Libertés et droits fondamentaux - Hassãn-Tabet Rifaat - E-Book

Libertés et droits fondamentaux E-Book

Hassãn-Tabet Rifaat

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Beschreibung

À l’usage des réformateurs qui sont en train de vivre le bouleversement des institutions, la théorie des droits et libertés recense les multiples règles et principes tirés de l’expérience des États qui défendent la primauté du droit. À partir d’un enseignement interactif s’étendant sur plus de 40 ans, l’auteur traite à la fois de l’histoire et du génie de chaque nation, des acquis des civilisations et de l’évolution des moeurs et des sociétés. Le présent ouvrage se propose de tracer les contours des libertés et droits fondamentaux tels que définis par les textes et la jurisprudence. Et si le livre fait parfois appel à l’histoire des idées, c’est dans le seul but d’apporter un éclairage doctrinal à l’étude du droit positif, qui constitue notre principale préoccupation.

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© Groupe De Boeck s.a., 2012

EAN : 978-2-8027-3991-3

Pour toute information sur notre fonds et les nouveautés dans votredomaine de spécialisation, consultez notre site web : www.bruylant.be

Éditions Bruylant

Rue des Minimes, 39 • B-1000 Bruxelles

Tous droits réservés pour tous pays.

Cette version numérique de l’ouvrage a été réalisée par Nord Compo pour le Groupe De Boeck. Nous vous remercions de respecter la propriété littéraire et artistique. Le « photoco-pillage » menace l’avenir du livre.

À Hoda,ma chère épouse

Table des matières
Couverture
Titre
Copyright
Dédicace
Table des matières
Présentation (édition 2012)
Préface
Préface (édition 1965)
Liste des abréviations
Sommaire
Introduction
Titre I - Diverses conceptions des libertés et droits fondamentaux
Chapitre I - Conception libérale
Chapitre II - Contestation des idées traditionnelles
Section I : Fascisme italien et national-socialisme
Section II : Marxisme
Conclusion
Annexe
Titre II - Théorie générale de la conception libérale
Sous-titre premier - Garanties supra-législatives
Chapitre I - Cadre idéologique
Section I : L’apport de la religion
Section II : L’apport de la raison
Chapitre II - Expression juridique des idées libérales
Section I : Droit français
Conclusion
Conclusion
Textes annexés
Conclusion
Texte annexé
Section II : Droit libanais
Conclusion
Textes annexés
Chapitre III - Évolution
Section 1. : Recul
Section 2. : Extension
Sous-section 1. : Droit interne
Sous-Section 2. : Droit international et européen
Conclusion
Section terminale
Annexe 1 - Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (telle qu'amendée par les protocoles n. 11 et 14).
Annexe 2 - Premier protocole additionnel à la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Annexe 3 - La France et la convention Européenne des droits de l’homme - Par Pierre-Henri IMBERT (Administrateur principal des Droits de l’Homme)
Sous-titre II - Garanties légales
Chapitre I - Primauté de la loi
Section I : Protection des libertés par la loi : principe.
Section II : Protection des libertés par la loi : exceptions
Chapitre II - Rôle de la loi
Chapitre III - Régime juridique des périodes de crise
Section I : Limitation des libertés par des règles d’origine constitutionnelle.
Section II : Limitation des libertés par des règles à valeur législative.
Section III : Limitation des libertés par des règles d’origine jurisprudentielle.
Section IV : la lutte contre le terrorisme
Sous-titre III - Protection des libertés au niveau de l’application
Chapitre I - Contrôle de la loi
Chapitre II - Contrôle de l’administration
Section I : La protection des libertés par le juge administratif
Section II : La protection des libertés par le juge judiciaire (voir par ex : Turpin, L’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, R.D.P. 1983, p. 663, s)
Chapitre III - Droit de pétition et résistance à l'oppression
Section 1 : Le droit de pétition
Section 2 : La résistance à l’oppression
Texte annexé - Le 14 mars ou l’exercice d’un droit imprescriptible
Chapitre IV - Exemples d’institutions protectrices… en droit comparé
Section I : L’exemple suédois : l’Ombudsman
Section II : L’exemple britannique
Section III - L’exemple de l'ex-URSS
Section IV : L’exemple québécois
Section V - L’exemple français : Le Médiateur de la République : Le Défenseur des droits
Section VI : L’exemple marocain : Diwan al Madalim
Section VII : L’exemple libanais : Le Médiateur de la République
Annexe I - Le médiateur de la République (France) (extraits)
Annexe II - Loi organique n. 2011-333 du 29 Mars 2011 relative au défenseur des droits (Extraits)
Annexe III - Règlement de la cour européenne des droits de l’homme (Extraits)
Titre I : de l’organisation et du fonctionnement de la cour
Chapitre I : Des juges
Chapitre II : De la Présidence de la Cour et du rôle du bureau
Chapitre III : Du greffe
Chapitre IV : Du fonctionnement de la Cour
Chapitre V - Des formations
Conclusion
Bibliographie sélective
Index alphabétique - (Les chiffres renvoient aux numéros des paragraphes)

Présentation (édition 2012)

Après les deux DEA, alors exigés pour passer à l’étape suivante, ce fut la quête d’un sujet de thèse. Quête désordonnée à ses débuts, hésitant entre la recherche du raffinement juridique ou la commodité des sujets classiques. La solution vint de Paris ; à l’occasion de passages obligés par quelques librairies juridiques, je m’arrêtai longuement devant un « cours de droit », dont l’intitulé n’était pas encore familier : « cours de libertés publiques », de M. Jean Rivero. Nouvelle venue dans l’enseignement universitaire en France, la matière était encore inconnue en droit libanais. Oser construire un ouvrage de droit libanais sans repères ni supports bibliographiques proprement libanais, voire avec de fort rares indications bibliographiques en droit français, tenait de la témérité. Après quelques conseils et tentatives pour tempérer la fougue du jeune doctorant, mes maîtres à la Faculté de Droit de l’Université Saint Joseph finirent par donner leur feu vert. Ce fut alors le début d’une aventure risquée mais passionnante, le cours de M. Rivero étant l’indicateur du chemin à parcourir.

Œuvre de jeunesse, ma thèse sur « les libertés publiques en droit positif libanais » fut soutenue en 1964. Peu de temps après, la matière fut inscrite au programme de la licence libanaise en droit. L’enseignement m’en fut alors confié. Ouvert aux questions et aux réactions de mes étudiants, le cours de libertés publiques ne cessa de s’enrichir de tout ce que l’interaction apporte à la réflexion. Près de deux décades plus tard, ce cours donné à la Faculté de droit de l’USJ devint le « cours de libertés et droits fondamentaux », avant la consécration officielle de cette mutation par décret en 2001.

Saluant la mémoire de mes regrettés maîtres qui m’ont orienté dans ma quête délicate d’assises solides pour appréhender la notion et le cadre des libertés publiques, (M. Jean Rivero, qui a inspiré mon choix, M. Jacques Cadart qui a sanctionné ce choix en tant que président du jury et a bien voulu préfacer ma thèse, enfin les Professeurs Philippe Biays et Jacques Peuch qui m’ont accompagné dans le parcours ardu de l’analyse et de l’adaptation), je présente le présent ouvrage, né d’un enseignement s’étalant sur plus de quatre décades, comme étant une deuxième édition entièrement refondue, tant le lien est réel entre ma thèse de 1965 et les développements complémentaires d’aujourd’hui. Le présent tome est consacré à la théorie générale des droits et libertés. Un tome second suivra : il traitera du régime des principaux droits et libertés.

Un mot avant de terminer : que mes étudiants dont les questions et l’ouverture aux exigences de la société politique ont permis de développer les perspectives renouvelées au fil des années, et de faciliter l’évolution de mon enseignement des « libertés publiques » aux « libertés et droits fondamentaux », trouvent ici l’expression de ma sympathie et de ma reconnaissance.

