Un baiser, et tout a changé - Harper Bliss - E-Book

Un baiser, et tout a changé E-Book

Harper Bliss

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Beschreibung

Au détour des souvenirs, l'amour prend la vague parfaite


Star de série policière à Hollywood, Sadie Ireland cherche à fuir le tourbillon de sa vie sous les projecteurs. Pour fêter ses 40 ans, elle s'échappe vers le bord de mer de son enfance, là où sa famille l'attend à bras ouverts.


Lorsque Devon Douglas se retrouve face à Sadie, c'est comme un coup au cœur. Autrefois inséparables au lycée, leur amitié s'est brisée il y a plus de vingt ans suite à un moment de faiblesse – un élan du cœur que Devon n'a jamais cessé de regretter.


Sadie est toujours aussi rayonnante que dans ses souvenirs, sa silhouette gracieuse défiant encore les vagues tumultueuses de Clearwater Bay avec la même passion d'antan.


Bien que son fils de cinq ans soit toute sa vie, Devon se surprend à penser de plus en plus à Sadie, leurs retrouvailles éveillant des émotions qu'elle croyait endormies à jamais.


De son côté, Sadie ressent une attirance mystérieuse envers Devon. Est-ce simplement la douce nostalgie du passé ? Le fantôme de leur amitié qui renaît de ses cendres ? Ou peut-être quelque chose de plus profond, de plus intense ?


Dans cette romance captivante et sensuelle, l'autrice best-seller Harper Bliss nous plonge dans l'histoire de deux femmes jadis meilleures amies, jusqu'à ce qu'un coup de foudre adolescent vienne tout bouleverser.

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UN BAISER, ET TOUT A CHANGÉ

HARPER BLISS

TABLE DES MATIÈRES

1. Sadie

2. Devon

3. Sadie

4. Devon

5. Sadie

6. Devon

7. Sadie

8. Devon

9. Sadie

10. Devon

11. Sadie

12. Devon

13. Sadie

14. Devon

15. Sadie

16. Devon

17. Sadie

18. Devon

19. Sadie

20. Devon

21. Sadie

22. Devon

23. Sadie

24. Devon

25. Sadie

26. Devon

27. Sadie

28. Devon

29. Sadie

30. Devon

31. Sadie

32. Devon

33. Sadie

34. Devon

35. Sadie

36. Devon

37. Sadie

38. Devon

39. Sadie

40. Devon

41. Sadie

Un message de Harper

À propos de Harper Bliss

CHAPITRE1

SADIE

— Regardez qui voilà, se moque mon frère de l’autre côté du bar. La meilleure flic de série télé.

— Bon anniversaire, Sam.

Je le rejoins, les bras grands ouverts.

— Je suis contente de te voir.

— Tout pareil, déclare-t-il en me serrant dans ses bras. Prête pour une fête épique ?

J’ai envie de secouer la tête. Je suis épuisée, à la fin de cette période de tournage intensive habituelle avant la pause annuelle de notre série. Je préfèrerais largement boire un verre au calme avec mon jumeau pour fêter notre quarantième anniversaire, mais ce n’est pas le style de Sam et je ne voudrais pas faire ma rabat-joie alors que je viens à peine de rentrer.

— Bien sûr.

Je recule afin de mieux le voir. Son statut de propriétaire du bar en bord de plage La Baie n’a apparemment rien changé à son allure de surfeur typique du nord de la Californie. Sa peau est dorée, ses cheveux parcourus de mèches blondes éclaircies par le soleil, et son corps aussi svelte que lors de notre dernière année de lycée.

La porte de la réserve s’ouvre sur une blonde qui ne doit pas avoir beaucoup plus de vingt-et-un ans. La conclusion la plus évidente s’impose dans mon esprit : il s’agit de la dernière conquête bien trop jeune de mon frère. Ce dernier me détrompe aussitôt.

— Je te présente Cassidy, ma meilleure employée.

Cassidy porte ses mains à sa bouche.

— Ouah. Sadie Ireland en personne. C’est un honneur de vous rencontrer.

Elle me tend alors une main.

— J’adore King & Prince. Je regarde tous les épisodes.

Je suis presque tentée de lui confier que nous avons tourné les toutes dernières scènes de la série mettant en scène à la fois King et Prince la semaine dernière, mais mon contrat me l’interdit.

— Merci.

Cassidy étant l’employée de mon frère, et peut-être même plus que ça, je lui serre chaleureusement la main.

— Vous restez longtemps dans le coin ? s’enquiert-elle.

— C’est possible.

Je plonge les yeux dans ceux de mon frère. Je vais rester chez lui le temps de me remettre de l’épuisement des dix derniers mois et de mon divorce avec mon partenaire tant dans la vie qu’à l’écran.

— Nous nous reverrons, alors.

Cassidy n’est donc pas le genre de fan qui s’attarde. Elle retourne dans la réserve, et je lance à mon frère un regard parfaitement éloquent.

— Ce n’est pas ce que tu penses, affirme-t-il. C’est la meilleure des employées que je n’ai jamais eues, et je n’ai pas l’intention de mettre ça en péril.

— Et quel âge a-t-elle ?

— Elle est assez vieille pour travailler dans un bar, se contente-t-il de me répondre.

Du bruit retentit à l’arrière. Une portière claque, puis une discussion animée nous parvient.

— Ce sont sûrement les traiteurs, m’annonce Sam. Va te détendre et boire une bière sur le pont. Contemple l’océan et remémore-toi les quarante premières années de ta vie.

Il passe une main dans ses épais cheveux. Cet homme n’a pas l’air d’avoir plus de trente ans.

Il sort une bouteille du réfrigérateur situé derrière lui, puis il la décapsule avant de me la tendre.

— Tu penses vraiment qu’une actrice à Hollywood boit de la bière ?

Nous avons déjà tenu cette conversation plus d’une fois.

— Tu prends quarante ans aujourd’hui et tu viens de divorcer. Bois cette bière. Profite de tout ce qui peut t’apporter du réconfort.

— Sam ! s’écrie quelqu’un depuis l’arrière.

— Je sais que je n’ai que vingt minutes de plus que toi, mais fais quand même ce que je te dis.

Sur ces mots, il tourne les talons et disparaît par la porte arrière, me laissant seule dans le bar.

