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Pour qui cherche à définir la personnalité de la Roumanie, le premier caractère qui retient l'attention est sa diversité. La Roumanie est un carrefour culturel. L'histoire l'associe au monde balkanique, puisqu'elle a subi comme lui l'influence religieuse et artistique de Byzance et le joug ottoman …

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ISBN : 9782341001922

© Encyclopædia Universalis France, 2019. Tous droits réservés.

Photo de couverture : © Charcompix/Shutterstock

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Roumanie

Introduction

Pour qui cherche à définir la personnalité de la Roumanie, le premier caractère qui retient l’attention est sa diversité. La Roumanie est un carrefour culturel. L’histoire l’associe au monde balkanique, puisqu’elle a subi comme lui l’influence religieuse et artistique de Byzance et le joug ottoman. Mais elle n’atteste pas moins sa vocation carpato-danubienne, que la géographie impose, c’est-à-dire l’ouverture vers le monde germanique et hongrois, et par-delà, vers la civilisation occidentale, c’est-à-dire le catholicisme, la Réforme, le mouvement des Lumières et le romantisme.

Roumanie : drapeau. Roumanie (1848 ; modif. 1866 et 1989). La révolution de 1848 avait donné au drapeau roumain ses trois couleurs, réplique des couleurs héraldiques de la Moldavie et de la Valachie sous la férule ottomane ; la disposition de ces couleurs à la verticale date de 1866. L'avènement de Nicolae Ceausescu y avait ajouté en 1965 les armes d'État portant les symboles des richesses naturelles du pays : forêt, derrick, épis de blé, montagne et soleil, surmontés de l'étoile rouge du communisme. C'est cet écusson abhorré que les manifestants arrachèrent de tous les drapeaux dès le 22 décembre 1989. Par décret du 28 décembre, le drapeau roumain redevient un simple tricolore bleu-jaune-rouge ; mais le fameux « drapeau troué » restera pour longtemps le symbole historique de la révolution de 1989. Il est aujourd'hui identique à celui du Tchad, ce qui pose problème.

L’essentiel reste pourtant le principe d’unité, qui s’oppose aux forces centrifuges qu’aurait pu produire cette diversité : la latinité que Trajan lui a imprimée et qui ne s’est jamais effacée. C’est ce qui lui a permis de résister, démographiquement et linguistiquement, au déferlement des Slaves au Moyen Âge et, intellectuellement plus tard, au prestige de l’hellénisme. Et c’est aussi la conscience de sa latinité, ravivée aux moments décisifs de son histoire (1848, 1856-1859, 1916-1918) par un attrait privilégié pour la France, qui a cimenté l’unité nationale de la Roumanie et rendu possible le rassemblement des principautés de Transylvanie et de Moldo-Valachie, si longtemps séparées par des destins différents.

Robert PHILIPPOT

Occupée par l’Armée rouge en 1944, la Roumanie s’est vu imposer un régime de type soviétique alors qu’elle n’avait même pas eu le temps de s’accoutumer, dans l’entre-deux-guerres, à la démocratie. Dans les années 1960 et 1970, le pouvoir a semblé faire preuve d’une certaine volonté d’indépendance. Cependant, la crise mondiale, combinée aux insuffisances d’une politique dirigiste à l’extrême, les errements d’un régime qui s’avéra de plus en plus despotique placèrent la Roumanie dans l’orbite soviétique. Mais l’exaspération de tout un peuple maintenu dans le sous-développement aboutit à la révolution de décembre 1989. Le pays peine à s’adapter à l’économie de marché, mais entreprend un rapprochement avec l’Ouest, qui se concrétise par l’entrée dans l’O.T.A.N. en 2004 et dans l’Union européenne en 2007.

