Risques environnementaux - Anne-Gwenn Alexandre - E-Book

Risques environnementaux E-Book

Anne-Gwenn Alexandre

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Beschreibung

Les catastrophes industrielles nous rappellent régulièrement que la Terre subit de graves menaces environnementales. L’assurance apparaît comme un moyen parmi d’autres pour financer la réparation de l’environnement. Cet ouvrage dégage, dans une optique comparative, la problématique générale de l’assurabilité et de l’assurance du risque environnemental en Europe et en Amérique du Nord (états-Unis, Canada). L’auteur analyse de quelle manière le risque environnemental est assurable, d’un point de vue juridique, technique et financier, puis observe de quels types de garantie il peut relever. Elle étudie ensuite la façon dont le risque environnemental est garanti et effectivement réparé, tant par les compagnies d’assurance qu’à un niveau national ou supra-national. Il en ressort que l’assurance a un rôle à jouer au niveau de la réparation du risque environnemental mais aussi, et surtout, au niveau de la prévention de ce risque, dans une optique de développement durable. Le livre intéressera les assureurs, les juristes, les risk-managers et plus largement les écologistes et les personnes soucieuses du développement durable.

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© Groupe De Boexk s.a., 2012

EAN : 978-2-8027-3897-8

Cette version numérique de l’ouvrage a été réalisée par Nord Compo pour le Groupe De Boeck. Nous vous remercions de respecter la propriété littéraire et artistique. Le « photoco-pillage » menace l’avenir du livre.

Pour toute information sur notre fonds et les nouveautés dans votre domaine de spécialisation, consultrez notre site web :ww.bruylant.be

Éditions Bruylant

Rue des Minimes, 39 • B-1000 Bruxelles

Tous droits réservés pour tous pays.

Il est interdt, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent ouvrage, de le stocker dns une banque de données ou de le communiquer au public, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.

La collection « Cahiers de droit international » a l’ambition et vocation à accueillirt des études et travaux d’une grande qualité scientifique consacrés aux aspects tant classiques que récents du droit international. Elle veut, à ce titre, être le témoin de l’évolution internationale dans ses diverses dimensions, juridique, théorique et pratique, avec un intérêt particulier pour les questions nouvelles ou problématiques. Elle devrait par conséquent intéresser tous ceux auxquels elle s’adresse : enseignants-chercheurs, doctorants, juristes, praticiens et diplomates.

Elle est placée sous la direction de Stéphane Doumbé-Billé, professeur à l’Université Jean Moulin-Lyon 3 où il dirige le Master 2 recherche de droit international public, le centre de droit international et les « Petits Cahier du CDI ».

Parus dans la même collection :

– Doumbe-Billé S., Nouveaux droits de l’homme et internationalisation du droit

– Metou B. M., Le rôle du juge dan sle contentieux international

– Doumbé-Billé S., Justice et solidarité dans la société internationale

A Sidney et Oscar,A la mémoire de Rozenn et du juge René Thomas

Remerciements

Cet ouvrage doit beaucoup à la confiance que le Professeur Alain Piquemal m’a accordée durant ces années de recherche, à son entière disponibilité et aux précieux éclairages qu’il m’a apportés aux cours de nos différentes rencontres.

J’exprime ma profonde gratitude au Professeur Stéphane Doumbé-Billé, ainsi qu’aux Maîtres de conférences HDR Magali Lehardy et Catherine Roche, pour avoir accepté de participer au jury de soutenance.

Je témoigne ma reconnaissance aux professionnels qui m’ont accordée des entretiens et/ou transmis de nombreux documents, me permettant d’enrichir ma recherche.

Je tiens enfin à remercier mes parents ainsi que tous mes proches qui ont procédé à la relecture et à la mise en page de cet ouvrage ou qui, à divers niveaux, ont contribué à son aboutissement par leurs encouragements.

Préface

La place de l’assurance et de la réassurance dans la gestion des risques environnementaux constitue un important sujet de réflexion pour les opérateurs économiques (entreprises et compagnies d’assurance), compte tenu de la montée en puissance des différents risques de pollution environnementale et risques liés aux catastrophes naturelles.

À ce stade se pose la question de l’assurabilité de ce type de risques et les réponses apportées pour le développement des régimes de responsabilité environnementale, notamment dans les pays de l’OCDE. Le présent ouvrage donne un aperçu très complet des problèmes posés et des solutions existantes ou potentielles, notamment à travers le rôle des marchés d’assurance traditionnels et des options de couverture alternatives, allant des mécanismes de compensation de nature publique aux nouveaux produits développés sur les marchés financiers.

L’assurance en matière d’environnement est une activité à hauts risques pour les compagnies qui s’y engagent, tant en raison des incertitudes liées aux pollutions potentielles et aux dommages qui en résultent, qu’en raison des coûts de plus en plus élevés de dépollution en cas d’accident. Les compagnies d’assurance ont-elles la capacité, mais aussi la volonté de continuer à couvrir ces risques ? A la suite de rapports établis par l’OCDE, les réponses apportées par l’ouvrage de Madame Alexandre peuvent le laisser penser, mais à certaines conditions, tout particulièrement s’agissant de l’indispensable coordination entre le secteur de l’assurance et les responsables des politiques publiques.

Pour beaucoup d’entreprises réticentes à acquitter le prix d’une police d’assurance environnementale, le risque de pollution graduelle est souvent sous estimé, même s’il peut être lourd de conséquences. Mais les hésitations peuvent aussi émaner des compagnies d’assurance qui sont réservées à assurer des opérateurs économiques présentant selon leurs critères un risque trop élevé.

Les régimes de responsabilité environnementale des pays de l’OCDE choisis dans cet ouvrage visent à la fois à faire en sorte que des assurances les plus adaptées soient disponibles et qu’il y ait une indemnisation pour les dégâts causés par la pollution. Un des mérites de cet ouvrage est de se pencher de manière critique et constructive, tant sur l’approche internationale, qu’européenne et de droit comparé, avec des exemples bien diversifiés.

Ainsi, la directive 2004/35/CE1 a pour objet d’établir un cadre de responsabilité environnementale en vue de prévenir et de réparer les dommages environnementaux, ceci conformément au principe du développement durable. Elle organise le financement de la réparation des dommages environnementaux en introduisant le principe « pollueur-payeur », qui implique que le pollueur doit supporter les coûts de la pollution et restaurer l’environnement selon certaines modalités. Pour mettre en œuvre ce principe, la directive prévoit la mise en place « d’instruments de garantie financière pour couvrir les responsabilités qui leur incombent ». Comme l’assurance rentre dans la catégorie des garanties financières, les compagnies d’assurance se sont mobilisées sur le sujet afin de proposer des contrats d’assurance environnementale.

L’étude de ce sujet d’actualité apparaît particulièrement pertinente dans la mesure où elle est éclairée par l’expérience nord-américaine. En effet, aux ƒtats-Unis ainsi qu’au Canada, certains risques environnementaux sont déjà assurés par les compagnies d’assurance depuis plusieurs années.

Plusieurs questions se sont posées auxquelles cet ouvrage a eu pour ambition de répondre :

Quelle est l’articulation entre le droit de l’environnement et le droit des assurances, au sein de l’Union européenne et en Amérique du Nord ?

Comment définit-on le risque environnemental ? Est-il un risque comme les autres ? Ou bien, au contraire comporte-t-il des spécificités dues principalement à son ampleur ou sa fréquence que le droit des assurances doit particulièrement prendre en compte ?

Comment se situent les compagnies d’assurance face au risque environnemental ?

Y a-t-il une différence d’appréhension du sujet entre les pays membres de l’Union européenne et l’Amérique du Nord ?

Comment ce sujet se positionne-t-il dans une logique de développement durable ?

Ce sujet technique, mobilisant nombre d’acteurs et confrontant le droit de l’environnement au droit des assurances, tant en Amérique du nord qu’au sein de l’Union européenne, méritait assurément une attention particulière.