Je sors moi aussi, bière à la main, et m’installe sur l’un des tabourets alignés sur le pont avec vue sur les vagues. Je détourne un instant le regard de la mer afin d’observer ma bouteille. La bière s’appelle « Surfer Juice IPA », sûrement la raison pour laquelle cette bière se vend bien par ici. Je survole l’étiquette afin de voir si de nouvelles brasseries locales ont vu le jour depuis ma dernière visite. Brasserie Lennox. Il ne s’agit donc pas d’une bière locale en petite production.

Je bois une gorgée. Je n’ai pas bu de bière depuis des mois, pas depuis que Sam est venu passer quelques semaines à Los Angeles en mars dernier pour me soutenir face aux retombées de mon divorce avec Mike. Parfois, quand les paparazzis vous traquent, le bras exagérément musclé de votre jumeau autour de vos épaules n’est pas de trop pour vous protéger du regard implacable du public.

La bière est fraîche et légère, et je m’oblige à me détendre. Ce n’est pas bien difficile, avec cette vue. La promenade entre le bar et la plage est tranquille, le calme avant la tempête de l’énorme évènement que Sam a sans aucun doute organisé pour notre anniversaire.

Je prends soudain conscience de ne pas avoir proposé à Sam et Cassidy de les aider à tout mettre en place pour la soirée. Je suis sur le point de rentrer pour leur offrir mes services lorsque des bruits de pas se rapprochent de moi.

— Je suis venue tout droit du travail.

L’annonce de ma grande sœur Suzy est suivie d’un cri strident digne d’une adolescente au concert d’un boys band.

Je me lève pour l'enlacer dans mes bras, profitant du temps que je prends à jeter mes bras autour de son cou pour me rappeler quel est le travail actuel de Suzy. Même si nous nous appelons plusieurs fois par semaine, j’ai du mal à suivre les emplois de ma sœur, un peu comme pour Sam et ses conquêtes. Dans sa quête de l’épanouissement professionnel ultime, ma grande sœur change sans arrêt de poste depuis des dizaines d’années.

— J’ai eu mon premier appel de coaching en solo, s’enthousiasme-t-elle alors que je me laisse aller dans son étreinte.

Ah, oui. Elle exerce en tant que conseillère de vie en ligne.

— J’ai tout déchiré grâce à ma vivacité d’esprit. Mon patron m’a tellement complimentée après, je n’en revenais pas.

Je laisse ma sœur monologuer aussi longtemps qu’elle le souhaite. Elle est comme ça. Les dix premières minutes de toute conversation entre nous se déroulent exactement ainsi, jusqu’à ce qu’elle ait déballé tout ce qui lui passe par la tête. Ensuite, elle me dévisage et me demande, comme j’imagine qu’elle peut le demander à ses clients, comment je vais et ce qui me pose problème en ce moment. Maintenant que j’y pense, conseillère de vie est peut-être le métier parfait pour Suzy.

— On est au complet, déclare Sam en nous rejoignant.

— Oh, Sam, le salue notre sœur. J’ai invité Devon à la dernière minute. J’espère que ça ne te dérange pas.

— Plus on est de fous, plus on rit. Tu le sais.

— Sam est convaincu que cette soirée sera épique, s’amuse Suzy.

— On ne prend quarante ans qu’une fois, rétorque-t-il. Et je ne suis pas le seul.

J’ai raté la soirée de nos trente ans à cause de prises qui devaient être tournées à nouveau et ne pouvaient être reprogrammées, et celle de nos trente-cinq ans parce que certains épisodes de la saison de King & Prince étaient tournés à Mexico. Cependant, mes quinze années dans la même série de première partie de soirée m’ont permis d’avoir un peu plus mon mot à dire sur mon emploi du temps, en plus des habituels crédits de producteur délégué. J’ai clairement exprimé mon refus de rater une autre grande soirée d’anniversaire à cause du tournage de la série.

Je lève ma bière à moitié vide.

— À une soirée épique avec mes deux personnes préférées au monde.

Je laisse ensuite mon regard glisser sur Suzy et Sam, qui se charrient comme seuls le peuvent un frère et une sœur. Je m’appuie contre la rambarde, avec l’océan dans mon dos et mon frère et ma sœur à portée de main, me délectant du réconfort de ce retour à la maison.

J’en ai plus que jamais besoin.

CHAPITRE2

DEVON

La fête de Sam et Sadie bat son plein à mon arrivée. J’aperçois de nombreux visages familiers, mais je ne suis venue que pour un seul d’entre eux. Je peux voir Sadie à la télévision quand je veux, ces derniers temps, mais je ne l’ai pas vue en chair et en os depuis des années. Je n’ai pas eu besoin de réfléchir avant d’accepter l’invitation de Suzy, un peu plus tôt dans la journée. Je me pense assez pragmatique, un trait de caractère nécessaire dans ma profession, mais Sadie Ireland a toujours été l’exception à n’importe laquelle des règles que j’ai pu me fixer au cours de ma vie.

Je traverse la foule éparpillée sur le pont. J’entends deux hommes de ma connaissance prévoir d’aller attraper quelques vagues demain matin et les salue d’un signe de tête. Essayer de refouler ses émotions est complètement inutile, j’en suis encore plus consciente que la plupart des gens, mais je m’efforce tout de même d’ignorer mon estomac noué par les nerfs. Comme je l’ai déjà dit, Sadie est mon exception pour tout.

Je remarque d’abord Suzy. Elle fait partie d’un cercle qui s’est formé autour de Sam et Sadie, comme des sujets autour de leur royauté. Suzy est habituellement au cœur de chaque cercle, mais elle doit être heureuse de laisser son frère et sa sœur sous la lumière des projecteurs pour leur anniversaire. Je connais les trois Ireland, raison pour laquelle il m’a toujours paru étrange que d’eux tous, Sadie soit devenue la star du petit écran.

Elle a bien le physique pour, et ce depuis toujours. Les yeux rivés sur elle, tous les souvenirs me reviennent, submergeant mon esprit comme un rêve dont je ne suis pas sûre de vouloir me réveiller.

Nous avons toutes les deux vingt-quatre ans de plus, aujourd’hui, mais l’inclinaison du nez de Sadie et la forme de ses yeux me sont toujours aussi familières qu’à l’époque.