Valentin VIVIER

1. Géographie et économie

• Le cadre naturel

Avec une superficie de 237 000 kilomètres carrés, la Roumanie est un pays de taille moyenne. L’architectonique s’organise autour des Carpates, chaîne de montagnes d’orogenèse tertiaire et d’altitude peu élevée (2 543 m au mont Moldoveanu), faiblement marquée par l’empreinte glaciaire. Le pays comprend environ un tiers de montagnes, un tiers de collines, un tiers de plaines. Il se constitue d’un plateau central, la Transylvanie, enserré par la chaîne des Carpates, de l’arc des collines péricarpatiques, et de plaines qui s’évasent vers les frontières. Le Danube et la Dobroudja (Dobrogea) échappent à cet ensemble. L’architecture du relief et l’histoire géologique expliquent la localisation des ressources naturelles et celle du peuplement.

Monts  Făgăraș, Roumanie. Dans les Carpates méridionales, la Transylvanie est dominée par un important massif montagneux, le plus haut du pays (2 544 mètres d'altitude), les monts Făgăraș. (P. Stelian/ Shutterstock)

La longue orogenèse des Carpates a donné lieu à des effondrements produisant d’importantes dépressions qui ont attiré les premiers habitants du Paléolithique à la période des grandes invasions. Elles servirent alors de refuge. Dans les Carpates orientales, fragmentées par les dépressions de Maramureş, Dorna, Bîrsa, d’importants centres urbains se sont développés, le plus important étant celui de Braşov, ville industrielle et centre touristique. Les Carpates méridionales sont plus massives. La partie supérieure est dénudée, couverte de pâturages où transhument, l’été, les ovins venus des dépressions peu nombreuses, mais capitales pour l’économie du pays : celle de Haţeg, reliée par des couloirs aux bassins des rivières Mureş, Timiş et Jiu. Des centres métallurgiques s’y sont installés. C’est vers le sud, dans la dépression de Petroşani – dont les dépôts tertiaires contiennent des couches de charbon – que sont implantées les villes minières, Petroşani, Uricani. Les Carpates occidentales, montagnes du Banat et monts Apuseni, présentent un relief non homogène. Le sous-sol est riche en minerai métallifère non ferreux et en houille. Les combinats métallurgiques du pays, Reşiţa et Hunedoara, se sont localisés dans les dépressions internes et marginales. Le plateau transylvain occupe une position centrale. Des strates de lignite et de schistes bitumineux s’intercalent dans les couches paléogènes. Les villes ceinturent le plateau, en avant des passages transcarpatiques ; Cluj et Sibiu, centres culturels, industriels et commerciaux, sont les plus remarquables de ces cités. La partie orientale du pays, entre les Subcarpates, la vallée du Prut et le cours inférieur du Siret, est occupée par le plateau moldave. Le sous-sol contient de minces lentilles de lignite. Riche en noyaux urbains et administratifs, la Moldavie, avec les anciennes capitales de Jassy (Iaşi) et Suceava, a longtemps mal supporté l’hégémonie de Bucarest. L’ensemble valaque, grenier à blé de la Roumanie, le long de l’axe Ploiesţi-Bucarest-Olteniţa, est plus divers : sa largeur varie de 20 kilomètres dans l’ouest de l’Olténie à 140 ou 159 kilomètres dans la partie centrale. Cette plaine est le site des grandes villes : Craiova, Bucarest, Brăila, Galaţi. La région de la plaine du Bărăgan et de la Dobroudja du Sud évoque les steppes d’Asie Mineure. Elle a souvent frappé les imaginations des voyageurs et des romanciers, tel Panaït Istrati. Au sud et à l’est, la Plaine roumaine s’étend vers le lit majeur du Danube sur une distance de 700 kilomètres. La zone est très active sur le plan économique. Ses villes-ports sont liées par voie ferrée à la ceinture des chemins de fer péricarpatiques. Ici, le contrôle du régime de l’eau est particulièrement important.

