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L’écrivain Pierre Loti, de son vrai nom Julien Viaud, réalise son rêve d’enfance en 1901 en visitant les ruines de la cité mythique d’Angkor au Cambodge. Il fait ainsi partie des premiers explorateurs occidentaux à redécouvrir les majestueux temples khmers engloutis sous l’exubérante jungle asiatique. Son récit de voyage à la fois précis et poétique a nourri le rêve d’exotisme de nombreux lecteurs. Cet ouvrage de référence est complété par un mini-guide pratique illustré. Celui-ci vous donnera les clefs pour, à votre tour, découvrir la magie de ces trésors archéologiques inscrits au patrimoine mondial de l’humanité de l’UNESCO depuis 1992 (Quand partir ?, Comment s’y rendre ?, Descriptions des principaux temples, etc.).
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TABLE DES MATIERES
UN PELERIN D’ANGKOR – Pierre LOTI 3
À Monsieur Paul Doumer 4
Chapitre 1 5
Chapitre 2 8
Chapitre 3 10
Chapitre 4 12
Chapitre 5 13
Chapitre 6 16
Chapitre 7 19
Chapitre 8 33
Chapitre 9 45
Chapitre 10 52
Chapitre 11 54
Chapitre 12 58
Chapitre 13 62
BIENVENUE A ANGKOR – Guide Pratique 66
Présentation 67
Conseils pratiques 69
Les principaux temples et leurs caractéristiques 73
1. ANGKOR VAT 74
2. ANGKOR THOM ET LE BAYON 76
3. PREAH KHAN 78
4. NEAK PEAN 80
5. TA PROHM 82
Visiter en évitant la foule 84
Copyright © 2018 par FV Editions
Photographies et graphismes : Pixabay et FV Editions
ISBN : 979-10-299-0522-3
Pierre Loti
UN PÈLERIN D’ANGKOR
1912
Cher ami,
Vous gouverniez là-bas – et avec quelles facultés merveilleuses ! – la dernière fois que j’y suis allé. Je dois à votre hospitalité exquise d’avoir pu, en très peu de jours, pénétrer jusqu’à Angkor ; veuillez donc accepter la dédicace de ce récit, comme un témoignage de mon affectueuse reconnaissance, et aussi de mon admiration.
Et puis, pardonnez-moi d’avoir dit que notre empire d’Indo-Chine manquerait de grandeur et surtout manquerait de stabilité, – quand vous avez travaillé, si glorieusement et pacifiquement, pour lui assurer de la durée ! Que voulez vous, je ne crois pas à l’avenir de nos trop lointaines conquêtes coloniales. Et je pleure tant de milliers et de milliers de braves petits soldats, qu’avant votre arrivée nous avons couchés dans ces cimetières asiatiques, alors que nous aurions si bien pu épargner leurs vies précieuses, ne les risquer que pour les suprêmes défenses de notre cher sol français…
PIERRE LOTI.
e ne sais pas si beaucoup d’hommes ont comme moi depuis l’enfance pressenti toute leur vie. Rien ne m’est arrivé que je n’aie obscurément prévu dès mes premières années.
Les ruines d’Angkor, je me souviens si bien de certain soir d’avril, un peu voilé, où en vision elles m’apparurent ! Cela se passait dans mon « musée » d’enfant, – très petite pièce, en haut de ma maison familiale, où j’avais réuni beaucoup de coquillages, d’oiseaux des îles, d’armes et de parures océaniennes, tout ce qui pouvait me parler des pays lointains. Or il était décidé tout à fait à cette époque, par mes parents, que je resterais près d’eux, que jamais je n’irais courir le monde, comme mon frère aîné qui venait de mourir là-bas en Extrême-Asie.
Ce soir-là donc, écolier toujours inattentif, j’étais allé m’enfermer au milieu de ces choses troublantes, pour flâner plutôt que de finir mes devoirs, et je feuilletais des papiers jaunis, revenus de l’Indo-Chine dans les bagages de mon frère mort. Des carnets de notes. Deux ou trois livres chinois. Ensuite un numéro de je ne sais quelle revue coloniale où était contée la découverte de ruines colossales perdues au fond des forêts du Siam ; il y avait une image devant laquelle je m’arrêtai saisi de frisson : de grandes tours étranges que des ramures exotiques enlaçaient de toutes parts, les temples de la mystérieuse Angkor ! Pas un instant d’ailleurs je ne doutai que je les connaîtrais, envers et contre tous, malgré les impossibilités, malgré les défenses.