Sadie m’a repérée. Elle détourne d’abord le regard avant de reporter son attention sur moi, comme incapable de s’en empêcher.

— Devon !

Ayant sûrement discerné quelque chose dans l’expression de sa sœur, Suzy s’était retournée. Elle me tire vers elles.

— Je suis tellement contente que tu sois venue.

— Bon anniversaire, les Ireland.

Je reste sur place, un peu gênée, ne sachant pas trop si je dois les embrasser ou leur proposer une accolade. Plus que tout, je ne sais pas comment me comporter en présence de Sadie.

Sam ouvre grand les bras et m’attire dans une étreinte d’ours. Je ne suis pas une habituée de son bar, mais j’y passe quand même relativement souvent, généralement pour boire un café après une session de surf matinale.

— Content que tu aies pu venir, marmonne-t-il en mangeant déjà un peu ses mots.

— Merci de me recevoir. Désolée de ne pas avoir apporté un cadeau. Tout s’est décidé à la dernière minute, mais ça ne tardera pas.

— Ta présence est déjà un cadeau.

Sam recule, m’offrant de nouveau une vue en pied de Sadie. Se souvient-elle même de ce jour ? Sûrement pas. Il n’avait pas la même signification pour nous deux. Ça a toujours été très clair.

— Devon ! s’exclame Sadie. Oh, mon Dieu !

Elle m’ouvre les bras, et je l’étreins sans hésiter.

— Ouah, murmure-t-elle contre mon oreille. Ça me rappelle le bon vieux temps.

Je suis friande de gros câlins bien sentimentaux, mais je ne parviens qu’à tapoter faiblement les épaules de Sadie. Je recule ensuite et lui souris.

— Je sais. Ça fait un moment.

Je reprends mes esprits et me force à paraître plus affable, réussissant à me tromper moi-même.

Les sourcils haussés, Sadie effleure mon bras gauche du bout du doigt.

— Ouah, répète-t-elle. Ils sont tellement cool.

— Devon est la conseillère de vie la plus tatouée du coin, intervient Suzy. Sadie a raison, d’ailleurs. Tu es tellement cool, Devon.

Je ris de bon cœur.

— Je ne me sens pas cool du tout, là.

Je lance un coup d’œil à Sadie, lui faisant comprendre que je parle de sa présence.

— Ne me dis pas que la célébrité de Sadie t’impressionne.

Suzy plante les mains sur ses hanches, comme si elle me réprimandait.

— Je n’ai pas signé pour ça quand je t’ai embauchée pour être mon mentor.

Nous avons tous nos faiblesses, je pense sans oser l’exprimer à voix haute.

— Ce n’est pas tant sa célébrité qui m’impressionne, mais le fait que mon ancienne voisine de classe soit désormais à la télévision chaque fois que je l’allume.

— Les aléas du métier, commente Sadie.

— Tiens.

Sam me tend une bouteille de bière. Je ne bois pas énormément, mais ce soir, en compagnie de Sadie Ireland, je peux bien me le permettre.

— Tu as dû prendre quarante ans il n’y a pas longtemps ? m’interroge Sadie.

— Il y a quelques mois.

— À toi aussi, alors.

Elle lève de nouveau sa bouteille, mais cette fois-ci, elle soutient mon regard l’espace d’une courte seconde. Ses yeux sont toujours aussi sombres et profonds. Son sourire de travers est toujours aussi séduisant.

— Tu as l’air en forme, Devon.

Je sens le rouge envahir mon cou. Dieu merci, la lumière du bar est tamisée. Foutu teint clair. Contrairement aux surfeurs sur ce pont et malgré le temps que je passe dans l’eau et sous le soleil californien, ma peau ne connaît que deux teintes : blanc d’albâtre et rouge écrevisse.

— Merci.

D’autres invités nous rejoignent, souhaitant s’approprier un instant Sam, et encore plus Sadie. D’après Suzy, même si LA ne se trouve qu’à six heures de route vers le sud, Sadie ne rentre pas très souvent à Clearwater Bay. Toujours selon Suzy, Sam est le plus chanceux de la fratrie Ireland parce que Sadie lui a acheté une maison en bord de plage et un bar dans sa ville natale bien-aimée. C’est donc celui qui profite le plus du fruit du travail de sa sœur.

— J’espère qu’on pourra se parler encore un peu plus tard, m’annonce Sadie avant d’être emportée par un groupe de gens que je ne connais pas.

Je m’adosse au bar et survole les alentours du regard. Je repère de nombreuses connaissances avec qui je devrais aller parler, mais Sadie attire sans arrêt mon regard. Je ferais mieux de me reprendre. Je me détourne et pense à mon fils, Finn, qui doit être profondément endormi chez son père, à l’heure qu’il est. Je l’imagine facilement dans une position de sommeil étrange et amusante, l’image dont j’ai besoin pour me sortir de la transe dans laquelle me plonge la présence de Sadie Ireland.

Lorsque je lance un autre regard dans le bar, c’est avec une nouvelle intention. Je reconnais éprouver des sentiments résiduels pour Sadie, mais suis consciente qu’ils ne signifient plus rien après les vingt-quatre années qui se sont écoulées. C’est plus une question de nostalgie qu’autre chose, peut-être mêlée à un soupçon de solitude. Dans tous les cas, je refuse de m’apitoyer sur mon sort, raison pour laquelle je décide, ici et maintenant, alors que j’examine chaque femme présente dans le bar, de faire d’une pierre deux coups : si je me sens moins seule, ce sentiment de nostalgie ne durera pas non plus.

À point nommé, le volume de la musique est monté. Suzy est la première à danser, traînant son frère et sa sœur tout aussi réticents l’un que l’autre derrière elle. Sam et Sadie se réfugient tous les deux auprès du bar, tandis que Suzy se retrouve rapidement entourée de danseurs enthousiastes.

Une inconnue attire mon attention. Elle a quelques tatouages, ce qui est toujours un bon sujet de discussion pour aborder quelqu’un. Je tente de me concentrer sur elle, mais j’ai l’impression qu’un champ de force émane d’un peu plus loin, là où se tient Sadie. Je ne peux m’empêcher de lui lancer un regard, tout comme je ne peux m’empêcher de fondre un peu plus. Foutue nostalgie.