Avec les massifs aux formes karstiques des Carpates orientales, les forêts de hêtres des montagnes méridionales, les collines de vignobles de Moldavie et les steppes de la Dobroudja du Sud et du Bărăgan, la Roumanie offre des paysages extrêmement divers. Elle présente cependant une certaine unité climatique : pays continental avec des isothermes de — 5 0C à 0 0C pour janvier et de 20 0-25 0C pour juillet. Certaines régions, le Bărăgan, avec 44 0C de maximum l’été, les plaines orientales, avec des minimums de — 30 0C l’hiver à Bucarest, connaissent des amplitudes plus creusées. Les précipitations sont peu abondantes (plus du tiers du territoire ne reçoit pas 600 millimètres de pluie par an) et se répartissent sur un petit nombre de jours. La brièveté et l’irrégularité des saisons intermédiaires limite le nombre des jours des travaux agricoles. Le bilan hydrique et la médiocre alimentation en eau pèse sur l’ensemble de l’économie. Le potentiel hydroélectrique est modeste et les déboisements excessifs ont aggravé la torrentialité dans les montagnes. Ces désordres hydrogéologiques menacent la Transylvanie, les Carpates méridionales et les basses vallées. Les ressources naturelles ont alimenté les rêves d’industrialisation qui devaient accompagner l’indépendance nationale dans le dernier tiers du XIXe siècle : le démarrage se fit, à l’aide des capitaux étrangers, à partir des pétroles, localisés au pied de la montagne, ou dans la zone subcarpatique. La production de la Roumanie crût de 275 tonnes en 1857 à 247 487 tonnes en 1900 pour dépasser le million de tonnes en 1907 et atteindre 8,7 millions en 1936. La part de l’agriculture représente 76 p. 100 du revenu national en 1930.

La nature et ses contrastes ont fait de la Roumanie, à l’aube du XXe siècle, un pays exotique pour les capitalistes étrangers qui rêvaient d’un eldorado européen. Le tourisme y a été systématiquement mis en valeur à partir de la fin des années 1950, avec le développement des stations du littoral telles que Mamaia ou Mangalia ou des centres de sports d’hiver.

Catherine DURANDIN

• Une industrialisation volontariste

Au long de son histoire, la Roumanie a gardé un visage rural important. Les réformes agraires du XIXe siècle et de la première moitié du XXe siècle n’ont guère fait que morceler les grands domaines en faveur de petits paysans ayant « faim de terre » pour survivre. Le peu de rapport des grands domaines n’a permis que difficilement aux propriétaires terriens d’investir dans une industrie restée très en retard. Dans les domaines du pétrole et des chemins de fer, les capitaux en provenance du IIIe Reich, pendant l’entre-deux-guerres, expliquent pour une part le glissement du pays dans l’alliance allemande.

Après la Seconde Guerre mondiale, le Parti communiste entreprend de moderniser les structures économiques du pays. La pression de l’Union soviétique sur la Roumanie fut importante, notamment pour faire payer à cette dernière une dette de guerre de 300 millions de dollars. À cause de son énormité, la dette fut réduite en 1948, mais resta à la charge directe du pays jusqu’en 1954, sous forme de très grandes quantités de pétrole, de bois et de produits agricoles (légumes et céréales). Des sociétés mixtes soviéto-roumaines, dites Sovrom, contrôlèrent l’économie jusqu’à cette date.

Dans les années 1970, après un effort énorme d’investissement et de production de deux décennies, l’industrie dépasse l’agriculture comme principal apport du revenu national. Le secteur public atteint alors 94 p. 100 de la population active. En totalisant 17 p. 100 de la production nationale, Bucarest est le premier centre industriel du pays.

Une telle politique d’investissement, si elle a créé près d’un million et demi d’emplois dans l’industrie, a grandement comprimé le niveau de vie de la population, l’un des plus bas de l’Europe orientale, et négligé les services et le logement.

• Les défis extérieurs

Le décollage des années 1960-1970 pousse la Roumanie à jouer le jeu de l’autonomie dans le camp socialiste, avec l’objectif de devenir une économie « multilatéralement développée », de préférence au modèle de spécialisation économique des républiques de l’Union soviétique entre elles. La Roumanie se déclare à la fois pays socialiste et pays en voie de développement ; elle adhère au F.M.I. en 1973 et passe des contrats avec des pays du Tiers-Monde (Inde, Brésil, Chine) et des pays occidentaux (R.F.A., Royaume-Uni, Autriche, France), au point que le succès du plan de 1971-1975 a dépendu en grande partie de ses relations économiques avec l’Ouest.