Enfin, c’est à ma chère épouse que j’offre mon travail. Après cinquante ans de vie commune, partageant tout ce que porte et apporte un demi-siècle, je lui dis que tout ce que j’ai entrepris n’aurait pas été possible, sans sa grande patience, la sérénité et le calme de notre foyer et l’appui sans réserve qu’elle a toujours bien voulu m’accorder.

Hassãn-Tabet RIFAAT

Préface

Le livre de M. Hassan-Tabet Rifaat que j’ai l’honneur de présenter constitue un livre nouveau.

L’auteur avait publié en 1965 un ouvrage sur « Les libertés publiques en droit positif libanais ». Aujourd’hui paraît celui qui s’intitule « Libertés et droits fondamentaux ». Il ne s’agit pas seulement d’une nouvelle appellation, mais bien d’une nouvelle conception.

D’emblée, l’auteur s’en explique. La conception des droits et des libertés s’est transformée. Les libertés, loin d’avoir disparu, se sont renforcées : elles ne sont plus seulement, en quelque sorte de manière négative, le support d’une autonomie à laquelle il ne peut être porté atteinte par l’État ; elles constituent des droits qui, positivement, permettent à leurs titulaires (c’est-à-dire à chacun individuellement et à tous sans distinction) d’en exiger le respect par autrui (d’abord évidemment les pouvoirs publics, mais tout autant les autres personnes).

On constate un double élargissement.

Déjà étaient apparus, à côté ou au-delà des libertés formulées, les droits-créances qui, dans l’ordre économique et surtout dans l’ordre social, constituent autant de titres permettant de revendiquer la réalisation effective de certaines prestations nécessaires pour une vie décente.

L’évolution a consisté aussi à lier liberté et droit : désormais il existe un droit à la liberté. On en a une expression solennelle dans l’article 5 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et l’article 6 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui s’intitulent tous les deux « Droit à la liberté et la sûreté ». En liant liberté et sûreté, c’est la liberté individuelle qui est essentiellement visée. La formule peut se décliner au pluriel et s’applique à toutes les libertés. On pourrait parler d’un droit à la liberté d’aller et venir, à la liberté d’opinion, à la liberté d’expression etc… La formule pourrait s’élargir encore en parlant du droit à l’égalité.

Les instruments officiels ne vont pas tous jusque-là, mais les liens entre libertés et droits entre eux, et entre eux et ce qui est fondamental, apparaissent dans la proclamation les plus solennelles et même les plus anciennes.

La Déclaration de 1789, qui constitue l’une des plus fameuses, et est conçue en termes de libertés, ne fait pas mention des libertés dans son titre : celui-ci désigne exclusivement « les droits de l’homme et du citoyen ». La Déclaration universelle de 1948 ne porte plus que sur les « droits de l’homme » ; les deux pactes internationaux de 1966 ne désignent dans leurs titres respectivement que les « droits civils et politiques » et les « droits économiques, sociaux et culturels ». La Charte européenne ne vise que les « droits fondamentaux ». La Convention européenne veut assurer la sauvegarde à la fois « des droits de l’homme » et des libertés fondamentales ».

L’adjectif « fondamental » lui-même se déplace : dans un cas, il désigne les droits (Charte européenne), dans l’autre les libertés (Convention européenne).

Les auteurs traitaient naguère (J. Rivero, G. Burdeau, C.A. Colliard) des libertés publiques, certains le font encore (D. Turpin, P. Waschmann). D’autres combinent libertés publiques et droits de l’homme en inversant parfois la formule (G. Lebreton, J. Morange, A. Pouille), dans certains cas en parlant non de libertés publiques, mais de libertés fondamentales (J. Robert et J. Duffar). Il arrive aussi que les titres éliminent les droits pour ne parler que des libertés fondamentales (L. Burgorque-Larsen), ou les libertés (fondamentales ou publiques) pour ne parler que des droits de l’homme (complétés parfois par le citoyen) (L. Richer), ou des droits fondamentaux (D. Chagnollaud, G. Drago). On arrive à une sorte de syncrétisme lorsque l’adjectif « fondamentaux » couvre à la fois les droits et les libertés (R. Cabrillac, M.-A. Frison-Roche et T. Revet). En exposant le « droit des libertés fondamentales » (L. Favoreu, J.-J. Israël), le singulier du mot « droit » en change le sens par rapport au pluriel : il s’agit d’exposer le statut juridique des libertés fondamentales en tant que telles.

Un esprit caustique raillerait ces variations linguistiques en les rapprochant de celles qui sont proposées à M. Jourdain pour complimenter une belle marquise. Ce serait un mauvais esprit car il méconnaîtrait la réalité du débat et des conceptions que sous-tendent ces différentes appellations : elles traduisent en réalité les transformations profondes dont les libertés et les droits ont fait l’objet dans leur définition et dans leur régime. Tous les auteurs en rendent compte en retenant le titre qui paraît le plus convenable.

M. Rifaat a retenu celui de « Libertés et droits fondamentaux ». Il s’en justifie pleinement et l’on ne peut qu’adhérer à sa démonstration. C’est une conception globale qui est exposée dans cet ouvrage présenté comme une première partie consacrée à la « théorie générale des libertés et droits fondamentaux ». L’auteur montre comment la conception libérale a pu être contestée, voire dépassée, mais il souligne le caractère irréductible de la considération de la personne humaine, à la nature de laquelle se rattache indissociablement la liberté. Il montre aussi que la conception libérale, même élargie et modernisée, implique nécessairement l’aménagement de garanties permettant de rendre effectifs les droits et libertés. C’est le régime de ces garanties qui, si l’on peut dire, rend la liberté « opérationnelle ».

Les transformations dont ont été l’objet la conception et le régime des droits et libertés ont conduit à élargir l’une et à renforcer l’autre.

Mais elles peuvent être affectées aussi par les événements. M. Rifaat n’a pas manqué de voir le défi que le terrorisme lance au monde, non seulement pour sa sécurité, mais pour les droits et libertés. Les menaces pour la sécurité, qui sont en elles-mêmes des menaces pour les droits et libertés (à commencer par le droit à la vie), peuvent déboucher sur d’autres menaces pour les droits et libertés : renforcer la sécurité pour lutter contre le terrorisme peut conduire à limiter les droits et les libertés. Le contre-terrorisme pourrait-il être aussi liberticide que le terrorisme ? Les développements de M. Rifaat conduisent à poser la question.

Ils sont moins angoissants lorsqu’ils présentent les différentes institutions qui, au Liban et dans d’autres pays, garantissent l’effectivité des droits et libertés.

La culture juridique française de l’auteur l’a conduit à s’intéresser en particulier à celles de la France. Deux innovations résultant de la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 vont particulièrement renforcer la garantie des droits et libertés.

L’une est la question prioritaire de constitutionnalité qui peut être désormais soulevée à l’encontre d’une loi dont l’application est en cause dans un litige : s’il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, et que la question est pertinente et sérieuse, celle-ci est renvoyée au Conseil constitutionnel par le Conseil d’État ou par la Cour de cassation pour la trancher. En quelques mois le système a montré son efficacité.

L’autre innovation va bientôt être effective, grâce à l’adoption de deux lois du 29 mars 2011 : c’est celle du Défenseur des droits. Il va remplacer le Médiateur de la République, le Défenseur des enfants, la Commission nationale de déontologie de la sécurité et la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité. Il disposera d’une compétence générale pour veiller au respect des droits et libertés par les administrations.

On peut relever que dans les deux cas, il est parlé de droits et libertés – le constituant n’arrivant pas plus que les auteurs ni à les dissocier ni à les fusionner.

M. Rifaat enrichit ses réflexions de la double expérience qu’il tient des enseignements qu’il a dispensés (et qui lui ont permis de tenir compte des réactions et des demandes des étudiants) et de l’activité professionnelle qu’il a exercée dans l’administration et qu’il exerce encore au barreau (qui lui a permis de constater la réalité des droits et des libertés dans la vie courante).

Les documents qui complètent ces développements permettent au lecteur de se reporter aisément aux sources.