CHAPITRE3

SADIE

Devon Douglas est vraiment belle dans ce haut orange. Il fait ressortir le feu de ses cheveux. Même si me voir l’a manifestement perturbée un instant, elle a l’air de s’en être remise. D’avoir sa vie en main. Elle exsude une sérénité typique de ceux qui parviennent à refouler les crises existentielles. Ça doit être un prérequis pour prétendre à conseiller les autres dans leurs choix de vie.

Lorsque Suzy a mentionné avoir invité Devon à notre soirée, je n’ai pas pris conscience qu’elle parlait de la Devon Douglas. Pendant un bon moment, au lycée, nous étions inséparables, jusqu’à ce que ça ne soit plus le cas. C’est ainsi que ça se passe, à cet âge.

Je lui souris avant de prendre une gorgée de bière. Je ne me souviens pas combien j’en ai bu. Dès que j’en finis une, Sam m’en donne une autre. Je devrais en parler avec lui, mais pas ce soir.

Devon me rend mon sourire, ce qui m’encourage à la rejoindre. À ce point de la soirée, la plupart des invités se sont remis de la présence de Sadie Ireland. Je ne suis qu’une actrice de série télé. Je ne suis pas Ida Burton ou Faye Fleming. Quand les gens me rencontrent en chair et en os, ma célébrité ne les impressionne jamais très longtemps – comme l’a prouvé Cassidy. L’attention de Devon, elle, n’a pas faibli, mais elle me connaissait bien avant la moindre négociation concernant King & Prince.

— Hey.

Je ne peux m’empêcher de glousser comme l’adolescente que j’étais autrefois.

— Tu t’amuses bien ?

— Ça fait quelque chose de te revoir, Sadie.

— Vraiment ?

— Bien sûr.

Devon plonge son regard intense dans le mien. Je sais que je devrais répondre, mais je ne sais pas quoi dire. J’ai l’impression que mon esprit s’est totalement vidé, ce qui ne m’est arrivé qu’une seule autre fois, quand j’ai dû donner la réplique à Mike après notre séparation. Il arrive de se laisser submerger par ses émotions malgré tous nos efforts pour rester rationnel.

— Tout va bien ? s’enquiert Devon en désignant la bouteille de bière dans ma main.

— Sam, je réponds comme si cette simple information se suffisait à elle-même.

— Tu veux que je la finisse pour toi ? me demande-t-elle en tendant sa main. Tu auras peut-être un peu moins mal au crâne demain matin, comme ça.

— Bien sûr.

Je donne ma bière à Devon et l’observe alors qu’elle la porte à ses lèvres avant de la renverser. Pour une raison quelconque, sûrement mon état d’ébriété, mon regard reste rivé à sa gorge pendant qu’elle déglutit.

— Combien de temps restes-tu par ici ? m’interroge Devon.

— La durée de la pause de la série. Je n’ai rien d’autre en cours. Je me replie chez moi pour panser mes blessures après le divorce.

— J’aimerais beaucoup qu’on aille boire un café, un jour. Qu’on rattrape le temps perdu.

— Ça me plairait beaucoup aussi.

Je penche un peu la tête.

— Tu as l’air… Je ne sais pas. À l’opposé de ce que je ressens. Heureuse. Comme si tout était à sa place dans ton monde.

— Les apparences peuvent être trompeuses. Tu devrais le savoir.

— Oh, je le sais. Mais…

— Ce n’est pas grave. Que tu sois Sadie Ireland et que tu mènes la grande vie à Hollywood ou Devon Douglas qui profite du calme de Clearwater Bay, on connaît tous des hauts et des bas. Peu importe où tu vis ou ce que tu fais dans la vie.

— C’est profond, pour une soirée d’anniversaire.

En ce qui me concerne, j’ai trop bu pour trouver une répartie spirituelle.

— Oui. Désolée.

Tout ce qui sort de la bouche de Devon me paraît tellement sincère.

— Et je suis désolée que tu traverses une mauvaise passe.

Bien entendu, elle sait tout de mon divorce. Le monde entier est au courant. J’espère qu’en faisant profil bas, l’engouement médiatique pour mon mariage dissolu finira par retomber.

— Je suis ici, maintenant, avec ma famille.

Je ne sais comment, Suzy a réussi à convaincre Sam de rester sur la piste de danse improvisée – La Baie n’a rien d’une boîte de nuit. Mon frère a de nombreux talents, mais se déhancher au rythme de la musique n’en fait pas partie. Il a toutefois l’air de vraiment s’amuser. Son enthousiasme contagieux me donne l’impression de passer à côté de quelque chose, ce que j’éprouve quant à leurs vies depuis que King & Prince a gagné en popularité, me laissant de moins en moins de temps pour rentrer à la maison.

— Tu veux danser ?

Je suis soudain curieuse de voir comment bouge Devon, si elle parvient à maintenir cette tranquillité sur la piste de danse.

— Comment pourrais-je dire non à Sadie Ireland ?

Elle passe devant moi et, comme souvent dans les soirées alcoolisées, je me lamente sur ma vie privée un instant et me déchaîne sur une chanson de Tina Turner le suivant.

Suzy passe un bras autour de ma taille et me serre contre elle.

— Je suis si contente que tu sois rentrée, crie-t-elle dans mon oreille. Tu m’as tellement manqué, petite sœur.

— Tu m’as manqué aussi, Suze.

Je la contemple, les yeux bordés de larmes. Ça aussi, ça doit être à cause de la bière.

— Je sais ce qu’il nous faut, annonce Sam en nous rejoignant.

Sachant ce qu’il a en tête, je gémis.

— Des shots !

— Des shots ! s’exclame Suzy. Des shots ! Des shots !

Je m’amuse bien trop avec mon frère et ma sœur pour leur résister. De toute façon, je n’ai pas besoin d’être sur le plateau demain. J’ai deux mois pour me remettre de ce qui promet d’être une gueule de bois monumentale.

Sam commande des shots à l’aide de quelques gestes experts et, quelques instants plus tard, l’alcool me brûle la gorge. Heureusement que Devon a fini ma bière, tout à l’heure. Où est-elle, d’ailleurs ? Elle n’a pas l’air de participer à cette irresponsable descente de shots. Elle s’est éloignée de l’endroit où nous remuons maladroitement au rythme de la musique pour parler à une femme que je ne reconnais pas. Devon sourit tandis que l’autre femme fixe du regard les tatouages recouvrant les bras de Devon.