La démarche adoptée dans cet ouvrage a été d’opposer l’assurabilité du risque environnemental à l’assurance de ce risque. L’auteur a recherché, en amont, de quelle manière les risques environnementaux étaient assurables d’un point de vue théorique. Elle a ainsi analysé ces risques selon leurs composantes juridique, technique et financière (Partie 1). Ensuite, elle a observé, d’une manière pragmatique, la façon dont les risques environnementaux sont réellement pris en compte, tant par les compagnies d’assurance qu’à un niveau national ou supra-national, et envisagé des solutions de prévention de ces risques par les compagnies d’assurance (Partie 2).

Cette étude, concrète et pratique, a d’abord reposé sur l’analyse des législations européennes et nord-américaines dans le domaine du droit de l’environnement, de la responsabilité civile et environnementale et du droit des assurances, ce qui a permis d’obtenir une vue synoptique des principales réglementations dans ces domaines. Puis, l’auteur a intégré les positions défendues par les professionnels de l’assurance et de la réassurance et par les institutions et les organismes régulateurs européens et nord-américains. Madame Alexandre a ensuite analysé les contrats d’assurance et de réassurance de diverses compagnies d’assurance, de courtiers et de pools sectoriels. Elle s’est également penchée sur la jurisprudence relative à l’assurance des risques environnementaux. Enfin, à titre de comparaison, elle a étudié le fonctionnement d’autres méthodes de protection de l’environnement, à un niveau national ou supra-national, mettant en œuvre le principe de solidarité.

L’auteur a été amenée à étudier des concepts juridiques et assurantiels et à analyser leurs débouchés pratiques, en confrontant ses idées auprès de professionnels (souscripteurs Environnement, avocats, entrepreneurs), tant en France qu’à l’étranger. Elle a également participé en tant qu’experte aux différents colloques relatifs à la directive 2004/35/CE organisés par Insurance Europe et la Commission européenne.

Ses travaux ont permis de rassembler, en le structurant, tout ce qui relève du sujet des risques environnementaux du point de vue de leur assurabilité en partant de bases juridiques. Ils font preuve d’un savoir très conséquent, appuyé sur une bibliographie et des références abondantes. Un tel ouvrage part du droit communément applicable aux assurances de responsabilité et le transpose point par point en matière environnementale. La démarche est systématique, détaillée, argumentée. L’intérêt de l’ouvrage est soutenu par l’aisance avec laquelle elle aborde la situation en Europe et la met en regard avec ce qui se passe aux ƒtats-Unis et au Canada.

Cet ouvrage est issu de la thèse de doctorat portant sur « l’assurabilité et l’assurance du risque environnemental : approches européenne et nord-américaine » que l’auteur a soutenu le 9 juillet 2011 à la Faculté « Institut du Droit de la Paix et du Développement » (laboratoire GEREDIC EA 3180) de l’Université de Nice-Sophia Antipolis et pour laquelle Madame Alexandre a reçu le prix de thèse 2011 Mention « Environnement et développement durable », sponsorisé par la Banque Populaire Côte d’Azur (BPCA).

Preuve que le sujet de cette étude est éminemment d’actualité : les rapports des ƒtats membres sur l’application de la directive 2004/35/CE sont attendus en avril 2013. Le Commission européenne sera alors en mesure de se prononcer sur la question de rendre – ou non – l’assurance environnementale obligatoire.

Cet ouvrage constituera sans doute un apport non négligeable à la réflexion juridique théorique, mais également au monde pratique de l’assurance et, plus largement, des opérateurs économiques, auquel appartient Madame Alexandre depuis plusieurs années.

Alain PIQUEMALProfesseur agrégé des Facultés de droitDoyen de la Faculté « Institut du Droit de la paixet du Développement »,Université de Nice-Sophia Antipolis

1- Directive 2004/35/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux JOCE, 30 avril 2004).

Introduction générale

« Gaïa la Terre enfanta un être égal à elle-même, Ouranos le ciel, capable de la protéger toute entière, qui offrit aux dieux une assise sûre à jamais. Gaïa mit au monde les hautes montagnes (…). Elle enfanta la mer aux furieux gonflements. » Ainsi, Hesiode1 décrit-il dans son ouvrage Théogonie la naissance de la Terre, née de Chaos et de Nuit2. Aujourd’hui, Gaïa la Terre n’est plus traitée comme une divinité majeure. Nos sociétés industrielles la considèrent davantage comme « la grande pourvoyeuse de matières premières, d’énergie et de nourriture, exploitée sans merci »3 qu’un espace à protéger et à préserver. Les catastrophes industrielles de ces dernières années (aux Etats-Unis, en Hongrie ou bien encore au Japon)4 nous rappellent d’ailleurs malheureusement que la Terre subit de graves menaces environnementales. L’équilibre de l’écosystème global où les mers, les plantes, l’atmosphère, le climat et les pollutions interagissent en permanence, est menacé5. A la lumière de ce constat, la protection de l’environnement apparaît comme une urgence, amplifiée par la prise en compte du développement durable*.

Les nombreux acteurs à jouer un rôle pour la préservation de l’environnement se sont multipliés et l’assurance, qui ne cesse de conquérir de nouveaux domaines d’activité, n’est pas restée à l’écart de cette mouvance. Or, il n’existe pas a priori de relation manifeste entre le domaine de l’environnement et celui de l’assurance pas plus qu’il n’en existe entre le droit de l’environnement et le droit des assurances. Tout d’abord, alors que le droit de l’environnement, tel qu’entendu aujourd’hui, est relativement récent6, le droit des assurances est apparu il y a plusieurs siècles. Ensuite, le droit de l’environnement est global et se veut universel (car il implique l’environnement dans son ensemble et la totalité des humains vivant sur la terre)7 alors que le droit des assurances est partiel et individuel dans le sens où il se rencontre davantage dans les pays urbanisés et industrialisés et a un caractère contractuel.

Des affinités entre ces deux droits peuvent cependant être relevées. Ce sont tout d’abord des droits techniques et complexes car leurs périmètres tendent à se densifier au fur et à mesure des avancées sociales, scientifiques et techniques8. Ensuite, qu’il s’agisse du droit de l’environnement ou du droit des assurances, tous deux sont en constante évolution et adaptation, l’un pour préserver l’environnement en fonction des avancées technologiques et sociales, l’autre pour apporter la garantie nécessaire des risques encourus par les personnes, les biens et les activités en fonction de ces mêmes avancées technologiques et sociales. Enfin, ils se situent à la croisée d’autres disciplines juridiques et possèdent un caractère transversal car ils concernent des acteurs tant privés que publics.

Fort de ces premières considérations, le rôle effectif du droit des assurances est analysé au regard de la protection de l’environnement. Il convient tout d’abord de se concentrer sur les sources de ces droits, afin de saisir les raisons de leur naissance et de leur développement, puis de s’accorder sur les définitions essentielles qui serviront de base à cette étude (Section 1). Les fondements des principes directeurs qui sous-tendent le droit de l’environnement et le droit des assurances seront également étudiés (Section 2) pour enfin présenter l’intérêt de l’étude et la délimitation de la recherche (Section 3).

Section 1

Les sources, naissance et développement du droit de l’environnement et du droit des assurances

Les sources, la naissance et le développement du droit de l’environnement et du droit des assurances sont propres à chacun. Il importe de les étudier tour à tour, pour le droit de l’environnement (§ 1) et pour le droit des assurances (§ 2), afin de convenir des définitions sur lesquelles nous allons baser cette étude.

§ 1. Les sources, naissance et développement du droit de l’environnement et ses définitions

Alors que le droit de l’environnement a de multiples sources pour lesquelles il faut remonter relativement loin dans le temps, sa véritable naissance date d’une époque plus récente et est marquée par d’éparses lois nationales avant qu’il ne prenne son essor à l’international (A). Enfin, les définitions relevées reflètent l’évolution de ce droit en mouvance (B).

