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Extrait : "On a déjà dit qu'il est ridicule de défendre sa prose et ses vers, quand ce ne sont que des vers et de la prose ; en fait d'ouvrages de goût, il faut faire, et ensuite se taire. Térence se plaint, dans ses prologues, d'un vieux poète qui suscitait des cabales contre lui, qui tâchait d'empêcher qu'on ne jouât ses pièces, ou de les faire siffler quand on les jouait. Térence avait tort, ou je me trompe."
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Seitenzahl: 93
Veröffentlichungsjahr: 2015
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EAN : 9782335091434
©Ligaran 2015
On a déjà dit qu’il est ridicule de défendre sa prose et ses vers, quand ce ne sont que des vers et de la prose ; en fait d’ouvrages de goût, il faut faire, et ensuite se taire.
Térence se plaint, dans ses prologues, d’un vieux poète qui suscitait des cabales contre lui, qui tâchait d’empêcher qu’on ne jouât ses pièces, ou de les faire siffler quand on les jouait. Térence avait tort, ou je me trompe. Il devait, comme l’a dit César, joindre plus de chaleur et plus de comique au naturel charmant et à l’élégance de ses ouvrages. C’était la meilleure façon de répondre à son adversaire.
Corneille disait de ses critiques : « S’ils me disent pois, je leur répondrai fèves. » En conséquence, il fit contre le modeste Scudéri ce rondeau un peu immodeste :
Il eut ensuite le malheur de répondre à l’abbé d’Aubignac, prédicateur du roi, qui faisait des tragédies comme il prêchait, et qui, pour se consoler des sifflets dont on avait régalé sa Zénobie, se mit à dire des injures à l’auteur de Cinna. Corneille eût mieux fait de s’envelopper dans sa gloire et dans sa modestie que de répondre fèves à l’abbé d’Aubignac, qui lui avait dit pois.
Racine, dans quelques-unes de ses préfaces, a fait sentir l’aiguillon à ses critiques ; mais il était bien pardonnable d’être un peu fâché contre ceux qui envoyaient leurs laquais battre des mains à la Phèdre de Pradon, et qui retenaient les loges à la Phèdre de Racine pour les laisser vides, et pour faire accroire qu’elle était tombée. C’étaient là de grands protecteurs des lettres : c’étaient le duc Zoïle, le comte Bavius, et le marquis Mévius.
Molière s’y prit d’une autre façon. Cotin, Ménage, Boursault, l’avaient attaqué ; il mit Boursault, Cotin et Ménage sur le théâtre.
La Fontaine, qui a tant embelli la vérité dans plusieurs de ses fables, fit de très mauvais vers contre Furetière, qui le lui rendit bien. Il en fit de fort médiocres contre Lulli, qui n’avait pas voulu mettre en musique son détestable opéra de Daphné, et qui se moqua de son opéra et de sa satire. « J’aimerais mieux, dit-il, mettre en musique sa satire que son opéra. »
Rousseau le poète fit quelques bons vers et beaucoup de mauvais contre tous les poètes de son temps, qui le payèrent en même monnaie.
Pour les auteurs qui, dans les discours préliminaires de leurs tragédies ou comédies tombées dans un éternel oubli, entrent amicalement dans tous les détails de leurs pièces, vous prouvent que l’endroit le plus sifflé est le meilleur ; que le rôle qui a le plus fait bâiller est le plus intéressant ; que leurs vers durs, hérissés de barbarismes et de solécismes, sont des vers dignes de Virgile et de Racine ; ces messieurs sont utiles en un point : c’est qu’ils font voir jusqu’où l’amour-propre peut mener les hommes, et cela sert à la morale.
M. de Voltaire écrivit un jour : « La Henriade vous déplaît, ne la lisez pas. Zaïre, Brutus, Alzire, Mérope, Sémiramis, Mahomet, Tancrède, vous ennuient ; n’y allez pas. Le Siècle de Louis XIV vous paraît écrit d’un style ridicule, à la bonne heure ; vous écrivez bien mieux, et j’en suis fort aise. Je vous jure que je ne serai jamais assez sot pour prendre le parti de ma manière d’écrire contre la vôtre.
« Mais si vous accusez de mauvaise foi et de mensonges imprimés un historien impartial, amateur de la vérité et des hommes ; si vous imprimez et réimprimez vous-mêmes des mensonges, soit par la noble envie qui ronge votre belle âme, soit pour tirer dix écus d’un libraire, je tiens qu’alors il faut éclaircir les faits. Il est bon que le public soit instruit, il s’agit ici de son intérêt. J’ai fort bien fait de produire le certificat du roi Stanislas, qui atteste la vérité de tous les faits rapportés dans l’Histoire de Charles XII. Les aboyeurs folliculaires sont confondus alors, et le public est éclairé.