L’apport à la théorie générale des droits et libertés se combine avec une analyse précise du droit libanais. M. Rifaat avait déjà écrit depuis 1965 de nombreux articles sur différents aspects des droits et libertés au Liban. Il en fait ici une présentation systématique, précieuse pour ceux qui veulent connaître les solutions applicables dans son pays.

M. Rifaat, si confiant qu’il soit dans les solutions juridiques, est bien conscient des limites du droit. Il écrit très justement que « la défense et le respect des droits de l’Homme correspondent à un état d’esprit ».

On ne saurait mieux dire.

Pierre DelvolvéMembre de l’InstitutProfesseur émérite de l’Université de Paris II

Préface (édition 1965)

C’est avec une joie profonde que nous avons accepté de préfacer le bel ouvrage de Monsieur Hassãn-Tabet RIFAAT sur les libertés publiques au Liban. Cette joie nous la devons à l’auteur, à l’œuvre incluse dans ce livre, au pays qui a nourri l’un et l’autre.

Monsieur Rifaat a si bien assimilé l’idéal fondamental auquel toutes les règles de droit doivent répondre que son premier livre porte sur les problèmes les plus importants de Droit : la Liberté et les moyens de préserver dans leur plénitude les libertés fondamentales. Ce souci permanent de Monsieur Rifaat d’assurer totalement « le règne du Droit » dans son pays, est présent à chaque page de ce livre : il est clair que toute l’énergie de l’auteur est orientée vers ce but qui constitue pour lui une raison de vivre absolument essentielle. Nous en sommes particulièrement heureux car nous y trouvons la preuve que Monsieur Rifaat a pleinement répondue aux enseignements et à l’espoir de ses maîtres. Que ceux-ci en soient remerciés et particulièrement ceux qui l’ont conseillé dans ce travail, les Professeurs PEUCH et BIAYS en premier lieu.

Mais ce résultat n’eût pas été possible sans les qualités éminentes de l’auteur issues de sa famille et de tous ceux qui lui ont fourni les éléments de sa formation, qualités du caractère ici manifesté par l’œuvre accomplie avec ténacité et persévérance, mais aussi qualités de l’intelligence et du cœur que prouvent la finesse, la délicatesse et le sens juridique ainsi que la probité et la critique courageuse évidents dans tant de pages.

Monsieur Rifaat n’a d’ailleurs pas attendu d’écrire ce livre pour montrer sa valeur : tout au long de ses études à la Faculté de Droit et des Sciences Économiques de Beyrouth et ensuite en sa qualité de Conseiller adjoint au Conseil d’État du Liban, sous la direction éminente du Président BAZ, il a fait preuve des mêmes qualités.

Le travail de Monsieur Rifaat doit ainsi beaucoup à l’étude et à l’expérience qui expliquent la solidité du présent livre. L’auteur examine avec bonheur les libertés publiques les plus fondamentales, tout au moins la majorité d’entre elles : la liberté de la personne et tout particulièrement la liberté d’aller et de venir que tout être digne du nom d’homme a le droit le plus sacré de posséder toujours et partout, de même que la liberté du domicile et de la correspondance qui constituent les fondements de l’inviolabilité de l’intimité ; enfin est étudiée de manière détaillée la liberté de la presse, condition essentielle de la liberté politique et de la démocratie.

Ces diverses libertés sont étudiées, il faudrait dire fouillées, avec la plus grande minutie et la plus grande précision sans que les grands principes évoqués plus haut cessent jamais d’inspirer les recherches les plus détaillées. Il est seulement permis de regretter que certaines libertés essentielles ne soient pas ici examinées et notamment les libertés de conscience, de religion, d’enseignement, d’expression, de réunion, d’association etc… L’auteur s’en explique, mais il nous permettra d’espérer que d’autres études rédigées au moins en partie par lui viendront compléter sur ces différents thèmes le livre aujourd’hui publié.

Les publications relatives aux différentes branches du droit libanais qui commencent à se multiplier sont en effet de plus en plus indispensables. Elles sont nécessitées par le rôle croissant du droit dans l’épanouissement si évident du Liban et par la place sans cesse plus importante de ce pays prestigieux dans le monde. Certes le charme du Liban et de ses enfants, la séduction exercée par les qualités et notamment par l’élégance de l’intelligence libanaise expliquent ce rayonnement. Pourtant il nous semble qu’une autre cause s’ajoute à celles-ci : tous les Libanais ont toujours compris mais aussi prennent conscience chaque jour de manière plus aigue, de ce que la liberté aux multiples formes constitue le fondement des valeurs suprêmes de la civilisation et de l’entente paisible de toutes les communautés vivant sur la planète. Ils comprennent que les diversités nées de la liberté, bien loin de nuire à l’unité, en sont le plus sûr fondement. En effet la diversité fille de la liberté et aussi de l’humilité crée des hommes complémentaires et des communautés également complémentaires. Ainsi les fantômes trompeurs de l’uniformité orgueilleuse et oppressive peuvent-ils disparaître pour faire place à la construction progressive de l’unité, sur toute l’étendue de l’univers. Le Liban, mieux que la plupart des autres pays, a découvert cette profonde vérité. Il la trouve tous les jours plus dans l’autonomie des personnes et des collectivités, c’est-à-dire dans la Liberté. Il donne ainsi au monde un exemple dont il est permis d’espérer qu’il sera fructueux pour l’humanité entière.

Monsieur RIFAAT a contribué à construire cette paix des hommes sur la terre des hommes : qu’il en soit remercié au nom de tous les hommes de paix et de bonne volonté, croyant ou non que la Divine Providence est la source de la Paix.

Jacques CADARTProfesseur à la Faculté de DroitEt des Sciences Économiques de Lyon.

Liste des abréviations

A.F.D.I.Annuaire français de droit internationalA.I.J.C.Annuaire international de justice constitutionnelleA.J.D.A.Actualité juridique – Droit administratifCass. civ.Cour de cassation française (chambre civile) : FranceCass. lib.Cour de cassation libanaiseC. C. fr.Conseil constitutionnel françaisC. C. lib.Conseil constitutionnel libanaisC.E.Conseil d’État françaisC.E. lib.Conseil d’État du LibanC.E.D.H.Cour européenne des droits de l’hommeC.J.C.E.Cour de justice des communautés européennesD.D.H.C.Déclaration des droits de l’homme et du citoyenD.A.Droit AdministratifD.U.D.H.Déclaration universelle des droits de l’hommeE.D.C.E.Études et Documents du Conseil d’État françaisG.D.C.C.Grandes décisions du Conseil constitutionnel (France)G.A.J.A.Grands arrêts de la jurisprudence administrative (France)IbidIbidemIdIdemJ.C.P.Jurisclasseur périodique (La Semaine Juridique)J.O.R.F.Journal officiel de la République françaiseJ.O.R.L.Journal officiel de la République libanaiseL.P.A.Les Petites AffichesL.G.D.J.Librairie générale de droit et de jurisprudenceP.I.D.C.P.Pacte international relatif aux droits civils et politiquesP.I.D.E.S.C.Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturelsP.O.E.J.Proche-Orient, Études juridiques ; revue publiée par la Faculté de droit et des sciences politiques de l’Université Saint-Joseph Beyrouth (Revue bilingue)R.D.P.Revue du droit publicR.F.D.A.Revue française de droit administratifR.F.D.C.Revue française de droit constitutionnelR.J.L.Revue judiciaire libanais (publiée par le ministère de la Justice du Liban : principalement en arabe)R.T.D.H.Revue trimestrielle des droits de l’hommeT.C.Tribunal des conflits
Sommaire
INTRODUCTION
TITRE I - DIVERSES CONCEPTIONS
Chap. 1 : Conception libérale
Chap. 2 : Contestation des idées traditionnelles
Titre II - THÉORIE GÉNÉRALE DE LA CONCEPTION LIBÉRALE
Sous-titre 1 - Garanties supra-législatives
Chap. 1 : Cadre idéologique
Chap. 2 : Expression juridique des idées libérales
Section 1 : Droit français
Section II : Droit libanais
Chap. 3 : Évolution
Sous-titre 2 - Garanties légales
Chap. 1 : Primauté de la loi
Chap. 2 : Rôle de la loi
Chap. 3 : Régime juridique des périodes de crise
Sous-titre 3 - Protection des libertés au niveau de l’application
Chap. 1 : Contrôle de la loi
Chap. 2 : Contrôle de l’administration
Chap. 3 : Droit de pétition et résistance à l'oppression
Chap. 4 : Exemples d’institutions protectrices en droit comparé
CONCLUSION

Introduction

1.Une première constatation au seuil de cet ouvrage : cette matière ne laisse pas indifférent. On est pour ou contre tel ou tel concept de liberté ; on est sceptique ou profondément convaincu. On en parlera au passé ou au futur. Les attitudes peuvent également se modifier au gré des circonstances et des passions ; la pression qu’exercent les discours politiques, sur la jeunesse notamment, est une réalité qu’il ne faut pas occulter.