A. Les sources, naissance et développement du droit de l’environnement

De nombreux écrits existent « montrant que depuis longtemps les humains étaient conscients de leur insertion au milieu de la nature, qui conditionne leur vie »9. En effet, les cultures, les religions et les systèmes légaux à travers le monde contiennent tous des éléments qui respectent et cherchent à conserver les bases naturelles de la vie. De tels principes incluent le respect de la Terre et de tous les êtres vivants, un équilibre entre le développement et la conservation, la gestion des ressources de la Terre, l’équité entre les générations et des droits et des obligations communes.

D’une part, les traditions religieuses du monde entier constituent une base commune pour le droit de l’environnement. Les religions monothéistes ont en ce sens mis en lumière l’interdépendance des humains et des animaux entre eux et avec la nature10, le bouddhisme également11. D’autre part, de très nombreuses civilisations en Afrique, en Amérique du Sud ainsi qu’en Asie relèvent dans leurs cultes que « la Terre est la Déesse mère de l’humanité. Elle est donc à la fois la matrice de l’homme et sa mère nourricière »12. Enfin, le code d’Hammourabi, écrit plus de deux mille ans avant notre ère, réglementait déjà les usages de l’eau par les paysans en Mésopotamie en instaurant des sentences relatives à la distribution de l’eau et aux différentes responsabilités qui en découlent13.

Bien que le droit de l’environnement soit un terme relativement récent, il recouvre cependant un contenu ancien. En effet, les siècles précédents ont connu l’émergence de mesures qui ont été prises pour remédier à certaines pollutions ou nuisances (fumées, bruit, pollution de cours d’eau)14 ainsi que l’énonciation de théories telles que celle liée aux troubles de voisinage. Il faut ensuite attendre le XXe siècle et surtout les années 1960 pour que ce droit prenne véritablement son essor d’un point de vue international.

Tout d’abord, le droit de l’environnement se met en place progressivement en fonctions des catégories à protéger : la faune et la flore, les eaux frontalières, la mer et les fonds sous-marins, l’atmosphère et l’espace extra-atmosphérique. Ainsi, le début du XXe siècle est marqué par les deux premières conventions internationales multilatérales relatives à la protection de certaines espèces de faune sauvage15 suivies par les premiers textes internationaux considérés comme protégeant véritablement l’environnement relatifs à la protection des eaux frontalières contre la pollution16. Puis, les années 1930 mettent en place deux instruments internationaux, « précurseurs de nos conceptions actuelles en la matière »17 : la Convention de Londres du 8 novembre 1933 relative à la conservation de la faune et de la flore à l’état naturel (même si elle ne s’applique à l’époque qu’à l’Afrique) et la Convention de Washington sur la protection de la flore, de la faune et des beautés panoramiques naturelles des pays de l’Amérique, signée à Washington le 12 octobre 1940. Pendant cette même période, de nombreuses dispositions sont prises concernant les eaux frontalières entre les Etats18. Les années 1950 voient ensuite apparaître les premières tentatives de lutte contre la pollution de la mer19. Enfin, les nouvelles technologies, en particulier l’utilisation de l’énergie nucléaire, entraînent une réglementation internationale, aux fins de protection de l’atmosphère, de l’espace extra-atmosphérique et sous l’eau20 ou de la faune et la flore21.

Ensuite, des principes fondamentaux sont édictés par la jurisprudence internationale. Ainsi, la sentence arbitrale du 11 mars 1941, intervenue dans l’affaire de la Fonderie de Trail22 (Etats-Unis contre Canada), est considérée comme ayant véritablement jeté les fondements du droit international de l’environnement, du moins en ce qui concerne les pollutions trans-frontières23. Les membres de la Commission arbitrale ont en effet affirmé, lors de cette affaire, qu’aucun Etat n’a le droit d’user de son territoire ou d’en permettre l’usage de manière telle que des fumées provoquent un préjudice sur le territoire d’un autre Etat ou aux propriétés des personnes qui s’y trouvent. Ainsi, deux principes sont énoncés : 1) la responsabilité de l’Etat est reconnue pour des actes de pollution ayant leur origine sur son territoire et causant des dommages sur le territoire d’autres Etats, même si les actes de pollution ne sont pas imputables à l’Etat lui-même ou à ses organes et 2) pour régler le problème vers une réglementation commune, il est envisagé que les Etats intéressés coopèrent entre eux24.

Enfin, de nombreuses conventions internationales sont conclues et témoignent de l’intérêt croissant des Etats à la préservation de l’environnement. Historiquement, la Convention concernant la pollution des hydrocarbures signée en 1954 dans le cadre de l’Organisation Maritime Internationale (OMI)25 marque le début de la prise de conscience, par la communauté internationale, des dégradations causées à l’environnement marin par l’activité humaine et de la nécessaire lutte contre la pollution. Les années 1970-1980 sont ensuite marquées par la survenance rapprochée de catastrophes environnementales majeures qui témoignent de la vulnérabilité réelle de l’environnement26. La Conférence de Stockholm (1972) permet tout d’abord « d’adopter une conception commune et des principes communs qui inspireront et guideront les efforts des peuples du monde en vue de préserver et d’améliorer l’environnement »27. Cette conférence a permis de rapprocher la protection de l’environnement de celle des droits de l’homme et de voir dans ce texte le premier pas vers la définition de ce qui sera appelé par la suite « le droit à l’environnement »28. En effet, le premier des principes qui suivent le préambule de la Déclaration sur l’environnement29, résultat de la Conférence de Stockholm, affirme le droit fondamental de l’homme à la liberté, à l’égalité et à des conditions de vie satisfaisantes dans un environnement dont la qualité lui permette de vivre dans la dignité et le bien-être. Ce principe ajoute que l’homme a aussi le devoir de protéger et d’améliorer l’environnement30. Toutes ces idées sont rappelées dix années plus tard par la Charte mondiale de la nature (1982)31, signée dans le cadre des Nations-Unies,32 et encore une décennie plus tard, dans la Déclaration de Rio (1992)33.

Le droit de l’environnement s’est donc peu à peu développé grâce à des engagements pris à l’échelle internationale, des expériences législatives aux niveaux nationaux ainsi qu’à des réflexions doctrinales apparues dans des pays à culture et économie différentes répondant à la question : « quel droit pour un meilleur environnement ? ». Dans ce sens, il a été décidé que la finalité du droit de l’environnement était de protéger la nature et ses ressources, lutter contre les pollutions et les nuisances et améliorer la qualité de la vie et la santé publique34.

B. Les définitions de l’environnement

Même si aucun texte juridique n’a défini l’environnement de façon générale, il peut être entendu comme « l’ensemble des éléments biotiques35ou abiotiques36 qui entourent un individu ou une espèce, et dont certains contribuent directement à subvenir à ses besoins »37. Envisagé d’un point de vue global, « l’environnement est l’ensemble des facteurs qui influent sur le milieu dans lequel l’homme vit »38.

Au niveau international, la notion d’environnement a peu à peu évolué, donnant lieu à des définitions de plus en plus précises. La Déclaration de Stockholm sur l’environnement du 16 juin 1972 stipule, dans son deuxième principe, que « les ressources naturelles du globe, y compris l’air, l’eau, la terre, la flore et la faune, et particulièrement les échantillons représentatifs des écosystèmes naturels, doivent être préservés dans l’intérêt des générations présentes et à venir par une planification et une gestion attentive selon que de besoin »39.

Ensuite, la Convention de Berne du 19 septembre 1979 relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe indique que « […] la flore et la faune sauvage constituent un patrimoine naturel d’une valeur esthétique, scientifique, culturelle, récréative, économique et intrinsèque, qu’il importe de préserver et de transmettre aux générations futures »40.

La Convention sur la diversité biologique du 5 juin 1992, quant à elle, ne liste pas les composantes de ce qui peut être inclus par le terme « environnement » mais se focalise sur l’expression de « diversité biologique » et « d’utilisation durable des ressources biologiques » dont les Etats sont responsables41.