Pour y songer mieux, j’allai m’accouder à la fenêtre de mon « musée », celle de toute la maison d’où l’on voyait le plus loin ; il y avait d’abord les vieux toits du tranquille voisinage, puis les arbres centenaires des remparts, au delà enfin la rivière par où les navires s’en vont à l’Océan.
Et j’eus cette fois la prescience très nette d’une vie de voyages et d’aventures, avec des heures magnifiques, presque un peu fabuleuses comme pour quelque prince oriental, et aussi des heures misérables infiniment. Dans cet avenir de mystère, très agrandi par mon imagination enfantine, je me voyais devenant une sorte de héros de légende, idole aux pieds d’argile, fascinant des âmes par milliers, adoré des uns, mais suspecté et honni des autres. Pour que mon personnage fût plus romanesque, il fallait qu’il y eût une ombre à la renommée telle que je la souhaitais… Cette ombre, que serait-ce bien ?… Quoi de chimérique et d’effarant ?… Pirate peut-être… Oui, il ne m’eût pas trop déplu d’être soupçonné de piraterie, tout là-bas, sur des mers à peine connues…
Ensuite m’apparut mon propre déclin, mon retour au foyer, bien plus tard, le cœur lassé et les cheveux blanchissants. Ma maison familiale serait restée pareille, pieusement conservée, – mais çà et là, percées dans les murs, des portes clandestines conduiraient à un palais de Mille et une Nuits, plein des pierreries de Golconde, de tout mon butin fantastique. Et, comme la Bible était en ce temps-là mon livre quotidien, j’entendais murmurer dans ma tête des versets d’Ecclésiaste sur la vanité des choses. Rassasié des spectacles de ce monde, tout en rentrant, vieilli, dans ce même petit musée de mon enfance, je disais en moi-même : « J’ai tout éprouvé, je suis allé partout, j’ai tout vu, etc.… » – Et, parmi tant de phrases déjà tristement chantantes qui vinrent alors me bercer à cette fenêtre, l’une, je ne sais pourquoi, devait rester gravée dans mon souvenir, celle-ci : « Au fond des forêts du Siam, j’ai vu l’étoile du soir se lever sur les grandes ruines d’Angkor… »
Un coup de sifflet, à la fois impérieux et doux, me fit soudain redevenir le petit enfant soumis qu’en réalité je n’avais pas cessé d’être. Il partait d’en bas, de la cour aux vieux murs enguirlandés de plantes. Je l’aurais reconnu entre mille : c’était l’appel coutumier de mon père, chaque fois que j’étais légèrement en faute. Et je répondis : « Je suis là-haut dans mon musée. Que veux-tu, bon père ? Que je descende ? »
Il avait dû entrer dans mon bureau et jeter les yeux sur mes devoirs inachevés.
– Oui, descends vite, mon petit, finir ta version grecque, si tu veux être libre après dîner pour aller au cirque.
(J’adorais le cirque ; mais je peinais cette année-là sous la férule d’un professeur exécré que nous appelions le Grand-Singe-Noir, et mes devoirs trop longs n’étaient jamais finis.)
Donc, je descendis m’atteler à cette version. La cour, nullement triste pourtant, entre ses vieux petits murs garnis de rosiers et de jasmins, me sembla trop étroite, trop enclose, et je jugeai trop nébuleux, un peu sinistre même, le crépuscule d’avril qui y tombait à cette heure : j’avais en tête le ciel bleu, l’espace, les mers, – et les forêts du Siam où s’élèvent, parmi des banians, les tours de la prodigieuse Angkor.
Samedi, 23 novembre 1901.
nviron trente-cinq ans plus tard.
Une pluie chaude, pesante, torrentielle, se déverse de nuages plombés, inonde les arbres et les rues d’une ville coloniale qui sent le musc et l’opium. Des Annamites, des Chinois demi-nus circulent empressés, à côté de soldats de chez nous qui ont la figure pâlie sous le casque de liège. Une mauvaise chaleur mouillée oppresse les poitrines ; l’air semble la vapeur de quelque chaudière où seraient mêlés des parfums et des pourritures.
Lesen Sie weiter in der vollst?ndigen Ausgabe!
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