Sans que je m’en rende compte, je me retrouve soulevée dans les airs, mes jambes pendues devant moi.

— Repose-moi, hurlé-je. Pour l’amour du ciel, Sam, j’ai quarante ans.

— Seulement si tu bois un autre shot avec moi.

— Oh, et puis merde.

Heureusement, Sam me relâche. Mes jambes tremblent un peu lorsque mes pieds retrouvent la terre ferme.

— Pourquoi pas ?

— À nous deux, sœurette, déclare Sam en me donnant un autre shot. Je promets de bien me comporter pendant que tu vis chez moi.

— Que de belles paroles, frérot. Que de belles paroles.

— J’essayerai de me souvenir de baisser la lunette des toilettes, plaisante-t-il.

— C’est tout ?

— Et quelques autres choses.

— Et si tu essayais de ne pas ramener une femme différente tous les deux jours ? Ça me plairait bien.

— Je ne peux pas promettre ça, rétorque-t-il en se forçant à froncer les sourcils.

— Bien sûr que si ! On peut se mettre d’accord sur une soirée dans la semaine, et je ferai en sorte de ne pas être là. J’irai dormir chez Suzy ou chez papa.

Sam secoue la tête, puis il écarquille les yeux. Je suis son regard.

— Quelqu’un va s’envoyer en l’air ce soir.

Devon et l’autre femme sont proches, mais rien de ce qu’elles font ne pourrait laisser penser qu’elles vont « s’envoyer en l’air ».

— Elles parlent, c’est tout.

— C’est ça. Et moi je suis vierge.

Sam me donne un coup de coude dans le biceps.

— Tu n’as peut-être pas dragué quelqu'un depuis longtemps, mais je reconnais les signes. Enfin, tant mieux pour elles.

J’observe Devon et son interlocutrice. Est-ce qu’elles se draguent ? Quelle importance, si c’est le cas ? Et pourquoi est-ce que ça me dérange tellement d’être incapable de détourner le regard parce que je veux savoir comment ça se termine ?

Est-ce parce que Devon Douglas n’est pas seulement une ancienne camarade d’école ? C’est également la fille qui m’a embrassée par surprise, un mercredi après-midi ensoleillé.

CHAPITRE4

DEVON

J’ai bien du mal à accorder mon attention aux propos de Zara quand le regard de Sadie me brûle l’arrière du crâne. Je me suis éclipsée dès que Sam a parlé de shots. J’ai envie d’être présente pour mon fils demain, et pas de me remettre d’une atroce gueule de bois qui aurait facilement pu être évitée.

Je ne pouvais compter que sur mon gaydar quand je me suis dirigée vers Zara, la propriétaire de la boulangerie où travaillait Suzy il y a quelques années, trop pour qu’elle m’ait dit si son ancienne patronne était lesbienne et célibataire. Nous nous rapprochons surtout grâce à notre amour mutuel des tatouages, et malgré les quelques signaux que je perçois, je ne suis sûre de rien.

— Mon Dieu, soupire Zara. Cette Sadie Ireland est vraiment séduisante.

Voilà un autre indice, même si j’aurais préféré qu’il ne concerne pas Sadie.

— Elle n’arrête pas de regarder par ici. Je suis flattée, mais c’est perturbant.

— Je pense que la fratrie Ireland a un peu trop bu.

Je jette un bref regard en direction de Sadie. Elle a plus l’air à l’ouest que concentrée sur nous.

— En parlant de ça, reprend Zara, tu veux un autre verre ?

Je hoche la tête.

— Une eau gazeuse avec du citron vert, s’il te plaît.

Quelqu’un doit bien garder les idées claires.

— Je reviens tout de suite.

Je prends place sur une chaise à proximité de la fenêtre pour attendre le retour de Zara. Il fait presque complètement nuit, mais je distingue encore l’océan. La marée est basse, et la plage aussi large qu’attrayante. J’espère que personne n’aura d’idée folle avant le lever du soleil. Résister à l’attrait de l’eau peut s’avérer compliqué, surtout quand les shots vous font croire que vous êtes invincible.

En pleine conversation au bar, Zara met un bon moment à me rejoindre. Sadie est repartie danser avec son frère et sa sœur, ainsi qu’un petit groupe d’invités. Depuis que j’ai Finn, je suis devenue tout l’opposé d’une fêtarde et me suis toujours volontiers proposée pour le garder, même lors des weekends où il est avec son père, qui sort beaucoup moins depuis qu’il a rencontré Bobby, il y a un an.

J’ai bavardé avec Sadie. Nous avons plus ou moins prévu d’aller boire un café ensemble. J’ai obtenu ce que je cherchais, en venant à cette soirée. Mais il reste la promesse de Zara, qui me rejoint justement avec deux verres d’eau pétillante.

— Désolée pour l’attente. Cet endroit regorge de gens de mon passé.

— Pareil.

Je bois mon eau gazeuse d’une seule gorgée.

— Donc tu es la nouvelle patronne de Suzy. Ça veut dire que tu connais bien sa sœur ?

Je ris doucement.

— Je la connaissais bien, il y a longtemps. On était à l’école ensemble.

Au lycée, nous étions même meilleures amies jusqu’à ce que mon cerveau adolescent interprète très mal une situation et gâche tout.

— Techniquement, je suis là uniquement parce que je suis amie avec Suzy. Elle n’a pas travaillé pour moi très longtemps, et je n’ai jamais eu l’occasion de rencontrer Sam et Sadie. Mais tu connais Suzy.

— Elle aime inviter toute la ville à tout, confirmé-je.

— Tant que ce n’est pas à elle de nettoyer le lendemain.

— En parlant de la louve.

Suzy se dirige vers nous sans cesser de danser, les bras tendus.

— Venez, vous deux. Et je n’accepterai pas le moindre refus. Seulement cinq minutes, une seule chanson.

Elle penche la tête et fait la moue.

— On n’a pas le choix, apparemment.

Zara bondit de sa chaise et se laisse traîner sur la piste de danse. Je saisis le bras libre qu’elle me tend. Pourquoi pas, après tout ? Quitte à assister à une soirée, autant en profiter. De plus, ça me rapproche un peu de Sadie, mon éternelle faiblesse.