Enfin, c’est la Convention de Lugano du 21 juin 1993 sur la responsabilité civile des dommages résultant d’activités dangereuses pour l’environnement42 qui donne une conception extensive de l’environnement, intégrant dans sa définition le patrimoine culturel et le paysage. L’environnement* comprend en effet « les ressources naturelles abiotiques et biotiques, telles que l’air, l’eau, le sol, la faune et la flore et l’interaction entre les mêmes facteurs ; les biens qui composent l’héritage culturel et les aspects caractéristiques du paysage »43.

Nous décidons de retenir cette définition de l’environnement pour l’ensemble de l’ouvrage et proposons de prendre en compte le rôle joué par l’activité humaine sur cet environnement44, ce dernier étant en effet « l’expression des interactions et des relations des êtres vivants (dont l’homme), entre eux avec leur milieu »45. Dans ce sens, il apparaît que l’avènement de l’ère industrielle et des progrès de la technique ont totalement bouleversé les rapports de l’homme avec la nature. En effet, « le profond respect que l’être humain avait toujours porté à la nature […] a été progressivement abandonné à la quête du profit »46. La terre, les rivières, les mers et l’atmosphère ont été progressivement polluées par l’activité industrielle et agricole moderne de l’homme soit par des substances toxiques créées par lui (pesticides, fertilisants) soit par la surproduction de substances existant naturellement (gaz carbonique)47.

Il s’agit désormais d’exposer les sources, la naissance et le développement du droit des assurances (§ 2).

§ 2. Les sources, naissance et développement du droit des assurances et ses définitions

Le droit des assurances, tel qu’appréhendé aujourd’hui, est le fruit d’une lente évolution (A) qui a permis de clarifier progressivement les éléments juridiques, techniques et financiers inclus dans les définitions même de l’assurance (B).

A. Les sources, naissance et développement du droit des assurances

L’assistance mutuelle préexiste à l’assurance. En effet, historiquement, et si l’on remonte à la plus haute Antiquité, les hommes s’organisaient déjà pour venir en aide à ceux qui étaient frappés par le sort, à l’instar des Sumériens. Ensuite, à Athènes, des associations étaient créées permettant le versement de « secours », comme en cas de décès. A Rome, on trouvait également des associations intervenant lors de la survenance de certains événements48.

Malgré ces formes d’assistance mutuelle, l’assurance proprement dite est née du commerce maritime au Moyen-Age dans le monde méditerranéen, son origine étant le « prêt à la grosse fortune »49. Le concept est le suivant : un marchand prête de l’argent qui servira à l’achat de marchandises en outre-mer. Le risque pèse ici sur le marchand, et dans le cas où un naufrage a lieu ou en cas d’acte de piraterie, aucune réclamation n’est possible. En revanche, si un tiers prête de l’argent au profit du capitaine ou du marchand, le risque pèse sur le prêteur. Si le navire revient, l’emprunteur rembourse le prêt augmenté ou « grossi » d’une somme qui compense le risque50.

A l’époque, il n’y a pas encore de répartition de risque global entre d’autres intéressés à l’aventure mais le concept du prix du risque est né, devenant plus tard la prime d’assurance. Cette formule de pré-assurance mélangeait la spéculation et l’assurance : « le commerçant prêteur n’avait droit à aucun remboursement en cas de perte du navire (fonction d’assurance), mais si celui-ci revenait de ses lointains voyages avec sa cargaison de marchandises rares, non seulement le prêteur était remboursé, mais encore il participait largement au profit de l’opération (aspect spéculatif) »51. Puis, la participation spéculative aux bénéfices de l’assurance maritime, « condamnée d’ailleurs par l’Eglise comme usuraire »52 a disparu, ce qui permit à cette assurance de se développer parallèlement au commerce maritime durant les XVe et XVIe siècles.

Le concept de l’assurance maritime se met alors progressivement en place. De manière pragmatique, une marchandise est répartie sur plusieurs navires. En cas de naufrage d’un des navires, la cargaison n’est donc pas entièrement perdue. Les risques ont été répartis entre les propriétaires des navires, ces derniers pouvant détenir eux-mêmes qu’une partie de la cargaison, prévenant ainsi leur risque de perte. La dispersion ou le partage des risques émerge donc, qui conduira ensuite aux techniques de co-assurance* et de réassurance*.

L’assurance est vue comme un « phénomène de civilisation lié aux nouvelles conditions de vie des pays urbanisés et industrialisés au cours des deux derniers siècles »53, son rôle fondamental étant de protéger les patrimoines et les personnes54. L’assurance permet en effet aux assurés de se prémunir en cas de survenance de certains événements pouvant affecter leurs biens. De plus, les assurés peuvent occasionner des dommages à autrui et être tenus de réparer au titre de règles de responsabilité. Les assurances de responsabilité évitent donc à l’auteur du dommage de prélever sur son patrimoine les sommes nécessaires à l’indemnisation des victimes. La même démarche s’effectue si l’on se place au niveau des entreprises. Même si celles-ci sont hétérogènes par leur taille (entreprise artisanale, multinationale, industrielle, commerciale, société de service ou bien encore exploitation agricole), les risques qu’elles assument ne diffèrent guère par leur nature. Les responsabilités de l’entreprise sont de plus en plus lourdes et font peser sur leur patrimoine des dettes de réparation à l’égard de tiers qui peuvent être considérables. Enfin, l’assurance permet de protéger les personnes dans leur intégrité physique en cas d’accident corporel, de maladie et bien sûr de décès. Aujourd’hui, les risques les plus divers peuvent ainsi être garantis à travers des branches ou sous-branches d’assurance : l’incendie, l’automobile, la responsabilité civile, le chômage, le crédit, le vol, la santé, la vie, la dépendance… et les atteintes à l’environnement.

B. Les définitions de l’assurance

L’assurance a pour particularité d’être une activité qui combine des aspects juridiques (1), techniques (2) et financiers (3). Par conséquent, l’assurance donne lieu à diverses définitions.

1. L’aspect juridique de l’assurance

Tout d’abord, l’assurance est considérée, d’un point de vue juridique, comme « une réunion de personnes qui, craignant l’arrivée d’un événement dommageable pour elles, se cotisent pour permettre à ceux qui seront frappés par cet événement, de faire face à ses conséquences »55. Dans cette perspective, l’assurance est un contrat générateur d’engagements réciproques entre l’assuré et l’assureur56. Cette relation juridique est considérée et traitée indépendamment de l’ensemble économique au sein duquel elle se situe techniquement et financièrement. Ainsi, en contrepartie du versement d’une prime (ou cotisation), l’assureur garantit à l’assuré des prestations pécuniaires (indemnités ou prestations forfaitaires), ou en nature (par exemple un rapatriement), dans le cas où le risque prévu se réaliserait (par exemple un vol ou un accident)57. Les éléments fondamentaux du contrat d’assurance sont : le risque à garantir, la prime (c’est-à-dire le prix de la sécurité) et la prestation de garantie en cas de sinistre*. Le contrat est original dans la mesure où la notion d’aléa y joue un rôle primordial. L’exécution de la prestation dépend en effet d’un élément incertain : la réalisation du risque de l’assuré.

2. L’aspect technique de l’assurance

Outre l’aspect juridique, les bases techniques de l’assurance sont de plusieurs ordres. Dans le calcul de sa tarification* du prix de l’assurance, l’assureur doit tenir compte de la probabilité de réalisation des risques couverts pour déterminer le montant des primes qu’il doit recevoir. Il utilise ce que l’on appelle le calcul des probabilités58 et la « loi des grands nombres »59. « L’assureur [doit ainsi compenser], selon les lois de la statistique, un ensemble de risques qu’il assume »60. Les assureurs utilisent les statistiques pour modéliser leurs risques et calculer les primes d’assurance. Les statistiques61 servent à calculer la fréquence et les coûts des sinistres pour déterminer les primes. Or, concernant les risques extrêmes (tels que le terrorisme ou bien dans certains cas le risque environnemental62), la modélisation est plus difficile avec pour conséquence un calcul complexe des primes d’assurance.