2. Mais quel est l’objet de ce débat ? Quel est le concept que l’on approuve ou combat ? Sur quoi portent le scepticisme ou la profonde conviction ? Les réponses manquent souvent de précision ; on se contentera de donner des exemples et de rappeler des faits divers. Les VOLTE-FACE dans l’adhésion ou le refus, ne sont pas rares. En creusant davantage, on se trouve perplexe : les passions se prêtent difficilement au jeu des définitions.

3. Un problème de vocabulaire vient s’y greffer. Il est question de « droits publics individuels et sociaux »… de « libertés publiques »… de « libertés individuelles », de « droits fondamentaux », « des droits de la personne », de « libertés fondamentales ».

4. Mais lorsqu’on dépasse les généralités et qu’on entame une étude détaillée de ces droits, en droit interne essentiellement, nous nous retrouvions traditionnellement devant les libertés publiques dans leur cadre classique. Pour illustrer cette constatation, on peut se référer à un ouvrage paru en 1995, chez Armand Colin. L’intitulé du titre « Libertés publiques et droits de l’homme » semble annoncer une étude englobant les libertés et les droits de l’homme. Cependant, en annonçant à la page 11 le plan de son ouvrage, l’auteur Gilles Lebreton, s’est limité à l’étude des libertés publiques. Les développements ultérieurs repris dans la table des matières à la page 455 et s. confirment cette option restrictive. Pourtant, les droits fondamentaux s’imposent à l’heure actuelle.

5. Les discours politiques apportent à l’imprécision du vocabulaire l’appoint de discours de circonstance : « libertés essentielles »… « Libertés démocratiques »…. « libertés personnelles fondamentales »… etc.

Et pourtant il faut essayer de mettre un peu d’ordre dans tout cela.

6. Il faut commencer par distinguer le plan philosophique et le plan juridique : les manuels soulignent la différence de niveau entre LA LIBERTÉ ET LES LIBERTÉS (c.f. par ex. « RIVERO, les libertés publiques, Thémis ; p. 14 et suiv »…). Seules seront revendiquées par le droit les projections, dans la vie en société, du « pouvoir d’auto-détermination » reconnu à l’individu. Les autres composantes du problème – (« Suis-je libre ? Suis-je déterminé ? la liberté n’est-elle pas le pouvoir des contraires ? » (c.f. MOSSE-BASTIDE, La liberté, P.U.F. p. 11)… ne se situent pas au niveau de la science juridique : elles relèvent de la philosophie, ou parfois plus précisément de la morale, ou de la métaphysique.

7. Au niveau de la science juridique, ensuite, il convient de distinguer le droit naturel et le droit positif.

8. Au plan du droit naturel, se situent les droits de l’homme « inhérents à la nature humaine » (RIVERO, op. cit. p. 170 ; CritiqueCOLLIARD, Précis DALLOZ, N° 9 à 11). Le Conseil Constitutionnel libanais a, dans une décision du 21 novembre 2003, considéré que « la source de (ces) droits essentiels, des libertés personnelles ou publiques est ce droit naturel dont découlent tous les droits inhérents à l’homme » (C.C. lib. N° 1/2003, JO, N° 55, 4/12/2003, p. 6398). Notons simplement la référence au droit naturel, sans tenir compte de la mention que fait cette décision, de droits essentiels qui se distingueraient des libertés.

9. Quant aux libertés publiques, elles sont envisagées au plan du droit positif : c’est l’intervention des pouvoirs publics qui, en aménageant les libertés publiques, les intègrent dans le monde du droit. Il en est de même des droits fondamentaux sous l’influence prospective du conseil constitutionnel.

10. Une précision supplémentaire : les droits de l’homme ne sont pas tous des libertés publiques. On reconnaît à l’homme des droits de plus en plus nombreux. (Voir par exemple la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme.) Qu’ils soient qualifiés de droits de l’individu, d’obligations imposées à l’État, de pouvoirs de choix, de pouvoirs d’auto-détermination ou créances contre la société, ce large éventail déborde le cadre des libertés publiques (c.f. BRAUD, la notion de liberté publique en droit français, 1968). Voir également : Jean MORANGE, Les Libertés Publiques, PUF, Que sais-je ? Paris 1995.)

11. Pour proposer une classification qui pourrait être retenue, avec le moins d’incertitude, nous écarterons deux tendances contradictoires : celle qui ignorerait les libertés publiques, sous prétexte qu’elles appartiendraient au passé, aussi bien que la tendance qui refuserait de voir l’évolution en cours et ne verrait pas l’émergence des droits fondamentaux.

12. Les droits fondamentaux pourront ainsi être envisagés selon trois cercles concentriques : le premier et le plus large englobe les droits de l’homme, tels que les énoncent les textes internationaux, notamment la Déclaration Universelle des droits de l’homme, les Pactes de New York de 1966, La Charte européenne des droits fondamentaux et d’autres déclarations, pactes ou recommandations à caractère international.

À l’intérieur de ce premier cycle, on retrouve, dans un cadre plus restreint, les droits fondamentaux ; ces derniers reçoivent une protection renforcée sur le plan constitutionnel notamment. Et, enfin, à l’intérieur des droits fondamentaux, c’est le cercle encore plus restreint du noyau des libertés publiques.

13. Cette image de trois cercles concentriques convient fort bien au droit libanais, après les modifications constitutionnelles de 1990 et l’incorporation du préambule nouveau, dans le corps même de la constitution. Si la constitution ne mentionne que l’expression de « libertés publiques », il découle de l’incorporation du préambule, que les libertés qu’il mentionne bénéficient désormais d’une protection renforcée, d’un niveau supérieur, d’un niveau constitutionnel, étant devenues elles-mêmes des normes de référence, appartenant au bloc de constitutionnalité. L’écorce textuelle et l’habillage sémantique sont désormais négligeables, au regard de la réalité juridique découlant de la consécration de ces libertés par le Conseil Constitutionnel libanais. Ainsi ces libertés, jadis « libertés publiques » dans un système centré sur la primauté de la loi, sont désormais promues au rang de droits fondamentaux s’imposant au législateur et aux pouvoirs publics, en général ». (H.T. RIFAAT, Droits fondamentaux et droit administratif, in les droits fondamentaux.- Inventaire et Théorie Générale, Bruylant, 2005, p. 239 s.)

14. Ainsi, la catégorie des « droits fondamentaux » a pris place à côté des « libertés publiques » et des « droits de l’homme ». (voir H.T. RIFAAT. Détermination des droits fondamentaux, in Travaux du Colloque de Kaslik (16-18 sept. 1993) sur la personne humaine face au Droit dans les pays méditerranéens »). Le Doyen Favoreu est allé jusqu’à contester la survivance de la catégorie des libertés publiques : « La loi et le juge ordinaire (administratif ou judiciaire), écrit-il dans un ouvrage collectif sur « l’Effectivité des droits fondamentaux dans les pays de la communauté francophone ». (p. 48) paru en 1994, ne sont plus les éléments centraux de l’ordre juridique ; et les libertés publiques ont fait place aux libertés et droits fondamentaux. » (cit. in H.T.Rifaat, la Sûreté personnelle au regard des Libertés publiques, Travaux de la Conférence Internationale en apport ave la réforme du Système Pénitentiaire. Beyrouth, Oct, 1997).