La hausse du prix des matières premières et de l’énergie, l’endettement, les difficultés internes, les infrastructures de transport obsolètes et la mauvaise maîtrise des technologies nouvelles pèsent pourtant de plus en plus, malgré une croissance annuelle qui dépasse les 10 p. 100, sur les choix économiques de la Roumanie. Le gouvernement entreprend de développer de nouvelles sources d’énergie (charbon, hydroélectricité), de recourir de façon croissante à des carburants et à des matériaux de moindre qualité, et de restreindre la consommation.

Or la population, dont le niveau de vie est très bas, manifeste depuis 1977 des signes d’impatience ; en outre, le déficit du commerce avec l’Ouest commence à se creuser, au point de menacer l’approvisionnement du pays et de révéler les problèmes alimentaires occasionnés par la faillite de la politique agricole.

Collectivisée, la terre est partagée entre les fermes d’État, entreprises pilotes, et les coopératives agricoles de production, qui assurent les récoltes de masse. L’irrigation fait l’objet de grands travaux, encore insuffisants, et la modernisation est lente. Malgré le recours massif aux engrais chimiques, la production ne parvient pas à répondre aux objectifs du plan de 1976-1980. Les céréales et l’élevage sont les productions les plus touchées. En 1981, le gouvernement impose d’augmenter encore la production et exige des paysans qu’ils livrent les excédents à l’État, à des prix fixés par lui arbitrairement bas.

• Un bilan catastrophique

Le désir de Ceauşescu de rembourser la dette extérieure, alors que la production et la croissance sont partout en baisse, a pour conséquence de priver la population des produits de première nécessité, y compris alimentaires, et d’imposer des économies d’énergie draconiennes qui plongent le pays dans le froid et l’obscurité. Le commerce avec l’Ouest baisse d’autant, au profit d’une coopération renforcée avec l’Union soviétique (programme de coopération du 16 mai 1986), cachée à l’opinion publique. La Roumanie, qui souffre de la faim, exporte en U.R.S.S. des produits agricoles et investit même dans des complexes métallurgiques et miniers en Ukraine et dans la région de Koursk.

Pour essayer de faire accepter la pénurie et face à la tentation de la perestroïka, Ceauşescu appelle à dépasser l’insuffisante mobilisation des travailleurs, accentuant ainsi la pression idéologique sur le pays. Une forte grève éclate cependant à Braşov en 1987, consécutive à une visite de Mikhaïl Gorbatchev en Roumanie. La grève est certes réprimée, mais c’est le signe qu’une révolte est possible, annonciateur des événements de décembre 1989.

• Une transition en dents de scie dans un pays vieillissant

La transition vers l’économie de marché qui suit le renversement de Ceauşescu est portée par une équipe de communistes réformistes qui avaient été écartés des affaires dix ans plus tôt, quand le réformisme pouvait encore être tenté, comme dans l’U.R.S.S. de Gorbatchev, en Hongrie, voire en Pologne. C’est ce qui explique que la privatisation a été tardive, freinée même dans le cas des grandes industries, et que l’autorisation des capitaux étrangers n’a été donnée que tardivement et sous la contrainte des nécessités.

Cela, et la satisfaction des besoins de consommation longtemps refoulés de la population, a contribué à creuser la dette extérieure et le déficit budgétaire, et a conduit à une inflation importante. Des tensions s’en sont suivies avec le F.M.I. et la Banque mondiale qui ont poussé à de profondes réformes structurelles.

L’alternance politique, en 1996, a conduit à mettre en place une politique d’austérité et de lutte contre les privilèges et contre la corruption de la nomenklatura sortante, avant le retour de celle-ci au pouvoir en 2000. L’opposition triomphe à nouveau en 2004, et met en œuvre une politique libérale d’autant plus radicale qu’elle doit s’adapter aux critères de l’Union européenne, qui ouvre finalement ses portes à la Roumanie le 1er janvier 2007.