3. L’aspect financier de l’assurance

Concernant l’aspect financier, l’assurance répond à plusieurs lois fondamentales. Non seulement l’assureur doit s’efforcer de réunir le maximum d’assurés, et de réaliser en permanence des affaires nouvelles, mais il doit aussi réunir un grand nombre de risques semblables, qui ont les mêmes probabilités de se réaliser (c’est-à-dire des risques homogènes) pour que la compensation entre les risques puissent se faire dans les meilleures conditions. L’assureur doit également éviter de subir des risques qui se réalisent en même temps. Ainsi, il les dispersera grâce à la technique de la co-assurance, ou les transférera en utilisant la technique de la réassurance. Ceci étant dit, l’aspect financier de l’assurance, dans son ensemble, mériterait de nombreux autres développements.

A ce niveau de démonstration, nous retenons la définition suivante de l’assurance*, qui a l’avantage de combiner les trois aspects (juridique, technique et financier)63. Ainsi, l’assurance est « l’opération par laquelle une partie, l’assuré, reçoit l’engagement, moyennant une rémunération, la prime (ou cotisation), pour lui ou pour un tiers, en cas de réalisation d’un risque, d’une prestation (pécuniaire ou en nature) par une autre partie, l’assureur (société d’assurance ou mutuelle d’assurance), qui, prenant en charge un ensemble de risques, les compense conformément aux lois de la statistique »64.

Pour conclure, on peut noter que le droit de l’environnement et le droit des assurances, analysés indépendamment l’un de l’autre, sont distincts au regard de leurs sources, de leur naissance et de leur développement. Les définitions et les champs d’applications de l’environnement et de l’assurance, sur lesquelles nous nous basons, le confirment. Cependant, c’est notamment par le prisme des principes de prévention*, de précaution*, de pollueur-payeur* et du principe indemnitaire que, malgré leurs différences, ces droits peuvent s’associer pour s’acheminer vers le même objectif qu’est la protection de l’environnement (Section 2).

Section 2

Les fondements des principes directeurs en droit de l’environnement et en droit des assurances : convergences ou divergences ?

Que ce soit en droit de l’environnement ou en droit des assurances, il apparaît que les principes de prévention et de précaution, ainsi que des principes plus économiques tels que le principe de pollueur-payeur pour l’environnement et les principes de sauvetage et indemnitaire pour le droit des assurances, jouent un rôle important. La question est de savoir si ces principes répondent aux mêmes définitions et objectifs pour le droit de l’environnement et le droit des assurances et s’ils permettent la rencontre effective entre ces deux droits. Il importe donc avant tout de se pencher sur les fondements des principes de prévention, de précaution et de pollueur-payeur en droit de l’environnement (§ 1) avant d’étudier les fondements des principes précités et des principes de sauvetage et indemnitaire pour le droit des assurances (§ 2).

§ 1. Les fondements des principes de précaution, de prévention et de pollueur-payeur en droit de l’environnement

Les principes de prévention (A), de précaution (B) et de pollueur-payeur (C) ont été consacrés dans différentes conventions internationales relatives à l’environnement puis dans les législations de droit interne. Il a été établi que « ces principes communs aux peuples de la planète sont l’expression d’une solidarité mondiale due à la globalité des problèmes d’environnement »65.

A. Le principe de prévention en droit de l’environnement

Le premier principe à influencer le droit de l’environnement est le principe de prévention. A l’échelle internationale, ce principe est mentionné de manière expresse à partir de la Conférence de Rio de Janeiro tenue en juin 1992 dans le cadre de l’Assemblée des Nations unies ayant notamment donné lieu à la Convention sur la diversité biologique66 . Le point 8 de son Préambule67 intègre en effet la notion de prévention dans la mesure où il est stipulé que, pour assurer une gestion écologique rationnelle, il convient selon la formule d’usage, « de prévenir plutôt que de guérir », et « anticiper » est un des moyens de cette prévention68. Concrètement, prévenir consiste donc à « empêcher la survenance d’atteintes à l’environnement par des mesures appropriées dites préventives avant l’élaboration d’un plan ou la réalisation d’un ouvrage ou d’une activité »69. Au niveau national, la prise de conscience de la nécessité de protéger l’environnement par la prévention a engendré l’adoption de législations sectorielles, dans certains cas bien avant 1992, en Amérique du Nord et au sein de l’Union européenne. Ces législations ont imposé de plus en plus de restrictions envers les industriels.

Tout d’abord Aux Etats-Unis, le Clean Air Act (CAA)70 ainsi que le Clean Water Act (CWA)71, adoptés respectivement en 1970 et 1977, ont eu comme objectif de restreindre le rejet des substances dangereuses dans l’atmosphère et dans l’eau. Le Resource Conservation And Recovery Act (RCRA), voté en 197672 a, quant à lui, établi des standards de gestion des substances dangereuses, relatifs à l’émission, au transport, au stockage ou bien encore au traitement de ces substances.

Ensuite, durant cette même décennie, nous trouvons au Canada de nombreuses lois sur l’air pur, l’eau, les espèces sauvages et leur habitat, les oiseaux migrateurs et les pêches mais il faut attendre quelques années avant que d’autres législations démontrent efficacement l’introduction du principe de la prévention. Ainsi, la Loi Canadienne sur l’Evaluation Environnementale (LCEE)73, adoptée en 1994, garantit que les effets environnementaux des projets sont soigneusement examinés avant que les autorités fédérales agissent, de sorte que les projets ne causent aucun effet environnemental négatif important. Cette loi encourage les autorités fédérales à prendre des mesures qui favorisent le développement durable et préconise la collaboration et les mesures coordonnées entre l’Etat fédéral et les états provinciaux en matière d’évaluation environnementale. La Loi Canadienne sur la Protection de l’Environnement (LCPE)74, votée en 1999 vise, quant à elle, la prévention de la pollution et la protection de l’environnement et de la santé humaine en vue de contribuer au développement durable75.

Enfin, l’Union européenne a adopté plusieurs directives relatives aux déchets (1975)76, à l’eau (1976)77, aux oiseaux sauvages (1979)78 et à l’air (1984)79 garantissant la prévention des atteintes à l’environnement. Puis, la directive SEVESO (1982)80, qui concerne les risques d’accidents majeurs de certaines activités industrielles, prend en compte l’ensemble des émissions et des risques d’une installation. Il est dit que cette directive « représente le meilleur exemple européen de dispositifs de prévention des risques majeurs »81. Ensuite, la directive IPPC (1996)82, relative à la prévention et à la réduction de la pollution, introduit elle aussi ce principe, tout comme la directive relative à la conservation des habitats naturels, de la faune et de la flore sauvages, qui vise à contribuer au maintien de la biodiversité (1992)83. Enfin, la directive sur la Responsabilité environnementale en vue de la prévention et de la réparation des dommages environnementaux (2004)84 ainsi que le Règlement REACH(2007)85, relatif à l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, prennent eux aussi en compte le principe de prévention.

B. Le principe de précaution en droit de l’environnement

Le principe de précaution entraîne une répercussion sur le droit de l’environnement. Alors même que sa « naissance » reste controversée86, il a été formulé dans la Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement87 de la manière suivante : « Pour protéger l’environnement, des mesures de précaution doivent être largement appliquées par les Etats selon leurs capacités. En cas de risque de dommages graves et irréversibles, l’absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l’adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de l’environnement » (principe 15). Ce principe apparaît ensuite dans la quasi-totalité des conventions établies postérieurement à la Déclaration de Rio88 et témoigne, selon H. Trudeau, « d’une adhésion des Etats à une approche fondée sur la précaution, c’est-à-dire sur l’idée qu’il n’est pas approprié d’attendre la preuve irréfutable de l’existence d’un risque potentiel avant de chercher à le circonscrire »89.

