Trois souvenirs - Alphonse Daudet - E-Book

Trois souvenirs E-Book

Alphonse Daudet

0,0
9,99 €

-100%
Sammeln Sie Punkte in unserem Gutscheinprogramm und kaufen Sie E-Books und Hörbücher mit bis zu 100% Rabatt.
Mehr erfahren.
Beschreibung

Extrait : "Le Paris du siège, au matin du 31 octobre. Dans le brouillard froid, Saint-Pierre-de-Montrouge achève de sonner un mélancolique Angelus. Le long de l'avenue d'Orléans, où de rares lumières clignotent, un fiacre à deux chevaux et à galerie, réquisitionné par le ministère de la marine, et l'un des derniers locatis en circulation, nous emmène Le Myre de Vilers et moi, dans une tournée des forts du Sud."

À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARAN :

Les éditions LIGARAN proposent des versions numériques de grands classiques de la littérature ainsi que des livres rares, dans les domaines suivants :

• Fiction : roman, poésie, théâtre, jeunesse, policier, libertin.
• Non fiction : histoire, essais, biographies, pratiques.

Das E-Book können Sie in Legimi-Apps oder einer beliebigen App lesen, die das folgende Format unterstützen:

EPUB

Seitenzahl: 33

Veröffentlichungsjahr: 2016

Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



Au Fort-Montrouge

Souvenir d’un Trente-Sous

Le Paris du siège, au matin du 31 octobre. Dans le brouillard froid, Saint-Pierre-de-Montrouge achève de sonner un mélancolique Angelus. Le long de l’avenue d’Orléans, où de rares lumières clignotent, un fiacre à deux chevaux et à galerie, réquisitionné par le ministère de la marine, et l’un des derniers locatis en circulation, nous emmène Le Myre de Vilers et moi, dans une tournée des forts du Sud. Comme aide de camp de l’amiral La Roncière, de Vilers, presque tous les matins, est astreint à cette visite, et je l’accompagne volontiers quand je ne suis pas de garde, afin de m’approvisionner d’une foule de remontants très précieux dont les forts de Paris surabondent, comme d’énergie, d’ordre, d’endurance et de belle humeur.

– Halte-là… Qui vive ?

– Service de la marine.

La porte de Montrouge, tout embastionnée, engabionnée, hérissée de baïonnettes, s’entrebâille pour le fiacre ministériel. Pendant qu’un falot minutieux examine à la portière nos deux laissez-passer, mon compagnon – si philosophe et maître de lui d’ordinaire, – s’énerve, s’irrite. Sous la casquette plate à galons d’or, sa figure me frappe par une expression de dureté que je ne lui ai jamais vue, qui lui mincit les lèvres, creuse ses yeux plus profonds et plus noirs. Qu’y a-t-il ? Qu’est-ce qu’il me cache ? Ce causeur étincelant, adroit lanceur de paume et de repaume, pourquoi, depuis que nous sommes en route, m’a-t-il laissé parler tout seul ? Je vais le savoir sans doute…

Franchie la zone militaire, ces grandes plaines de boue et de gravats où déjà le matin blafard éclaire des larves en maraude, nous traversons Gentilly, désert, effondré… Un coq chante au lointain, vers Bicêtre. D’une ruelle en pente, un chien affamé, furieux, s’élance en aboyant, s’acharne à nos chevaux, bondit jusqu’à la portière, nous crache en râlant la bave de ses crocs. Le temps de dire : « sale bête ! » une détonation brutale éclate à mon côté, et, parmi l’âcre fumée dont notre voiture est remplie, je vois le chien rouler les pattes en l’air et mon compagnon qui remet son revolver à l’étui.

– Vous êtes un peu nerveux ce matin, mon camarade… il doit y avoir du nouveau dans les affaires ?

Lui, très grave :

– Il y a du nouveau, en effet.

On reste encore quelques minutes sans rien se dire ; et seulement vers l’avancée du fort Montrouge, répondant à toute l’anxiété, à toutes les interrogations de mon silence, de Vilers m’annonce brusquement :

– C’est fini… Metz a capitulé. Bazaine a tout perdu, tout vendu, même l’honneur.

Ceux qui n’ont pas subi les affres du grand naufrage de 70 ne sauraient comprendre ce que nous représentait le nom de Bazaine, l’héroïque Bazaine, comme Gambetta l’appelait, l’espoir dont il fouettait notre courage, la nuit abominable où sa désertion nous plongea. Imaginez tous les cris possibles de délivrance et de joie : « Terre !… terre !… Une voile !… Sauvés !… Embrassons-nous !… Vive la France ! » Il y avait de tout cela dans ce beau nom de troupier versaillais, et tout à coup voilà qu’il signifiait le contraire. C’était à donner le vertige.