Elle danse avec bien moins de grâce que tout à l’heure, ses bras battant dans le vide. Même s’il s’agit de sa soirée d’anniversaire, je doute que Sadie reste jusqu’à la fin. En fait, je dirais même qu’il faudrait la ramener chez elle au plus tôt. Je pourrais peut-être me porter volontaire.

— Ça te dirait d’aller boire un verre dans un endroit un peu plus calme, un de ces jours ? me crie soudain Zara dans l’oreille.

Collée contre moi, elle ondule des hanches, et j’ai du mal à lui dire non. Je n’ai de toute façon aucune raison de refuser.

— Ça me plairait bien, je réponds avec un grand sourire.

— Je peux entrer mon numéro dans ton téléphone ?

J’acquiesce et lui tends l’appareil.

— Et voilà.

Quand elle me rend mon portable, elle dépose le plus léger des baisers sur ma joue, dissipant tous mes doutes.

— Je ne peux pas rester plus longtemps. Les boulangers n’ont pas la possibilité de faire la grasse matinée le dimanche.

Je hoche la tête.

— Raison pour laquelle je vais danser comme une folle pendant les dix prochaines minutes, déclare Zara avec un grand sourire. J’espère que tu te joindras à moi.

Mes hanches me paraissent un peu rouillées lorsque j’accélère la cadence, mais la danse est tellement inhérente à la nature humaine que je me perds bien vite dans le rythme. Zara et moi-même nous donnons à fond au cours des trois chansons suivantes, l’abandon et la joie irradiant de la piste de danse me plongeant rapidement dans un état semblable l’ébriété, mais sans la consommation d’alcool.

Zara et moi nous disons au revoir, puis je l’observe en faire de même avec Suzy et Sam. Timide, elle salue Sadie, qui se trouve désormais en bordure de la piste de danse.

Je vais trouver Suzy.

— Tu devrais peut-être emmener Sadie prendre l’air. Elle a l’air d’en avoir besoin.

— Emmène-la dehors, toi.

La réponse marmonnée de Suzy me fait comprendre qu’elle aussi aurait bien besoin de prendre un peu l’air, et pourquoi pas de boire quelques litres d’eau. Cependant, je n’ai aucune intention de discuter avec un membre bourré de la famille Ireland.

— D’accord. J’y vais.

Je rejoins Sadie et lui lance un sourire chaleureux.

— Hey.

— Oh, salut, Devon. Sam et moi étions convaincus que tu allais t’envoyer en l’air, ce soir.

J’éclate de rire et ignore sa remarque. Je pense passer à la boulangerie de Zara, demain. Finn sera sans aucun doute partant pour manger un cupcake.

— On dirait que ce n’est pas le cas.

Sadie vacille, et mon instinct me dicte de poser une main dans le bas de son dos pour l’aider à garder l’équilibre.

— Et si on allait se promener sur la plage ?

Sadie plisse les yeux avant d’acquiescer.

Sur le chemin de la sortie, je demande une grande bouteille d’eau à l’homme derrière le bar. Je retourne ensuite auprès de Sadie et nous traversons la passerelle pour aller sur la plage. Quelques autres fêtards s’y sont rassemblés, éparpillés en petits groupes autour de nous.

Je lui donne la bouteille d’eau, qu’elle boit comme si elle venait de terminer un marathon dans le désert.

— Bordel. Sam et ses foutus shots.

Nous nous rapprochons de l’eau.

— Je ne tiens pas aussi bien l’alcool que lui. Je suis un poids plume d’Hollywood. Je n’ai pas le choix.

Même si je ne comprends pas trop ce qu’elle veut dire, j’encourage Sadie d’un signe de tête.

Elle s’arrête net et prend une profonde inspiration.

— J’habite à Malibu, mais la plage me paraît différente, ici. L’air sent meilleur. L’océan…

Elle me tend sa bouteille et se laisse tomber sur les fesses dans le sable.

Je m’assieds à côté d’elle et lui rends la bouteille afin qu’elle la finisse. Il en faudrait bien plus pour la faire dessoûler, mais c’est un début.

— C’est parce que tu es à la maison. Tout semble différent quand on est chez soi.

— Tu habites où ? me demande-t-elle.

Même s’il fait désormais nuit noire, ses yeux brillent quand elle tourne la tête vers moi.

— À quelques rues de la plage.

Sadie enfonce la bouteille dans le sable et se laisse aller en arrière, en appui sur ses coudes.

— Je ne pourrais pas vivre sans l’océan. Bien avant de pouvoir me payer ma maison à Malibu, je conduisais presque tous les jours jusqu’à Santa Monica, malgré l’horrible circulation de LA, rien que pour humer l’air marin. Quand on a grandi ici, c’est dur de vivre sans…

— Je suis d’accord.

Je comprends parfaitement. Nous avons l’océan dans la peau. Le son des vagues fait partie de notre ADN.

— Tu surfes encore ?

— Comment oses-tu suggérer que ça pourrait ne pas être le cas ? rétorque-t-elle avec un sourire.

— Je ne sais pas. Il paraît qu’Hollywood est un monde assez spécial. Surfer est toujours risqué. La série doit exiger des garanties quant à tes activités en dehors des tournages.

Elle tourne sur son flanc.

— Mon Dieu, Dev, tu n’as pas du tout changé. Tu es toujours la même nana pragmatique et hyper prévoyante qu’au lycée.

— J’ai beaucoup changé, protesté-je en haussant les sourcils.

— Oui, c’est l’effet du temps.

Elle se détourne et s’assied en tailleur, le regard plongé dans l’océan sombre devant nous.

— J’ai hâte d’attraper quelques vagues.

— J’aimerais te voir faire.

— Bien sûr, j’ai quarante ans. Je ne suis plus aussi souple qu’à seize ans, mais j’ai bien plus d’expérience, ça devrait compenser.

Elle se tourne à nouveau vers moi.

— Tu voudrais qu’on aille surfer ensemble, dans la semaine ? J’aimerais te voir sur une planche, moi aussi.

Puisque je suis incapable de refouler mes émotions à l’égard de Sadie, mon cœur s’emballe dans ma poitrine.

— Si tu n’es pas trop occupée avec la femme qui t’a donné son numéro.

— Moi qui te pensais trop ivre pour le remarquer.

— Et pourtant.