S’il est difficile de s’entendre sur une définition commune du principe de précaution, son sens général est le suivant : l’absence de certitude scientifique ne saurait être considérée comme une absence de risque90. Ainsi, il vaut mieux prendre des mesures de protection à titre de précaution que de ne pas agir du tout. Né en matière d’environnement, le principe de précaution s’applique désormais à la protection de la santé humaine, animale, végétale91.

L’interprétation du principe de précaution semble différente en Amérique du Nord et en Europe. Selon H. Trudeau, ce principe serait analysé de manière plus extensive en Europe qu’en Amérique du Nord92, prenant en compte les craintes présentes chez les populations concernées. A ce sujet, le Canada suivrait, selon ce même auteur, la position européenne93.

Tout d’abord, aux Etats-Unis, la doctrine est divisée sur la question de ce principe. Pour certains auteurs américains, le principe de précaution constitue « un moyen déguisé d’imposer des mesures protectionnistes visant à protéger des marchés commerciaux ou encore le reflet d’une position extrémiste allant à l’encontre de la science et du progrès »94. Par conséquent, en cas d’incertitude scientifique, prendre en compte le principe de précaution signifie analyser et gérer les risques potentiels mais de manière limitée à des facteurs clairement scientifiques et en ajoutant l’évaluation économique du coût des mesures envisagées. D’autres auteurs, en revanche, sont plutôt favorables à la reconnaissance du principe de précaution et proposent « d’appliquer celui-ci à toute activité nouvelle susceptible de générer des risques potentiels pour l’environnement »95. C’est la première interprétation qui domine aux Etats-Unis.

Ensuite, au Canada, le principe de précaution a été intégré explicitement dans certaines lois de protection de l’environnement96, notamment la Loi Canadienne sur la Protection de l’Environnement (LCPE) (1999)97. Celle-ci vise, selon H. Trudeau, « tout autant à prévenir les risques que peuvent présenter des substances nouvelles, non encore autorisées au Canada, qu’à évaluer « à rebours » l’éventuelle toxicité des substances déjà présentes en sol canadien »98.

Enfin, au sein de l’Union européenne, le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE)99 se réfère explicitement au principe de précaution100. Ce dernier peut être invoqué quand il est besoin d’une intervention urgente face à un possible danger pour la santé humaine, animale ou végétale et pour la protection de l’environnement dans le cas où les données scientifiques ne permettent pas une évaluation complète du risque101. Il n’y a recours au principe de précaution que lorsque trois conditions préalables sont remplies, à savoir l’identification des effets potentiellement négatifs, l’évaluation des données scientifiques disponibles et l’étendue de l’incertitude scientifique.

C. Le principe du pollueur-payeur en droit de l’environnement

Le principe du « pollueur-payeur » est le troisième principe à avoir une influence directe sur le droit de l’environnement. De caractère plus économique que juridique, ce principe est pour la première fois énoncé dans la recommandation de l’Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE) du 26 mai 1972102 dans laquelle il est affirmé que les coûts de pollution sont affectés à leurs responsables. Ce principe va de pair avec la recherche de la responsabilité des pollueurs et a été un composant essentiel dans l’élaboration des régimes de responsabilité environnementale103. D’une manière pragmatique, ce principe suggère que le pollueur doit supporter les coûts de la pollution et qu’il doit restaurer l’environnement de manière acceptable.

Aux Etats-Unis, c’est avec le Comprehensive Environmental Response Compensation and Liability Act (CERCLA 1980)104 que le principe fut réellement appliqué. Cette législation marqua un tournant dans législation environnementale américaine. Un fonds fédéral, appelé Superfund et alimenté par des taxes sur les produits chimiques et les produits bruts, fut créé, dont l’objet est de financer les actions de nettoyage et d’assainissement des sites pollués orphelins. Parallèlement, le principe de responsabilité stricte et conjointe (strict liability, joint and several) fut mis en œuvre par cette législation. D’une part, la notion de strict liability implique que si le nouveau propriétaire d’un terrain découvre que ce dernier est pollué, il doit le nettoyer et il n’a pas de défense possible pour éviter de le nettoyer. D’autre part, la notion de joint and several signifie que si plusieurs industriels ont pollué un terrain, le coût de la dépollution doit être divisé par le nombre d’industriels. Mais, si seulement un des industriels peut payer, celui-ci va entièrement supporter le coût de la dépollution.

Ensuite, au Canada, le principe du pollueur-payeur n’est pas intégré spécifiquement dans la législation fédérale. En revanche, au Québec, il figure à la Loi sur le développement durable adoptée le 19 avril 2006 qui établit un nouveau cadre de gestion pour tous les ministères, organismes et entreprises du gouvernement du Québec105.

Enfin, au niveau européen, le Livre Blanc sur la responsabilité environnementale106 a défini la structure du système communautaire de responsabilité environnementale qui vise à mettre en œuvre le principe du pollueur-payeur. Il était spécifié que le mécanisme proposé s’appliquerait non seulement en cas d’atteinte aux personnes et aux biens et de contamination de sites, mais également en cas de dommages touchant le milieu naturel. La responsabilité environnementale y était ainsi définie comme l’instrument par lequel celui qui occasionne une atteinte à l’environnement (le pollueur) est amené à payer pour remédier aux dommages qu’il a causé. Héritière directe du Livre Blanc, la directive 2004/35/CE sur la responsabilité environnementale en vue de la prévention et de la réparation des dommages environnementaux107 (ci-après « directive 2004/35/CE ») a pour objet d’établir un cadre de responsabilité environnementale, fondé sur le principe du pollueur-payeur108, principe précédemment énoncé dans le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE)109. La directive 2004/35/CE vise à faire en sorte qu’une personne ou une entreprise, le pollueur, qui a occasionné des dommages : aux espèces et habitats naturels protégés, affectant les eaux ou les sols, verse une somme d’argent pour remédier aux dommages sur un principe de responsabilité, sans faute ou sur faute110.

Le régime de responsabilité environnementale instauré par la directive 2004/35/CE implique la problématique du financement de la réparation des dommages environnementaux111. Il est en effet entendu que « l’efficacité de tout régime de responsabilité juridique dépend de l’existence d’un système de garantie financière effectif fondé sur la transparence et la sécurité juridique en matière de responsabilité »112. A l’instar des garanties bancaires et des réserves internes ou des systèmes sectoriels de mise en commun, l’assurance environnementale constitue l’une des manières d’obtenir une garantie financière.

Les fondements des principes de prévention, de précaution et de pollueur-payeur innervent le droit de l’environnement depuis quelques décennies. Ces principes, nous allons le voir, existent également en droit des assurances, même si leur interprétation peut différer (§ 2).

§ 2. Les fondements des principes de prévention, de sauvetage, de précaution et indemnitaire en droit des assurances

Alors que les principes de prévention, de sauvetage et indemnitaire sont des notions classiques du droit des assurances113, le principe de précaution est abordé de manière moins manifeste. Il convient d’analyser ces principes tour à tour, d’une manière chronologique, en allant du principe de prévention (A) au principe indemnitaire (D) et en passant par le principe de précaution (B) et de sauvetage (C).

A. Le principe de prévention en droit des assurances

Tout d’abord, et de manière générale car non limitée à l’assurance, la prévention est définie en droit comme « l’ensemble de mesures et institutions destinées à empêcher – ou au moins à limiter – la réalisation d’un risque, la production d’un dommage, l’accomplissement d’actes nuisibles, etc., en s’efforçant d’en supprimer les causes… »114. La prévention en droit des assurances reprend l’essentiel de cette définition, dans le sens où elle concerne « l’ensemble de mesures et d’actions qui tendent à éviter la réalisation d’un sinistre ou à en diminuer les conséquences »115. Son objet est donc multiple car elle vise non seulement à diminuer, voire éliminer la fréquence des sinistres, mais aussi à minimiser leur intensité, et également à réduire le coût moyen des sinistres qu’on a pu éviter116. Sur une échelle de temps, les mesures de prévention se situent ainsi classiquement avant la réalisation du risque.

