pas contradictoires entre elles ou avec le concept de création », avait-il prêché au dernier conclave. Il était en adéquation avec son temps, mais il avait fait grincer pas mal de dents cardinales. À ce jour, on avait recensé un million d’exoplanètes et autant de chances d’y découvrir la vie…
Je quittai des yeux le golem. Irina réopacifia les parois de la navette. J’avais vu ce que j’étais venu voir. À présent, on allait emballer le colosse et le mettre en soute, en route pour ces coordonnées spatiales qui plastronnaient à la face de notre humanité. Elles indiquaient un point, quelque part du côté d’Alpha Centauri. Un monde éloigné de nous de quatre années-lumière, qu’il aurait encore été impossible d’atteindre quelques années auparavant, lorsque nous ne maîtrisions que la propulsion chimique. Sauf à bâtir un vaisseau générationnel, ce qui aurait mal fini. Les rats privés de liberté se mangent entre eux.
La propulsion par statoréacteur-B avait résolu le problème. En voyageant à un cinquième de la vitesse de la lumière, il ne faudrait que vingt ans à l’Antérus, notre vaisseau-sommeil, pour atteindre les coordonnées programmées. « Vingt ans de suspension, ce n’est pas la mer à boire », avait claironné le Patron, afin de stipuler à ses homologues fédéraux qu’il était hors de question de ne pas aller voir sur place ce qui se cachait derrière cette invitation subrégolite. Et le laps de temps passé sur Terre, Lune ou Mars, serait à peine supérieur. Il avait eu gain de cause, sans véritablement combattre. Certains avaient même apprécié son humour. Tout le monde voulait savoir.
On avait exploité toutes les pistes permettant d’atteindre la vitesse de la lumière, y compris les plus farfelues, et on les avait abandonnées, faute d’y avoir trouvé une cohérence qui aurait permis de formuler une théorie. « Le vol supraluminique n’est pas et ne sera jamais envisageable au cœur de notre physique, de notre relativité », avait expliqué le rapporteur de la Faculté fédérale. Et il avait conclu par ces mots : « Ce qu'interdit la relativité restreinte, c'est de violer la causalité. L'information, au sens causal, ne peut pas dépasser la vitesse de la lumière, la vitesse à laquelle le front d'ondes se propage. »
Aucune distorsion de l’espace-temps, euclidienne ou non, n’avait non plus été découverte. Le seul trou de ver avéré, Sagittarius-A, était situé au centre de la Voie lactée : trop loin pour songer à l’emprunter. Seule une mission robotique, sans cesse repoussée, devait y être envoyée. Tous les autres candidats répertoriés étaient des trous noirs trop petits, produisant des forces de gravitation trop intenses. Ils auraient détruit tout objet y pénétrant. Même macroscopique. L’autre côté du miroir n’était encore que profession de foi. Qui sait où ce type de raccourci théorique nous conduirait ? Dans quel univers ? Dans quel temps ? Et dans quel état nous nous retrouverions, de l’autre côté, si tant est que nous débouchions jamais quelque part ? « Ce qui est incontestable, avait assuré le Patron, le plus sérieusement du monde, c’est que les Trois Mousquetaires sont rigoureusement identiques. »