15. Il convient d’attirer l’attention sur l’importance croissante de la catégorie des droits fondamentaux, certains auteurs (dont notamment le Doyen Favoreu, comme nous venons de le souligner,) allant même jusqu’à parler de l’éclipse des libertés publiques. L’intitulé et le contenu du présent ouvrage (Libertés et Droits fondamentaux) sont nés d’un enseignement s’étalant sur plus de quatre décades et qui, progressivement et par touches successives, porte la marque de cette évolution rampante, sans aller toutefois jusqu’à l’omission totale de la catégorie des libertés publiques.

16. L’expression de l’intérêt croissant qui est porté à cette catégorie de droits, s’est traduite sur le plan bibliographique par la parution en août 1998 d’un numéro spécial de l’Actualité Juridique avec l’intitulé suivant « A.J. (numéro spécial – Annuel 20 juillet – 20 août 1998) : Les Droits Fondamentaux : une nouvelle catégorie juridique ? ».La matière est l’objet d’études en nombre croissant.

17. Les droits politiques rappellent la liberté-participation. Ils permettent le contrôle du pouvoir et corrigent l’exercice de la vie politique en créant un environnement libéral. (Voir : Jean-Claude Colliard, les partis politiques, oubliés des libertés publiques, Mél. Colliard, 1984, p. 405 et s. – Christian Bidégaray, « Du confessionnal et du diable » Réflexions sur le Statut des partis politiques quarante ans après la fondation de la Ve République » R.D.P. 1998, p. 810 et s. – également : Pierre Escuglas L’interdiction des partis politiques, R.F.D.C. 1999, p. 675 et s.)

18. Quant aux libertés publiques, elles permettent à l’individu de choisir son comportement ; elles constituent un « domaine réservé » conformément au concept de liberté-autonomie (c.f. BURDEAU les libertés publiques, 1972, p. 8). Dans le même sens : « La liberté-participation débouche, en effet, sur les « libertés politiques »… alors que la liberté-autonomie mène aux « libertés publiques »… La conclusion à laquelle amène la définition politique de la liberté est donc que les « libertés publiques » ne recouvrent pas les libertés politiques. » (Gilles LEBRETON, Libertés publiques et Droits de l’homme, op. cit.1995, p. 18).

19. Cependant, si les droits ou les libertés politiques, ne peuvent, à notre sens, être rangés parmi les libertés publiques, elles font, par contre, partie des droits fondamentaux ou droits-participation (Favoreu et alii, Droit constitutionnel, Dalloz, 4° éd. 2001, p. 791 et s. – voir également Favoreu et alii, Droits des libertés fondamentales, Dalloz, 2° éd. 2002, p. 236 et s.).

20. Aux remarques qui précèdent il convient d’en ajouter une sur laquelle l’attention est parfois insuffisamment attirée. Les libertés publiques ainsi que les libertés et droits fondamentaux font l’objet de développements qui insistent sur les moyens de les garantir contre les interventions du pouvoir : c’est ainsi, par exemple, que l’enseignement souligne que les atteintes à la presse violent la liberté d’expression et que sont passés en revue les recours prévus par la loi contre l’atteinte faite à la liberté par les pouvoirs publics (annulation, pleine juridiction, arrêt ACTION FRANÇAISE, arrêt FRAMPAR, etc…).

21. Il est toutefois un problème d’une grande importance, qui a été insuffisamment étudié. Nous nous contenterons de l’évoquer dans le cadre de cette introduction : il s’agit de la garantie des libertés et droits fondamentaux contre les individus ou les groupes (Mélanges CASSIN, t. 3 Paris 1971) notamment au cours des périodes de crise aiguë, lorsque les structures étatiques ne sont plus en mesure d’assurer la protection qu’on est en droit de revendiquer.

22. Si la théorie des libertés publiques insistait sur les effets verticaux, dans les rapports de la puissance publique avec les administrés, les droits fondamentaux, quant à eux, permettent de constater qu’ils peuvent avoir des effets horizontaux. (Favoreu, Droit Constitutionnel, p. 839 et s.- Favoreu et alii, Droit des libertés fondamentales, 2002, p. 108, n° 125 à 127). Pour un exemple illustrant l’existence de ces effets horizontaux, voir C.E. 24 février 2001, Tibéri, Dalloz 2001, p. 1748, note Ghevontian, à propos du respect du pluralisme des courants de pensée et d’opinion.

23. Cette évolution est louable : les libéraux ont, en effet, tellement insisté sur la limitation des attributions de la puissance publique que certains tenants des libertés publiques ont fini par faire de cette limitation du pouvoir une recette infaillible de liberté : un État fort devenait suspect par le fait même de sa puissance.

24.Mais vers qui se tournera l’homme qui voit ses droits bafoués par des individus ou des groupes, lorsque la puissance publique laisse faire et ne le protège plus, notamment dans les pays dont la vie politique n’est pas suffisamment structurée, à cause par exemple de l’inexistence de partis politiques ou de la sénilité de l’opinion publique ? Le droit français a répondu à cette question par le référé-liberté.

(Jérôme Trémeau, A.J. 2003, p. 653 et s. – c.f. également l’arrêt Tibéri, D. 2001, p. 1748, cit.).

25.Maintenant que le terrain est moins encombré d’imprécisions et de confusions, il convient de passer en revue les principaux droits et libertés. Une classification est toujours utile sur le plan académique. Voici celle qui est ici proposée : il y en a d’autres évidemment.

26.On peut distinguer quatre groupes de libertés et droits fondamentaux.

Les libertés de la personne physique

1.- Le premier droit auquel se porte spontanément la pensée, après le droit à la vie, c’est la liberté individuelle au sens étroit, c’est-à-dire l’état de la personne qui n’est l’objet d’aucune mesure arbitraire privative de liberté ; (Pour une conception large de la liberté individuelle : voir C.C. 12 janvier 1977 Grandes décisions du C.C. éd. p. 329) ; voir aussi note Rivero in A.J. 1978, 215 s. et chron. Favoreu in R.D.P. 1978, 821 s.). La torture, les détentions, les arrestations opérées en dehors des cas prévus par la loi ou contrairement aux formes prescrites par elle, violent cette liberté essentielle, élémentaire, que certains désignent également par le nom de sûreté. M. Rivero critique justement cette confusion (c.f. Jean Rivero et Hugues Moutouh, Libertés publiques, éd. T. 2 p. 45 et s.).

2.- La liberté individuelle n’est pas le seul droit intéressant la personne physique ; le complément en est la liberté d’aller et de venir ainsi que la somme des libertés de l’intimité, au premier rang desquelles se situe la liberté du domicile ; celle-ci signifie que la personne se trouve à l’abri des exactions et des indiscrétions dans sa vie de famille. Le respect du domicile comporte également pour l’individu, la liberté de choisir le lieu de sa résidence et l’assurance que l’usage qu’il en fera ne connaîtra d’autres entraves que celles imposées par la loi.

3.-L’inviolabilité de la correspondance protège elle aussi l’intimité, elle sauvegarde également la libre communication des pensées ; la loi prévoit la levée du secret dans certains cas, par exemple au bénéfice des autorités judiciaires. En dehors des exceptions à l’inviolabilité, expressément prévues par un texte de loi, toute pratique administrative comportant une censure insidieuse sur les lettres missives, est condamnable. (Le Comité Consultatif pour la révision de la Constitution a proposé d’ajouter un alinéa à l’article 66 de la Constitution de la VeRépublique, ainsi rédigé : « Chacun a droit au respect de sa vie privée et de la dignité de sa personne ».) Ainsi la protection de la vie privée aurait pu avoir une base textuelle, puisque l’analyse a recours soit à une définition large de la liberté individuelle de manière à englober la vie privée soit à la création sans texte du concept de liberté personnelle. (Voir : Thierry Renoux, « Si le grain ne meurt », Rev. Fr. Dr Const. 1993, N° 14, 270 s.- Voir aussi : C.C. 20 janvier 1993, R.F.D.C. cit. p. 379 ; Rivero et Moutouh, op, cit. p. 87 et s et p. 97).