Ensuite, l’assurance et la prévention sont étroitement liées dans la mesure où ces notions relèvent de la solidarité. « Solidarité pour aider ceux qui sont frappés par le sort, solidarité pour prévenir les accidents et faire baisser le nombre de victimes. »117 Ecrit d’une autre manière, « l’assurance [continue] de remplir une double fonction : individuelle en ce qu’elle couvre le risque d’une entreprise, d’une collectivité ou d’un particulier, collective en ce qu’elle contraint directement ou indirectement à tout mettre en œuvre pour prévenir le risque, ce qui bénéficie à tous les acteurs de la société, s’agissant notamment de risques industriels et/ou technologiques. Dès lors, le principe de prévention est co-existentiel de l’assurance et il introduit une contrainte vertueuse »118.

Enfin, d’un point de vue financier, la prévention joue un rôle de plus en plus important pour l’assurance dans l’équilibre entre le taux des primes et la fréquence des sinistres. En effet, le bénéfice de la prévention va à la mutualité des assurés, la prévention tendant à réduire le coût de la prime d’assurance. Or, s’il y a une hausse excessive des sinistres, on assistera à une croissance des taux de prime difficilement supportable par les assurés. Pour retrouver un équilibre technique, il faudra que les sinistres baissent en fréquence et/ou en coût moyen, « … et ceci est le rôle de la prévention »119.

B. Le principe de précaution en droit des assurances

Concernant le principe de précaution en droit des assurances, celui-ci semble différent du principe de précaution envisagé par le droit de l’environnement. Par définition, le principe de précaution s’étend à tous les cas où il y a volonté de se préserver des conséquences d’un dommage dont on ignore s’il s’est ou non déjà produit. Sur l’échelle temporelle des risques, il se situe entre la prévention et le sauvetage.

Si la mesure de précaution est antérieure au risque, deux cas sont distingués : en cas de sinistre, la mesure aura permis de réduire les conséquences ; si un sinistre ne survient pas, la mesure aura été prise en pure perte. Cette double incertitude fait peser la prise en charge de la mesure par l’assuré.

Dans le cas où la mesure de précaution est postérieure au dommage, ce qui est davantage probable, la question est de savoir si la mesure prise alors que le risque est avéré, ou à une époque où le risque n’est pas établi, doit être qualifiée de sauvetage. En réalité, il s’avère que « la précaution, c’est finalement de la prévention a posteriori »120 et que son coût reste supporté par l’assuré, sauf clause contraire. Le défaut de précaution, en revanche, est supporté par l’assureur même si ce n’est pas pour autant qu’il le garantira. Il prendra alors dans ce cas la forme d’une exclusion.

C. Le principe de sauvetage en droit des assurances

Le principe de sauvetage est une notion également très liée à l’assurance. Les différences entre les mesures de prévention et les mesures de sauvetage sont tenues et relèvent de deux points : tout d’abord, les mesures de sauvetage, appelées pareillement mesures de sauvegarde ou de préservation, n’interviennent pas au même moment sur l’échelle des risques que les mesures de prévention. En effet, les mesures de sauvetage entrent en jeu après le sinistre, dont elles tendent à diminuer, voire empêcher les conséquences dommageables. De plus, d’un point de vue financier, la position de principe est que « le financement du sauvetage est (ou devrait être) supporté par l’assureur alors que celui de prévention l’est par l’assuré »121.

D. Le principe indemnitaire en droit des assurances

Le principe indemnitaire joue un rôle primordial en droit des assurances. Ce principe, combiné avec l’intérêt même de l’assurance, a permis historiquement à cette dernière de se distinguer du jeu ou du pari. Il est devenu un caractère essentiel du contrat d’assurance pour éviter les spéculations.

Si nous remontons au XVIe siècle, le Guidon de la mer122 (premier texte lié à l’assurance en France) exigea que l’assurance repose sur un risque réel auquel est exposé le souscripteur ou l’assuré pour compte, ce dernier ne pouvant s’enrichir à l’occasion d’un sinistre. Après maintes controverses sur le sujet intervenues au cours du XIXe siècle et jusqu’au début du XXe siècle, il apparaît aujourd’hui que le principe indemnitaire participe de la nature même des assurances de dommages, de responsabilité ou de choses mais qu’« on ne saurait en faire un élément commun à tous les contrats d’assurance, mais seulement à certains d’entre eux »123.

Contractuellement, le principe indemnitaire prend forme dans les obligations distinctes de l’assurance : l’obligation de couverture du risque et l’obligation d’exécuter la prestation convenue en cas de sinistre.

Le principe indemnitaire suppose que le préjudice subi du fait d’un dommage corporel, matériel ou pécuniaire (immatériel) soit évalué de manière correcte et juste. Il sera ainsi fait appel à l’expertise amiable ou judiciaire pour apporter à l’assureur les données techniques de cette évaluation. Le préjudice sera analysé comme une perte subie (damnum emergens) ou comme un gain manqué (lucrum cessans) du fait du sinistre, conformément aux règles de responsabilité civile. L’indemnité due, résultant de l’évaluation, ne peut être supérieure au montant de la valeur de la chose assurée au moment du sinistre. En effet, « le principe indemnitaire s’énonce volontiers comme l’indemnisation de tout le préjudice subi et rien que du préjudice subi »124.

Concrètement, la réparation du préjudice en tant que perte subie est difficilement applicable si l’on est confronté à un sinistre total ou à un sinistre partiel. Dans l’hypothèse d’un sinistre total, il faudra connaître la valeur de la chose assurée, établir la preuve de la valeur de la chose et recourir à l’évaluation des dommages. Dans l’hypothèse d’un sinistre partiel, soit on aura recours à une évaluation indirecte et dans ce cas, l’indemnisation du coût des réparations sera celle comprise dans la limite de la valeur de remplacement du bien, soit on aura recours à une évaluation indirecte et dans ce cas, l’indemnisation sera égale à la valeur de la chose déduite de la valeur de sauvetage. La réparation du préjudice en tant que gain manqué, quant à elle, est conforme au principe indemnitaire. Les exemples inclus dans les contrats d’assurance ne manquent pas : indemnisation pour les frais généraux qui continuent à courir et indemnisation pour perte des bénéfices dans une assurance incendie des risques industriels, une assurance de récoltes ou bien encore une assurance contre la grêle.

Enfin, la prestation liée à l’indemnisation est variée : elle peut être une prestation pécuniaire versée sous la forme d’une somme d’argent. Elle sera alors, selon le contrat envisagé, forfaitaire ou non forfaitaire, ou pourra prendre la forme d’un capital ou d’une rente temporaire ou viagère pendant la durée de vie du bénéficiaire. La prestation peut également être versée en nature, elle est alors appelée prestation de service (assistance et protection juridique, rapatriement dans le cas d’une assurance liée à un voyage).

Pour conclure, le droit de l’environnement et le droit des assurances sont des droits qui ont recours à différents principes : principe de prévention, précaution, pollueur payeur pour le droit de l’environnement, principe de prévention, de sauvetage, de précaution ou indemnitaire pour le droit des assurances. Mêmes si certains de ces principes ont une appellation similaire, leur définition peut être différente selon le droit envisagé. C’est la combinaison de ces principes en droit de l’environnement, d’une part, et en droit des assurances, d’autre part, qui fait que les dommages environnementaux vont pouvoir, ou non être réparés et indemnisés. Autrement dit, c’est en analysant cette association de principes que nous allons envisager la manière dont les dommages environnementaux vont pouvoir donner lieu à une réparation et une indemnisation et la manière dont les dommages environnementaux vont pouvoir être évités ou limités. L’intérêt de l’étude et la délimitation de la recherche sont envisagés, avant d’aborder le fond du sujet.