La population roumaine atteint 21,5 millions d’habitants en 2009. Ce chiffre est en décroissance régulière du fait de l’émigration de nombreux Roumains en âge de travailler (vers l’Espagne, l’Italie et, dans une moindre mesure, la France) et du fait d’un taux de natalité (environ 10 p. 1000), inférieur au taux de mortalité (environ 12 p. 1000). Ce dernier taux s’explique par les mauvaises conditions sanitaires et la pauvreté des personnes âgées retraitées. Le taux de fécondité n’est que de 1,3 enfant par femme et la population vieillit (16 p. 100 de la population – pourcentage en diminution – a moins de 15 ans et 15 p. 100 – taux en augmentation – a plus de 65 ans). L’espérance de vie est de 69 ans pour les hommes et de 76 ans pour les femmes.

Le pourcentage de la population urbaine par rapport à la population rurale a été en nette croissance jusqu’en 1990, pour atteindre 57 p. 100. Ce chiffre n’augmente plus depuis lors que très légèrement et ne devrait dépasser 60 p. 100 qu’au milieu des années 2020.

Philippe LOUBIÈRE

2. Histoire

• La Roumanie daco-romaine

Les premiers habitants du territoire actuel de la Roumanie à l’époque historique furent les Daces, peuple indo-européen apparenté aux Thraces. Agriculteurs, éleveurs de chevaux, sachant travailler les métaux, ils empruntèrent leur première civilisation aux Celtes, aux Scythes et aux colonies grecques de la mer Noire (comme Tomis, l’ancien nom de Constanţa). Les archéologues ont mis au jour les vestiges de leurs forteresses aux murailles massives, de leurs ateliers métallurgiques et de leurs sanctuaires. Une ébauche d’État dace se forme au Ier siècle avant J.-C. sous Burebista : d’abord fragile fédération de tribus, elle deviendra au siècle suivant assez puissante pour que Rome, maîtresse de la péninsule jusqu’au Danube, en prenne ombrage.

Raisons stratégiques et visées purement économiques (conquête du sel, du fer et surtout de l’or de la Dacie) sont à l’origine des campagnes de Trajan (101, puis 106 apr. J.-C.). Leur récit se déroule sur la longue bande sculptée de la colonne Trajane, du franchissement du Danube à la prise de la capitale, Sarmizegetusa, et au suicide du roi dace, Décébale. La Dacie conquise (dont le territoire correspondait à l’Olténie et à la Transylvanie actuelles) jouit dès lors des bienfaits de la « paix romaine » ; construction de routes, de villes (Ulpia Trajana), de monuments (pont de Turnu-Severin, trophée de Trajan en Dobrogea [Dobroudja]) à l’abri d’un limes discontinu de tours et de camps fortifiés. Mais c’est dans le peuplement que se marque surtout le « sceau de Rome » (N. Iorga) : soldats des légions qui gardent la frontière, colons installés par l’administration impériale ou spontanément immigrés font souche, se mêlent à la population dace, constituent avec elle le peuple daco-romain, dont le ciment est la langue latine, qui s’établit ici pour toujours.

Cependant, ce peuple semble disparaître de l’histoire. En 271 après J.-C., pour raccourcir la frontière de l’Empire menacé, Aurélien prend la décision de retirer ses légions au sud du Danube et d’évacuer la Dacie. S’ouvre alors pour celle-ci une période longue de dix siècles, qui est restée obscure et a suscité des hypothèses contradictoires. Selon certains historiens, le retrait de 271 aurait été total, le tourbillon des invasions (Goths, Huns, Avars) aurait achevé d’effacer toute trace de l’œuvre romaine, et les descendants de l’ancienne population romanisée, réfugiés quelque part au sud du Danube, ne seraient revenus en Transylvanie que vers le XIIe siècle. On se rallie généralement aujourd’hui à la thèse défendue par l’historiographie roumaine, selon laquelle il n’existe aucune discontinuité entre le peuple roumain et ses ancêtres daco-romains. L’évacuation de 271, décidée au cours d’une longue période de paix, n’a certainement pas été générale. Le passage des invasions a pu effacer les vestiges de civilisation urbaine et obliger les habitants à se réfugier dans les massifs boisés et à pratiquer la vie pastorale, mais sans affecter profondément la nature du peuplement. Les recherches archéologiques et toponymiques ont d’ailleurs confirmé cette permanence.

Les invasions slaves, à partir du VIe