4.- L’introduction et l’extension de la télécopie contribuent à élargir le débat. Le piratage des messages télécopiés n’est pas encore particulièrement courant. Mais qui dira que les progrès techniques ne le rendront pas moins coûteux et plus aisé ? Le courrier électronique n’est pas plus sûr. Quid de la confidentialité du BlackBerry, remise en cause, en 2010 ?

5.- À mentionner un problème complémentaire : celui des écoutes téléphoniques. La presse internationale en mentionne parfois l’existence, même dans certaines démocraties. Le cellulaire est lui aussi mis en cause et ne serait pas à l’abri de toute indiscrétion. Les débats parlementaires ont abouti à la formation au Liban en 1997 d’une commission pour l’étude du problème des écoutes téléphoniques. Rien de concret à ce jour, à part la parution de la loi N° 140 du 27 octobre 1999 (J.O.R.L. 1999, N° 52, p. 3160) censée réglementer les écoutes téléphoniques. Le développement technologique n’est pas forcément une avancée en matière de liberté et de confidentialité.

Les libertés de la pensée

27. Ce groupe est extrêmement important par le nombre et spécialement par la qualité des droits qu’il recouvre. Intéressant le tréfonds de l’être humain, les libertés intellectuelles sont revendiquées par le droit, à partir du moment où se manifeste la pensée ; les problèmes soulevés par la sauvegarde de l’opinion que l’individu garde cachée dans le secret de sa personne, sont moins complexes au plan du droit positif, que les questions posées par la réglementation des modes d’expression.

1.- Ains. la liberté de l’enseignement intéresse les pouvoirs publics, l’enseignant, l’élève et ses parents. L’État ne peut se désintéresser de la formation des jeunes ; son action s’exerce dans le cadre des institutions officielles et en vertu du contrôle, plus ou moins poussé selon les pays, qu’il exerce sur les écoles privées, sur le contenu des programmes scolaires et même, parfois, sur le choix des manuels. On parle parfois de l’unification des manuels, qui est, par essence, contraire à la liberté et à une saine pédagogie. Plutôt que d’imposer les manuels, il conviendrait de se pencher très sérieusement sur leur contenu et d’examiner attentivement les développements intéressant l’histoire, les institutions et l’éducation. Le choix des formateurs et des enseignants est une priorité essentielle. Il est inutile de souligner ce qu’a d’aberrant une politique de l’enseignement fondée sur la négation de la liberté.

2.-La liberté de la presse ne tend pas à sauvegarder les droits des seuls journalistes, les particuliers et l’État dussent-ils en pâtir ; entre les trois groupes d’intérêt, un certain équilibre est nécessaire que mettent en œuvre des techniques et des pratiques qui ne sont pas les mêmes partout.

a) L’illustration de cet équilibre nécessaire, est fournie par la jurisprudence du Conseil constitutionnel français, qui souligne que la liberté de la presse s’analyse également comme étant la liberté de ceux qui reçoivent l’information : droit fondamental des lecteurs après une étape qui a privilégié le droit de ceux qui « font » la presse, la liberté de la presse n’est vraiment concevable qu’à partir de l’idée d’équilibre entre tous les acteurs, (C.C. N° 84-181, 10-11 octobre 1984, Grandes Décisions du C.C. 8° éd. 1995, p. 574 et s. – nombreux commentaires cités en références).

b)Moyen d’information et de formation, la presse bénéficie d’une très large audience, ce qui en fait un moyen de communication avec les masses ou même un moyen d’action sur les masses.

Il en résulte que les pouvoirs publics ne peuvent s’en désintéresser ; ils veulent éviter de la voir conditionner l’opinion d’une manière susceptible de gêner la politique officielle. D’où une réglementation préventive ou répressive, selon les pays et les régimes, qui tend à museler ce « quatrième pouvoir » ; certains journalistes n’hésitent pas à y voir, « l’un des quatre pouvoirs » pour montrer qu’ils situent la presse au même niveau que les pouvoirs constitutionnels. M. Claude Leclercq qualifie les média, presse écrite et audiovisuelle de « quatrième pouvoir » (Libertés Publiques, 3e édition 1996, p. 11).

c) Au problème de la liberté vis-à-vis du pouvoir politique se greffe la question de la libération de la presse de l’emprise des puissances d’argent. L’importance accrue des moyens de diffusion et la nécessité de très gros investissements arrachent pratiquement cette liberté aux individus au bénéfice des groupes financiers et des groupes de pression, nationaux ou étrangers.

d) D’ailleurs, la sauvegarde de la liberté à l’égard des gouvernants et des groupes financiers, pose le problème de la moralisation de la presse, notamment au plan de la déontologie professionnelle. L’organisation dans le cadre d’un ordre ou d’un syndicat, violemment prise à partie par certains et approuvé par d’autres, peut, si elle est sainement mise en œuvre, contribuer à assainir l’exercice de la profession, par exemple par la voie des poursuites disciplinaires.

3.- La presse écrite est de plus en plus concurrencée par des moyens d’information plus puissants et plus suggestifs, du fait notamment qu’ils ont une audience beaucoup plus vaste et qu’ils atteignent des couches de la population que le journal n’intéresse plus ou ne peut atteindre ; cette extension montre à quel point les moyens modernes de communication avec les masses (la radio, la télévision et le cinéma) sont dépendants à l’égard de l’argent et de l’État ; ils se sont d’ailleurs développés en marge des luttes idéologiques engagées au nom de la liberté de la pensée, alors que la presse a littéralement arraché sa liberté, laquelle est réellement, pour les journalistes « fille de la victoire ». (Certaines entreprises peuvent vouloir cacher leur jeu en se situant au niveau de la liberté d’expression. La réalité est souvent différente, puisque le profit matériel et politique est le principal moteur qui motive leur action.)

4.- Évidemment la dépendance vis-à-vis de l’État n’est pas la même dans tous les pays ; on oppose aux régimes qui rendent précaire la liberté dans ce domaine, du fait de réglementations préventives ou des exigences de monopole, l’exemple de la B.B.C. britannique ; cet organisme officiel demeure tout de même ouvert à toutes les tendances. On ne peut toutefois manquer de souligner que rares sont les régimes juridiques véritablement protecteurs de la liberté des moyens modernes de communication avec les masses.

Le problème véritable, essentiel, n’est pas de se prononcer sur le choix entre l’entreprise privée ou l’organisme public ou semi-public ; l’exemple de la B.B.C. et celui de l’ancien régime de la télévision libanaise sont là pour nous en convaincre. Il s’agit principalement de savoir si les émissions doivent être des moyens d’information et de promotion humaine ou, au contraire, une machine mise au service de l’endoctrinement et de la propagande. C’est entre ces deux tendances que s’opère la véritable option : le degré de liberté s’apprécie, en effet, au regard de l’intensité du contrôle qu’exercent l’État et l’argent sur les émissions.