Si votre zèle pour la vérité et pour les mœurs va jusqu’à la calomnie la plus atroce, jusqu’à certaines impostures capables de perdre un pauvre auteur auprès du gouvernement et du monarque, il est clair alors que c’est un procès criminel que vous lui faites, et que le malheureux sifflé, opprimé, que vous voudriez encore faire pendre, doit au moins défendre sa cause avec toute la circonspection possible. »
Je pense entièrement comme M. de Voltaire.
Il me semble d’ailleurs que, dans notre Europe occidentale, tout est procès par écrit. Les puissances ont-elles une querelle à démêler ; elles plaident d’abord par-devant les gazetiers, qui les jugent en premier ressort, et ensuite elles appellent de ce tribunal à celui de l’artillerie.
Deux citoyens ont-ils un différend sur une clause d’un contrat ou d’un testament ; on imprime des factums, et des dupliques, et des mémoires nouveaux. Nous avons des procès de quelques bourgeois plus volumineux que l’Histoire de Tacite et de Suétone. Dans ces énormes factums, et même à l’audience, le demandeur soutient que l’intimé est un homme de mauvaise foi, de mauvaises mœurs, un chicaneur, un faussaire ; l’intimé répond avec la même politesse. Le procès de Mlle La Cadière et du R.P. Girard contient sept gros volumes, et l’Énéide n’en contient qu’un petit.
Il est donc permis à un malheureux auteur de bagatelles de plaider par-devant trois ou quatre douzaines de gens oisifs qui se portent pour juges des bagatelles, et qui forment la bonne compagnie, pourvu que ce soit honnêtement, et surtout qu’on ne soit point ennuyeux : car si, dans ces querelles, l’agresseur a tort, l’ennuyeux l’a bien davantage.
J’ai lu autrefois une Épître sur la Calomnie : j’en ignore l’auteur, et je ne sais si son style n’est pas un peu familier ; mais les derniers vers m’ont paru faits pour le sujet que je traite :
Mais, dit-on, Bernard de Fontenelle, après avoir fait quelques épigrammes assez plates contre Nicolas Boileau et contre. Racine, ne répondit rien au mauvais livre du R.P. Balthus, de la Société de Jésus, qui l’accusait d’athéisme pour avoir rédigé en bon français et avec grâce le livre latin très savant, mais un peu pesant, de Van Dale ; c’est que les RR. PP. Lallemant et Doucin, de la Société de Jésus, firent dire à M. de Fontenelle, par M. l’abbé de Tilladet, que s’il répondait on le mettrait à la Bastille ; c’est que, plus de vingt ans après, le R.P. Le Tellier persécuta Fontenelle, qu’il accusa d’avoir engagé Dumarsais à répondre ; c’est que Dumarsais était perdu sans le président de Maisons, et Fontenelle sans M. d’Argenson, comme on l’a déjà dit ailleurs, et comme Fontenelle le fait entendre lui-même dans le bel éloge de M. d’Argenson le garde des sceaux.
Mais à présent que le R.P. Le Tellier ne distribue plus de lettres de cachet, je pose qu’il n’est pas absolument défendu à un barbouilleur de papier, soit mauvais poète, soit plat prosateur, du nombre desquels j’ai l’honneur d’être, d’exposer les petites erreurs dans lesquelles des gens de bien sont depuis peu tombés, soit en inventant, soit en rapportant des calomnies absurdes, soit en falsifiant des écrits, soit en contrefaisant le style et jusqu’au nom de leurs confrères qu’ils ont voulu perdre ; soit en les accusant d’hérésie, de déisme, d’athéisme, à propos d’une recherche d’anatomie, ou de quelques vers de cinq pieds, ou de quelque point de géographie. M. Jean-George Lefranc, évêque du Puy, dit, par exemple, dans une pastorale, à la page 6, « qu’on s’est armé contre le christianisme dans la grammaire ». On n’avait pas encore entendu dire que le substantif et l’adjectif, quand ils s’accordent en genre, en nombre et en cas, conduisent droit à nier l’existence de Dieu.
Je vais, pour l’édification du public, rassembler, preuves en main, quelques tours de passe-passe dans ce goût, qui ont illustré en dernier lieu la littérature. Ce petit morceau pourra être utile à ceux qui entrent dans la carrière heureuse des lettres. C’est un compendium de traits d’érudition, de droiture, et de charité, qui me fut envoyé, il y a quelque temps, par un bon ami, sous le titre de Nouvelles Honnêtetés littéraires.
Il y a des sottises convenues qu’on réimprime tous les jours sans conséquence, et qui servent même à l’éducation de la jeunesse. La Géographie