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« Elle se précipita à la fenêtre pour prendre en photo la neige qui tombait. Drue et abondante. Mais qui ne tint pas au sol, trop tiède. Défaut de complémentarité. La vie de la neige ressemble à la nôtre. De ce “rien” qui la précède à ce “rien” qui lui succède. Et, entre les deux, cette lutte “neigeuse” pour exister ! Lutte-chute. Mais, voyons un peu : qu’y a-t-il de beau dans la neige ? Son existence ? Sa lutte d’existence ? Ou le fait que cette lutte, même belle, soit vouée au “rien”. Ô l’extrême beauté du vivant ! Choisissons notre lutte finale, celle qui nous met à égalité avec le temps, choisissons notre vainqueur. Il n’est de vivre que cette quête, la quête de notre vainqueur, celui auquel nous nous donnerons… »
À PROPOS DE L'AUTEUR
Médecin, ancien interne des hôpitaux privés de Paris, otorhinolaryngologiste, Vincent Bouton est aussi licencié canonique de théologie de l’ICP, thèse sur l’évangile attribué à Jean, où il a passé sept années au cursus de l’histoire de la philosophie avant d’entrer à l’École du Louvre, concours 2016. Il est l’auteur de plusieurs romans à l’instar de Nicodème le disciple mystérieux, La statue à sa fenêtre, Deux heures avec ma mère. Il a également commis plusieurs essais et de nombreux recueils de poésie comme Nos limites sont de cendre, qui reçut en 2008 le Prix Troubada.
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Vincent Bouton
Nos luttes finales
Chroniques poétiques 2021
Recueil
© Lys Bleu Éditions – Vincent Bouton
ISBN : 979-10-377-5961-0
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Illustration de couverture : Lutte de Jacob avec l’ange. Eugène Delacroix, église Saint-Sulpice de Paris, 1849-1861.
Il passa le gué du Yabboq… et Jacob resta seul. Un homme se roula avec lui dans la poussière jusqu’au lever de l’aurore. Il vit qu’il ne pouvait l’emporter sur lui, il heurta Jacob à l’articulation de la hanche qui se déboîta alors qu’il roulait avec lui dans la poussière. Il lui dit : « Laisse-moi car l’aurore s’est levée. » Je ne te laisserai pas, répondit-il, que tu ne m’aies béni. (Genèse, 32, 23-27)
Voici l’homme qui tombe et se lève et se repaît de poussière et se traîne…
Octavio Paz
La lutte est pour la liberté de l’homme. Mais attention : la lutte est pour la vérité du mot de liberté…
Patrice de La Tour du Pin
Vous vous relevez à peine d’une lutte qu’en voici une autre. Cheveux en bataille, vêtements sales, gorge sèche, plaies à vif. Vos armes gisent à terre, vos amis sont morts. Vous êtes seuls. Mais vous êtes prêts. 1
Vous êtes prêts et déjà disparaissez dans la poussière de vos combats. Nous sommes prêts et déjà disparaissons dans la poussière de nos combats. Ils sont prêts et déjà disparaissent dans la poussière de leur combat. Prêts, sans le savoir, à changer de nom.
Chaque jour il nous faut nous battre à la fois contre la peur et contre l’espérance qui nous éloignent, l’une comme l’autre, de notre réalité de créés. Cette réalité est faite de deux dimensions, finie et in-finie, et la mort nous fait passer de l’une à l’autre. Ultime migration pour les oiseaux chasseurs d’éternité que nous sommes.
Le soir qui tombe ne nous fait plus peur. La nuit qui vient ne nous fait plus peur non plus. Note tâche est d’évacuer les peurs, les peurs premières, celle des contes pour enfants, des abandons, des trahisons, des deuils. Et dans ce combat quotidien c’est un autre nous-même qui nous barre le chemin.
Ces deux dimensions de l’homme, ce créé, sont inter-pénétrables, poreuses. Elles communiquent l’une avec l’autre. Comme les eaux de surface du fleuve communiquent avec les vases du fond. Et la dimension de surface de l’un peut communiquer avec la dimension de fond d’un autre. Et vice versa.
Les gels n’altèrent pas le vol des oiseaux.
Elle se demande à quoi bon se lever chaque matin. À quoi bon lutter ? Elle n’a rien compris à la vie qui n’est pas le projet volontaire qu’elle en fait, qu’elle valide, mais la surprise qui émerge de l’inconnu et la rencontre qui vient du fin fond de l’imprévu.
Aux luttes restèrent les coups reçus, aux baisers les morsures. Aux amis restèrent leurs trahisons ; aux œuvres du peintre, les cendres du feu comme aux vitraux les plombs fondus de l’incendie. Il fallut dire adieu à celui qui croyait être tenu à l’impossible. L’impossible des luttes sans coups, des baisers sans morsures et des toiles qu’il n’a pas su brûler.
Adieu de lutte à celui qui dormait la tête sur son revolver, après avoir passé des soirées à discuter des goûts et des couleurs. De la vie après la mort. Bu moult vins. Dressé sur ses ergots parce que l’un de nous avait osé lui dire : « Je t’aime bien ». Dressé en criant : pourquoi « bien » ?
Sa peinture qui se voulait incendiaire s’éteint d’elle-même dans les poussières banales de l’art. Les amis, au retour du crématorium, rendus loquaces par le Prosecco, ne parlent déjà plus de lui mais d’eux-mêmes.
Malgré le son déchirant du bugle de ton camarade qui te disait « Que sont mes amis devenus ? », tu t’en es allé, vers le silence-lutte abyssal de l’inconnu ; vers cette mort-lutte que tu as provoquée ; vers ton éternelle question-lutte de Dieu.
Nous sommes revenus hagards de ses funérailles, asphyxiés par le trou qu’il a laissé dans nos vies de haillons que nos guerres de ferraille nous ont laissés. Obligés de monter à l’assaut des jours qui nous restent, face à la mitraille, criant avec lui « Viva Zapatta ! » Ciao bello.
À Pascal Papisca
Revenons aux temps d’avant les luttes, les temps d’avant la vie, où nous n’existions pas. Notre absence au monde n’était que paix. C’est bien l’existence, le fait d’exister, qui provoque le chaos d’un non-être absent et en paix, vers un être présent et en lutte. Le chaos cosmique de l’inconscient au conscient. Revenons à ce temps-là, celui du non-être, sans possessions, sans passions, sans volonté, sans besoins et notamment sans le besoin d’immortalité. Or l’immortalité est présence permanente au monde, donc chaos permanent. L’immortalité est la permanence des luttes. Or curieusement la mort à laquelle nous sommes forcés et qui nous fait si peur n’est que le retour au non-être d’avant l’être, au temps d’avant les luttes de la vie. Un retour au monde de paix.
Telle est la sagesse qui doit nous mener à nous détourner de nos luttes impératives, de nos luttes vers le bonheur qui n’est qu’une possession de plus dont il faudra se défaire. Il n’est de sagesse et de paix que dans la dépossession, même celle du bonheur. « Heureux qui a trouvé la sagesse… ses sentiers sont paisibles » (Pr. 3, 13). Salomon, fils de David, dont les intellectuels de cour ont rassemblé le matériel littéraire des Proverbes, introduit Dieu comme fondateur de la sagesse au verset 19 du 3e chapitre. Dieu ? Son évocation est presque dommage à ce stade de notre réflexion qui se faisait sans lui.
Vivre c’est beaucoup de bruit pour rien. L’homme sage garde le silence.
Ne se tourmentant plus pour elle-même, elle se tourmentait cependant encore pour ses fleurs.