Section 3

L’intérêt de l’étude et la délimitation de la recherche

Dégager la problématique générale de l’assurance face à la responsabilité environnementale conduit à se demander de quelle manière le risque environnemental est assurable et quelles sont les limites à l’assurance de ce risque, quelles soient juridiques, techniques ou financières. En effet, il s’agit à la fois de tenir compte des positions défendues par les compagnies d’assurance nord-américaines et européennes face à ce questionnement en gardant à l’esprit, comme objectif ultime, la protection de l’environnement.

Il convient dès lors d’aborder l’intérêt de l’étude (§ 1) et la délimitation de la recherche (§ 2).

§ 1. L’intérêt de l’étude

A partir du moment où il a été établi que tous les moyens financiers devaient être mis en œuvre pour réparer les conséquences désastreuses des catastrophes industrielles sur l’environnement et la santé humaine, la question du paiement et du financement des réparations liées à ces catastrophes s’est posée. Le droit des assurances est ainsi apparu, notamment à partir de la Convention de Lugano125, comme un des leviers possibles pour financer la réparation des atteintes à l’environnement. En effet, c’est parce qu’il existe un risque de dégradation de l’environnement que l’assurance, en tant que garantie financière, peut être appelée à répondre à cet enjeu.

L’intérêt de la recherche réside tout d’abord dans la confrontation entre l’appréhension des risques environnementaux par le droit des assurances d’un point de vue théorique et l’analyse pragmatique des garanties d’assurance environnementale, telles que présentes sur les marchés nord-américain et européen. Il est permis de se demander si ces garanties répondent réellement aux attentes des entreprises ainsi qu’aux problématiques actuelles concernant la protection de l’environnement.

Historiquement, la rencontre directe du droit des assurances avec le droit de l’environnement date des années 1970, décennie au cours de laquelle les compagnies d’assurance ont incorporé le risque environnemental dans leurs garanties existantes ou ont créé des garanties d’assurance environnementales particulières proposées aux industriels126. Cependant, face aux contraintes économiques de l’époque, les compagnies d’assurance ont peu à peu refusé de prendre en charge ce risque127.

Après une période de transition pendant laquelle les compagnies d’assurance sont revenues timidement sur le marché de l’assurance environnementale, ces dernières sont aujourd’hui bien implantées sur le marché américain128. Parallèlement, nous sommes témoins d’une nouvelle vague de la mise sur le marché de polices environnementales au sein de l’Union européenne suite à la transposition de la directive 2004/35/CE sur la responsabilité environnementale129 dans les divers Etats membres130.

De quelle manière les risques environnementaux sont-ils assurables ? De quelle branche d’assurance dépendent-ils et quelles sont les limites qui sont apportées actuellement par les compagnies d’assurance face à ces risques ? Il importera d’approfondir la réflexion, et de se demander si l’expérience d’autres droits, notamment le droit maritime et le droit relatif au nucléaire, dans le domaine de la mutualisation et de la solidarité à l’échelle nationale et internationale, peut bénéficier à la problématique de l’assurance des risques environnementaux. Enfin, du fait de l’objectif affiché de cette étude, qui est la protection de l’environnement, une réflexion est nécessaire quant à la méthode employée par le droit des assurances, qui vise à la prévention et la réparation de ces risques. Les différents vocables relatifs à notre sujet doivent désormais être expliqués afin de le délimiter (§ 2).

§ 2. La délimitation du sujet

Afin d’appréhender l’assurance du risque environnemental, en premier lieu nous analyserons le mot risque*. Notre quotidien nous renvoie régulièrement à ce vocable, que cela soit dans le domaine privé ou professionnel : risque d’accident de la circulation, risque de chômage, risque de maladie, risque de tempête et de tsunami, risque de change ou bien encore risque de crédit. Une telle liste n’est évidemment pas exhaustive.

Le terme risque renvoie à l’italien risco ou à l’espagnol riesgo qui signifie l’écueil qui menace les navires et, au-delà, tout danger auquel sont exposées les marchandises en mer131. Il désigne la possibilité de rencontrer un danger ou de subir un tort ou un sinistre132 et a comme synonyme, que cela soit en langue française133 ou en langue anglaise134, les vocables suivants : danger, aléa, hasard, inconvénient, péril. Le risque se distingue cependant du danger dont l’étymologie nous ramène au latin dominarium, le pouvoir de dominer. Le risque est accidentel, c’est un aléa qui ne résulte pas d’une volonté de nuire. Notons toutefois, que dans le langage courant, le danger et le risque sont parfois confondus.

De nombreux sociologues se sont penchés sur la notion du risque et son rôle dans nos sociétés actuelles. Comme l’a tout d’abord expliqué F. Ewald, en prenant comme exemple la France aux XIXe et XXe siècles, les usages de la notion de risque et le développement concomitant des assurances ont permis de proposer un nouveau type de contrat social, aboutissant ainsi à ce qu’il est possible d’appeler des « sociétés assurantielles »135. Aujourd’hui, certains risques défient les techniques actuarielles usuelles, tels que les risques d’atteintes à l’environnement, à cause de leur caractère rarissime et gravissimes, réflexion qui permet au sociologue allemand U. Beck de forger et de populariser la notion de « société du risque »136 en soulignant la gravité des risques contemporains et mettant en cause leur origine humaine137. Or, la question est de savoir si la « société du risque » est caractérisée par la prolifération de nouveaux dangers, ou par la diffusion d’une nouvelle attitude à l’égard des dangers. C’est sur ce point que s’est penché A. Giddens pour lequel le risque est devenu une nouvelle norme comportementale à laquelle chacun est tenu d’adhérer, qu’il appelle la « culture du risque » et qu’il définit comme « un aspect culturel fondamental de la modernité, par lequel la conscience des risques encourus devient un moyen de coloniser le futur »138. Dans une même continuité, P. Peretti-Watel écrit que « la vraie originalité des sociétés contemporaines réside peut-être moins dans l’apparition de nouvelles menaces, écologiques, technologiques ou sanitaires, que dans la diffusion d’une nouvelle norme comportementale qui régirait aussi bien les rapports à soi que les rapports aux autres »139. D’une application directe au domaine de l’assurance, P. Peretti-Watel analyse la prolifération du risque dans notre quotidien comme une nouvelle conception du danger qui s’appuie sur des arguments chiffrés et qui est un danger sans cause, prévisible et calculable140. Enfin, si nous vivons dans une société du risque, il n’en demeure pas moins que nous connaissons aussi un phénomène d’aversion au risque141, dans la mesure où certaines personnes ne prendront plus de risque qu’en échange de rendements plus élevés.

De la sociologie, passons au droit des assurances. Le risque n’a pas reçu de définition légale142 mais peut tout d’abord être défini comme « l’événement dommageable contre l’arrivée duquel on cherche à se prémunir »143. Le risque ne se limite pas à être un événement incertain mais est une notion plus riche, plus complète144. Du point de vue de la jurisprudence et de la doctrine, le risque est « l’événement aléatoire, quant à sa réalisation ou sa date de survenance, qui atteint, dans des circonstances définies par les parties, des biens, des personnes ou des activités »145. La jurisprudence a parfois fait référence à la notion « d’élément incertain qui ne dépend pas exclusivement de la volonté des parties… »146. Certains auteurs ont distingué plusieurs acceptions, en fonction de l’angle de vue considéré147 :

Le risque événement, c’est-à-dire l’éventualité d’un événement aléatoire qui constitue l’essence même du contrat d’assurance. Le risque objet de la garantie, c’est-à-dire les biens, les personnes ou les activités menacés par la survenance d’un événement aléatoire et auxquels s’applique la garantie. Le risque dommage, qui se réfère non à la cause du sinistre, mais à ses conséquences148.

Le risque est donc une notion protéiforme149, qui revêt une multitude de sens150 et joue un rôle essentiel pour le droit des assurances. En effet, entre la prime, le sinistre et le risque, ce dernier est l’aspect le plus fondamental pour l’assurance car il détermine les deux autres. En effet, le calcul de la prime comme la réalisation du sinistre sont fonction du risque assuré151.

Le risque environnemental*