Toutefois lorsque prolifèrent les entreprises privées qui gèrent des stations d’émission, le rôle de l’État devrait dépasser celui de censeur ; il doit veiller, ici plus qu’ailleurs, à assurer l’équilibre entre la liberté et l’ordre public ; je ne parle pas d’équilibre entre liberté et intérêt général, puisque la sauvegarde de la liberté est une obligation incombant aux pouvoirs publics, lesquels ont en charge l’intérêt général. Il s’agit donc pour ces derniers de veiller à ce que l’âpreté au gain (matériel ou politique) qui pourrait motiver les entreprises privées ne l’emporte pas sur les obligations qu’elles ont à l’égard de la chose publique et des téléspectateurs. Concernant ces derniers, la sauvegarde de leur intérêt suppose aussi bien la condamnation de tout obscurantisme que leur libération de l’influence pesante de l’argent et d’une logique qui serait exclusivement commerciale. (L’audiovisuel n’est plus abandonné par le législateur. Mettant un terme à une époque où les émissions télévisées relevaient du régime de la concession et, par la suite, d’un régime de monopole au bénéfice de Télé-Liban, le législateur libanais a réglementé la matière : Voir notamment : la loi du 28 juillet 1994, qui comporte des dispositions provisoires et des dispositions permanentes consacrant le principe de liberté et la compétence du tribunal de presse.- Également : La loi du 4 Nov. 1994 qui crée un Conseil National de l’audiovisuel et organise les émissions radiophoniques et télévisées.- Enfin, v. la loi du 24 juillet 1996 sur les émissions télévisées par satellite.- Après quelques turbulences nées d’émissions par satellite, le Conseil des Ministres avait décidé, en janvier 1998, de retirer à la LBCI et à la Future TV leur licence d’émission par satellite pour les programmes à caractère politique et de limiter à TELE-LIBAN le droit d’émettre par satellite des programmes politiques. Si la L.B.C.I. et la Future TV ont repris leurs émissions, la M.T.V. a cessé d’émettre, par décision du tribunal des imprimés. Basée sur la violation par la M.T.V. de l’interdiction de la publicité électorale, cette décision fut soumise à la Cour de Cassation. Cette cour a rejeté le recours qui avait été présenté. Après avoir cessé d’émettre, la M.T.V. a repris ses émissions à partir du 7 avril 2009.)

5.- Le développement de l’internet soulève des problèmes à plus d’un niveau. Insaisissable, ce moyen de communication est rebelle à la réglementation classique des moyens d’expression. Concernant spécialement la protection de la personne dans sa vie privée et le droit pour les personnes publiques et privées d’être prémunies contre toute intrusion dans la sphère habituellement protégée par le droit, l’internet envahit, impunément à ce jour, les secteurs de la vie. Les réseaux sociaux jouent un rôle très actif dans l’éclosion et le développement des mouvements de libération liés au « printemps arabe ».

Les droits des groupes

28. Les libertés jusqu’ici envisagées concernent l’individu en tant que tel, à l’exclusion du groupe dont il fait partie. Il est évident que les conditions de la vie moderne créent des besoins si complexes que la satisfaction n’en peut résulter de la seule initiative individuelle ; aussi des groupes se forment-ils qui s’intercalent entre l’État et l’individu et permettent à ce dernier de faire aboutir des réclamations et de satisfaire des besoins auxquels, autrement, il n’aurait pas été en mesure de subvenir.

On peut relever l’existence de groupements politiques, professionnels ou religieux, ainsi que celle de groupements laïcs étrangers aux préoccupations politiques ou strictement religieuses.

1.- Pour exister et agir, les groupements ont tous besoin, pour exister, des libertés de réunion et d’association. (Évidemment les libertés intellectuelles leur sont indispensables ; si nous ne les mentionnons pas ici c’est parce qu’au même titre que les autres, elles intéressent l’individu affilié à des associations. C’est pourquoi la sauvegarde des droits fondamentaux de l’individu est la condition, le préalable de la protection des libertés collectives, envisagées dans ce paragraphe.)

Toutefois, il faut signaler qu’outre ces deux libertés nécessaires à tous les groupements, certains d’entre eux ne sauraient avoir d’action efficace sans la jouissance de droits qui leur sont particuliers.

2.- Ainsi, les groupements professionnels, syndicats ou ordres, ont besoin de l’excellent tremplin qu’est la liberté syndicale, ainsi que du droit de grève. (À signaler une composante essentielle de la liberté syndicale : la liberté de retrait, c’est-à-dire la liberté de quitter le syndicat. La Cour de Cassation a consacré dans son arrêt du 23 juin 1988, des principes constants en la matière, en considérant que toute clause qui risquerait de porter atteinte au principe de la liberté de retrait, doit être frappée de nullité. Elle a ainsi cassé un arrêt de la Cour d’Appel de Grenoble qui avait admis une clause du règlement intérieur d’un syndicat de moniteurs, laquelle interdisait à tout moniteur qui quitterait l’école ou en serait exclu, de créer, gérer ou exploiter une école de skis dans la même commune ou les communes limitrophes. (Rev. Trim. Dr. Comm. 1988, p. 653).

3.- Ainsi armés, ils sont à même de revendiquer pour leurs membres les droits sociaux (ou droits d’exiger), au premier rang desquels la sécurité sociale, et ne manquent pas de les utiliser parfois pour monter à l’assaut du pouvoir.

4.- Les groupements religieux, quant à eux, bénéficient de la liberté religieuse. (Pierre LANARÈS, La liberté religieuse dans les Conventions internationales et dans le droit public général, 1964).

L’exemple du Liban à ce sujet est caractéristique : l’article 9 de la constitution pose le principe de la liberté de conscience qu’il qualifie d’absolue ; il ajoute : « en rendant hommage au Très-Haut, l’État respecte toutes les confessions et en garantit et protège le libre exercice… » Ainsi la Constitution libanaise prend un engagement positif ; l’État donne sa garantie et sa protection à toutes les communautés religieuses, sans distinction.

5.- Comme corollaire de la liberté des cultes, le respect du statut personnel et des intérêts religieux est également garanti. À noter qu’un accord signé le 12 juillet 1999 entre la France et le Liban (Décret N° 1088 du 12 août 1999, J.O. N° 40, 19-8-1999, p. 2436 et s.) organise principalement l’exercice des droits de garde et de visite ainsi que la protection des enfants mineurs nés de mariages mixtes franco-libanais. Des situations douloureuses dues au conflit entre les parents font du tort aux enfants.

Il est bon de souligner que l’article 9 comporte de la part des pouvoirs publics non seulement le respect et la reconnaissance de la liberté des cultes, du statut personnel et des intérêts religieux, mais encore un engagement positif, explicite : il y a promesse de garantie, ce qui comporte l’incorporation dans le droit positif de dispositions protectrices. (Voir H.T. RIFAAT, La Liberté religieuse : l’exemple libanais. – in, « L’effectivité des droits fondamentaux dans les pays de la communauté francophone, » Paris 1994, p. 179 et s.)

En dernier lieu, au plan de l’enseignement, l’article 10 stipule « qu’il ne sera porté aucune atteinte au droit des communautés d’avoir leurs écoles sous réserve des prescriptions générales sur l’instruction publique édictées par l’État ». Ainsi, la liberté de l’enseignement bénéficie au Liban d’une double garantie, au niveau de l’individu et au niveau de la communauté religieuse.

Concernant la vie politico-administrative, l’article 95 de la Constitution constitue, dans sa rédaction de 1926, la base juridique du « confessionnalisme » au Liban, c’est-à-dire celle d’une technique de gouvernement comportant la représentation équitable sur le double plan administratif et politique, des communautés religieuses.

6.- L’équilibre entre les communautés dans la vie politique constitue, à ce jour, une constante dans la vie nationale au Liban ; la parité dans les charges politiques entre les chrétiens et les musulmans est consacrée par les accords de Taëf (approuvés par le Parlement libanais lors de sa séance du 5 novembre 1989, tenue hors de Beyrouth, à Kleyate, pour des raisons de sécurité) ; s’étendant à la fonction publique, pour les postes de première catégorie, cette parité est souhaitée pour l’ensemble des emplois publics ; la réalisation de ce souhait contribuera à la pacification des cœurs et des esprits pour que soit réellement mise en œuvre la disposition du préambule de la constitution libanaise, laquelle stipule qu’aucune légitimité n’est reconnue au pouvoir qui contredirait le pacte de vie commune (on lira avec intérêt la thèse de Diane Khair, intitulée « Unité de l’État et droits des minorités » et soutenue à l’Université Panthéon-Assas, Paris II, en date du 30 novembre 2010, avec une importante bibliographie).