Elle me sourit brièvement avant de grimacer.

— Je crois que toute cette eau a un effet indésirable sur mon estomac.

L’eau, bien sûr, pensé-je en bondissant sur mes pieds avant de l’aider à se relever.

— Tu veux que je te ramène chez toi ?

Immobile, Sadie déglutit plusieurs fois. Elle secoue ensuite la tête.

— Je n’ai pas envie d’aller chez Sam. Je connais mon frère mieux que personne, et il va sûrement rentrer aux aurores, rond comme une queue de pelle et avec une minette d’une vingtaine d’années. Ce n’est pas un réveil idéal.

Elle inspire profondément.

— Il prendra sûrement ta présence chez lui en compte.

— Non. Pas ce soir. Il est déjà complètement torché, et ça ne va pas s’arranger d’ici la fin de la soirée.

— Tu veux que je t’emmène chez Suzy ? Je peux retourner à l’intérieur pour récupérer ses clés.

Sadie se balance sur place dans la douce brise nocturne, puis elle se gratte la tête.

— Tu as une chambre d’amis ?

— Moi ?

Je serai sûrement incapable de fermer l’œil si Sadie passe la nuit chez moi. D’un autre côté, l’idée de la voir demain matin, de nouveau sobre, est plus qu’attrayante. Je dirais même qu’il s’agit d’une perspective irrésistible.

— Bien sûr. Oui, tu peux dormir chez moi. Pas de problème.

— Merci, vraiment.

— Ça te va, si on rentre à pied ? C’est à moins de dix minutes de la plage, même avec une planche de surf sous le bras.

— Oui, mais tu veux bien ?

Elle tend le bras, et je la laisse le passer sous le mien. Nous traversons la plage bras dessus, bras dessous, comme si nous étions retournés vingt-quatre ans en arrière où nous étions toujours les meilleures amies ayant bu quelques bières en secret en pleine nuit.

— Heureusement que tu ne t’es pas envoyée en l’air, déclare Sadie quand nous atteignons la promenade.

La forte musique en provenance du bar nous parvient encore.

J’envoie un message à Suzy et Sam pour leur dire que Sadie est entre de bonnes mains et qu’ils n’ont aucune raison de s’inquiéter.

— Qui dit que ce n’est pas le cas ?

Heureusement, l’alcool n’a pas noyé le sens de l’humour de Sadie, et nous gloussons toutes les deux sur le chemin de ma maison.

CHAPITRE5

SADIE

À mon réveil, je ne sais pas du tout où je me trouve. J’ai mal à la tête et l’estomac retourné. Je repousse les couvertures et jette un œil à ma tenue. Une culotte ainsi qu’un tee-shirt gris délavé que je ne reconnais pas. Paniquée, je tourne la tête, mais trouve l’autre côté du lit vide. Je me creuse la cervelle et me remémore Suzy qui s’écrie « Des shots ! Des shots ! Des shots ! ». Je me souviens ensuite d'avoir marché au bras de Devon tandis que nous gloussions comme les ados que nous étions autrefois. Devon. Je suis chez elle. J’inspire. Même si je n’ai pas vu Devon depuis des années, j’ai toujours une entière confiance en elle pour prendre soin de moi quand j’en ai besoin. Je ne devrais peut-être pas, mais je suis quand même là. Dans sa chambre d’amis. Je tends l’oreille, à l’affût du moindre son de l’autre côté de la porte. Un cri strident me parvient, suivi de pas rapides. Qu’est-ce que… ?

Le battant s’ouvre brusquement, puis un enfant se rue dans la pièce.

— Finn ! gronde Devon. Arrête !

Que se passe-t-il ? Qui est cet enfant ?

— Tu es qui et qu’est-ce que tu fais dans le lit de maman ? m’interroge le garçon.

Devon apparaît alors dans l’encadrement de la porte.

— Désolée. Il a mangé un donut chez Hunter, et il a tellement d’énergie qu’il en devient ingérable.

Elle passe un bras sur les épaules de l’enfant.

— Chéri, tu peux aller chez ton père un moment ? Je viens te chercher plus tard. Je suis sûre que Spencer aura encore envie de jouer.

Hunter ? Spencer ? Mon cerveau en gueule de bois n’arrive pas à suivre. De qui parle Devon ? Cet enfant est-il le sien ?

Mon esprit embrumé s’éclaircit quelque peu, et je me souviens que papa m’a annoncé il y a quelques années que Devon avait eu un fils.

— Viens.

Le ton de Devon est cette fois-ci plus ferme, ce qui semble faire réagir Finn. Je n’y suis pas insensible non plus.

— Désolé, clame Finn. Bonne journée.

Sur ces mots, il tourne les talons et s’en va en courant.

— Je reviens tout de suite, m’annonce Devon avant de refermer la porte derrière elle.

Jésus, Marie, Joseph. Dire que j’ai demandé à dormir chez Devon, ce dont j’aurais sûrement dû m’abstenir, afin de jouir d’un réveil tranquille et éviter les questions gênantes de quiconque, mon frère aurait ramené à la maison.

Je tente de retrouver dans ma mémoire tout ce que mon père a bien pu me dire au sujet de cet enfant, à l’époque, mais je fais chou blanc. Qui est le père qu’a mentionné Devon ? Je la croyais lesbienne. En fait, j’étais la première personne à connaître cette information à son sujet. Peut-être suis-je désormais la dernière au courant de la fluidité de son orientation sexuelle. Tout est possible, évidemment, et je meurs d’envie d’en savoir plus.

Ma tête me rappelle encore pourquoi je dois avoir une conversation sérieuse avec mon frère. Mon jean est proprement plié sur une chaise. Impossible que je m’en sois chargée, dans l’état où j’étais. Devon a dû m’aider à me déshabiller. Quel retour à la maison !

J’entends un tapotement léger à la porte.

— Sadie ? Je peux entrer ?

— J’arrive dans quelques minutes.

— D’accord. J’ai préparé du café frais.

Dix minutes plus tard, je me trouve sur le porche à l’arrière de la maison de Devon, une tasse fumante de café fort à la main.

— Je ne savais pas si tu étais au courant de l’existence de mon fils, mais c’est désormais certain.

Ses cheveux attachés, Devon a l’air parfaitement radieuse sous le soleil matinal.

— Je ne pouvais pas vraiment le manquer.