Les droits économiques

29. On a l’habitude d’inclure dans cette rubrique, à côté des droits proprement économiques, les droits sociaux (ou droits d’exiger) précédemment passés en revue. Étant donné le cadre dans lequel ceux-ci s’exercent, ils ont été envisagés au nombre des libertés des groupes, des libertés collectives.

Sur un plan plus large, on notera que le droit au développement, qui fait partie des droits fondamentaux, a comme bénéficiaires aussi bien les individus que les peuples, ce qui montre une extension au delà des groupes ou collectivités selon l’acception classique.

Voir par ex. H.T. Rifaat, De quelques réflexions au sujet des droits économiques et sociaux au Liban, in « Le juge de l’Administration et les droits fondamentaux dans l’espace francophone », Bruylant, Bruxelles, 1999, p. 526 et s.

Il reste ainsi, le droit de propriété et la liberté du commerce et de l’industrie.

Ils sont intimement liés aux structures économiques du pays et dépendent de la conception que l’on a du rôle de l’État en matière économique. Le domaine du laisser-faire s’amenuise chaque jour davantage devant les nécessités de la vie moderne.

Les pouvoirs des autorités de police ne sont pas nécessairement incompatibles avec l’idéal de liberté pour peu que le juge exerce ses prérogatives et sanctionne les abus,dans des délais raisonnables.

Toutefois, l’apparition de textes, de plus en plus nombreux et restrictifs, l’imposition de servitude, les mesures d’expropriation, de réquisition et même de nationalisation, l’apparition sur le marché d’un entrepreneur spécial, l’État, tout cela limite de plus en plus et à des degrés qui varient d’un pays à l’autre, les droits économiques. (R.F.D.C. 2008, P. 687 R.F.D.C. 2010, P. 702).

30. Même en l’absence de textes législatifs restrictifs, les droits et libertés, à l’exception de la liberté de conscience en droit libanais ne sont jamais absolus ; ainsi, l’exercice d’un droit ou d’une liberté doit demeurer en harmonie avec l’ensemble du système comprenant les principes et les autres droits et libertés. Pour nous limiter à deux exemples, quitte à prévoir de plus amples développements dans le tome second, nous signalerons que la liberté d’association ne signifie pas l’obligation pour les pouvoirs publics de tolérer les groupements qui ne seraient pas fidèles au régime prévu par la constitution ou aux principes à valeur constitutionnelle déjà consacrés et devenus de ce fait un acquis auquel on ne saurait porter atteinte. Ces groupements ne devraient, en outre, pas être représentés à l’Assemblée puisque la représentation nationale exige que les élus demeurent fidèles à la constitution et au régime des droits et libertés. Ce n’est pas parce que la mise en œuvre d’un principe est difficilement réalisable, dans un avenir prévisible, qu’il est légitime d’y renoncer ou de l’occulter. Les idées forment et enrichissent les consciences. Elles préparent les actions futures.

31. L’exercice du droit de propriété privée nous fournit un autre exemple. Individuel dans son essence, ce droit ne peut être mis au service d’entreprises hégémoniques, susceptibles de nuire aux structures fondamentales d’un régime socio-politique. Pour l’expliquer, point n’est besoin de recourir à la perfidie de la raison d’État. Le droit de propriété intéresse deux acteurs, dont les droits peuvent s’étendre aussi loin que l’exercice n’en dépasse pas les limites qui nuiraient aux intérêts de la nation. Les limites ne peuvent être énoncées une fois pour toutes, avec rigidité. C’est la jurisprudence qui avec souplesse et par étapes devra concevoir une politique (jurisprudentielle évidemment) qui permettrait à l’individu de disposer de son bien sans ébranler les fondements de la société. Ici encore, nous retrouvons les rapports binaires entre le principe et le mécanisme qui en assure la mise en œuvre. Le principe n’est pas discutable, puisque le droit de propriété n’est pas absolu. C’est le mécanisme seul qui pourrait être discuté, pour les détails de sa mise en place.

32. C’est une question de volonté et de stratégies politiques au niveau des pouvoirs constitutionnels et de l’opinion publique. Pour éviter tout dérapage à cause de l’extrême sensibilité de ce qui touche à la liberté et à l’ordre public, une magistrature courageuse et innovante et forte du prestige que lui donne son intégrité, devra tenir la balance bien équilibrée et ne pas hésiter si des sanctions sont nécessaires. Ainsi par exemple l’annulation d’un acte de vente manifestement contraire à l’intérêt de la société pourrait être envisagée.

33. A la suite des attentats du 11 septembre, les perspectives liées aux conséquences qui en découleraient, quant aux libertés, méritaient attention et réserve : en effet, les événements tragiques du 11 septembre 2001, à New York, sont encore porteurs de développements imprévisibles, concernant notre sujet. Des décisions pourraient être prises, au niveau de l’O.N.U., (notamment dans le cadre de la lutte contre le terrorisme), qui pourraient marquer les législations ainsi que le fonctionnement des institutions. L’impact de la décision N° 1372 prise par le Conseil de sécurité en date du 28 septembre 2001 ne peut encore être mesuré avec exactitude. Chacun de nous est invité à regarder de près les textes qui pourraient affecter les droits de l’homme. Plus que jamais, la doctrine et la jurisprudence sont appelées à veiller à ce que l’objectif que recouvre la lutte contre le terrorisme, risque d’être le prétexte de dérives mettant en péril l’État de droit.

Les malheurs des Palestiniens, les opérations en Afghanistan, avec les détenus à Guantanamo, la guerre en Irak, et tout le lot de désolations qui troublent nos certitudes, traduisent la crise qui affecte le concept de liberté et le respect du droit. Une extrême vigilance est requise, pour que ne soient pas remis en cause les acquis de l’humanité, en matière de droits et libertés.

C’est ce souci qui inspire le premier rapport de l’O.N.U. sur le terrorisme et la protection des libertés fondamentales. Ce rapport est daté du 26 octobre 2005 et présenté par le rapporteur spécial pour la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales, dans la lutte contre le terrorisme ; le poste de rapporteur spécial a été créé en avril 2005, par une résolution de la commission des droits de l’homme. « Je souhaite, dit-il dans son rapport, visiter des pays qui préparent des mesures contre le terrorisme, afin de ne pas intervenir après leur adoption, mais au cours du processus en étudiant les projets soumis aux parlements, par exemple ».

Optique et plan

34.Le présent ouvrage se propose de tracer les contours des libertés et droits fondamentaux tels que défini par les textes et la jurisprudence ; s’il est fait appel à l’histoire des idées, ce sera dans le seul dessein d’apporter un éclairage doctrinal à l’étude du droit positif, laquelle constitue la principale préoccupation de nos développements.

Ces développements feront l’objet de deux tomes.

Consacrant le tome 2 à l’étude du droit positif, nous en verrons dans le premier tome les fondements ainsi que la technique juridique permettant la reconnaissance et la protection des libertés et droits fondamentaux.

35. Nous attirons toujours l’attention des étudiants sur un point important : il s’agit de la différence entre l’exposé oral et l’ouvrage de référence. Il n’est pas question de reproduire oralement le texte de cet ouvrage ; l’enseignement oral n’aurait alors aucune utilité. Entre le texte écrit et l’enseignement oral un décalage s’impose, dans l’exposé, que dictent les nécessités de l’enseignement ainsi que l’actualité à laquelle on pourrait se référer.

Il convient de noter qu’il s’agira toujours de développements liés à la science juridique. Ce ne sera ni un pamphlet (nous empruntons cette mise en garde, à M. Rivero) ni un recueil de faits divers. Les pamphlets et l’actualité perdent de leur importance, avec l’écoulement du temps. L’analyse juridique constitue un fondement solide, même lorsque les textes sont modifiés.