— Finn a cinq ans. Les enfants de cet âge ont tellement d’énergie. Je ne cesse de m’en étonner.

— Tu as parlé de son père ?

Devon sourit.

— Mon meilleur ami, répond-elle avant de pencher la tête. Hunter est gay. On voulait tous les deux un enfant, et on s’est dit qu’à nous deux, on avait tout l’équipement nécessaire pour y parvenir.

J’écarquille les yeux.

— Ouah.

— On ne l’a pas conçu de façon naturelle, si jamais tu te posais la question.

L’expression béate de Devon est plus qu’éloquente.

— Mon cerveau tourne au ralenti, ce matin.

— Comme Hunter est mon voisin, Finn va et vient comme il veut, surtout le weekend. D’où ta surprise matinale très bruyante.

Son regard plongé dans le mien, elle rit tout bas.

— J’imagine que tout ça doit te choquer. Et je suppose que ça l’a perturbé de te trouver dans ma chambre plutôt que dans la chambre d’amis.

Elle me lance un sourire désolé.

— Je ne m’attendais pas à avoir des invités, donc la chambre n’était pas vraiment prête. J’ai dormi dans la chambre de Finn.

— Oh, mon dieu. Je suis vraiment désolée. Si ça peut te rassurer, tu parais étonnamment reposée pour quelqu’un qui n’a pas dormi dans son propre lit.

Le rouge monte aux joues de Devon. Elle a toujours été prompte à rougir. Je l’avais oublié, comme bien trop d’autres choses.

— Et qui a dû ramener une femme scandaleusement alcoolisée chez elle, ajouté-je pour alléger l’atmosphère.

— Comment est-ce que tu te sens ? m’interroge Devon en cachant une joue enflammée derrière sa tasse.

— Ça pourrait être bien pire, si j’étais restée plus longtemps et que je n’avais pas bu cette bouteille d’eau. Merci de t’être occupée de moi, Devon. C’était vraiment sympa de ta part.

— C’est à ça que servent les vieux amis.

— Je te suis quand même très reconnaissante. J’ai hâte de voir dans quel état sont mon frère et ma sœur ce matin.

— Il vaudrait mieux leur laisser un peu de temps avant d’aller les voir.

Les joues de Devon retrouvent leur couleur normale.

— Au fait, j’ai envoyé des messages à Sam ainsi qu’à Suzy hier soir, pour leur dire de ne pas s’inquiéter pour toi.

— Je parie qu’à la fin de cette épique soirée, ils avaient tous les deux oublié ma présence.

— J’en doute. Suzy parle tout le temps de toi. Elle s’est peut-être laissée emporter par le bonheur de ton retour. Au moins pendant un moment.

— Je m’inquiète pour eux, parfois. J’ai l’impression qu’on est tous les trois dénués du gène qui nous rendrait capables d’entretenir une relation sur le long terme.

— Tu es restée mariée un certain temps, pourtant, non ?

— Sept ans. C’est plus long que n’importe laquelle des relations de Sam ou de Suzy, mais à quarante ans, ça n’est pas exactement un historique exemplaire.

— De ce que j’en sais, Suzy est très heureuse. Quant à Sam, je ne le connais pas très bien.

— Je me demande parfois si Sam est réellement heureux. N’est-il pas un peu trop vieux pour cette vie de surfeur play-boy ?

— Il est le seul à pouvoir répondre à cette question.

J’aimerais dire que c’est parce que nous avons grandi sans mère, mais je ne voudrais pas plomber la conversation. De plus, mon cerveau est encore trop endormi pour lancer une conversation sur l’absence de ma mère.

— Tu es célibataire ? demandé-je à Devon par-dessus le bord de ma tasse.

— Oh, que oui ! Les rencards ne sont plus vraiment une priorité depuis la naissance de Finn. Les trois premières années avec un bébé sont complètement folles, même si le père habite juste à côté. Hunter vivait pratiquement chez moi, à cette époque, afin que je puisse dormir un peu, même si Finn était réveillé.

— J’ai hâte de rencontrer ce Hunter, déclaré-je brusquement.

— Il a sans aucun doute hâte de te rencontrer, lui aussi. S’il apprend que Leona King a dormi chez moi, il n’en reviendra pas. Il risque de me demander les draps dans lesquels tu étais.

Je hausse les sourcils, et Devon éclate de rire.

— Tu dois bien savoir que Mike est plutôt, comment dire, populaire auprès de la communauté gay, tout comme toi.

— Je suis populaire par association avec les impressionnants biceps de mon ex-mari ?

— Eh bien, en réalité, ton personnage a toujours plus intéressé le public lesbien. Ironiquement, on en a discuté l’autre jour avec Hunter et Bobby. Selon nous, c’est la raison de la longévité de King & Prince. Tous les groupes cibles sont pris en compte. Il y a quelque chose pour tout le monde.

Cela me tire un petit rire.

— Dit comme ça.

Devon retrouve son sérieux.

— Comment ça va, avec Mike ? Ça ne doit pas être facile de travailler ensemble après un divorce aussi médiatisé.

— Pour commencer, je suis consciente d’être dans une position extrêmement privilégiée.

Je referme les mains sur ma tasse de café désormais vide, la porcelaine conservant encore une partie de la chaleur de la boisson.

— Mais oui, ça a été compliqué. On n’est pas à couteaux tirés, mais tourner avec lui me rappelle constamment tout ce qui a mal tourné entre nous.

J’espère que Devon ne va pas m’interroger sur ce qui a mal tourné entre Mike et moi. Ce n’est pas une conversation pour un dimanche matin en gueule de bois.

— Tu pourrais peut-être m’en parler, un jour.

Elle soulève la cafetière.

— Tu en veux encore ?

— Je devrais sûrement y aller. Ton fils t’attend.

— Il est avec son père, donc tout va bien. Si j’en crois l’absence de bruit en provenance de la maison voisine, ils ont dû emmener Spencer en promenade.

Devon remplit ma tasse.

— Spencer est leur chien. Bobby est le partenaire de Hunter.

— Oh, il y a aussi un partenaire.

— Une addition récente à notre famille recomposée.

Le ton de Devon est-il crispé, ou n’est-ce qu’une impression ?

— Donc Hunter s’est remis aux rencontres.

Devon hoche sèchement la tête.